Natalité et immigration

Crowd Kids Children People Blurry - jillrose999 / Pixabay
L'essentiel :
  • En vingt ans, entre 2001 et 2021, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont français a baissé de 17,5%.
  • Dans le même temps, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a augmenté de 45,3%.

  • En 2021, près d’un tiers des enfants nés en France (31,4%) ont un au moins de leur parent né à l’étranger. Et près de 9 naissances sur 10 (89,5%) d’enfants dont les deux parents sont nés à l’étranger concernent des parents nés hors de l’Union européenne.

  • Les immigrées algériennes en France ont en moyenne 3,69 enfants par femme au cours de leur vie, soit nettement plus qu’en Algérie même (3 enfants par femme) et que les Françaises non immigrées (1,88 enfants par femme en 2014).

  • En 2016, près d’un nouveau-né garçon sur cinq (18,8%) portait un prénom d’origine arabo-musulmane. Ce taux était proche de 0% jusqu’aux années 1960.

L’évolution de la population française n’est pas uniquement déterminée par l’immigration et l’émigration mais aussi par l’évolution des naissances et des décès.

Pour rappel : Variation de la population = solde naturel (naissances – décès) + (immigration – émigration).

L’immigration exerce cependant une influence sur le solde naturel puisqu’une partie croissante des naissances résulte directement ou indirectement de l’immigration. Il est ainsi possible de distinguer parmi les naissances celles pour lesquelles les parents sont étrangers ou non, ressortissants de l’UE ou non, nés à l’étranger ou non. Ces informations sont notamment fournies par l’INSEE à partir de ses Statistiques de l’état civil. La première partie de l’article s’attache à présenter certains des enseignements de ces statistiques.

Sur la période récente, d’autres approches méthodologiques ont été développées pour permettre une connaissance plus fine de la natalité en France : malgré leurs forces et leurs faiblesses, celles-ci présentent un intérêt et seront abordées dans une seconde partie.

Les statistiques et données ci-dessous présentent des flux - en l’occurrence des naissances par année. Ajoutées à celles sur les flux migratoires, elles permettent d’estimer la part de la population immigré et d’origine immigrée (stocks).

1. Selon les statistiques fournies par l’INSEE, l’immigration et les personnes nées à l’étranger contribuent de plus en plus aux naissances chaque année en France

1.1. En 2021, près d’un tiers des enfants nés en France avaient un parent né à l’étranger et près d’un sixième les deux parents nés à l’étranger

L’ensemble des données ci-dessous sont issues des statistiques de l’état civil de l’INSEE et du document « Naissances selon le pays de naissance des parents » de l’INSEE[1]. Elles concernent la France métropolitaine.

Année de 2001 à 2021

Deux parents nés en France

Au moins un parent né à l'étranger

Un parent né en France, un parent né à l'étranger

Deux parents nés à l'étranger

Deux parents nés dans un pays de l'UE 27

Deux parents nés hors UE 27

2001

620 403

182 831

107 086

75 745

5 088

68 037

2002

604 662

188 083

109 201

78 882

4 712

71 535

2003

599 822

193 222

112 034

81 188

4 887

73 553

2004

598 206

201 155

115 833

85 322

4 830

77 695

2005

599 295

207 527

120 258

87 269

4 703

79 760

2006

613 526

215 826

125 671

90 155

5 121

82 059

2007

603 536

215 169

125 743

89 426

5 207

81 351

2008

609 753

218 651

127 416

91 235

5 597

82 646

2009

601 168

223 473

130 822

92 651

5 853

83 689

2010

606 250

226 549

134 891

91 658

6 158

82 321

2011

604 077

219 317

119 114

100 203

7 238

89 844

2012

598 473

222 574

119 957

102 617

7 938

91 676

2013

583 864

227 646

119 643

108 003

8 365

96 369

2014

579 106

239 459

123 855

115 604

9 259

102 883

2015

559 021

239 927

121 541

118 386

9 919

104 904

2016

541 811

241 829

120 760

121 069

10 407

106 984

2017

527 120

242 433

119 021

123 412

10 274

109 500

2018

516 483

242 107

116 670

125 437

10 096

111 544

2019

507 928

245 455

116 147

129 308

10 070

115 548

2020

498 518

236 678

111 971

124 707

9 708

111 249

2021

508 913

233 139

112 587

120 552

9 462

107 315

En vingt ans, entre 2001 et 2021, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont nés en France a baissé de 18%. Dans le même temps, le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est né à l’étranger a quant à lui augmenté de 27,5% et le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont nés à l’étranger a progressé de 59,1%. Les graphiques ci-dessous permettent de retracer cette évolution :

Une image contenant graphiqueDescription générée automatiquement

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 Les données ci-dessous montrent ce que représentent en % les différents types de naissances. Ainsi, en 2021,  seules 68,6% des naissances, soit environ deux enfants sur trois, sont le fait de parents nés en France. 31,4% des naissances - soit près d’un tiers - sont le fait de parents dont un au moins est né à l’étranger et 16,2% de deux parents nés à l’étranger, pour l’essentiel hors de l’Union européenne. En effet, près de 9 naissances sur 10 (89%) d’enfants dont les deux parents sont nés à l’étranger concernent deux parents nés hors de l’Union européenne :

Année de 2001 à 2021

Deux parents nés en France

Au moins un parent né à l'étranger

Un parent né en France, un parent né à l'étranger

Deux parents nés à l'étranger

Deux parents nés dans un pays de l'UE 27

Deux parents nés hors UE 27

2001

77,2

22,8

13,3

9,4

0,6

8,5

2002

76,3

23,7

13,8

10

0,6

9

2003

75,6

24,3

14,1

10,2

0,6

9,3

2004

74,8

25,1

14,5

10,7

0,6

9,7

2005

74,3

25,7

14,9

10,8

0,6

9,9

2006

74,0

26,0

15,1

10,9

0,6

9,9

2007

73,7

26,3

15,3

10,9

0,6

9,9

2008

73,6

26,4

15,4

11,0

0,7

10,0

2009

72,9

27,1

15,9

11,2

0,7

10,1

2010

72,8

27,2

16,2

11,0

0,7

9,9

2011

73,3

26,6

14,5

12,2

0 ,9

10,9

2012

72,9

27,1

14,6

12,5

1,0

11,2

2013

71,9

28,0

14,7

13,3

1,0

11,9

2014

70,7

29,2

15,1

14,1

1,1

12,6

2015

70,0

30,0

15,2

14,8

1,2

13,1

2016

69,1

30,8

15,4

15,4

1,3

13,6

2017

68,5

31,51

15,5

16,0

1,3

14,2

2018

68,0

31,9

15,4

16,5

1,3

14,7

2019

67,4

32,6

15,4

17,1

1,3

15,3

2020

67,8

32,2

15,2

17,0

1,3

15,1

2021

68,6

31,4

15,1

16,2

1,3

14,5

Une image contenant graphiqueDescription générée automatiquement

1.2. Entre 2001 et 2021, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont français a baissé tandis que le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est étranger a quant à lui fortement augmenté

L’ensemble des données ci-dessous sont issues des statistiques de l’état civil de l’INSEE et du document « Naissances selon la nationalité des parents » de l’INSEE[2]. Elles concernent la France métropolitaine.

Année de 2001 à 2021

Ensemble

Deux parents français

Au moins un parent étranger

Un parent français, un parent étranger

Deux parents étrangers

Deux parents de nationalité de l'UE 27

Deux parents de nationalité hors UE 27

2001

803 234

675 184

128 050

73 909

54 141

5 352

47 414

2002

792 745

658 465

134 280

78 790

55 490

5 038

49 032

2003

793 044

654 357

138 687

82 618

56 069

5 060

49 396

2004

799 361

652 828

146 533

88 746

57 787

5 051

51 044

2005

806 822

655 455

151 367

94 167

57 200

4 966

50 430

2006

829 352

670735

158 617

100 342

58 275

5 390

50 976

2007

818 705

660 630

158 075

101 447

56 628

5 485

49 085

2008

828 404

666 399

162 005

105 071

56 934

5 898

48 867

2009

824 641

658 821

165 820

108 392

57 428

6 194

48 955

2010

832 799

667 707

165 092

110 768

54 324

6 424

45 521

2011

823 394

659 834

163 560

105 767

57 793

7 321

48 012

2012

821 047

651 577

169 470

108 905

60 565

8 054

49 830

2013

811 510

638 576

172 934

109 809

63 125

8 655

51 433

2014

818 565

634 027

184 538

115 647

68 891

9 755

55 575

2015

798 948

612 877

186 071

114 867

71 204

10 563

56 823

2016

783 640

595 784

187 856

113 711

74 145

11 129

58 855

2017

769 553

580 453

189 100

113 178

75 922

11 087

60 312

2018

758 590

568 714

189 876

111 848

78 028

11 147

61 936

2019

753 383

559 049

194 334

112486

81 848

11 178

65 513

2020

735 196

546 718

188 478

108 113

80 365

10 900

64 219

2021

742 052

557 121

184 931

106 276

78 655

10 676

62 754

 En vingt ans, entre 2001 et 2021, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont français a ainsi baissé de 17,5%. Dans le même temps, le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est étranger a quant à lui augmenté de 44,4% et le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a progressé de 45,3%. Les graphiques ci-dessous permettent de retracer cette évolution :

Une image contenant graphiqueDescription générée automatiquement

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Les données ci-dessous montrent ce que représentent en % les différents types de naissance. Ainsi, si 75% des naissances en 2021 sont le fait de parents français, 24,9% des naissances - soit le quart - sont le fait de parents dont un au moins l’un d’entre eux est étranger et 10,6% de deux parents étrangers.

Année de 1998 à 2018

Ensemble

Deux parents français

Au moins un parent étranger

Un parent français, un parent étranger

Deux parents étrangers

Deux parents de nationalité de l'UE 27

Deux parents de nationalité hors UE 27

2001

100,0

84,06

15,9

9,2

6,7

0,7

5,9

2002

100,0

83,06

16,9

9,9

7

0,6

6,2

2003

100,0

82,5

17,5

10,4

7,07

0,6

6,2

2004

100,0

81,6

18,3

11,1

7,2

0,6

6,4

2005

100,0

81,2

18,7

11,67

7,1

0,6

6,2

2006

100,0

80,9

19,1

12,1

7

0,65

6,15

2007

100,0

80,7

19,3

12,4

6,9

0,7

6

2008

100,0

80,4

19,5

12,7

6,9

0,7

5,9

2009

100,0

79,9

20,2

13,1

6,9

0,75

5,9

2010

100,0

80,1

19,8

13,3

6,5

0,77

5,5

2011

100,0

80,1

19,8

12,8

7

0,9

5,8

2012

100,0

79,3

20,6

13,2

7,4

1

6,1

2013

100,0

78,7

21,3

13,5

7,8

1,07

6,3

2014

100,0

77,5

22,5

14,1

8,4

1,2

6,8

2015

100,0

76,7

23,3

14,4

8,9

1,3

7,1

2016

100,0

76

24

14,5

9,46

1,4

7,5

2017

100,0

75,4

24,6

14,7

9,9

1,4

7,8

2018

100,0

75

25

14,7

10,3

1,5

8,1

2019

100,0

74,2

25,8

14,9

10,8

1,5

8,7

2020

100,0

74,3

25,6

14,7

10,9

1,5

8,7

2021

100,0

75

24,9

14,3

10,6

1,4

8,4

Focus : Intérêt et limites de la méthode

En ce qui concerne les naissances d’enfants dont les parents sont nés à l’étranger, il convient de préciser que cette catégorie comprend les cas d’enfants dont les parents sont nés hors UE de parents français. Cependant, a priori, seule une infime partie est concernée par cette situation, et dans tous les cas, cela ne change pas vraiment l’augmentation en pourcentage considérée (puisqu’il est improbable que la proportion d’individus nés hors de l’UE mais de nationalité française parmi les parents nés hors de l’UE ait beaucoup changé).Il est plus intéressant de noter que, parmi les parents nés en France, certains sont eux-mêmes issus de l’immigration extra-européenne. Cela conduit à conclure que les chiffres ci-dessous sous-estiment ainsi la contribution de l’immigration à la natalité en France. En effet, d’après l’enquête Trajectoires et origines de l’INSEE[3], entre 2006 et 2008, quand un nouveau-né avait un parent né hors de l’UE et un parent né en France, ce dernier était lui-même enfant d’immigré dans 40% des cas. Les méthodes présentées dans la seconde partie, couplée à aux données présentées ici, permet d’affiner l’analyse de la natalité en France.

2. Les femmes immigrées en France font plus d’enfants en moyenne que les femmes non immigrées

Selon les travaux du démographe François Héran, professeur au Collège de France , il existe un différentiel de fécondité notable entre les femmes non immigrées (1,88 enfants par femme en 2014) et les femmes immigrées (2,75 enfants par femme en moyenne). Ce différentiel est particulièrement accentué dans certaines origines migratoires – chiffres 2014 :

  • Les immigrées algériennes en France ont en moyenne 3,69 enfants par femme au cours de leur vie, soit nettement plus qu’en Algérie même (3 enfants par femme).
  • Les immigrées tunisiennes ont en moyenne 3,5 enfants par femme, soit nettement plus qu’en Tunisie même (2,4 enfants par femme).
  • Les immigrées marocaines ont en moyenne 3,47 enfants par femme, soit nettement plus qu’au Maroc même (2,2 enfants par femme).
  • Les immigrées turques ont en moyenne 3,12 enfants par femme, soit nettement plus qu’en Turquie même (2,1 enfants par femme).
  • Les immigrées originaires de pays d’Afrique hors-Maghreb ont en moyenne 2,91 enfants par femme.

Une image contenant graphiqueDescription générée automatiquement

L’hypothèse selon laquelle l’installation en France incite les immigrées à faire des enfants se trouve corroborée par une récente étude de l’INSEE (parue en février 2023)[4], laquelle établit que le pic des naissances chez les femmes immigrées se situe dès la première année après leur première entrée en France (voir graphique ci-dessous) :

3. D’autres façon d’analyser les naissances : l’usage des prénoms et le dépistage de la drépanocytose. Intérêt et limites.

Les statistiques fournies par l’INSEE permettent de distinguer parmi les naissances d’enfants celles qui concernent des parents français ou non, ressortissants de l’UE ou non et celles qui concernent des parents nés à l’étranger ou non. Si d’autres pays ont des statistiques plus fines, permettant de remonter sur plusieurs générations l’origine des parents ou des grands parents, ce n’est pas le cas de la France. Plusieurs démographes - voir notamment Michèle Tribalat et Bernard Aubry[5] - ont cependant tenté d’identifier dans leur travaux le rôle de l’immigration dans l’évolution de la démographie française en estimant sur plusieurs générations la part de la population d’origine immigrée, du fait de l’immigration mais aussi de la natalité.

De façon plus sommaire, deux méthodes ont été utilisées sur la période récente pour tenter d’analyser plus finement l’évolution des naissances en fonction de l’origine culturelle ou géographique des parents : l’usage des prénoms et le dépistage de la drépanocytose.

3.1. L’analyse anthroponymique ou l’étude des prénoms des nouveau-nés

Cet outil d’analyse a été popularisé par l’analyste politique Jérôme Fourquet qui l’utilise notamment dans son dernier livre L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée[6]. Il lui permet ainsi de montrer le poids démographique croissant des populations issues de l’immigration arabo-musulmane. Il s’agit néanmoins d’une méthode éprouvée. Si Jérôme Fourquet l’a utilisée pour la première fois dans le cadre d’un travail pour la Fondation Jean Jaurès[7], la méthode onomastique a également été utilisée par Georges Felouzis en 2005 pour analyser les phénomènes de ségrégation scolaire[8] ou encore par Libération en 2012 pour mettre en évidence la faible présence des personnes issues de l’immigration ou représentant la diversité parmi les membres des cabinets du gouvernement Jean-Marc Ayrault[9].

La méthode utilisée par Fourquet repose sur le fait que le choix des prénoms par les familles peut servir d’indicateur pour identifier le poids des populations de différentes cultures, ici arabo-musulmane. Il est ici question de culture : non pas de religion ou de nationalité. Après avoir rigoureusement classé les prénoms selon la culture à laquelle ils appartiennent, Jérôme Fourquet dresse un tableau statistique à partir des données de l’INSEE qui permet de quantifier le nombre de nouveau-nés portant un prénom d’origine arabo-musulmane depuis 1900.

Le graphique ci-dessous représente la part de garçon portant un prénom arabo-musulman parmi les nouveau-nés garçons, année après année, depuis 1900[10]. Ces chiffres pourraient être extrapolés chez les filles.

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Extrait de L'Archipel français. Naissance d'une nation multiple et divisée, de Jérôme Fourquet.

Pour l’auteur,  « la trajectoire de cette courbe est des plus impressionnantes et montre de manière très nette l’une des principales métamorphoses qu’a connue la société française au cours des dernières décennies : alors que la population issue de l’immigration arabo-musulmane était quasiment inexistante en métropole jusqu’au milieu du XXe siècle, les enfants portant un prénom les rattachement culturellement et familialement à cette immigration représentaient 18,8% des naissances en 2016, soit près d’une naissance sur cinq ». Comme l’a montré la démographe Michèle Tribalat, cette trajectoire de courbe est très clairement indexée sur celle des flux d’immigrés[11]. Alors qu’il était à moins de 1% en 1960, le pourcentage de prénoms arabo-musulmans atteint près de 19% chez les garçons en 2016. Par ailleurs, au niveau départemental, les départements où le taux dépasse la moyenne nationale sont généralement les plus peuplés.

FOCUS : avantages, limites, intérêt de la méthode

L’analyse anthroponymique ci-dessus doit être correctement interprétée. Il convient de rappeler que « toutes les personnes portant un prénom originaire des mondes arabo-musulmans ne sont pas nécessairement musulmanes », comme le note Jérôme Fourquet. Par ailleurs, ces chiffres sont des tendances et ne peuvent pas être considérés comme exacts à l’unité près. Enfin, ils ne concernent ici que les prénoms arabo-musulmans : pour identifier plus largement les prénoms d’origine étrangère, il serait par exemple intéressant d’y intégrer ceux originaires d’Afrique de l’Ouest comme le fait en partie l’auteur pour les prénoms féminins (Fatoumata, Aminata, Hawa, Bintou, etc.)

L’analyse effectuée par Jérôme Fourquet présente surtout de nombreux avantages. D’abord, elle permet de suivre l’évolution des prénoms donnés depuis 1900 et permet d’identifier différentes phases comme le montre le graphique ci-dessus. Par ailleurs, la méthode utilisée est particulièrement robuste puisque l’auteur écarte de son étude un certain nombre de prénoms aux origines ambiguës ou doubles tels que Sarah - appartenant tant à la culture hébraïque qu’arabo-musulmane. Ainsi, les chiffres produits par Jérôme Fourquet sont une estimation basse. Enfin, la robustesse de la méthode utilisée s’illustre également par le fait que d’autres études avec d’autres méthodes aboutissent à des résultats équivalents. Michèle Tribalat, dans le cadre de l’enquête Teo de l’INED et de l’INSEE conduite en 2008, arrivait à une conclusion équivalente en montrant que sur la période 2006-2008, les naissances intervenues dans un foyer comptant un ou deux parent(s) musulman(s) représentaient 18% des naissances en France.

 

3.2. L’analyse des statistiques relatives au dépistage de la drépanocytose

L’utilisation des statistiques relatives au dépistage de la drépanocytose pour affiner la compréhension des statistiques de la natalité en France a fait l’objet de plusieurs polémiques. Popularisée par le site internet identitaire Fdesouche[12], la méthode a fait l’objet de critiques et de contre-analyses, notamment de la part de FranceTV Info[13] et des Décodeurs du Monde[14].

Qu’est-ce que la drépanocytose et en quoi consiste la méthode ? Comme l’explique le journal Le Monde, « la drépanocytose est une maladie génétique qui touche particulièrement certaines populations issues de l’Outre-Mer, d’Afrique ou du Maghreb. Cette maladie génétique, l’une des plus fréquentes en France et dans le monde, consiste en une anomalie de la structure de l’hémoglobine. Elle a des conséquences graves : anémies, infections bactériennes, accidents vasculaires occlusifs. On compte 12 000 malades en France, et on recense environ 400 cas parmi les nourrissons chaque année. »

Cette maladie entraîne un dépistage d’une partie des nouveau-nés français - et d’une partie seulement. Comme le précise le journal, « la maladie se rencontrant plus fréquemment chez les populations originaires d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, des Antilles, d’Inde ou du sud de l’Europe (Grèce et Italie), ce sont les nourrissons issus de familles originaires de ces zones qui sont testés. » La Haute Autorité de santé explique ainsi que le dépistage néonatal est réalisé en métropole de manière ciblée sur la population des nouveau-nés issus de parents originaires de populations à risque.

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Source : Haute autorité de la santé (HAS)[15]

Les Décodeurs du Monde se sont ainsi penchés sur la manière dont sont réalisés ces dépistages en pratique. « Les rapports officiels ne la détaillent d'ailleurs pas. “Dans la pratique, explique Valérie Gauthereau, directrice de la fédération parisienne de dépistage, on essaye dans les maternités de cibler les personnes d’origine maghrébine ou africaine.” Un ciblage qui se fait sur des critères assez informels : faciès des parents, nom de famille… mais qui peut avoir des ratés. »

Pour les utilisateurs des statistiques du dépistage néonatal de la drépanocytose, celles-ci permettraient de connaître le nombre de naissances issues de l’immigration. Ainsi, à partir des statistiques fournies par l’association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE) - voir-ci dessous, le site internet identitaire Fdesouche dresse une carte - également présentée ci-dessous - de ce qu’il considère être les naissances d’origine étrangère.

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Source : Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant

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 Ainsi, selon ce site, en 2016, plus de 39% des nouveau-nés seraient d’origine extra-européenne. Par ailleurs, en Ile-de-France, pratiquement 3 enfants sur 4 sont dépistés et le taux de dépistage national augmente de façon quasi-linéaire depuis vingt ans : environ 20% en 2000, et 31,5% en 2010.

Focus : avantages, limites, points de vigilance relatifs à la méthode

L’utilisation des statistiques de la drépanocytose a pour principal avantage d’offrir une autre approche méthodologique que celle de l’origine et la nationalité des parents ou celle anthroponymique (utilisation des prénoms). La comparaison des différentes méthodes permet de confirmer ou d’infirmer des tendances.

Si celle-ci doit être prise avec précaution, il serait dommage de ne pas s’en servir tant elle peut, croisée aux autres approches, fournir des éléments statistiques intéressants pour la compréhension du sujet.

Ce sont bien les enfants issus de couples d’extra-européens qui sont essentiellement concernés par le dépistage : la part de couples composés d’Européens (Italiens du sud, Siciliens et Grecs) est évidemment très marginale comparée à celle des couples composés d’Africains et de Levantins comme permettent de le penser les statistiques fournies par l’INSEE et étudiées dans la première partie - le poids des nouveau-nés issus de couples d’Italiens du Sud, de Siciliens ou de Grecs ne pouvant qu’être minime compte tenu du poids déjà faible des naissances européennes non françaises.

Les deux principales précautions à prendre sont relatives à la question des départements et régions d’Outre-mer (DROM) ainsi qu’au point soulevé par Valérie Gauthereau, directrice de la fédération parisienne de dépistage. Concernant les DROM, comme l’indique FranceTV, tous les nouveau-nés sont dépistés et ceux-ci ne constituent évidemment pas une population d’origine étrangère. En 2012, les nouveau-nés des DROM constituaient 12% du total des nouveaux nés testés en France. De son côté, Valérie Gauthereau explique que dans certains hôpitaux de la région parisienne, le dépistage serait systématique face au très grand nombre de nouveau-nés à risque. S’il convient de noter que cela ne concerne pas l’intégralité de l’Île-de-France, il convient aussi de préciser que la région est également celle dont la part des naissances d’origine étrangère est la plus forte.

En résumé, s’il doit être pris avec précaution, cet indicateur n’en demeure pas moins utile, notamment lorsque l’on s’intéresse à son évolution. L’accroissement linéaire du taux de dépistage depuis vingt ans, passé de 27% en 2006 à 39% en 2016 - mis à côté des naissances dans les DOM et de celles pour lesquels les parents sont ressortissants européens- permet bien de montrer que celui-ci résulte essentiellement de populations extra-européennes et permet ainsi d’identifier des tendances.

Pour aller plus loin :
  • Bernard AUBRY et Michèle TRIBALAT, Les jeunes d’origine étrangère in Commentaire n° 126, 2009 (Lien)

  • Actes du Colloque de la Fondation Res Publica sur le thème « La baisse de la natalité et les perspectives de la démographie française », 2 avril 2019 (Lien)

  • Michèle TRIBALAT, Commentaire et analyse d’une note de l’INSEE sur l’évolution de la fécondité en France, 2018 (Lien)

  • Entretien Figaro Live avec le recteur Gérard-François DUMONT sur le thème « Natalité : un recul inquiétant ? » (Lien)

  1. Insee, Naissances selon la nationalité et le pays de naissance des parents. Données annuelles de 1998 à 2021, paru le 29/09/2022 (Lien)

  2. Insee, Naissances selon la nationalité et le pays de naissance des parents. Données annuelles de 1998 à 2021, paru le 29/09/2022 (Lien)

  3. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1373887?sommaire=1373905

  4. INSEE PREMIÈRE N° 1939, Combien les femmes immigrées ont-elles d’enfants ?, (paru le 21/02/2023) https://www.insee.fr/fr/statistiques/6801884

  5. Voir notamment Michèle Tribalat, 2009, Immigration et démographie des pays d’accueil in Christophe Jaffrelot et al., L’enjeu mondial (Presses de Sciences Po) ou Bernard Aubry et Michèle Tribalat, 2009, Les jeunes d’origine étrangère

  6. Voir notamment la partie “Le poids démographique croissant des populations issues de l’immigration arabo-musulmane” pp 133-143

  7. Jérôme Fourquet, Karim vote à gauche et son voisin FN, 2015, Editions de l’Aube

  8. Georges Felouzis, L’Apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, Editions du Seuil, 2005

  9. Libération, “Parité, diversité...les cabinets verrouillés”, 30 mai 2012 (Lien)

  10. Michèle Tribalat, Assimilation : la fin du modèle français

  11. https://www.fdesouche.com/906357-drepanocytose-la-carte-du-grand-remplacement-mise-a-jour-chiffres-2016

  12. https://la1ere.francetvinfo.fr/2014/09/16/la-drepanocytose-marqueur-errone-de-l-immigration-188060.html

  13. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/09/12/drepanocytose-la-maladie-genetique-qui-excite-l-extreme-droite_4486737_4355770.html

  14. Voir aussi : Haute autorité de la santé (HAS) à propos du dépistage néonatal de la drépanocytose (Lien)