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L’immigration d’Asie du Sud-Est en France : une trajectoire remarquable d’intégration

L’immigration d’Asie du Sud-Est en France : une trajectoire remarquable d’intégration

Table des matières

L’essentiel

• L’expression « immigration d’Asie du Sud-Est », telle qu’employée par la statistique publique en France, regroupe les flux migratoires en provenance du Vietnam, du Cambodge et du Laos – espace qui correspond à l’ancienne Indochine française. Les populations originaires d’Asie du Sud-Est comptaient 153 000 immigrés et 185 000 descendants d’immigrés en France l’an dernier.

• La taille de cette diaspora a fortement augmenté depuis la fin des années 1960 jusqu’aux années 1990, mais sa part dans la population de la France tend à s’éroder au cours des toutes dernières décennies. Cette démographie singulière s’explique par des flux migratoires faibles en provenance de cette région (ex : seules 152 premières demandes d’asile ont été déposées en 2023) et par une fécondité modérée en France (indice synthétique sur l’année 2021 : 1,8 enfant par femme née en Asie – hors Turquie et Moyen-Orient).

• Alors que les immigrés d’Asie du Sud-Est (« première génération ») connaissent des scores parmi les plus bas en matière de maîtrise de la langue et de qualifications (43,9% de ceux qui avaient terminé leurs études initiales n’avaient aucun diplôme ou uniquement un brevet / CEP), les descendants d’immigrés de cette origine (« deuxième génération ») sont en situation de sur-réussite scolaire et comptent parmi les plus diplômés de tous les groupes démographiques : 37,9% d’entre eux ont un diplôme supérieur à Bac+2, plus que les Français sans ascendance migratoire (27,1%) – et ce en l’espace d’une seule génération.

• Sur la base d’un ensemble d’indicateurs économiques et sociaux, il apparaît possible d’affirmer que l’immigration en provenance d’Asie du Sud-Est constitue la « mieux intégrée » des immigrations extra-européennes en France, avec :

– La meilleure insertion sur le marché du travail en termes de taux de chômage (seulement 3,2% l’an dernier), de taux d’activité et de taux d’emploi, avec des résultats largement au-dessus de la moyenne des immigrés et supérieurs à ceux des Français sans ascendance migratoire ;
– Une sous-représentation dans les logements sociaux par rapport aux autres immigrés extra-européens (14% des immigrés du Sud-Est asiatique vivent en HLM contre 57% des immigrés d’Afrique sahélienne) et un taux de propriétaires plus élevé que celui des Français sans ascendance migratoire pour la première génération (61% contre 59%) ;
– L’endogamie la plus faible pour la deuxième génération d’immigrés (14% contre une moyenne de 35% pour l’ensemble des immigrés), accompagnée des liens les plus distendus avec le pays d’origine.

Selon le Professeur d’anthropologie et de sociologie Lê Huu Khoa, l’immigration du Sud-est asiatique en France présentait deux caractéristiques majeures dès les années 19801, lesquelles apparaissent toujours d’actualité : 

  • Celle-ci est statistiquement marginale, mais permanente depuis la colonisation française en Indochine ;
  • Celle-ci est constituée de vagues migratoires de populations hétérogènes vers la France, différenciées les unes des autres, qui traduisent les différents stades des rapports entre la France et l’Indochine, de la colonisation à la décolonisation.

Dans son étude, le Professeur Lê Huu Khoa ajoutait que l’expression « immigration du Sud-est asiatique » lui apparaissait confuse, et qu’il serait préférable de parler « d’immigration indochinoise » ou « d’immigration originaire de la péninsule indochinoise » tant celle-ci est représentée en France par des Vietnamiens, des Cambodgiens, des Laotiens, tandis que les Thaïlandais, les Indonésiens, les Malaisiens et les Philippins choisissent plutôt la direction de l’Amérique du Nord2.

En effet, l’histoire de l’immigration de l’Asie du Sud-est en France se confond largement avec celle de l’ancien Empire colonial, et plus particulièrement avec la période de l’Indochine française. Fondée en 1887, cette dernière visait à englober plusieurs territoires conquis en Asie orientale entre 1858 et 1907, et comprenait jusqu’à sa disparition en 1954 la colonie de Cochinchine (sud du Vietnam), les protectorats de l’Annam et du Tonkin (centre et nord du Vietnam), les protectorats du Cambodge et du Laos, ainsi qu’une portion de territoire à bail chinois de Kouang Tchéou-Wan3

Aujourd’hui encore, la « Nomenclature des pays et territoires » de l’INSEE regroupe dans « Asie du Sud-est » le Cambodge, le Laos et le Vietnam, ce qui constitue la définition reprise dans la présente note4.

Ecrivant au tournant des années 1980, le Professeur Lê Huu Khoa insistait sur le fait que chaque ethnie avait « sa propre culture, sa propre formulation d’identité (…) sa propre pratique d’intégration », de « multiples particularités » dans « la spécialisation professionnelle, le culte religieux, l’organisation du réseau communautaire et associatif »5. Pour autant, cette immigration du Sud-est asiatique en France apparaît aujourd’hui posséder des traits communs quant à son intégration dans la communauté nationale, son insertion économique et sa réussite scolaire.

La colonisation française du Sud-est asiatique s’opère en plusieurs étapes, entre 1862 et 1898. Celle-ci permet de nouer de nouvelles relations et d’accélérer les circulations humaines, limitées dans un premier temps à des diplomates, des ambassadeurs ou des artistes6.

Cependant, avec l’abolition de l’esclavage en 1848, des travailleurs asiatiques sont engagés pour suppléer la main d’œuvre dans les colonies sucrières françaises des Antilles et de l’Océan Indien. Entre 1853 et 1892, la France recrute près de 248 000 travailleurs d’Afrique ou d’Asie pour travailler dans les colonies sucrières ou construire des infrastructures dans son empire colonial. Toutefois, les habitants de la péninsule indochinoise sont alors peu mobilisés, le recours à la main d’œuvre indienne étant privilégié en ce qui concerne l’Asie7.

Or, cette situation est bouleversée avec les deux conflits mondiaux. En effet, les besoins en main d’œuvre et en soldats étant alors particulièrement importants en métropole pour soutenir l’effort de guerre, la France fait alors appel aux populations de son empire colonial8. Ainsi, l’Indochine fournit près de 43 000 combattants et 49 000 travailleurs pour la Première Guerre Mondiale, principalement affectés dans des usines réorientées vers l’effort de guerre (exemple : les poudreries toulousaines). A la fin du conflit, ces populations sont bien souvent sollicitées pour participer à la reconstruction et au déminage, ce qui retarde d’autant leur rapatriement en Asie. Pour la première fois, une présence asiatique s’établit donc en métropole9.

Dans l’entre-deux guerres, la population asiatique en France reste limitée, mais néanmoins plus visible et diversifiée. Elle se compose notamment d’étudiants indochinois et chinois politisés, souvent favorables aux idées communistes ou anarchistes ainsi qu’au principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ; de travailleurs modestes employés dans des sites industriels (exemple : Renault Billancourt) ou des structures de petite taille (blanchisseries, ateliers de confection …)10 ; mais aussi de femmes de service domestique et de navigateurs. Selon les recensements des archives de l’époque, on estime entre 1500 et 2000 le nombre de Vietnamiens alors installés en France11.

De même, avec la Seconde Guerre mondiale, près de 7000 soldats et 20 000 travailleurs indochinois sont acheminés en France, entre le début du conflit en octobre 1939 et la défaite de juin 1940. Leur retour au pays étant retardé à la fin de la guerre, en raison de la désorganisation des transports et de la situation en Indochine, près d’un millier d’entre eux s’installent définitivement en France12, cette estimation pouvant monter jusqu’à plus de 10 000 Vietnamiens selon d’autres sources13.

La deuxième moitié du XXème siècle est ensuite marquée par les guerres de décolonisation et le contexte de la Guerre froide, avec des conséquences en termes d’immigration. Ainsi, en 1954, les accords de Genève scellent la fin de l’Indochine française et l’indépendance du Cambodge, du Laos et du Vietnam, ce dernier étant divisé en deux entités distinctes. Entre 1954 et 1965, on estime entre 30 000 et 35 000 le nombre de rapatriés indochinois désormais établis en France, pour la plupart des familles issues de l’union de femmes vietnamiennes et de militaires français, mais aussi des employés de la fonction publique, des petits commerçants ou des auxiliaires de l’armée. Ceux qui n’ont pas d’attache en métropole sont alors regroupés dans des Centres d’accueil des rapatriés d’Indochine14.

Par la suite, entre 1955 et 1979, ces pays sont fracturés par des guerres civiles et des conflits régionaux, avec l’ascension au pouvoir de régimes communistes : Khmers rouges au Cambodge, Pathet Lao au Laos, invasion du Vietnam du Sud par les forces du Nord Vietnam15

A cette époque, en plus des commerçants, on estime que près de 20 000 étudiants Cambodgiens, Laotiens et Vietnamiens avaient choisi la France pour leurs études. Or, cette « migration universitaire » devient souvent définitive avec l’ensemble des bouleversements politiques et économiques dans la péninsule indochinoise depuis 197516.

Plus largement, on estime que près de 3 millions d’individus émigreront de la péninsule indochinoise entre 1975 et 1995. Parmi eux, des centaines de milliers de « boat people » fuient ces territoires sur de petits bateaux précaires et surchargés, avec de nombreux morts par noyade ou de faim. Dès 1975, la France s’engage, avec d’autres pays, à accueillir un quota de 1000 réfugiés par mois. Elle sera la seconde terre d’accueil de ces  « boat people » au monde, derrière les Etats-Unis, et la première en Europe avec environ 130 000 réfugiés accueillis17

Ceux-ci bénéficieront d’une mobilisation exceptionnelle des pouvoirs publics et de la société civile, dans le contexte de l’affrontement Est-Ouest. Ainsi, l’acheminement des « boat people » vers la France est organisé par l’Etat et pris en charge par la Croix Rouge, tandis que les demandes d’obtention du statut de réfugiés sont quasi systématiquement acceptées. Ceux-ci sont accompagnés dans des Centres Provisoires d’Hébergement, dont la durée de séjour, entre 3 à 6 mois, est destinée à préparer une installation autonome en France18.

La chute de l’URSS et la fin corrélative de la Guerre froide en 1991 mettront un frein à cette émigration de masse, ceci étant conjugué avec la poursuite de la libéralisation économique mise en œuvre dans de nombreux pays asiatique. Ainsi, le Cambodge entrera dans l’OMC en 2003, suivi du Vietnam en 2007 et du Laos en 201319.

2.1 Une diaspora modeste par sa dimension, dont la part diminue au sein de la population immigrée

En 1974, alors que la France de Valéry Giscard d’Estaing affronte un premier choc pétrolier et une crise économique, le gouvernement affiche sa volonté de mettre fin à l’immigration du travail, notamment avec les circulaires Marcellin-Fontanet. Toutefois, si la part des immigrés dans la population de la France reste alors stable, proche de 7,5%, l’immigration en provenance du Cambodge, du Laos et du Vietnam se développe20.

Comme nous l’avons vu, l’immigration du Sud-est asiatique en France coïncide avec la décolonisation de l’Indochine (1949-1954), mais aussi avec la guerre du Vietnam (1955-1975), les guerres civiles cambodgienne (1967-1975) et laotienne (1962-1975). Celles-ci contraignent de nombreux ressortissants de ces pays à s’exiler et à demander l’asile en France ; c’est pourquoi, le nombre d’immigrés du Sud-est asiatique est multiplié par neuf entre 1968 et 1990 sur le territoire national21.

Selon les derniers chiffres de l’INSEE, on estime désormais que la France comptait en 2023 environ 153 000 immigrés originaires du Sud-est asiatique, soit 15% de l’ensemble des immigrés nés en Asie22, dont :

  • 77 000 immigrés originaires du Vietnam ;
  • 48 000 immigrés originaires du Cambodge ;
  • 29 000 immigrés originaires du Laos.

Or, après avoir augmenté nettement entre la fin des années 1960 et les années 1990, le poids démographique de ces immigrés tend à diminuer en France depuis quelques décennies, que ce soit en valeur relative ou absolue23 :

 Total des immigrés d’Asie du Sud-Est  Total des immigrés asiatiquesTotal des immigrésTotal de la population de la France
  1968  18 000  81 000 (22,22%)  3 238 000 (0,56%)  49 655 000 (0,04%)  
  1999161 000547 000 (29,43%)  4 374 000 (3,68%)60 144 000 (0,27%)
  2023  153 0001 000 000 (15,3%)7 282 000 (2,10%)68 143 000 (0,22%)

Cette décroissance relative de la population immigrée d’Asie du Sud-Est est advenue simultanément à la croissance rapide d’immigrations en provenance d’autres régions du continent asiatique – par exemple : le nombre d’immigrés en provenance d’Asie du Sud (Pakistan, Inde, Bangladesh, Sri Lanka pour l’essentiel) a doublé en France entre 2006 et 2023 ; tout comme le nombre d’immigrés en provenance du Moyen-Orient (Irak, Syrie, Yémen…)24.

Pour ce qui est de la « deuxième génération » : le nombre de descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est (deuxième génération) est quant à lui estimé à environ 185 000 en France pour l’année 2023, soit 2,3% du total des descendants d’immigrés25.

Ainsi, l’an dernier, notre pays comptait-il environ 338 000 immigrés et descendants d’immigrés originaires de l’Asie du Sud-Est sur deux générations.

Si l’on se place sous l’angle de la nationalité et non plus sur celui de l’origine géographique, on dénombrait environ 42 000 étrangers ressortissants du Vietnam, du Laos et du Cambodge qui résidaient en France en 202326.

De même, selon les dernières données détaillées de l’INSEE par nationalité, on dénombrait en France en 201927 :

  • 21 900 Vietnamiens ;
  • 12 600 Cambodgiens ;
  • 6 100 Laotiens.

Si on observe une progression du nombre de ces étrangers à partir de 1968, on remarque également une diminution en valeur relative et absolue depuis la fin des années 199028.

 Total des étrangers d’Asie du Sud-Est  Total des étrangers d’AsieTotal des étrangersTotal de la population de la France
  1968  11 400  44 600 (25,56%)    2 621 100 (0,43%)  49 655 000 (0,02%)  
  199963 700411 300 (15,48%)  3 322 000 (1,92%)60 144 000 (0,1%)
  2023  42 000721 000 (5,82%)5 614 000 (0,75%)68 143 000 (0,06%)  

2.2 Des flux migratoires limités et une natalité modérée

La population originaire d’Asie du Sud-Est en France connaît une dynamique démographique modérée, et cela pour deux raisons principales.

1- Des flux migratoires restreints en volume :

  • Aucun pays de la zone indochinoise ne figure dans le top 20 des premiers titres de séjour délivrés en 2021 (selon les dernières données de ventilation par nationalité disponibles en la matière)29 ;
  • De même, aucun de ces trois pays ne figure dans le top 15 des visas délivrés en 202330 (seul le Vietnam était 11ème du classement en 2022, avec 38 796 visas délivrés)31 ;
  • Seules 152 premières demandes d’asiles ont été déposées par des requérants d’Asie du Sud-est en 202332.

En réalité, les flux migratoires issus de l’Asie du Sud-est sont stabilisés : en 2023, seuls 25% des immigrés du Vietnam, du Cambodge et du Laos vivant en France étaient arrivés depuis l’année 2000, contre 58% pour l’ensemble des immigrés asiatiques33.

2- Une natalité limitée : selon l’INSEE, l’indice de fécondité des femmes nées dans la catégorie « autres pays d’Asie » (donc hors Turquie et Moyen-Orient) était de 1,8 en 2021, c’est-à-dire en-dessous du renouvellement des générations34. Selon toute vraisemblance, cet indice est encore plus bas pour les populations originaires de la seule Asie du Sud-est – si l’on retranche de cette moyenne les femmes nées dans des pays à plus forte fécondité comme l’Afghanistan ou le Pakistan.

3.1 Des immigrés (« première génération ») aux scores parmi les plus bas en matière de maîtrise de la langue et de qualifications

A leur arrivée en France, les immigrés originaires de l’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans étaient parmi ceux qui avaient la plus faible maîtrise de la langue française en 2019-202035 :

  • 48% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise en matière de compréhension de la langue française (score le plus bas après les immigrés turcs et du Moyen-Orient, dont le taux s’élevait à 63%) tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne compréhension (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient, pour qui ce taux s’élevait à 17%, et les immigrés chinois, pour qui ce taux était de 5%) ;
  • 49% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise en matière d’expression orale (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux s’élevait à 63% et les immigrés portugais dont le taux était de 52%), tandis que seuls 19% d’entre eux avaient une très bonne expression orale (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 16% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%) ;
  • 51% d’entre eux ne maîtrisaient pas du tout la lecture (ex aequo avec les immigrés chinois, juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux s’élevait à 66% et les immigrés portugais dont le taux était de 56%), tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne maîtrise de la lecture (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 17% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%) ;
  • 51% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise de l’expression écrite (devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 68%, les immigrés portugais dont le taux était de 61%, et les immigrés chinois dont le taux était de 52%) tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne maîtrise de l’expression écrite (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 17% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%).

De même, selon les dernières données de l’INSEE, parmi les 94,3% des immigrés du Sud-Est asiatique qui avaient terminé leurs études initiales en 202336 :

  • 43,9% n’avaient aucun diplôme ou un brevet / CEP, l’un des taux les plus élevés après les immigrés issus du Portugal (55,4%), la Turquie (55,4%) et de l’Afrique Sahélienne (49,5%), contre une moyenne de 35,5% pour l’ensemble des immigrés – soit 8 points de plus que celle-ci.
  • 19% avaient un diplôme supérieur à Bac+2, l’un des taux les plus bas les immigrés d’Afrique sahélienne (17,7%), de Turquie (9,8%) et du Portugal (6,3%), contre une moyenne de 27,4% pour l’ensemble des immigrés – soit 8 points de moins que celle-ci.

Pourtant, les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-Est avaient à la même année le plus faible taux pour la catégorie « Aucun diplôme ou Brevet, CEP » et un des meilleurs taux pour la catégorie « Diplôme supérieur à Bac +2 »37 :

  • Seuls 6,6% d’entre eux n’avaient aucun diplôme ou seulement un brevet / CEP, soit le taux le plus bas parmi l’ensemble des origines migratoires, près de trois fois inférieur à la moyenne l’ensemble des descendants d’immigrés (17,2%) et même moitié moins que les personnes sans ascendance migratoire (13,5%) ;
  • 37,9% d’entre eux avaient un diplôme supérieur à Bac+2, juste derrière les descendants d’immigrés de l’Afrique guinéenne ou centrale (38,5%) et de la catégorie « autres pays d’Asie » (41,8%) – dont fait partie l’Asie du Sud-est. Ce taux est bien supérieur à la moyenne des descendants d’immigrés (25,6%) et même des personnes sans ascendance migratoire (27,1%).

En l’espace d’une seule génération, les populations originaires d’Asie du Sud-est basculent ainsi des scores les plus bas aux scores les plus élevés quant au niveau de diplôme – et ce malgré un contexte familial de moindre qualification et de moindre maîtrise de la langue française.

Cette surperformance en matière d’éducation est largement documentée et a fait l’objet de nombreux rapports, en France comme à l’étranger. En 2019, un rapport de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale38 a mis en lumière la « sur-réussite » des enfants d’immigrés asiatiques (au sens large, mais hors Turquie) : « les enfants d’origine asiatique des deux sexes se démarquent par leur sur-réussite, même comparés aux Français d’origine, les filles plus encore que les garçons : moins de redoublements dès l’école primaire, meilleurs niveaux scolaires en sixième puis en fin de troisième, orientations plus fréquentes vers les filières sélectives, taux record de baccalauréats généraux, notamment scientifiques. Ces réussites confirment, à l’aune de multiples indicateurs scolaires, des tendances déjà observées sur des générations plus anciennes, à partir de l’enquête TeO [Brinbaum et Primon, 2013] et dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Suède [Heath et Brinbaum, 2014] ». 

De même, ce rapport souligne que « les inégalités des enfants d’immigrés sont précoces dès l’école primaire et contrastent avec la sur-réussite des enfants d’origine asiatique, marquée chez les filles, dès ce niveau ».

Ainsi, au brevet des collèges, on remarque que les filles d’immigrés asiatiques ont en moyenne les meilleures notes finales au brevet, que ce soit au contrôle continu ou à l’examen final, tandis que les garçons nés d’immigrés asiatiques obtiennent des résultats quasiment similaires à ceux des élèves sans ascendance migratoire directe.

Corrélativement, les enfants d’immigrés asiatiques sont ceux qui ont le plus fort taux d’accès en seconde générale et technologique, avec 81% des filles et 70% des garçons, contre 72% des filles et 59% des garçons pour les élèves sans ascendance migratoire directe.

Enfin, ceux-ci comptent également la plus forte proportion de bacheliers, soit 89% pour les deux sexes et jusqu’à 92% pour les filles, au-dessus de la moyenne des élèves sans ascendance migratoire, qui ont respectivement un taux de 80% pour la moyenne des deux sexes et de 85% pour les filles.

De même, parmi les bacheliers, ceux d’origine asiatique (hors-Turquie) comptent la plus forte proportion de baccalauréat généraux, soit 63% pour les filles et 52% pour les garçons, là encore devant les élèves sans ascendance migratoire – respectivement 51% pour les filles et 38% pour les garçons de cette catégorie.

Comment expliquer cette « sur-réussite » des enfants d’immigrés asiatiques, qui dépassent même les Français sans ascendance migratoire en l’espace d’une seule génération ? Une piste d’explication pourrait résider dans le modèle familial asiatique.

En effet, comme le soulignait le professeur Gérard-François Dumont dans le cadre de sa recension du livre La famille, secret de l’intégration écrit par Christian Jelen : « La réussite des enfants d’immigrés dans l’intégration ne peut se faire que si le cadre familial agit comme un aiguillon. Si le père fait preuve d’autoritarisme sur la femme sans satisfaire au devoir d’autorité sur ses enfants, les chances d’intégration sont maigres. Or il y a des types familiaux qui sont néfastes et d’autres qui sont positifs ». Ainsi, chez les Vietnamiens « la famille place l’instruction et les performances scolaires au centre de ses préoccupations. Elle se révèle en conséquence être un remarquable creuset d’intégration ».

Cette analyse se retrouve dans le rapport précité de la DEPP, lequel met en exergue que les familles issues de l’immigration asiatique sont celles qui ont les plus hautes aspirations scolaires pour leurs enfants. Elles sont 75% à souhaiter l’obtention d’un baccalauréat général pour leurs filles, contre 63% pour les familles d’origine française, et 60% à le souhaiter pour leurs garçons, contre 50% pour les familles sans ascendance migratoire39.

3.3 Une diminution paradoxale de l’immigration étudiante d’Asie du Sud-Est, dans un contexte d’augmentation du nombre d’étudiants étrangers

Selon France Campus, la France avait accueilli 6113 étudiants ressortissants d’Asie du Sud-est pour l’année universitaire 2022-2023, avec la répartition et les caractéristiques suivantes40

 Nombre d’étudiants  Répartition des étudiants dans les filières
  Vietnam  5254 (-6% en 5 ans)1581 étudiants en économie / administration économique et sociale 1254 étudiants en sciences 663 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales 183 étudiants en santé / médecine 115 étudiants en droit / sciences politiques  
  Cambodge  757 (stable en 5 ans)188 étudiants en droit / sciences politiques 168 étudiants en santé / médecine 101 étudiants en économie / administration économique et sociale 89 étudiants en sciences 69 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales  
  Laos  102 (-7% en 5 ans)21 étudiants en droit / sciences politiques 16 étudiants en économie / administration économique et sociale 15 étudiants en sciences 10 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales 6 étudiants en santé  

On note ainsi une diminution du nombre d’étudiants d’Asie du Sud-est dans les universités françaises sur les 5 dernières années, alors même que la France a accueilli 21% d’étudiants étrangers supplémentaires entre 2016 et 202141

Cette situation apparaît donc comme un véritable paradoxe, au regard de la volonté politique d’accroître le nombre d’étudiants étrangers (avec l’objectif affiché d’atteindre 500 000 étudiants accueillis en 2027) et de la « surperformance » des élèves issus d’Asie du Sud-Est.

Les plus récentes données de l’INSEE, relatives aux taux d’activité et d’emploi des immigrés et descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est, révèlent une excellente intégration sur le marché du travail – nettement supérieure à celle d’autres populations issues de l’immigration et plus élevée encore que celle des personnes sans ascendance migratoire.

Ainsi, malgré leur maîtrise du français comme leur niveau de qualification plus faibles en moyenne, les immigrés d’Asie du Sud-Est âgés de 15 à 64 ans enregistraient à la fois le plus faible taux de chômage et les plus forts taux d’activité et d’emploi du pays en 202342 :

  • Le taux d’emploi des immigrés d’Asie du Sud-est était de 75,3%, un niveau supérieur aux personnes sans ascendance migratoire (70,7%), et bien plus élevé que celui de l’ensemble des immigrés (62,5%),notamment des immigrés algériens (56,2%) qui constituent le pays d’origine le plus nombreux ;
  • Le taux d’inactivité de ceux-ci (incluant inactifs en études initiales ou formation formelle retraités, hommes-femmes au foyer et inactifs divers) était de 22,2%, inférieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (24,5%) et bien plus bas que celui de l’ensemble des immigrés (29,7%), notamment des immigrés turcs (37,1%) ;
  • Le taux de chômage de ceux-ci était de seulement 3,2%, moitié moins que celui des Français sans ascendance migratoire (6,5%), et largement inférieur à celui de l’ensemble des immigrés (11,2%), notamment des immigrés du Maroc et de la Tunisie (14,7%).
   Taux d’inactivitéTaux d’emploiTaux de chômage  
Immigrés d’Asie du Sud-Est      22,2%  75,3%  3,2%
Personnes sans ascendance migratoire    24,5%  70,7%  6,5%
Ensemble des immigrés      29,7%  62,5%  11,2%

De tels écarts se retrouvent chez les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est âgés de 15 à 64 ans en 2023, mais de manière un peu plus atténuée, notamment par rapport aux personnes sans ascendance migratoire43 :

  • Leur taux d’emploi était de 69,6%, un niveau quasi identique aux personnes sans ascendance migratoire (70,7%), mais supérieur de dix points à celui de l’ensemble des descendants d’immigrés (59,7%), particulièrement des descendants d’immigrés d’Afrique guinéenne ou centrale (44,3%) ;
  • Leur taux d’inactivité était de 26,3%, légèrement supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (24,5%), mais toujours bien inférieur à celui de l’ensemble des descendants d’immigrés (33,5%), notamment des descendants d’immigrés turcs (44,8%) ;
  • Le taux de chômage de ceux-ci était de 5,6%, un niveau plus faible que les personnes sans ascendance migratoire (6,5%) et qui était moitié moindre que la moyenne des descendants d’immigrés (10,2%), voire davantage notamment pour les descendants d’immigrés d’Afrique guinéenne ou centrale (19,3%).
   Taux d’inactivitéTaux d’emploiTaux de chômage  
Descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est      26,3%  69,6%  5,6%
Personnes sans ascendance migratoire    24,5%  70,7%  6,5%
Ensemble des descendants d’immigrés      33,5%  59,7%  10,2%

4.2 La plus faible endogamie parmi les descendants d’immigrés et les liens les plus distendus avec les pays d’origine

Selon les données INSEE, les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-est représentent le groupe d’origine extra-européenne le moins endogame. En effet, seuls 14% des descendants de deux parents immigrés d’Asie du Sud-est vivaient en couple avec un conjoint de la même origine migratoire en 2019-2020, contre une moyenne de 35% pour l’ensemble des descendants d’immigrés et un taux de 77% pour les descendants de deux parents immigrés turcs. Cette part tombe même à 2% pour les descendants d’un seul immigré d’Asie du Sud-est44.

Une telle situation s’explique sans doute, en partie, du fait que les immigrés et descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est sont ceux qui entretiennent le moins de liens avec leurs pays d’origine45, ce qui pourrait favoriser les unions exogames :

  • En 2019-2020, seuls 1% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient fait au moins un séjour d’au moins un an dans leur pays de naissance depuis leur migration en France, ce qui en fait le taux le plus bas ;
  • 70% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient visité au moins une fois leur pays d’origine, ce qui en fait le 2ème taux le plus faible derrière les immigrés issus de l’Afrique guinéenne ou centrale. Ce taux tombe à 43% pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est, soit le plus faible pour cette génération ;
  • 71% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient des contacts avec leur pays d’origine (y compris téléphoniques ou électroniques) en 2019-2020, soit le taux le plus faible, contre une moyenne de 91% pour l’ensemble des immigrés, tandis que ce taux monte à 95% pour les immigrés d’Afrique sahélienne. Ce taux est également le plus faible pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est de la même tranche d’âge parmi tous les descendants d’immigrés de toutes origines, soit 45% ;
  • 17% des immigrés et 6% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans apportaient régulièrement une aide financière à la famille, à des amis ou à des associations en 2019-2020, ce qui en fait le taux le plus faible parmi les immigrés extra-européens. Ce taux monte à 62% pour les immigrés originaires d’Afrique sahélienne ;
  • 6% des immigrés et 0% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est ont participé à une élection dans un autre pays que la France, ce qui en fait un des taux les plus faibles ;
  • En revanche, 6% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est souhaitent partir vivre dans le pays d’origine de leurs parents, soit 2 points de plus que la moyenne des descendants d’immigrés.

Par ailleurs, 97% des immigrés et des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est déclarent être d’accord avec la proposition « Je me sens chez moi en France », soit le taux le plus élevé de toutes les origines migratoires extra-européennes – supérieur même à la moyenne des descendants de natifs (94%)46.

Seuls 14% des immigrés originaires d’Asie du Sud-Est vivaient dans un ménage locataire d’un logement social en 2019-2020, ce qui en fait la deuxième population immigrée la moins représentée en HLM (ex aequo avec les ménages immigrés issus de l’Europe du Sud), juste derrière les immigrés originaires de Chine (8%), contre un taux de 57% pour les immigrés d’Afrique sahélienne, de 49% pour ceux d’Algérie et de 35% en moyenne pour l’ensemble des immigrés. Pour les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-est (« deuxième génération »), ce taux descend à 13%, soit le taux le plus faible du classement parmi l’ensemble des origines extra-européennes47.

De même, 61% des immigrés originaires d’Asie du Sud-est vivaient dans un ménage propriétaire de son logement en 2019-2020, soit le taux le plus élevé, devant les personnes sans ascendance migratoire ou ultramarine (59%). Ce taux tombe à 54% pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est sur la même période, mais reste supérieur à celui de la population générale (53%) et le plus élevé des descendants d’immigrés extra-européens48.

Ainsi, les immigrés d’Asie du Sud-est présentent la double caractéristique d’avoir un des plus faibles taux d’occupation d’un logement social et d’avoir le plus haut taux de propriété de leur logement principal, devant les personnes sans ascendance migratoire.

Or, comme le souligne l’ancien Préfet Michel Aubouin : « la propriété individuelle peut être considérée comme un marqueur d’intégration, si l’on veut bien considérer que l’achat d’un bien, c’est-à-dire l’achat d’une parcelle de la France, est une preuve concrète de l’attachement que l’on porte à ce pays ». Selon lui, au-delà « la possession d’un bien immobilier et d’une adresse modifie les relations de voisinage et facilite la participation des familles à l’entretien de leur environnement »49

Seuls 994 étrangers ressortissants d’un pays d’Asie ou d’Océanie (dont l’Asie du Sud-est ne constitue qu’une part minoritaire) étaient écroués en France au 1er janvier 2022, soit 5,3% du total des étrangers écroués, contre 3 870 étrangers algériens, soit 13,4% du total des étrangers écroués50. Les étrangers ressortissants d’un pays d’Asie (au sens large) ne représentaient l’an dernier que 3% des mis en cause dans les transports en commun en France en 202351. Il est à noter que le détail par nationalité ou région d’origine (qui permettrait d’isoler l’ensemble « Asie du Sud-Est ») n’est pas disponible, sans doute en raison de la faiblesse des chiffres en question.

Enfin, seuls 9% des immigrés et 8% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans résidaient dans un quartier prioritaire de la politique de la ville en 2019-2020, soit le taux le plus faible pour les immigrés extra-européens, contre une moyenne de 23% pour l’ensemble des immigrés et de 15% pour les descendants d’immigrés52.

L’immigration d’Asie du Sud-Est en France présente de nombreuses caractéristiques intéressantes pour la société d’accueil :

  • D’excellents indicateurs d’intégration économique, avec une meilleure insertion sur le marché du travail et un meilleur taux de détention de la propriété principale à la « première génération » (malgré une moyenne faible de qualification) ; puis une sur-réussite scolaire et universitaire très marquée à la « deuxième génération ».
  • Des indicateurs positifs d’intégration culturelle et sociale à la communauté nationale, avec l’endogamie la plus faible, les liens les plus distendus par rapport au pays d’origine, l’absence de surreprésentation dans les statistiques de la délinquance, par rapport à l’ensemble des immigrations extra-européennes.

Pourtant, alors que les flux migratoires progressent fortement ces dernières décennies (+175% de délivrance de titres de séjour à des étrangers extra-européens en 2023 par rapport à 1997, +245% de premières demandes d’asile déposées l’an dernier par rapport à 2009) la part des immigrés et étrangers du Sud-Est asiatique tend à diminuer dans la population générale.

Cela tient d’abord au fait que, comme le souligne la Cour des Comptes : « seule la moitié des premiers titres accordés en 2018 (…) procède d’une décision entièrement maîtrisée par les autorités publiques, l’autre moitié étant la contrepartie de droits individuels protégés par la Constitution et l’ordre juridique international, que l’État ne peut ni prévoir, ni restreindre »53. Celle-ci ajoute en note de bas de page que « seules l’immigration professionnelle et l’immigration étudiante sont entièrement sous contrôle (quantité et sélection) des autorités gouvernementales ».

Il pourrait donc apparaître souhaitable que l’État reprenne le contrôle d’une plus large part de la politique migratoire, au-delà des seules immigrations professionnelles et étudiantes, et qu’il fasse également le choix d’une immigration choisie – y compris par origines géographiques. Pour ce faire, il devrait être en mesure de s’appuyer sur des études comparatives détaillées, en matière de bilan fiscal par exemple, afin de décider en conséquence.

Une telle « révolution juridico-politique » se heurterait évidemment, dans le cadre institutionnel actuel, à d’importants obstacles d’ordre constitutionnel et conventionnel. Le fait de les surmonter serait alors nécessaire pour ériger la politique « des immigrations » en France sur le même plan que n’importe quelle autre politique publique, guidée par un objectif rationnel et assumé : minimiser les coûts et maximiser les bénéfices, pour la société comme l’économie françaises. Dans cette perspective, privilégier les flux d’immigration en provenance de l’Asie du Sud-est représenterait un intérêt indéniable pour la France.

  1. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 (Lien) ↩︎
  2. Idem ↩︎
  3. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) (Lien) ↩︎
  4. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés en France », édition 2023, paru le 30/03/2023, p. 9 (Lien) ↩︎
  5. Lê Huu Khoa « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  6. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  7. Idem ↩︎
  8. Idem ↩︎
  9. Idem ↩︎
  10. Idem ↩︎
  11. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  12. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  13. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60) ↩︎
  14. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  15. Idem ↩︎
  16. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  17. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  18. Idem ↩︎
  19. Idem ↩︎
  20. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés en France », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  21. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  22. Idem ↩︎
  23. Idem
    & INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023, paru le 30/03/2023
    & INSEE, « L’essentiel sur … les immigrés et les étrangers », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  24. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024 ↩︎
  25. INSEE, « Origine géographique des descendants d’immigrés », données annuelles 2023, paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  26. INSEE, « Répartition des étrangers par groupe de nationalités », données annuelles de 2006 à 2023 (séries longues), paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  27. INSEE, « Étrangers et immigrés en 2019, Répartition des étrangers par nationalité détaillée selon les continents de 1968 à 2019 », paru le 26/07/2022 (Lien) ↩︎
  28. Idem
    & INSEE, « Répartition des étrangers par groupe de nationalités, Données annuelles de 2006 à 2023 » (séries longues), paru le 29/08/2024
    & INSEE, « Population immigrée et population étrangère en 1999, Étrangers selon la nationalité (17 postes) de 1946 à 1999 », paru le 07/02/2011 (Lien) ↩︎
  29. INED, « Titres de séjour par nationalité », mis à jour en février 2024 (Lien) ↩︎
  30. Ministère de l’Intérieur, « Les chiffres 2023 : la délivrance de visas aux étrangers au 27 juin 2024 », publication annuelle parue le 27 juin 2024 (Lien) ↩︎
  31. Idem ↩︎
  32. OFPRA, « Rapport d’activité 2023 », 18/07/2024 (Lien) ↩︎
  33. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024, « Rapport d’activité 2023 », 18/07/2024 (Lien) ↩︎
  34. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés 2023 – Fécondité », paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  35. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés, Maîtrise des langues par les immigrés » – édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  36. INSEE, « Niveau de diplôme des immigrés et des descendants d’immigrés par origine géographique », données annuelles 2023, paru le 29/08/2023 (Lien) ↩︎
  37. Idem ↩︎
  38. DEPP, « Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat : rôle de l’origine et du genre – Résultats récents », Yaël Brinbaum, 2019 (Lien) ↩︎
  39. DEPP, op. cit. ↩︎
  40. Campus France, fiches mobilité pays (Lien 1 / Lien 2 / Lien 3) ↩︎
  41. Campus France, « Rapport d’activité 2023 », p. 26 (Lien) ↩︎
  42. INSEE, « Inactivité, chômage et emploi des immigrés et des descendants d’immigrés par origine géographique, données annuelles 2023 », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  43. Idem ↩︎
  44. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Origine des conjoints des immigrés et des descendants d’immigrés, édition 2023 », paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  45. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Rapport au pays d’émigration et pratiques transnationales », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  46. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Ressentis par rapport à la migration et sentiment d’intégration », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  47. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Conditions de logement », édition 2023, 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  48. Idem ↩︎
  49. Michel Aubouin, « Les étrangers extra-européens et le logement social en France » Fondapol et Observatoire de l’immigration, avril 2024 (Lien) ↩︎
  50. Ministère de la Justice, « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice », 1980-2022 p. 25 (Lien) ↩︎
  51. Ministère de l’Intérieur « Les vols et violences enregistrés dans les réseaux de transports en commun en 2023 » Info rapide n°42, 11 septembre 2024 (Lien) ↩︎
  52. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés, Conditions de logement » – édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  53. Cour des Comptes, « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères (synthèse) », avril 2020, p. 9 (Lien) ↩︎

Selon le Professeur d’anthropologie et de sociologie Lê Huu Khoa, l’immigration du Sud-est asiatique en France présentait deux caractéristiques majeures dès les années 19801, lesquelles apparaissent toujours d’actualité : 

  • Celle-ci est statistiquement marginale, mais permanente depuis la colonisation française en Indochine ;
  • Celle-ci est constituée de vagues migratoires de populations hétérogènes vers la France, différenciées les unes des autres, qui traduisent les différents stades des rapports entre la France et l’Indochine, de la colonisation à la décolonisation.

Dans son étude, le Professeur Lê Huu Khoa ajoutait que l’expression « immigration du Sud-est asiatique » lui apparaissait confuse, et qu’il serait préférable de parler « d’immigration indochinoise » ou « d’immigration originaire de la péninsule indochinoise » tant celle-ci est représentée en France par des Vietnamiens, des Cambodgiens, des Laotiens, tandis que les Thaïlandais, les Indonésiens, les Malaisiens et les Philippins choisissent plutôt la direction de l’Amérique du Nord2.

En effet, l’histoire de l’immigration de l’Asie du Sud-est en France se confond largement avec celle de l’ancien Empire colonial, et plus particulièrement avec la période de l’Indochine française. Fondée en 1887, cette dernière visait à englober plusieurs territoires conquis en Asie orientale entre 1858 et 1907, et comprenait jusqu’à sa disparition en 1954 la colonie de Cochinchine (sud du Vietnam), les protectorats de l’Annam et du Tonkin (centre et nord du Vietnam), les protectorats du Cambodge et du Laos, ainsi qu’une portion de territoire à bail chinois de Kouang Tchéou-Wan3

Aujourd’hui encore, la « Nomenclature des pays et territoires » de l’INSEE regroupe dans « Asie du Sud-est » le Cambodge, le Laos et le Vietnam, ce qui constitue la définition reprise dans la présente note4.

Ecrivant au tournant des années 1980, le Professeur Lê Huu Khoa insistait sur le fait que chaque ethnie avait « sa propre culture, sa propre formulation d’identité (…) sa propre pratique d’intégration », de « multiples particularités » dans « la spécialisation professionnelle, le culte religieux, l’organisation du réseau communautaire et associatif »5. Pour autant, cette immigration du Sud-est asiatique en France apparaît aujourd’hui posséder des traits communs quant à son intégration dans la communauté nationale, son insertion économique et sa réussite scolaire.

La colonisation française du Sud-est asiatique s’opère en plusieurs étapes, entre 1862 et 1898. Celle-ci permet de nouer de nouvelles relations et d’accélérer les circulations humaines, limitées dans un premier temps à des diplomates, des ambassadeurs ou des artistes6.

Cependant, avec l’abolition de l’esclavage en 1848, des travailleurs asiatiques sont engagés pour suppléer la main d’œuvre dans les colonies sucrières françaises des Antilles et de l’Océan Indien. Entre 1853 et 1892, la France recrute près de 248 000 travailleurs d’Afrique ou d’Asie pour travailler dans les colonies sucrières ou construire des infrastructures dans son empire colonial. Toutefois, les habitants de la péninsule indochinoise sont alors peu mobilisés, le recours à la main d’œuvre indienne étant privilégié en ce qui concerne l’Asie7.

Or, cette situation est bouleversée avec les deux conflits mondiaux. En effet, les besoins en main d’œuvre et en soldats étant alors particulièrement importants en métropole pour soutenir l’effort de guerre, la France fait alors appel aux populations de son empire colonial8. Ainsi, l’Indochine fournit près de 43 000 combattants et 49 000 travailleurs pour la Première Guerre Mondiale, principalement affectés dans des usines réorientées vers l’effort de guerre (exemple : les poudreries toulousaines). A la fin du conflit, ces populations sont bien souvent sollicitées pour participer à la reconstruction et au déminage, ce qui retarde d’autant leur rapatriement en Asie. Pour la première fois, une présence asiatique s’établit donc en métropole9.

Dans l’entre-deux guerres, la population asiatique en France reste limitée, mais néanmoins plus visible et diversifiée. Elle se compose notamment d’étudiants indochinois et chinois politisés, souvent favorables aux idées communistes ou anarchistes ainsi qu’au principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ; de travailleurs modestes employés dans des sites industriels (exemple : Renault Billancourt) ou des structures de petite taille (blanchisseries, ateliers de confection …)10 ; mais aussi de femmes de service domestique et de navigateurs. Selon les recensements des archives de l’époque, on estime entre 1500 et 2000 le nombre de Vietnamiens alors installés en France11.

De même, avec la Seconde Guerre mondiale, près de 7000 soldats et 20 000 travailleurs indochinois sont acheminés en France, entre le début du conflit en octobre 1939 et la défaite de juin 1940. Leur retour au pays étant retardé à la fin de la guerre, en raison de la désorganisation des transports et de la situation en Indochine, près d’un millier d’entre eux s’installent définitivement en France12, cette estimation pouvant monter jusqu’à plus de 10 000 Vietnamiens selon d’autres sources13.

La deuxième moitié du XXème siècle est ensuite marquée par les guerres de décolonisation et le contexte de la Guerre froide, avec des conséquences en termes d’immigration. Ainsi, en 1954, les accords de Genève scellent la fin de l’Indochine française et l’indépendance du Cambodge, du Laos et du Vietnam, ce dernier étant divisé en deux entités distinctes. Entre 1954 et 1965, on estime entre 30 000 et 35 000 le nombre de rapatriés indochinois désormais établis en France, pour la plupart des familles issues de l’union de femmes vietnamiennes et de militaires français, mais aussi des employés de la fonction publique, des petits commerçants ou des auxiliaires de l’armée. Ceux qui n’ont pas d’attache en métropole sont alors regroupés dans des Centres d’accueil des rapatriés d’Indochine14.

Par la suite, entre 1955 et 1979, ces pays sont fracturés par des guerres civiles et des conflits régionaux, avec l’ascension au pouvoir de régimes communistes : Khmers rouges au Cambodge, Pathet Lao au Laos, invasion du Vietnam du Sud par les forces du Nord Vietnam15

A cette époque, en plus des commerçants, on estime que près de 20 000 étudiants Cambodgiens, Laotiens et Vietnamiens avaient choisi la France pour leurs études. Or, cette « migration universitaire » devient souvent définitive avec l’ensemble des bouleversements politiques et économiques dans la péninsule indochinoise depuis 197516.

Plus largement, on estime que près de 3 millions d’individus émigreront de la péninsule indochinoise entre 1975 et 1995. Parmi eux, des centaines de milliers de « boat people » fuient ces territoires sur de petits bateaux précaires et surchargés, avec de nombreux morts par noyade ou de faim. Dès 1975, la France s’engage, avec d’autres pays, à accueillir un quota de 1000 réfugiés par mois. Elle sera la seconde terre d’accueil de ces  « boat people » au monde, derrière les Etats-Unis, et la première en Europe avec environ 130 000 réfugiés accueillis17

Ceux-ci bénéficieront d’une mobilisation exceptionnelle des pouvoirs publics et de la société civile, dans le contexte de l’affrontement Est-Ouest. Ainsi, l’acheminement des « boat people » vers la France est organisé par l’Etat et pris en charge par la Croix Rouge, tandis que les demandes d’obtention du statut de réfugiés sont quasi systématiquement acceptées. Ceux-ci sont accompagnés dans des Centres Provisoires d’Hébergement, dont la durée de séjour, entre 3 à 6 mois, est destinée à préparer une installation autonome en France18.

La chute de l’URSS et la fin corrélative de la Guerre froide en 1991 mettront un frein à cette émigration de masse, ceci étant conjugué avec la poursuite de la libéralisation économique mise en œuvre dans de nombreux pays asiatique. Ainsi, le Cambodge entrera dans l’OMC en 2003, suivi du Vietnam en 2007 et du Laos en 201319.

2.1 Une diaspora modeste par sa dimension, dont la part diminue au sein de la population immigrée

En 1974, alors que la France de Valéry Giscard d’Estaing affronte un premier choc pétrolier et une crise économique, le gouvernement affiche sa volonté de mettre fin à l’immigration du travail, notamment avec les circulaires Marcellin-Fontanet. Toutefois, si la part des immigrés dans la population de la France reste alors stable, proche de 7,5%, l’immigration en provenance du Cambodge, du Laos et du Vietnam se développe20.

Comme nous l’avons vu, l’immigration du Sud-est asiatique en France coïncide avec la décolonisation de l’Indochine (1949-1954), mais aussi avec la guerre du Vietnam (1955-1975), les guerres civiles cambodgienne (1967-1975) et laotienne (1962-1975). Celles-ci contraignent de nombreux ressortissants de ces pays à s’exiler et à demander l’asile en France ; c’est pourquoi, le nombre d’immigrés du Sud-est asiatique est multiplié par neuf entre 1968 et 1990 sur le territoire national21.

Selon les derniers chiffres de l’INSEE, on estime désormais que la France comptait en 2023 environ 153 000 immigrés originaires du Sud-est asiatique, soit 15% de l’ensemble des immigrés nés en Asie22, dont :

  • 77 000 immigrés originaires du Vietnam ;
  • 48 000 immigrés originaires du Cambodge ;
  • 29 000 immigrés originaires du Laos.

Or, après avoir augmenté nettement entre la fin des années 1960 et les années 1990, le poids démographique de ces immigrés tend à diminuer en France depuis quelques décennies, que ce soit en valeur relative ou absolue23 :

 Total des immigrés d’Asie du Sud-Est  Total des immigrés asiatiquesTotal des immigrésTotal de la population de la France
  1968  18 000  81 000 (22,22%)  3 238 000 (0,56%)  49 655 000 (0,04%)  
  1999161 000547 000 (29,43%)  4 374 000 (3,68%)60 144 000 (0,27%)
  2023  153 0001 000 000 (15,3%)7 282 000 (2,10%)68 143 000 (0,22%)

Cette décroissance relative de la population immigrée d’Asie du Sud-Est est advenue simultanément à la croissance rapide d’immigrations en provenance d’autres régions du continent asiatique – par exemple : le nombre d’immigrés en provenance d’Asie du Sud (Pakistan, Inde, Bangladesh, Sri Lanka pour l’essentiel) a doublé en France entre 2006 et 2023 ; tout comme le nombre d’immigrés en provenance du Moyen-Orient (Irak, Syrie, Yémen…)24.

Pour ce qui est de la « deuxième génération » : le nombre de descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est (deuxième génération) est quant à lui estimé à environ 185 000 en France pour l’année 2023, soit 2,3% du total des descendants d’immigrés25.

Ainsi, l’an dernier, notre pays comptait-il environ 338 000 immigrés et descendants d’immigrés originaires de l’Asie du Sud-Est sur deux générations.

Si l’on se place sous l’angle de la nationalité et non plus sur celui de l’origine géographique, on dénombrait environ 42 000 étrangers ressortissants du Vietnam, du Laos et du Cambodge qui résidaient en France en 202326.

De même, selon les dernières données détaillées de l’INSEE par nationalité, on dénombrait en France en 201927 :

  • 21 900 Vietnamiens ;
  • 12 600 Cambodgiens ;
  • 6 100 Laotiens.

Si on observe une progression du nombre de ces étrangers à partir de 1968, on remarque également une diminution en valeur relative et absolue depuis la fin des années 199028.

 Total des étrangers d’Asie du Sud-Est  Total des étrangers d’AsieTotal des étrangersTotal de la population de la France
  1968  11 400  44 600 (25,56%)    2 621 100 (0,43%)  49 655 000 (0,02%)  
  199963 700411 300 (15,48%)  3 322 000 (1,92%)60 144 000 (0,1%)
  2023  42 000721 000 (5,82%)5 614 000 (0,75%)68 143 000 (0,06%)  

2.2 Des flux migratoires limités et une natalité modérée

La population originaire d’Asie du Sud-Est en France connaît une dynamique démographique modérée, et cela pour deux raisons principales.

1- Des flux migratoires restreints en volume :

  • Aucun pays de la zone indochinoise ne figure dans le top 20 des premiers titres de séjour délivrés en 2021 (selon les dernières données de ventilation par nationalité disponibles en la matière)29 ;
  • De même, aucun de ces trois pays ne figure dans le top 15 des visas délivrés en 202330 (seul le Vietnam était 11ème du classement en 2022, avec 38 796 visas délivrés)31 ;
  • Seules 152 premières demandes d’asiles ont été déposées par des requérants d’Asie du Sud-est en 202332.

En réalité, les flux migratoires issus de l’Asie du Sud-est sont stabilisés : en 2023, seuls 25% des immigrés du Vietnam, du Cambodge et du Laos vivant en France étaient arrivés depuis l’année 2000, contre 58% pour l’ensemble des immigrés asiatiques33.

2- Une natalité limitée : selon l’INSEE, l’indice de fécondité des femmes nées dans la catégorie « autres pays d’Asie » (donc hors Turquie et Moyen-Orient) était de 1,8 en 2021, c’est-à-dire en-dessous du renouvellement des générations34. Selon toute vraisemblance, cet indice est encore plus bas pour les populations originaires de la seule Asie du Sud-est – si l’on retranche de cette moyenne les femmes nées dans des pays à plus forte fécondité comme l’Afghanistan ou le Pakistan.

3.1 Des immigrés (« première génération ») aux scores parmi les plus bas en matière de maîtrise de la langue et de qualifications

A leur arrivée en France, les immigrés originaires de l’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans étaient parmi ceux qui avaient la plus faible maîtrise de la langue française en 2019-202035 :

  • 48% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise en matière de compréhension de la langue française (score le plus bas après les immigrés turcs et du Moyen-Orient, dont le taux s’élevait à 63%) tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne compréhension (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient, pour qui ce taux s’élevait à 17%, et les immigrés chinois, pour qui ce taux était de 5%) ;
  • 49% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise en matière d’expression orale (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux s’élevait à 63% et les immigrés portugais dont le taux était de 52%), tandis que seuls 19% d’entre eux avaient une très bonne expression orale (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 16% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%) ;
  • 51% d’entre eux ne maîtrisaient pas du tout la lecture (ex aequo avec les immigrés chinois, juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux s’élevait à 66% et les immigrés portugais dont le taux était de 56%), tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne maîtrise de la lecture (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 17% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%) ;
  • 51% d’entre eux n’avaient aucune maîtrise de l’expression écrite (devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 68%, les immigrés portugais dont le taux était de 61%, et les immigrés chinois dont le taux était de 52%) tandis que seuls 20% d’entre eux avaient une très bonne maîtrise de l’expression écrite (juste devant les immigrés turcs et du Moyen-Orient dont le taux était de 17% et les immigrés chinois dont le taux était de 5%).

De même, selon les dernières données de l’INSEE, parmi les 94,3% des immigrés du Sud-Est asiatique qui avaient terminé leurs études initiales en 202336 :

  • 43,9% n’avaient aucun diplôme ou un brevet / CEP, l’un des taux les plus élevés après les immigrés issus du Portugal (55,4%), la Turquie (55,4%) et de l’Afrique Sahélienne (49,5%), contre une moyenne de 35,5% pour l’ensemble des immigrés – soit 8 points de plus que celle-ci.
  • 19% avaient un diplôme supérieur à Bac+2, l’un des taux les plus bas les immigrés d’Afrique sahélienne (17,7%), de Turquie (9,8%) et du Portugal (6,3%), contre une moyenne de 27,4% pour l’ensemble des immigrés – soit 8 points de moins que celle-ci.

Pourtant, les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-Est avaient à la même année le plus faible taux pour la catégorie « Aucun diplôme ou Brevet, CEP » et un des meilleurs taux pour la catégorie « Diplôme supérieur à Bac +2 »37 :

  • Seuls 6,6% d’entre eux n’avaient aucun diplôme ou seulement un brevet / CEP, soit le taux le plus bas parmi l’ensemble des origines migratoires, près de trois fois inférieur à la moyenne l’ensemble des descendants d’immigrés (17,2%) et même moitié moins que les personnes sans ascendance migratoire (13,5%) ;
  • 37,9% d’entre eux avaient un diplôme supérieur à Bac+2, juste derrière les descendants d’immigrés de l’Afrique guinéenne ou centrale (38,5%) et de la catégorie « autres pays d’Asie » (41,8%) – dont fait partie l’Asie du Sud-est. Ce taux est bien supérieur à la moyenne des descendants d’immigrés (25,6%) et même des personnes sans ascendance migratoire (27,1%).

En l’espace d’une seule génération, les populations originaires d’Asie du Sud-est basculent ainsi des scores les plus bas aux scores les plus élevés quant au niveau de diplôme – et ce malgré un contexte familial de moindre qualification et de moindre maîtrise de la langue française.

Cette surperformance en matière d’éducation est largement documentée et a fait l’objet de nombreux rapports, en France comme à l’étranger. En 2019, un rapport de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale38 a mis en lumière la « sur-réussite » des enfants d’immigrés asiatiques (au sens large, mais hors Turquie) : « les enfants d’origine asiatique des deux sexes se démarquent par leur sur-réussite, même comparés aux Français d’origine, les filles plus encore que les garçons : moins de redoublements dès l’école primaire, meilleurs niveaux scolaires en sixième puis en fin de troisième, orientations plus fréquentes vers les filières sélectives, taux record de baccalauréats généraux, notamment scientifiques. Ces réussites confirment, à l’aune de multiples indicateurs scolaires, des tendances déjà observées sur des générations plus anciennes, à partir de l’enquête TeO [Brinbaum et Primon, 2013] et dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Suède [Heath et Brinbaum, 2014] ». 

De même, ce rapport souligne que « les inégalités des enfants d’immigrés sont précoces dès l’école primaire et contrastent avec la sur-réussite des enfants d’origine asiatique, marquée chez les filles, dès ce niveau ».

Ainsi, au brevet des collèges, on remarque que les filles d’immigrés asiatiques ont en moyenne les meilleures notes finales au brevet, que ce soit au contrôle continu ou à l’examen final, tandis que les garçons nés d’immigrés asiatiques obtiennent des résultats quasiment similaires à ceux des élèves sans ascendance migratoire directe.

Corrélativement, les enfants d’immigrés asiatiques sont ceux qui ont le plus fort taux d’accès en seconde générale et technologique, avec 81% des filles et 70% des garçons, contre 72% des filles et 59% des garçons pour les élèves sans ascendance migratoire directe.

Enfin, ceux-ci comptent également la plus forte proportion de bacheliers, soit 89% pour les deux sexes et jusqu’à 92% pour les filles, au-dessus de la moyenne des élèves sans ascendance migratoire, qui ont respectivement un taux de 80% pour la moyenne des deux sexes et de 85% pour les filles.

De même, parmi les bacheliers, ceux d’origine asiatique (hors-Turquie) comptent la plus forte proportion de baccalauréat généraux, soit 63% pour les filles et 52% pour les garçons, là encore devant les élèves sans ascendance migratoire – respectivement 51% pour les filles et 38% pour les garçons de cette catégorie.

Comment expliquer cette « sur-réussite » des enfants d’immigrés asiatiques, qui dépassent même les Français sans ascendance migratoire en l’espace d’une seule génération ? Une piste d’explication pourrait résider dans le modèle familial asiatique.

En effet, comme le soulignait le professeur Gérard-François Dumont dans le cadre de sa recension du livre La famille, secret de l’intégration écrit par Christian Jelen : « La réussite des enfants d’immigrés dans l’intégration ne peut se faire que si le cadre familial agit comme un aiguillon. Si le père fait preuve d’autoritarisme sur la femme sans satisfaire au devoir d’autorité sur ses enfants, les chances d’intégration sont maigres. Or il y a des types familiaux qui sont néfastes et d’autres qui sont positifs ». Ainsi, chez les Vietnamiens « la famille place l’instruction et les performances scolaires au centre de ses préoccupations. Elle se révèle en conséquence être un remarquable creuset d’intégration ».

Cette analyse se retrouve dans le rapport précité de la DEPP, lequel met en exergue que les familles issues de l’immigration asiatique sont celles qui ont les plus hautes aspirations scolaires pour leurs enfants. Elles sont 75% à souhaiter l’obtention d’un baccalauréat général pour leurs filles, contre 63% pour les familles d’origine française, et 60% à le souhaiter pour leurs garçons, contre 50% pour les familles sans ascendance migratoire39.

3.3 Une diminution paradoxale de l’immigration étudiante d’Asie du Sud-Est, dans un contexte d’augmentation du nombre d’étudiants étrangers

Selon France Campus, la France avait accueilli 6113 étudiants ressortissants d’Asie du Sud-est pour l’année universitaire 2022-2023, avec la répartition et les caractéristiques suivantes40

 Nombre d’étudiants  Répartition des étudiants dans les filières
  Vietnam  5254 (-6% en 5 ans)1581 étudiants en économie / administration économique et sociale 1254 étudiants en sciences 663 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales 183 étudiants en santé / médecine 115 étudiants en droit / sciences politiques  
  Cambodge  757 (stable en 5 ans)188 étudiants en droit / sciences politiques 168 étudiants en santé / médecine 101 étudiants en économie / administration économique et sociale 89 étudiants en sciences 69 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales  
  Laos  102 (-7% en 5 ans)21 étudiants en droit / sciences politiques 16 étudiants en économie / administration économique et sociale 15 étudiants en sciences 10 étudiants en lettres / langues / sciences humaines et sociales 6 étudiants en santé  

On note ainsi une diminution du nombre d’étudiants d’Asie du Sud-est dans les universités françaises sur les 5 dernières années, alors même que la France a accueilli 21% d’étudiants étrangers supplémentaires entre 2016 et 202141

Cette situation apparaît donc comme un véritable paradoxe, au regard de la volonté politique d’accroître le nombre d’étudiants étrangers (avec l’objectif affiché d’atteindre 500 000 étudiants accueillis en 2027) et de la « surperformance » des élèves issus d’Asie du Sud-Est.

Les plus récentes données de l’INSEE, relatives aux taux d’activité et d’emploi des immigrés et descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est, révèlent une excellente intégration sur le marché du travail – nettement supérieure à celle d’autres populations issues de l’immigration et plus élevée encore que celle des personnes sans ascendance migratoire.

Ainsi, malgré leur maîtrise du français comme leur niveau de qualification plus faibles en moyenne, les immigrés d’Asie du Sud-Est âgés de 15 à 64 ans enregistraient à la fois le plus faible taux de chômage et les plus forts taux d’activité et d’emploi du pays en 202342 :

  • Le taux d’emploi des immigrés d’Asie du Sud-est était de 75,3%, un niveau supérieur aux personnes sans ascendance migratoire (70,7%), et bien plus élevé que celui de l’ensemble des immigrés (62,5%),notamment des immigrés algériens (56,2%) qui constituent le pays d’origine le plus nombreux ;
  • Le taux d’inactivité de ceux-ci (incluant inactifs en études initiales ou formation formelle retraités, hommes-femmes au foyer et inactifs divers) était de 22,2%, inférieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (24,5%) et bien plus bas que celui de l’ensemble des immigrés (29,7%), notamment des immigrés turcs (37,1%) ;
  • Le taux de chômage de ceux-ci était de seulement 3,2%, moitié moins que celui des Français sans ascendance migratoire (6,5%), et largement inférieur à celui de l’ensemble des immigrés (11,2%), notamment des immigrés du Maroc et de la Tunisie (14,7%).
   Taux d’inactivitéTaux d’emploiTaux de chômage  
Immigrés d’Asie du Sud-Est      22,2%  75,3%  3,2%
Personnes sans ascendance migratoire    24,5%  70,7%  6,5%
Ensemble des immigrés      29,7%  62,5%  11,2%

De tels écarts se retrouvent chez les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est âgés de 15 à 64 ans en 2023, mais de manière un peu plus atténuée, notamment par rapport aux personnes sans ascendance migratoire43 :

  • Leur taux d’emploi était de 69,6%, un niveau quasi identique aux personnes sans ascendance migratoire (70,7%), mais supérieur de dix points à celui de l’ensemble des descendants d’immigrés (59,7%), particulièrement des descendants d’immigrés d’Afrique guinéenne ou centrale (44,3%) ;
  • Leur taux d’inactivité était de 26,3%, légèrement supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (24,5%), mais toujours bien inférieur à celui de l’ensemble des descendants d’immigrés (33,5%), notamment des descendants d’immigrés turcs (44,8%) ;
  • Le taux de chômage de ceux-ci était de 5,6%, un niveau plus faible que les personnes sans ascendance migratoire (6,5%) et qui était moitié moindre que la moyenne des descendants d’immigrés (10,2%), voire davantage notamment pour les descendants d’immigrés d’Afrique guinéenne ou centrale (19,3%).
   Taux d’inactivitéTaux d’emploiTaux de chômage  
Descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est      26,3%  69,6%  5,6%
Personnes sans ascendance migratoire    24,5%  70,7%  6,5%
Ensemble des descendants d’immigrés      33,5%  59,7%  10,2%

4.2 La plus faible endogamie parmi les descendants d’immigrés et les liens les plus distendus avec les pays d’origine

Selon les données INSEE, les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-est représentent le groupe d’origine extra-européenne le moins endogame. En effet, seuls 14% des descendants de deux parents immigrés d’Asie du Sud-est vivaient en couple avec un conjoint de la même origine migratoire en 2019-2020, contre une moyenne de 35% pour l’ensemble des descendants d’immigrés et un taux de 77% pour les descendants de deux parents immigrés turcs. Cette part tombe même à 2% pour les descendants d’un seul immigré d’Asie du Sud-est44.

Une telle situation s’explique sans doute, en partie, du fait que les immigrés et descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est sont ceux qui entretiennent le moins de liens avec leurs pays d’origine45, ce qui pourrait favoriser les unions exogames :

  • En 2019-2020, seuls 1% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient fait au moins un séjour d’au moins un an dans leur pays de naissance depuis leur migration en France, ce qui en fait le taux le plus bas ;
  • 70% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient visité au moins une fois leur pays d’origine, ce qui en fait le 2ème taux le plus faible derrière les immigrés issus de l’Afrique guinéenne ou centrale. Ce taux tombe à 43% pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est, soit le plus faible pour cette génération ;
  • 71% des immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans avaient des contacts avec leur pays d’origine (y compris téléphoniques ou électroniques) en 2019-2020, soit le taux le plus faible, contre une moyenne de 91% pour l’ensemble des immigrés, tandis que ce taux monte à 95% pour les immigrés d’Afrique sahélienne. Ce taux est également le plus faible pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est de la même tranche d’âge parmi tous les descendants d’immigrés de toutes origines, soit 45% ;
  • 17% des immigrés et 6% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans apportaient régulièrement une aide financière à la famille, à des amis ou à des associations en 2019-2020, ce qui en fait le taux le plus faible parmi les immigrés extra-européens. Ce taux monte à 62% pour les immigrés originaires d’Afrique sahélienne ;
  • 6% des immigrés et 0% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est ont participé à une élection dans un autre pays que la France, ce qui en fait un des taux les plus faibles ;
  • En revanche, 6% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est souhaitent partir vivre dans le pays d’origine de leurs parents, soit 2 points de plus que la moyenne des descendants d’immigrés.

Par ailleurs, 97% des immigrés et des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est déclarent être d’accord avec la proposition « Je me sens chez moi en France », soit le taux le plus élevé de toutes les origines migratoires extra-européennes – supérieur même à la moyenne des descendants de natifs (94%)46.

Seuls 14% des immigrés originaires d’Asie du Sud-Est vivaient dans un ménage locataire d’un logement social en 2019-2020, ce qui en fait la deuxième population immigrée la moins représentée en HLM (ex aequo avec les ménages immigrés issus de l’Europe du Sud), juste derrière les immigrés originaires de Chine (8%), contre un taux de 57% pour les immigrés d’Afrique sahélienne, de 49% pour ceux d’Algérie et de 35% en moyenne pour l’ensemble des immigrés. Pour les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-est (« deuxième génération »), ce taux descend à 13%, soit le taux le plus faible du classement parmi l’ensemble des origines extra-européennes47.

De même, 61% des immigrés originaires d’Asie du Sud-est vivaient dans un ménage propriétaire de son logement en 2019-2020, soit le taux le plus élevé, devant les personnes sans ascendance migratoire ou ultramarine (59%). Ce taux tombe à 54% pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est sur la même période, mais reste supérieur à celui de la population générale (53%) et le plus élevé des descendants d’immigrés extra-européens48.

Ainsi, les immigrés d’Asie du Sud-est présentent la double caractéristique d’avoir un des plus faibles taux d’occupation d’un logement social et d’avoir le plus haut taux de propriété de leur logement principal, devant les personnes sans ascendance migratoire.

Or, comme le souligne l’ancien Préfet Michel Aubouin : « la propriété individuelle peut être considérée comme un marqueur d’intégration, si l’on veut bien considérer que l’achat d’un bien, c’est-à-dire l’achat d’une parcelle de la France, est une preuve concrète de l’attachement que l’on porte à ce pays ». Selon lui, au-delà « la possession d’un bien immobilier et d’une adresse modifie les relations de voisinage et facilite la participation des familles à l’entretien de leur environnement »49

Seuls 994 étrangers ressortissants d’un pays d’Asie ou d’Océanie (dont l’Asie du Sud-est ne constitue qu’une part minoritaire) étaient écroués en France au 1er janvier 2022, soit 5,3% du total des étrangers écroués, contre 3 870 étrangers algériens, soit 13,4% du total des étrangers écroués50. Les étrangers ressortissants d’un pays d’Asie (au sens large) ne représentaient l’an dernier que 3% des mis en cause dans les transports en commun en France en 202351. Il est à noter que le détail par nationalité ou région d’origine (qui permettrait d’isoler l’ensemble « Asie du Sud-Est ») n’est pas disponible, sans doute en raison de la faiblesse des chiffres en question.

Enfin, seuls 9% des immigrés et 8% des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-est âgés de 18 à 59 ans résidaient dans un quartier prioritaire de la politique de la ville en 2019-2020, soit le taux le plus faible pour les immigrés extra-européens, contre une moyenne de 23% pour l’ensemble des immigrés et de 15% pour les descendants d’immigrés52.

L’immigration d’Asie du Sud-Est en France présente de nombreuses caractéristiques intéressantes pour la société d’accueil :

  • D’excellents indicateurs d’intégration économique, avec une meilleure insertion sur le marché du travail et un meilleur taux de détention de la propriété principale à la « première génération » (malgré une moyenne faible de qualification) ; puis une sur-réussite scolaire et universitaire très marquée à la « deuxième génération ».
  • Des indicateurs positifs d’intégration culturelle et sociale à la communauté nationale, avec l’endogamie la plus faible, les liens les plus distendus par rapport au pays d’origine, l’absence de surreprésentation dans les statistiques de la délinquance, par rapport à l’ensemble des immigrations extra-européennes.

Pourtant, alors que les flux migratoires progressent fortement ces dernières décennies (+175% de délivrance de titres de séjour à des étrangers extra-européens en 2023 par rapport à 1997, +245% de premières demandes d’asile déposées l’an dernier par rapport à 2009) la part des immigrés et étrangers du Sud-Est asiatique tend à diminuer dans la population générale.

Cela tient d’abord au fait que, comme le souligne la Cour des Comptes : « seule la moitié des premiers titres accordés en 2018 (…) procède d’une décision entièrement maîtrisée par les autorités publiques, l’autre moitié étant la contrepartie de droits individuels protégés par la Constitution et l’ordre juridique international, que l’État ne peut ni prévoir, ni restreindre »53. Celle-ci ajoute en note de bas de page que « seules l’immigration professionnelle et l’immigration étudiante sont entièrement sous contrôle (quantité et sélection) des autorités gouvernementales ».

Il pourrait donc apparaître souhaitable que l’État reprenne le contrôle d’une plus large part de la politique migratoire, au-delà des seules immigrations professionnelles et étudiantes, et qu’il fasse également le choix d’une immigration choisie – y compris par origines géographiques. Pour ce faire, il devrait être en mesure de s’appuyer sur des études comparatives détaillées, en matière de bilan fiscal par exemple, afin de décider en conséquence.

Une telle « révolution juridico-politique » se heurterait évidemment, dans le cadre institutionnel actuel, à d’importants obstacles d’ordre constitutionnel et conventionnel. Le fait de les surmonter serait alors nécessaire pour ériger la politique « des immigrations » en France sur le même plan que n’importe quelle autre politique publique, guidée par un objectif rationnel et assumé : minimiser les coûts et maximiser les bénéfices, pour la société comme l’économie françaises. Dans cette perspective, privilégier les flux d’immigration en provenance de l’Asie du Sud-est représenterait un intérêt indéniable pour la France.

  1. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 (Lien) ↩︎
  2. Idem ↩︎
  3. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) (Lien) ↩︎
  4. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés en France », édition 2023, paru le 30/03/2023, p. 9 (Lien) ↩︎
  5. Lê Huu Khoa « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  6. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  7. Idem ↩︎
  8. Idem ↩︎
  9. Idem ↩︎
  10. Idem ↩︎
  11. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  12. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  13. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60) ↩︎
  14. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  15. Idem ↩︎
  16. Lê Huu Khoa. « L’immigration du sud-est asiatique ». In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L’immigration dans l’histoire nationale. pp. 57-60 ↩︎
  17. Musée de l’histoire de l’immigration, « La saison Asie au Palais de la Porte dorée » (dossiers pédagogiques) ↩︎
  18. Idem ↩︎
  19. Idem ↩︎
  20. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés en France », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  21. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  22. Idem ↩︎
  23. Idem
    & INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023, paru le 30/03/2023
    & INSEE, « L’essentiel sur … les immigrés et les étrangers », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  24. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024 ↩︎
  25. INSEE, « Origine géographique des descendants d’immigrés », données annuelles 2023, paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  26. INSEE, « Répartition des étrangers par groupe de nationalités », données annuelles de 2006 à 2023 (séries longues), paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  27. INSEE, « Étrangers et immigrés en 2019, Répartition des étrangers par nationalité détaillée selon les continents de 1968 à 2019 », paru le 26/07/2022 (Lien) ↩︎
  28. Idem
    & INSEE, « Répartition des étrangers par groupe de nationalités, Données annuelles de 2006 à 2023 » (séries longues), paru le 29/08/2024
    & INSEE, « Population immigrée et population étrangère en 1999, Étrangers selon la nationalité (17 postes) de 1946 à 1999 », paru le 07/02/2011 (Lien) ↩︎
  29. INED, « Titres de séjour par nationalité », mis à jour en février 2024 (Lien) ↩︎
  30. Ministère de l’Intérieur, « Les chiffres 2023 : la délivrance de visas aux étrangers au 27 juin 2024 », publication annuelle parue le 27 juin 2024 (Lien) ↩︎
  31. Idem ↩︎
  32. OFPRA, « Rapport d’activité 2023 », 18/07/2024 (Lien) ↩︎
  33. INSEE, « En 2023, un million d’immigrés nés en Asie vivent en France », paru le 29/08/2024, « Rapport d’activité 2023 », 18/07/2024 (Lien) ↩︎
  34. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés 2023 – Fécondité », paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  35. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés, Maîtrise des langues par les immigrés » – édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  36. INSEE, « Niveau de diplôme des immigrés et des descendants d’immigrés par origine géographique », données annuelles 2023, paru le 29/08/2023 (Lien) ↩︎
  37. Idem ↩︎
  38. DEPP, « Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat : rôle de l’origine et du genre – Résultats récents », Yaël Brinbaum, 2019 (Lien) ↩︎
  39. DEPP, op. cit. ↩︎
  40. Campus France, fiches mobilité pays (Lien 1 / Lien 2 / Lien 3) ↩︎
  41. Campus France, « Rapport d’activité 2023 », p. 26 (Lien) ↩︎
  42. INSEE, « Inactivité, chômage et emploi des immigrés et des descendants d’immigrés par origine géographique, données annuelles 2023 », paru le 29/08/2024 (Lien) ↩︎
  43. Idem ↩︎
  44. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Origine des conjoints des immigrés et des descendants d’immigrés, édition 2023 », paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  45. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Rapport au pays d’émigration et pratiques transnationales », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  46. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Ressentis par rapport à la migration et sentiment d’intégration », édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  47. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés – Conditions de logement », édition 2023, 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  48. Idem ↩︎
  49. Michel Aubouin, « Les étrangers extra-européens et le logement social en France » Fondapol et Observatoire de l’immigration, avril 2024 (Lien) ↩︎
  50. Ministère de la Justice, « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice », 1980-2022 p. 25 (Lien) ↩︎
  51. Ministère de l’Intérieur « Les vols et violences enregistrés dans les réseaux de transports en commun en 2023 » Info rapide n°42, 11 septembre 2024 (Lien) ↩︎
  52. INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés, Conditions de logement » – édition 2023, paru le 30/03/2023 (Lien) ↩︎
  53. Cour des Comptes, « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères (synthèse) », avril 2020, p. 9 (Lien) ↩︎