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Table des matières

L’essentiel

• Peu d’études transversales existent sur l’incidence de l’immigration pour le système de santé en France. Cette situation constitue une exception en Europe ainsi qu’une anomalie démocratique à corriger.

• Selon les différentes données disponibles, les immigrés sont en moins bon état de santé général que les natifs. Ce constat se retrouve au moins en partie chez les descendants d’immigrés, une fois corrigé l’effet de structure d’âge (cette population étant plus jeune)

• Les immigrés ont également tendance à consommer des soins plus coûteux que les natifs et ont plus de risques de contracter certaines maladies chroniques (ex : le diabète touche 2 à 2,5 fois plus les personnes originaires du Maghreb que la population native), consolidant le diagnostic d’une « dette de santé » importée en France.

La contribution financière des immigrés au système de santé est en moyenne inférieure à celle des natifs, en raison d’une structure de revenus qui les fait bénéficier davantage de la complémentaire santé solidaire (CSS) et réduit leurs cotisations d’assurance maladie.

• Le déséquilibre de la contribution financière des immigrés au système de santé est particulièrement marqué dans deux catégories quasi-intégralement financées par la solidarité nationale : le séjour pour soins – une procédure presque unique au monde qui permet de se faire soigner gratuitement en France pour des traitements très coûteux (jusqu’à 1 million d’euros / an) – et les soins dispensés aux immigrés irréguliers, notamment via l’aide médicale d’Etat (AME).

La structure des besoins de santé de l’immigration est surtout concentrée sur des secteurs en tension, notamment les urgences (avec une plus forte consommation globale des soins hospitaliers), la pédiatrie, la psychiatrie, mais aussi les greffes d’organes – avec de sérieuses pertes de chances pour la population en général.

• Si l’émigration de médecins formés en France reste marginale, certains secteurs, comme l’hôpital public, dépendent d’un recours massif à des médecins formés à l’étranger. Cela résulte principalement du numerus clausus et aboutit à une baisse tendancielle de la qualité de prise en charge médicale.

• Au total, la pression exercée par l’immigration sur le système de santé français apparaît difficilement soutenable, non seulement financièrement mais aussi parce qu’elle aggrave la saturation de l’offre sanitaire. Cette situation appelle donc de profondes réformes.

Introduction

« En termes de morbidité, les données épidémiologiques caractérisant les migrants sont rares. Pourtant, le recensement de « l’origine » des individus est autorisé dès lors que celle-ci est définie par des variables sociodémographiques classiques (lieu de naissance, nationalité, nationalité des parents, etc.). Ce sont surtout des réticences culturelles et politiques à voir ce champ de la santé investi par la recherche et les pouvoirs publics qui expliquent l’insuffisance des études représentatives ». Ce constat de l’existence d’un angle mort de l’évaluation des politiques de santé à l’égard des immigrés en France, dressé par l’IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) en 2022[1], est encore largement valable au moment de la rédaction de la présente note.

Si ce terrain d’étude a régulièrement retenu l’attention des décideurs, des médias et des chercheurs dans la période récente, l’analyse fut en effet, le plus souvent, réduite à un sujet bien délimité, en lien avec l’actualité du moment. Le débat public s’est ainsi intéressé, depuis les années 2010, à « l’énorme dette de la sécu algérienne »[2], à la tuberculose en tant que « filière mafieuse pour se faire soigner en France »[3], à l’existence de « 2,6 millions de cartes Vitale en trop »[4] et d’un « vaste trafic de médicaments détournés en drogue par des mineurs isolés »[5], ou plus récemment à la « réforme de l’Aide médicale d’État »[6], dont le coût a augmenté de 45% en 10 ans[7].

Cette mise en lumière de certains dysfonctionnements saillants de la prise en charge des immigrés par le système de santé français permet à l’opinion de mieux connaître, au gré des éditoriaux, ce champ d’action publique méconnu, situé à la frontière de trois grands domaines politiques : la santé, les Affaires étrangères et l’Intérieur. Elle a cependant le défaut d’en présenter une vision parcellaire et déformée, alors que la pression exercée par l’immigration sur le système de santé nécessite des correctifs systémiques, qui ne peuvent être élaborés qu’après avoir établi un état des lieux général.

La présente note entend contribuer à la construction de cet état des lieux, en commençant par préciser quelques définitions fondamentales ainsi que les données disponibles en la matière (I), avant de s’intéresser à l’état de santé des immigrés (II) et à l’impact financier de l’immigration sur le système de santé (III). Un focus sur plusieurs enjeux migratoires en rapport avec la santé permet de compléter l’analyse globale (IV), conclue par un ensemble de recommandations.

La présente note s’intéresse à l’incidence de l’immigration sur le système de santé français.

Par immigré, on entend de manière classique toute « personne née étrangère à l’étranger et résidant en France »[8] : le statut d’immigré est donc permanent et inclut des personnes ayant acquis la nationalité française. À l’inverse, les étrangers nés en France ne sont pas comptabilisés parmi les immigrés. Lorsque ces données sont disponibles, il est également tenu compte des consommations en santé et contributions des descendants d’immigrés, qui permettent de mieux appréhender les tendances de long terme.

Beaucoup de développements sont consacrés aux étrangers, c’est-à-dire aux personnes résidant en France sans avoir la nationalité française. Cette catégorie recoupe partiellement celle des immigrés et permet de compléter l’analyse, en particulier au regard des droits sociaux et du régime assurantiel applicable, qui se rattache principalement, mais pas exclusivement, à la nationalité. La recherche du régime assurantiel applicable à chaque personne nécessite en effet d’avoir recours à des catégories plus fines que la possession, ou non, de la nationalité française.

Pour les étrangers, la nature du séjour en France a son importance quant au circuit de prise en charge applicable. On peut citer le statut de travailleur détaché ou expatrié, le travailleur détaché restant affilié à l’assurance maladie de son pays d’origine tandis que le travailleur expatrié bénéficie de droits ouverts à l’assurance maladie française. Certains types de séjour comme le séjour pour soins ou le statut de demandeur d’asile correspondent à un encadrement juridique spécifique. Enfin, les personnes qui se maintiennent sur le territoire français sans titre de séjour valide – appelées également clandestins, sans-papiers ou étrangers au séjour irrégulier – bénéficient de dispositifs spécifiques comme l’Aide médicale de l’État (AME).

Le pays dont l’étranger est ressortissant a également son importance – un régime spécial s’appliquant aux habitants et ressortissants des 41 pays et territoires d’outre-mer avec lesquels la France a conclu des accords bilatéraux de sécurité sociale. Un régime européen harmonisé s’applique également aux citoyens de l’Union européenne (UE), de l’Espace économique européen (EEE), de la Suisse et du Royaume-Uni. Dans ce contexte, la notion de droit européen d’« État compétent » a son importance, car elle désigne l’organisme d’assurance maladie dont relève le bénéficiaire pour le financement de ses dépenses de santé. L’État compétent est en général l’État européen dans lequel le bénéficiaire a sa résidence habituelle.

Par système de santé on entend l’ensemble des biens et services qui constituent l’offre de santé en France (médecine de ville, établissements de santé, professions paramédicales, offre de médicaments et dispositifs médicaux…) ainsi que les organismes qui concourent à son financement (caisses d’assurance maladie, complémentaires santé, assurances privées).

Les données publiques relatives à l’état de santé, à la consommation de soins et à la contribution financière au système de santé des populations immigrées sont rares. Les organismes publics dont la production de telles études fait partie des attributions ne se sont jamais saisis de ce sujet de façon complète et cohérente : Cour des comptes, DREES, INSEE, IRDES, France stratégie et les organismes qui lui sont rattachés, corps d’inspection de l’État (IGF, IGAS) – pour ne citer que les principaux. Ces travaux épars ont été largement mobilisés pour la rédaction de la présente note (avec leurs références en bas de pages). 

Certaines séries statistiques permettraient au public de compléter ces travaux dans le but de former le tableau le plus complet possible de l’incidence de l’immigration sur le système de santé. Il s’agit principalement de :

  • l’enquête Budget de famille, réalisée tous les 5 ans par l’INSEE, qui permet notamment d’éclairer la contribution des ménages immigrés au financement du système de santé ;
  • l’enquête Santé européenne (EHIS), réalisée tous les 6 ans par la DREES et l’INSEE, avec l’appui de l’IRDES, en application d’un règlement européen[9], qui donne une indication, notamment, sur l’état de santé des populations immigrées, leur recours aux soins et leur couverture par une complémentaire santé.

Ces enquêtes reposent principalement sur la réponse à des questionnaires par des échantillons représentatifs de la société. Dans le cadre de l’enquête EHIS 2019, environ 20 000 personnes ont ainsi été interrogées en France. L’enquête EHIS est complétée par la collecte des consommations de soins des répondants auprès de l’Assurance maladie.

Les données de ces enquêtes ne sont toutefois pas librement accessibles, alors même qu’elles sont anonymisées. Elles ne sont rendues disponibles qu’à un nombre restreint de personnes habilitées qui en font la demande, en général des chercheurs et agents d’organismes statistiques. Pour l’enquête EHIS, la France fait partie, avec l’Albanie et la Turquie, des seuls pays pour lesquels les micro-données[10] ne sont pas disponibles, même sous format anonymisé, selon Eurostat. Or rien ne justifie la rétention de ces données d’intérêt général, qui sont nécessaires à la bonne information des citoyens et à l’évaluation des politiques publiques. 

Surtout, ces enquêtes paraissent insuffisantes pour bien connaître l’incidence de l’immigration sur le système de santé, à la fois en quantité (périmètre de l’échantillonnage) et en qualité (niveau de description de l’état de santé). En particulier, elles ne décrivent pas le détail des consommations de soins par catégories de pathologies et elles excluent les immigrés clandestins et les consommations de soins des personnes non couvertes par l’Assurance maladie.

Il est à ce titre regrettable que le CNIS ne propose, dans son programme de moyen terme 2024-2028, aucune amélioration de la connaissance des effets de l’immigration sur le système de santé. Dans son Avis du moyen terme 2024-2028 publié en février 2024, le CNIS ne mentionne d’ailleurs aucun axe de travail relatif à l’immigration, en dépit de la nécessité largement partagée de développer ce domaine. Cet avis est pourtant censé, selon les termes du CNIS, « exprime[r], sous la forme de recommandations adressées à la Statistique publique, les attentes de la société en informations statistiques sur des sujets qu’elle considère comme majeurs ». 

Les travaux réalisés sur l’état de santé des immigrés ont longtemps considéré que ceux-ci étaient généralement en meilleure santé que les natifs[11]. Plusieurs causes étaient avancées pour expliquer cette observation : l’existence de visites médicales systématiques avant ou après l’arrivée dans le pays d’accueil, l’effet auto-sélectif de l’immigration qui concerne généralement les ressortissants les plus aisés et dont la santé est meilleure, la volonté des personnes en mauvaise santé de rester auprès de leurs proches …

Toutefois, la réalité de ce phénomène se vérifie de moins en moins, et s’est même inversée en France, selon une étude publiée en 2014[12]. Selon cette étude, en France, les femmes immigrées ont 42% de chances de moins que les natives de se déclarer en bonne santé, ce ratio étant de 32% pour les hommes immigrés. Parmi les pays étudiés, les immigrés en Belgique et en Espagne se déclaraient également en moins bonne santé que les natifs. Seule l’Italie connaissait des résultats inversés, avec des immigrés se déclarant en meilleure santé que les natifs. Cette étude confirme donc que l’existence d’un phénomène de l’immigrant en bonne santé ne vaut pas pour les pays européens, contrairement aux États-Unis, au Canada et à l’Australie.

Les origines de ces différences entre pays latins et anglo-saxons donnent lieu à des interprétations diverses. Il est avancé que les immigrés présents depuis une certaine durée dans le pays d’accueil finissent par adopter les mêmes comportements que les natifs et se trouvent donc exposés aux mêmes risques de santé, notamment en ce qui concerne les affections de longue durée. Ce phénomène est sans doute accentué par l’existence de comportements à risque de certaines populations avant même qu’elles n’immigrent, telle la prévalence du diabète de type 2 dans les pays du Maghreb[13], origine majeure de l’immigration en France. Cette explication est confirmée par les résultats de l’EHIS 2019[14] pour la France :

Source : OID, à partir des données INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023

Les immigrés, hommes ou femmes, ont un état de santé moins bon que celui des natifs pour l’ensemble des indicateurs considérés : état de santé général perçu, surpoids, syndrome dépressif. Ce moins bon état de santé est corrélé à un recours accru au système de santé, en particulier à l’hôpital pour les femmes immigrées (+8% par rapport aux natives). Ce niveau de recours à l’hôpital des immigrées est concordant avec leur fécondité plus importante que celle des natives, en particulier lors des années qui suivent l’arrivée en France : le pic des naissances issues de femmes immigrées se situe dès la première année suivant leur première entrée en France. Il se maintient ensuite à des niveaux élevés dans les cinq années qui suivent.

Répartition des naissances chez les femmes immigrées selon le lieu de naissance et le nombre d’années écoulées depuis la première entrée en France

Source : INSEE, « Combien les femmes immigrées ont-elles d’enfants ? », 21 février 2023

À cette aune, une spécificité française mérite d’être soulignée sur la base des données consolidées par l’OCDE[15] : l’indice de fécondité des femmes nées hors-UE est, dans notre pays, le plus élevé d’Europe occidentale. Il était de 3,27 enfants par femme en 2019, soit le double de celui des femmes natives – et un écart record dans la zone.

Le plus grand recours des immigrés à l’hôpital par rapport aux natifs peut également s’expliquer par leur concentration plus forte dans les zones urbaines, où sont implantés la plupart des établissements de santé, 8 immigrés sur 10 résidant dans des grands pôles urbains (38% dans l’aire urbaine de Paris), contre 6 natifs sur 10[16]

On le voit, les populations immigrées en France présentent un état de santé globalement plus dégradé que celui des natifs, alors même que leur structure par âge n’est pas défavorable : 20% des immigrés ont plus de 65 ans en France, soit 2 points de moins même que la part de cette tranche d’âge parmi les personnes non-immigrée (22%).[17]

Source : OID, à partir des données INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023

À première vue, l’écart semble s’estomper avec la première génération de descendants d’immigrés, dont l’état de santé est proche de celui des natifs sur les indicateurs présentés précédemment (surpoids, syndrome dépressif, mauvais état de santé général). Mais cet effet est essentiellement lié à la structure par âge de cette population, dont seuls 13% ont plus de 65 ans (contre 21% pour la population ni immigrée, ni descendante d’immigrés) et 37% ont moins de 18 ans (21% pour la population sans ascendance migratoire). Corrigé de l’effet de structure d’âge, l’état de santé des descendants d’immigrés est donc moins bon que celui des natifs.

Le moins bon état de santé général des immigrés se maintient donc, au moins en partie, chez la première génération de descendants d’immigrés. Une étude comparative sur plusieurs générations de descendants d’immigrés, en distinguant les zones géographiques d’origine, permettrait d’affiner ces résultats et de mieux estimer l’effet de long terme de l’immigration sur l’état de santé général de la population.

L’état de santé des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés[18] 

Une étude réalisée sur un échantillon de 301 patients suivis en consultations réalisées à la PASS[19] de l’Hôtel-Dieu (Paris) permet de mieux cerner l’état de santé d’une population immigrée particulière : les mineurs non accompagnés n’ayant pas été reconnus mineurs par le Dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers (Demie). 

Cette étude relève que parmi ces patients, 27,2% étaient suspectés d’avoir subi un psychotraumatisme et 6% ont été hospitalisés pendant la période de recueil des données de l’étude, qui a duré de 9 mois. Les patients suivis ont réalisé un nombre médian de 3 consultations pendant la période, et se sont vu poser 2,4 diagnostics de pathologies en moyenne.

Au-delà des indicateurs de santé décrits ci-dessus (surpoids, dépression, état de santé perçu…), on observe que les populations immigrées ont un recours accru à certains soins coûteux, liés à la prévalence plus forte de maladies graves et d’affections de longue durée :

  • L’incidence de la tuberculose chez les personnes nées hors de France est environ 10 fois supérieure à celle des personnes nées en France, selon Santé publique France[20]. Bien que cette maladie soit en recul, notamment depuis la crise COVID, 4 217 cas ont été déclarés en France en 2022[21] ;
  • La prévalence de l’hépatite B chronique est de 5,81% chez les personnes nées en Afrique subsaharienne, contre 0,14% chez les personnes nées en France métropolitaine[22] ;
  • En 2002-2003, le diabète touchait 14% des personnes de plus de 45 ans originaires du Maghreb, contre 7,5% des natifs de plus de 45 ans. Les femmes originaires d’un pays du Maghreb sont particulièrement atteintes, avec un risque 2,5 fois plus élevé que les femmes natives de contracter une forme de diabète[23] ;
  • 84,4% des 5 540 cas de paludisme estimés en France métropolitaine en 2019 sont survenus sur des personnes d’origine africaine[24] ;
  • Un immigré irrégulier sur six souffre de troubles de stress post-traumatique selon l’IRDES[25] ;
  • Les populations immigrées restent particulièrement exposées à la contamination par le virus du SIDA, selon Santé Publique France (voir graphique ci-dessous)[26].

Nombre de découvertes de séropositivité VIH par année et par population 

Source : Santé publique France – LaboVIH 2023
HSH : « hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes »

La structure des consommations de santé des immigrés contribue donc à augmenter les dépenses de santé qui les concernent par rapport aux natifs. La plupart des prévalences de maladies décrites ci-dessus nécessitent en effet des prises en charge en phase aiguë ou de longue durée très onéreuses pour le système de santé : environ 5 000 € par an en moyenne pour le diabète, par exemple.

Au total, la combinaison des effets de structure d’âge et de structure des consommations de santé des immigrés et de leurs descendants met en lumière l’existence d’une « dette de santé »[27] importée en France. Il est à prévoir que ces populations issues de l’immigration vont avoir tendance à vieillir en moins bonne santé que les natifs, ce qui, combiné aux tendances épidémiologiques dans la population, obère les perspectives de décélération, voire de réduction des dépenses de santé au niveau agrégé à l’issue du « papy boom ».

En effet, le pic d’augmentation prévisible des dépenses de santé liée à l’arrivée à un âge avancé de la génération née entre 1945 et 1960 devrait s’étendre de 2025 à 2045 environ[28]. Or c’est aussi vers 2045 que la plupart des immigrés actuellement présents en France commenceront à atteindre un âge avancé (41% des immigrés ont entre 18 et 44 ans aujourd’hui)[29], juste après la génération précédente qui aura contribué à l’effet « papy boom » (33% d’immigrés ont aujourd’hui entre 45 et 64 ans).

Contrairement au « papy boom » dont les effets sont bien circonscrits dans le temps, il est difficile d’apprécier la durée et le dynamisme prévisibles de l’augmentation des dépenses de santé liée au vieillissement des populations immigrées. Cette évolution dépend en effet de l’orientation de la politique migratoire dans les prochaines décennies. Les tendances de ces dernières années permettent toutefois d’anticiper une augmentation continue des dépenses de santé liées à l’immigration, avec une accélération importante à partir de 2045, en miroir de l’augmentation des flux d’immigration de la période récente.

Après avoir analysé l’état de santé des immigrés par rapport à la population en général, il convient de s’intéresser à leur contribution au financement du système de santé.

L’objectif de la présente partie est de présenter le niveau de contribution des immigrés, en premier lieu de manière agrégée pour les principaux financeurs (Assurance maladie et organismes complémentaires), puis en s’intéressant à certains statuts particuliers, qui permettront de compléter l’analyse vis-à-vis de l’État et du reste à charge.

Depuis la mise en place de la Protection universelle maladie (PUMa), le périmètre des personnes non couvertes par l’Assurance maladie en France est devenu marginal : clandestins et travailleurs détachés[30] principalement, sauf soins urgents. En effet, les travailleurs expatriés en France sont affiliés à la sécurité sociale française, tandis que les travailleurs détachés restent affiliés à l’organisme de sécurité sociale de leur pays d’origine. Pour les personnes sans activité professionnelle, la seule condition de résider en France depuis au moins 3 mois permet de bénéficier de la PUMa.

L’essentiel des produits de l’Assurance maladie étant issus des cotisations sociales prélevées sur le revenu des travailleurs, nous nous concentrerons sur le niveau de vie[31] des immigrés, comparé à celui des natifs, pour en déduire l’écart de contribution de ces deux populations. 

Pour les salariés, le montant des cotisations d’assurance maladie correspond à 7% du salaire brut en-dessous de 2,5 SMIC, et à 13% du salaire brut au-dessus de ce seuil. Or selon l’INSEE[32], en 2019, le niveau de vie médian des immigrés s’élevait à 17 000 €, contre 22 880 € pour les non immigrés. Au 9e décile, ce niveau de vie était de 34 400 € pour les immigrés, soit en-dessous du seuil de 2,5 SMIC nets (environ 36 000 € en 2019). Ainsi, même le 9e décile de niveau de vie des immigrés ne permet pas d’atteindre le seuil de taux plein des cotisations d’assurance maladie. En revanche, le 9e décile de niveau de vie des natifs correspond à 40 820 €, soit au-dessus du seuil de taux plein des cotisations d’assurance maladie. 

Note méthodologique

Pour comparer correctement la proportion d’immigrés cotisant à taux plein à l’assurance maladie à celle des ménages natifs, il conviendrait de déterminer la proportion de personnes dont la rémunération est supérieure à 2,5 SMIC dans chacune de ces populations. Or ces données ne sont pas accessibles, l’INSEE publiant seulement les écarts de niveaux de vie entre ménages natifs et immigrés. C’est ce dernier indicateur qui est donc retenu ici, faute de mieux. Le niveau de vie étant égal au revenu du ménage divisé par le nombre de personnes y appartenant, il est nécessairement inférieur au revenu. 

On peut toutefois considérer que cette minoration est compensée par le fait que beaucoup de ménages sont alimentés par deux salaires, qui nécessiteraient de tenir compte de leur répartition pour calculer un taux de cotisation moyen. L’analyse présentée ici assimile donc le niveau de vie à un salaire unique pour le ménage.

Il est cohérent d’en conclure qu’en moyenne, les ménages immigrés contribuent bien moins au financement de l’assurance maladie que les ménages natifs, parce que leurs revenus sont plus faibles (rendement proportionnel inférieur), mais aussi parce qu’une très faible proportion se voit appliquer le taux plein de cotisation, par rapport aux natifs (quasi-absence de progressivité du rendement).

Si l’on retient le critère de la nationalité et non plus le statut migratoire (immigrés / non-immigrées), l’analyse des bases de données OCDE[33] permet d’attester que le taux de pauvreté relative – calculé par rapport au salaire médian – des étrangers extraeuropéens vivant en France est le plus élevé d’Europe à égalité avec l’Espagne : 47,6 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020, soit une part quatre fois supérieure à celle des Français (11,5 %) avec un intervalle de 36 points par rapport à eux, soit l’écart record dans la zone.

En France, environ 95% de la population bénéficie d’une complémentaire santé, qui permet de réduire le reste à charge lié aux dépenses de santé non remboursées par l’Assurance maladie, en contrepartie d’une contribution financière. La souscription à un contrat de couverture complémentaire santé, en général collectif, est obligatoire pour les salariés du secteur privé, et les chômeurs bénéficient du maintien de leur couverture. La plupart des agents du secteur public et travailleurs indépendants souscrivent également, volontairement, à des contrats de couverture complémentaire.

Toutefois, certaines personnes peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une couverture complémentaire sans frais ou à frais réduits : la complémentaire santé solidaire (CSS).

Aide sociale financée par un fonds créé au sein de la Caisse nationale de l’Assurance maladie et abondé par le produit de la taxe de solidarité additionnelle[34], la CSS n’entre pas dans le champ des organismes complémentaires stricto sensu. Elle est toutefois abordée ici dans la mesure où son objectif est bien d’offrir un service équivalent à celui d’une complémentaire santé à des personnes dont les ressources ne dépassent pas certains plafonds :

  • 10 166 € par an pour une personne seule pour la CSS sans participation financière de l’assuré ;
  • De 10 167 € à 13 724 € par an pour une personne seule pour la CSS avec participation.

Le bénéfice de la CSS a plusieurs effets pour l’assuré :

  • Il est exonéré de dépassements d’honoraires ;
  • Le forfait journalier d’hospitalisation et les franchises médicales lui sont remboursées ;
  • Les restes à charge de prothèses et dispositifs médicaux sont remboursés sur la base de forfaits.

Les immigrés et étrangers résidant en France légalement depuis plus de 3 mois sont éligibles à la CSS. En pratique, la CSS est un dispositif qui relève bien de la solidarité nationale. Elle met à contribution les organismes complémentaires et leurs clients en opérant un transfert vers les bénéficiaires disposant de ressources inférieures, dans le but de maximiser la couverture complémentaire de la population.

L’analyse de la contribution financière de l’immigration au segment de dépenses de santé couvert par les complémentaires santé revient donc essentiellement à s’intéresser à l’existence, ou non, d’une surreprésentation des immigrés chez les bénéficiaires de la CSS. En l’absence d’étude récente permettant d’établir précisément cette surreprésentation, on se contentera, comme pour la contribution aux cotisations d’Assurance maladie, de reprendre la dernière répartition des immigrés selon le décile de niveau de vie de l’INSEE. Le 1er décile de niveau de vie des immigrés se situe à 9 000 € (8 660 € pour les immigrés d’origine africaine), soit en-dessous du plafond de revenus pour bénéficier de la CSS sans contribution. La médiane de niveau de vie des immigrés d’origine africaine (14 390 €) est en outre légèrement au-dessus du plafond de revenus permettant de bénéficier de la CSS avec participation, tandis que la médiane des natifs le dépasse largement (21 740 €). Le 1er décile de niveau de vie des non immigrés se situe quant à lui à 11 690 €, soit au sein de la tranche permettant de bénéficier de la CSS avec participation financière.

Cette différence permet de conclure à une moindre contribution des immigrés au financement des complémentaires santé, accentuée par l’effet de transfert entre les bénéficiaires de la CSS et les adhérents de complémentaires santé décrit ci-dessus.

En règle générale, les étrangers[35] qui bénéficient de soins en France sont présents sur le territoire pour un autre motif que celui de se faire soigner : ce sont des travailleurs, étudiants, visiteurs, bénéficiaires du regroupement familial[36] … Leur prise en charge est la conséquence de la survenue d’un besoin de santé sans lien avec la raison de leur séjour. Il existe toutefois des procédures spécifiques destinées à permettre à un étranger de se faire soigner en France : le visa de court séjour motivé par des raisons médicales, le séjour pour soins et l’autorisation provisoire de séjour pour soins.

Le visa pour motif de santé permet à un étranger de venir se faire soigner en France de manière programmée. Il s’agit d’un visa de courte durée, valable 90 jours, régi par le droit européen. Le Code communautaire des visas prévoit ainsi, dans son annexe II, que « pour des voyages entrepris pour raisons médicales [le demandeur doit produire] un document officiel de l’établissement médical confirmant la nécessité d’y suivre un traitement, et la preuve de moyens financiers suffisants pour payer ce traitement médical ».

En pratique, le demandeur de visa pour motif de santé en France doit justifier de l’accord de l’établissement de santé au sein duquel il sera pris en charge, ainsi que de l’accord de son organisme d’assurance pour financer le coût prévisionnel de sa prise en charge, sur présentation d’un devis. Dans certains cas, le versement d’une provision peut être demandée par l’établissement de santé (voir supra « La dette étrangère auprès des hôpitaux français »).

En outre, le demandeur doit satisfaire aux conditions applicables à l’ensemble des visas de court séjour :

  • Avoir un lieu d’hébergement en France ;
  • Bénéficier d’une assurance voyage et rapatriement ;
  • Avoir la capacité de subvenir aux dépenses courantes en France.

Le nombre de visas délivrés par la France pour raison médicale n’est pas publié par le ministère de l’Intérieur. Cette donnée est en effet noyée dans les 134 000 visas de court séjour délivrés pour motifs « divers » dans la dernière publication du 27 juin 2024 de chiffres de l’immigration[37]. Il est donc difficile d’estimer la part du « tourisme médical » liée à ces visas de court séjour.

Les accords bilatéraux conclus par la France

Selon le dernier rapport du CLEISS (Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale), « En 2022, la France applique les règlements européens (CE) n°883/2004 et n°987/2009, 41 accords bilatéraux de sécurité sociale conclus avec des pays étrangers ou territoires français d’outre-mer et enfin les accords de retrait, de commerce et de coopération […] conclus entre l’Union européenne et le Royaume-Uni […]. Au total, plus de 70 États sont couverts par un dispositif de coordination ».

Ces accords peuvent grandement faciliter le remboursement des prises en charge médicales des ressortissants de pays parties qui séjournent en France, ainsi que, réciproquement, le remboursement des prises en charges de ressortissants français à l’étranger. Les droits couverts par les conventions bilatérales varient toutefois en termes de niveau de couverture (reste à charge, panier de soins) et en termes de bénéficiaires (travailleurs salariés ou non-salariés et leur famille, ressortissants des pays parties à la convention et résidents ou travailleurs ressortissants de pays tiers). La carte ci-dessous donne un aperçu des pays couverts, avec les grandes tendances de niveaux de couverture.

On observe que 17 pays ont conclu une convention bilatérale avec la France couvrant le risque maladie de manière significative (hors maternité). Il s’agit en outre principalement de pays d’Europe de l’Est et d’Afrique dont le système de santé est beaucoup moins développé qu’en France. Aucun pays avancé n’a conclu de convention bilatérale avec la France avec une couverture étendue du risque maladie. Enfin, certains des pays avec lesquels le risque maladie est couvert sont débiteurs d’une dette de sécurité sociale parfois colossale auprès de la France, comme nous le verrons ci-dessous au sein des hôpitaux.

Dans ce contexte, la question de l’intérêt pour la France de maintenir ces conventions bilatérales se pose sérieusement. Alors qu’une réduction du champ des conventions existantes avec les pays n’honorant pas leurs obligations se justifierait, le renforcement de la coopération avec les autres pays de l’OCDE représenterait un réel intérêt pour les assurés français qui peinent parfois à se soigner en France en raison d’une offre de soins saturée.

La deuxième filière de « tourisme médical » en France concerne le séjour pour soins et l’autorisation provisoire de séjour pour soins, qui sont bien mieux documentés grâce aux rapports annuels produits par l’OFII.

Le séjour pour soins est l’un des motifs possibles de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ». Dans son rapport au Parlement sur le sujet pour 2022, l’OFII fait savoir que 181 089 demandes ont été déposées entre 2017 et 2022, et que 167 655 avis ont été transmis au préfet. Sur la même période, le taux moyen d’avis favorables au maintien sur le territoire pour soins s’est élevé à 57,6%. Pour la seule année 2022, 24 183 demandes de titre de séjour pour soins ont été enregistrées[38]. En pratique, la demande de titre de séjour est formulée en préfecture. Le demandeur doit ensuite communiquer à l’OFII un certificat médical détaillant son état de santé. Après d’éventuels compléments d’information, le collège de médecins de l’OFII transmet son avis au préfet qui décide ensuite de faire droit, ou non, à la demande.

Le périmètre de ce dispositif n’a cessé de s’élargir au fil des évolutions législatives et jurisprudentielles, comme l’a notamment souligné M. Didier Leschi (directeur de l’OFII) dans sa note de 2018 pour la Fondapol[39] :

  • Depuis la loi du 24 juillet 2006, le demandeur est dispensé de l’obligation de justifier d’une condition d’entrée régulière sur le territoire national ; 
  • À la suite d’un revirement de jurisprudence intervenu en 2010, le Conseil d’État[40] a jugé qu’il appartenait au préfet d’apprécier si l’intéressé pouvait effectivement bénéficier d’un traitement approprié au regard, d’une part, de l’accessibilité du traitement à la population en général, eu égard notamment à ses coûts et aux modes de prise en charge, et, d’autre part, d’éventuelles circonstances exceptionnelles tirées des particularités de la situation personnelle de l’intéressé. Cette notion de bénéfice effectif d’un traitement approprié « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire » a été confortée par la loi de 2016.

Désormais, trois conditions sont formellement nécessaires pour bénéficier d’un tel titre de séjour, définies aux articles L. 425-9 à L. 425-10 du CESEDA, bien que celles-ci revêtent un caractère largement théorique – comme nous le verrons plus loin :

  1. Justifier d’une résidence habituelle en France depuis au moins un an ;
  2. Nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité ;
  3. Ne pouvoir bénéficier d’un traitement effectif et approprié, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d’origine.

Concernant la condition de résidence habituelle en France depuis au moins un an, celle-ci fait l’objet d’un contrôle limité qui connaît de larges exceptions. En effet, l’article R. 425-14 du CESEDA permet à tout étranger de demander à bénéficier d’une autorisation dite « provisoire » de séjour pour soins s’il ne remplit pas la condition de résidence habituelle du titre de séjour pour soins. Ici le décret a tout simplement pour effet de vider la loi de sa substance. Il convient de noter qu’en pratique, les demandeurs ont souvent déjà commencé à être traités en France avant même le dépôt de leur dossier de séjour pour soins en préfecture, après être arrivés en France de manière irrégulière, en tant que demandeurs d’asile ou via un simple visa de court séjour touristique. Le refus de faire droit à ces demandes devient alors beaucoup plus délicat puisqu’il revient à se prononcer sur l’interruption d’un traitement en cours, dont le juge tient compte lorsqu’il examine la condition de nécessité.

La condition relative à la nécessité du traitement n’est ainsi pas davantage respectée :

  • Dans son rapport annuel au Parlement relatif à la procédure d’admission au séjour pour soins de 2021, l’OFII souligne que « la prise en considération [du] critère [des conséquences d’une exceptionnelle gravité de l’absence de soins] est souvent omise par rapport au critère d’accès aux traitements dans le pays d’origine, quelle que soit la gravité de la maladie »[41]. Cas emblématique, le juge administratif a ainsi annulé le refus d’admission au séjour pour soins d’une ressortissante d’un pays africain, mère de 3 enfants, pour la réalisation d’une assistance médicale à la procréation en France, en se bornant à constater que la méthode utilisée n’était pas disponible dans son pays d’origine[42].
  • En 2022, 14,7% des demandes de titre de séjour pour soins concernaient des troubles mentaux et du comportement, alors que le traitement des pathologies concernées « ne nécessite pas de plateau technique et les molécules des grandes classes pharmacologiques en psychiatrie sont universellement disponibles, à faible coût »[43]
  • Dans son rapport annuel au Parlement pour 2022, l’OFII souligne à nouveau que les décisions judiciaires « semblent considérer qu’aucun traitement n’existe par définition dans un certain nombre de pays, ce qui fait fi de l’évolution considérable constatée ces vingt dernières années. Par exemple, s’agissant de l’hépatite B ou de l’hépatite C, la disponibilité des traitements dans certains pays, fait pourtant établi, ne convainc pas toujours le juge (par exemple, 1er décembre 2023, TA de Lyon, instance n° 2306000). Même le fait que le demandeur soit issu de pays notoirement pourvus d’un système de soins raisonnablement performant (Chili, par exemple) ne constitue, parfois, pas non plus un élément susceptible d’infléchir les juridictions (CAA de Marseille, 3 avril 2023, n° d’instance 22MA01769) » ;
  • De même, ce dernier rapport de l’OFII fait également savoir que les décisions judiciaires « écartent parfois tout argument fondé sur l’existence d’un traitement comparable, comme si la loi exigeait la prescription de la même molécule, exactement », certaines juridictions allant jusqu’à exiger une identité de posologie.[44]

Notons enfin que certaines décisions de refus sont censurées par le juge alors qu’elles concernent des pathologies dont aucun traitement efficace n’a été découvert au moment du jugement.

Même la condition relative à l’impossibilité de bénéficier d’un traitement effectif et approprié dans le pays d’origine n’est que très peu appliquée. En 2022, 687 demandes déposées étaient issues de ressortissants du G20 (hors UE), dont le système de santé est comparable, voire supérieur à celui de la France pour certains. Dans son rapport annuel au Parlement pour 2021[45], l’OFII relevait la candidature « de 28 demandeurs nord-américains » (le critère étant celui de « bénéficier effectivement » d’un traitement approprié dans son pays d’origine, et non pas de « l’existence » d’un tel traitement). Comme l’explique Didier Leschi dans son livre Ce grand dérangement : « Les malades viennent dʼabord du Maghreb et dʼAfrique. Mais peuvent aussi bénéficier [du dispositif] des Américains nʼayant pas de couverture sociale suffisante dans leur pays ou ne pouvant sʼendetter pour se faire soigner et qui trouvent les moyens de résider en France le temps de guérir. Ils peuvent être des Suisses qui, quand ils sont frontaliers, nʼont pas besoin de sʼexpatrier. Nous cotisons tous pour leur protection médicale »[46].

Le contentieux des refus de titre de séjour pour soins témoigne d’une large « mésinterprétation du critère », selon les termes de l’OFII. Le juge administratif considère ainsi que le traitement de certaines maladies n’est pas possible dans certains pays, alors celui-ci est établi depuis plusieurs années. L’existence d’un traitement comparable à celui prodigué en France, mais pas identique, justifie également de censurer des décisions de refus de titre de séjour pour soins.

À la différence du visa pour motif de santé, le séjour pour soins n’est conditionné à la satisfaction d’aucune condition financière, qu’il s’agisse du coût des soins prodigués ou de leur paiement par le bénéficiaire ou son organisme d’assurance. En pratique, les soins prodigués sont financés par l’Assurance maladie, notamment via le dispositif de la PUMa (protection universelle maladie). Comme le souligne l’OFII, lorsque le demandeur ne peut bénéficier immédiatement de la PUMa, qui nécessite de résider en France depuis au moins 3 mois, d’autres dispositifs spécifiques permettent de débuter le traitement, pendant ce « délai de carence » : l’AME et le dispositif de soins urgents et vitaux. Les étrangers en situation irrégulière sont en effet recevables à demander un titre de séjour pour soins, ce parcours n’étant pas rare, l’OFII soulignant dans son rapport de 2021 que « l’AME n’est souvent que la première étape avant la demande d’un titre de séjour pour soin ».

Or les pathologies justifiant le recours aux séjours pour soins nécessitent généralement des traitements lourds, parfois innovants et souvent pour toute la vie du patient alors que celui-ci ne contribue pas à leur financement. A titre d’exemple, en 2022, 503 demandes de séjour pour soins concernant des prises en charge en dialyse ont été enregistrées, les primo-demandes pour cette pathologie étant en augmentation de 45% par rapport à 2021. 

Ces traitements représentent des coûts très lourds de prise en charge, qui peuvent représenter jusqu’à 1 million d’euros par an et par personne pour le seul schéma médicamenteux (sans inclure les coûts hospitaliers associées), ainsi couvert par l’Assurance maladie. Pour donner la mesure de ce qu’implique une telle somme : 458 années de cotisations d’assurance maladie seraient nécessaires pour qu’une personne rémunérée au salaire médian du secteur privé en France (2 600€ bruts)[47] puisse financer une seule année de traitement à 1 M€.

Source : OFII, Procédure d’admission au séjour pour soins – rapport au Parlement 2021

Il n’appartient pas à l’OFII de mesurer le coût pour l’Assurance maladie des séjours pour soins, et le chiffrage de ce coût n’a pas été entrepris ou n’est pas publié. Les données mises en lumière par le rapport annuel au Parlement de l’OFII relatif à ce dispositif pour l’année 2022[48] indiquent néanmoins que les séjours pour soins représentent une charge forte pour l’Assurance maladie :

  • « Les soins fournis aux « Etrangers malades » dans le cadre de cette procédure sont sans limitation, avec un coût invisible. L’impact financier du recours à certaines thérapies médicales ou médicaments onéreux est conséquent. Preuve s’il en est que l’accès aux soins pour les « Etrangers malades » est loin d’être restreint, nous pouvons objectiver que le coût peut être très important et sans limitation. Il est simplement non visible puisque pris en charge de manière globale par l’Assurance maladie. Dans certains cas, les malades bénéficient de plus de l’accompagnement social et éducatif (MDPH, AAH, AEH, IME, AVE) » ;
  • « Pour illustration, un sondage aléatoire sur 10 jours identifie une vingtaine de patients bénéficiant d’une thérapie médicale ou d’un médicament dont le coût annuel varie de 50 000 euros à 650 000 euros. Les montants estimés, même approximatifs, sont clairement sous pondérés car n’incluant que le prix du schéma posologique et ne comprennent pas le séjour hospitalier ».
  • « Régulièrement, nous observons que des patients présentant une amyotrophie spinale sont mis sous Nusineresen (Spinraza), traitement pouvant atteindre 1 million d’euros la 1ère année de traitement selon les protocoles, dont l’efficacité reste modérée et sans amélioration motrice ni curative en tout état de cause. Un traitement par Ivacaftor (Kalydeco) coûte 11 500 € la boite de 56 comprimés. On relève FACTANE, XOSPATA, ECULIZUMAB, Lumasiran, Car T cell, parmi les traitements les plus chers, certains à environ 500 000€ l’injection […] Ce sont souvent des traitements à vie. »
  • Dans son rapport annuel pour l’année 2020, l’OFII soulignait déjà que « tel patient bénéficie d’un traitement à 70 000 euros le flacon, ou d’un traitement de 37 cures par un médicament à usage hospitalier (soit environ 422 000 euros uniquement le coût du médicament) et dont les doses vont encore être majorées » [49],

Au-delà des aspects financiers, les séjours pour soins ont tendance à exercer une pression supplémentaire sur des secteurs du système de santé qui se trouvent déjà sous forte tension : 

  • Ainsi, selon le rapport de l’OFII pour 2022, 20% des lits d’hémato-pédiatrie du CHU de Toulouse étaient occupés par des enfants étrangers. Cet état de saturation entraîne des pertes de chances parfois dramatiques, que l’on retrouve dans d’autres établissements comme les CHU de Bordeaux et de Nantes ;
  • Le cas des greffes d’organes mérite également d’être cité. Selon le rapport de l’Assemblée nationale sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, porté par la députée Véronique Louwagie[50], 3 377 greffes de rein ont été réalisées en 2022 en France, avec un temps d’attente médian de 2,5 ans. Or cette même année, 1 740 demandes dont le dossier médical fait état d’une insuffisance rénale chronique, dialyse ou greffe de rein ont été recensées selon le rapport annuel 2022 de l’OFII sur la procédure d’admission au séjour pour soins[51]. De même, ce rapport évoque le cas d’un service de greffe d’organe pédiatrique qui s’est vu « confronté à une demande de greffon pour un enfant étranger en urgence absolue donc théoriquement prioritaire alors que 2 enfants résidents en France sont en liste d’attente d’un même greffon d’organe d’enfant, excessivement rare ».

Ce dispositif français de l’admission au séjour pour soins est quasiment unique au monde : 

  • Dans son rapport annuel au Parlement pour 2020[51], l’OFII soulignait que « la France est le seul pays à offrir ce type de soins gratuitement et sans restriction de plafond » ;
  • De même, Didier Leschi relevait en 2018[52] que « la Belgique est le seul pays à s’être doté d’un dispositif ressemblant à celui existant en France » mais « sans faire de l’état de santé un motif de délivrance de plein droit d’un titre de séjour ». De même, « le dispositif belge se distingue de celui de la France en ce qu’il inclut, à partir de 2012, un ‘’filtre médical’’ au stade de la recevabilité des demandes. Ainsi, contrairement au système français, toutes les demandes n’accèdent pas automatiquement à l’instruction ».

Le régime des séjours pour soins paraît donc manifestement insoutenable à la fois financièrement et au regard des capacités d’accueil du système de santé, déjà largement saturées en France. A minima, celui-ci « participe à la pression exercée sur notre système de santé » comme le souligne l’OFII dans son rapport au Parlement pour 2021. 

Par contraste, le régime du visa pour motif de santé devrait être plus équilibré financièrement, en raison de garanties plus fortes requises pour en bénéficier – même si des travaux mériteraient d’être conduits sur ce sujet sur la base de données exhaustives. Le visa pour motif de santé représente toutefois, de même que le séjour pour soins, une pression supplémentaire sur un système de santé français qui ne parvient déjà plus à répondre à la demande locale.

La dispensation de soins en France à des ressortissants étrangers dont le séjour est régulier connaît un développement particulier au sein des hôpitaux. En effet, les établissements de santé doivent accueillir sans discrimination les patients qui se présentent à eux, quel que soit leur statut, et ce de manière immédiate et sans condition pour les soins urgents. Pour les nationaux, qui bénéficient de la couverture désormais universelle de l’assurance maladie, le paiement des soins réalisés est presque totalement automatisé et transparent[53], le patient se retrouvant dans la plupart des cas avec un reste à charge modique voire inexistant.

Pour les patients étrangers non bénéficiaires de l’AME, le processus est plus complexe et varie énormément d’un établissement à l’autre. Il nécessite, pour les soins programmés, d’établir des devis, puis de facturer les soins directement au patient qui se fera ensuite éventuellement rembourser par sa caisse de sécurité sociale ou une assurance privée. Une avance de paiement peut être exigée pour s’assurer du bon recouvrement des soins réalisés, procédure mise en place par certains hôpitaux comme l’APHP. Toutefois, il est impossible de mettre en place cette sécurisation du financement pour les soins non programmés, qui concernent notamment les prises en charge au décours et à la suite de passages en urgences. Le recouvrement des frais de prise en charge ne peut alors se faire qu’à la sortie du patient, ou par l’intermédiaire de poursuites du comptable public. Or ces poursuites aboutissent rarement lorsque le patient n’est plus en France, leur succès dépendant principalement de la coopération des autorités locales.

L’Assistance publique – hôpitaux de Paris (APHP), un exemple emblématique des créances étrangères non recouvrées auprès des hôpitaux français

L’APHP, premier hôpital de France, est l’établissement de santé qui prend en charge le plus grand nombre de patients étrangers. Cette activité importante a conduit l’APHP, comme d’autres hôpitaux ayant une activité liée à des patients étrangers significative, à conclure des conventions en direct avec des caisses de sécurité sociale étrangères, afin de mieux encadrer la délivrance et le financement des soins pour les ressortissants des pays les plus demandeurs.

La conclusion de ces conventions « ad hoc », qui s’ajoutent aux conventions de sécurité sociale conclues entre États (dites conventions bilatérales), a toutefois conduit à des situations de confusion, ainsi qu’à des difficultés de recouvrement des créances de l’APHP à l’égard des caisses concernées.

Le tableau ci-dessous dresse la liste des pays concernés par les créances les plus importantes auprès de l’APHP en 2014 :

Source : Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, rapport sur l’APHP, 2016

Au total, en 2014, les ressortissants et organismes étrangers étaient débiteurs de 119 M€ auprès de l’APHP, dont 32 M€ pour l’Algérie, premier pays débiteur. La dette algérienne a pu être au moins partiellement soldée au cours des années suivantes, après l’abrogation de la convention conclue entre l’APHP et la CNAS (caisse de sécurité sociale algérienne), la révision de l’accord franco-algérien sur la sécurité sociale et la mise en place d’instances de coordination spécifiques. Le programme de réunions de la commission mixte franco-algérienne est cependant perturbé par les tensions diplomatiques qui apparaissent régulièrement entre les deux pays. Il arrive ainsi qu’elle ne se réunisse pas pendant de longues périodes.

En outre, les mesures mises en œuvre spécifiquement vis-à-vis de l’Algérie n’ont pas permis de résoudre complètement le problème du recouvrement des créances de l’APHP vis-à-vis de débiteurs étrangers, comme le révèle le rapport de 2021 de la CRC IDF. En 2018, l’APHP comptabilisait ainsi encore 120 M€ de dettes restant à recouvrer, soit un stock qui a continué de progresser légèrement depuis 2014. Au sein de ces dettes, on observe que c’est le taux de recouvrement des créances liées à des soins programmés qui a progressé, grâce notamment à la mise en place de provisions payées d’avance, correspondant à environ 2/3 de la facturation de ces soins. En revanche, le taux de recouvrement des créances liées aux soins non programmés reste faible (43% un an après les soins, 60% trois ans après les soins[54]), alors même que ceux-ci représentent des montants légèrement inférieurs à ceux des soins programmés (37 M€ en 2018 contre 41 M€ pour les soins programmés).
L’APHP, comme tous les hôpitaux, est confrontée à l’impossibilité pratique de sécuriser le paiement des soins non programmés en amont de leur dispensation, en particulier lors de passages aux urgences.

Le problème du recouvrement des créances hospitalières à l’égard d’organismes et de ressortissants étrangers ne peut se résoudre efficacement que sur le terrain diplomatique. 

C’est ce qu’enseigne le cas algérien, avec la mise en place du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie[55]. Ce protocole prévoit notamment la création d’une commission mixte franco-algérienne dédiée à sa bonne exécution et à l’apurement des comptes de chaque partie. En pratique, les frais liés à ces soins programmés sont payés par l’Assurance maladie, dans les conditions tarifaires de droit commun, pour le compte de la Caisse nationale des assurances sociales algérienne (CNAS). Les créances croisées entre la CNAS et l’Assurance maladie sont apurées régulièrement.

La solution algérienne pourrait être répliquée avec les pays dont la dette sociale à l’égard des hôpitaux français est la plus élevée (une commission mixte existe déjà avec la Tunisie). L’ensemble des hôpitaux français prenant en charge un nombre significatif de patients étrangers devrait également transmettre chaque année une liste des créances non recouvrées, par pays, au ministère des affaires étrangères[56], afin que celui-ci puisse suivre leur évolution et mettre en œuvre les actions diplomatiques adaptées à leur recouvrement. En effet, si le plan comptable hospitalier permet de suivre le montant de ces créances au niveau agrégé, seule une répartition par pays en permettrait l’exploitation à des fins de paiement. Cette analyse pourrait être rendue obligatoire dans le cadre du retraitement comptable (RTC) pour les établissements dont le montant des créances non recouvrées[57] dépasseraient 100 000€.

Les demandeurs d’asile peuvent bénéficier, au bout de 3 mois de résidence ininterrompue en France, d’une affiliation à l’Assurance maladie non contributive : la PUMa, dont le panier de soins remboursés est le même que celui de l’Assurance maladie de droit commun ainsi que de la complémentaire santé solidaire (CSS), pour eux-mêmes, leur conjoint, ainsi que leurs enfants. Les mineurs bénéficient toutefois de la PUMa dès leur arrivée en France, sans délai.

Pendant le délai de 3 mois précédant leur éligibilité à la PUMa, les demandeurs d’asile bénéficient du dispositif des soins urgents et vitaux[58], qui permettent le financement intégral par l’Assurance maladie de certaines prises en charge :

  • Les soins dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à l’altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou de celui d’un enfant à naître ;
  • Les soins destinés à éviter la propagation d’une maladie à l’entourage ou à la collectivité ;
  • Tous les soins liés à la grossesse et l’accouchement ;
  • Les interruptions de grossesse (volontaire ou pour motif médical).

Comme le souligne pourtant la Fondapol dans son plus récent rapport de panorama européen : « par comparaison, on voit que, dans l’ensemble des pays européens (…) un étranger demandeur d’asile accède à un système de soins d’une qualité inférieure à celle des nationaux »[59]

Les étrangers présents en France sans titre de séjour[60] bénéficient d’un dispositif spécial leur permettant d’être soignés sans frais : l’aide médicale d’État (AME)

Les conditions pour bénéficier de l’AME sont les suivantes :

  • Résider en France sans titre de séjour depuis plus de 3 mois ;
  • Avoir des ressources ne dépassant pas un plafond[61] (10 166 € annuels pour une personne seule en métropole).

L’AME ouvre droit à la prise en charge à 100 % des soins avec dispense d’avance de frais, à quelques exceptions près :

  • Le remboursement des médicaments princeps et à service médical faible (remboursés à 15% par l’Assurance maladie) ;
  • Les cures thermales et l’assistance médicale à la procréation ;
  • Une liste de 16 actes non urgents ne peuvent être pris en charge qu’après un délai de 9 mois après admission à l’AME ;
  • Le dispositif 100% santé, destiné à offrir un panier d’équipements et soins audio, dentaires et optiques sans reste à charge, est exclu.

Ses bénéficiaires ne sont pas soumis aux dispositifs du médecin traitant (parcours de soins coordonnés). 

On dénombrait 456 000 bénéficiaires de l’AME en 2023, qui ont donné lieu à un versement par l’État à l’Assurance maladie de la somme de 1,1 Md €. Comme le précisait le rapport rédigé par MM. Evin et Stefanini en décembre 2023[62].

L’AME est un dispositif qui répond à une double vocation : humanitaire, en offrant à une population précaire un haut niveau de protection santé financé par la solidarité nationale, et préventive afin d’éviter la dégradation de l’état de santé des bénéficiaires qui pourrait engendrer des soins urgents plus coûteux et des risques de propagation de maladies. 

Mais la très forte augmentation du nombre de bénéficiaires doit conduire à réformer ce dispositif. En effet, le nombre de bénéficiaires de l’AME « de droit commun » a triplé en moins de vingt ans (2004-2023), passant de 154 971 à 456 000 bénéficiaires[63].

De même, le coût global pour les trois volets de l’AME étant principalement corrélé à la hausse du nombre de ses bénéficiaires, celui-ci a augmenté de 72% entre 2012 et 2024, avec un montant budgété à hauteur de 1,319 milliard d’euros dans le PLF 2025[64].  

On observe en outre une reprise de la dynamique haussière des dépenses de l’AME depuis la fin de la crise COVID (+5,4% de dépenses prévisionnelles totales entre 2023 et 2024 ; +13,5% de bénéficiaires estimés entre 2022 et 2023 dans le rapport précité sur l’AME).

Chaque bénéficiaire de l’AME représente, en moyenne, plus de 2 400 € de dépenses de santé en 2024. Il est donc illusoire de chercher à internaliser cette charge au sein de la population considérée, dont un quart des membres sont mineurs et la quasi-totalité sont en situation de dépendance financière. Dès 2010, un rapport conjoint de l’IGAS et l’IGF estimait qu’un bénéficiaire de l’AME consommait davantage de soins qu’un bénéficiaire du régime général (1 741 euros de soins par an en moyenne à cette époque, contre 1 580 euros)[65].

Le rapport IGF-IGAS publié le 5 novembre 2019[66] a relevé plusieurs situations atypiques notables dans le cadre de l’AME : 

  • Une surreprésentation des maladies du sang, des cancers, des insuffisances rénales chroniques, ou des accouchements ;
  • Un rythme de croissance des séances d’hémodialyse, de chimiothérapie et radiothérapie particulièrement élevé (plus de 10%) pour les bénéficiaires de ce dispositif ;
  • Une proportion d’individus souffrant d’affections rénales et urinaires de 30% plus élevée chez les bénéficiaires de l’AME par rapport à la population générale.

Ce même rapport affirme que la « migration pour soins […] n’est clairement pas un phénomène marginal (plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration) » et fait savoir qu’il « existe une suspicion de migration pour soins » pour 43% des patients AME en dialyse et 25% des patients AME en chimiothérapie oncologique.

Enfin, ce dispositif de gratuité des soins pour les étrangers en situation irrégulière apparaît unique en Europe – comme s’accordent à le diagnostiquer les plus récentes analyses :

  • Selon Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : « Dans l’ensemble des pays européens, au-delà de l’urgence où la vie de la personne serait en danger, un sans-papiers ne peut prétendre à la même gratuité des soins »[67] ;
  • Selon la Fondapol « Par comparaison, on voit que, dans l’ensemble des pays européens, en dehors de l’aide d’urgence, lorsque la vie de la personne est en danger, un sans-papiers ne peut prétendre à la gratuité des soins. En Allemagne et en Italie, les migrants irréguliers présents sur le sol ne peuvent pas avoir accès à la gratuité des soins, sauf urgence »[68] ;
  • Selon l’IGS-IGAS, ce dispositif est « l’un des plus généreux d’Europe »[69].

Comme le souligne le rapport précité de la députée Véronique Louwagie, la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière ne s’arrête pas à l’AME. Outre l’évocation d’un usage détourné du séjour pour soins, il convient de souligner que cette population bénéficie largement des permanences d’accès aux soins (PASS), ces services hospitaliers créés en 1998 pour orienter et prendre en charge toute personne « en situation de précarité ». En 2022, le financement des PASS en France représentait 97 M€. Il est toutefois difficile d’évaluer la part des immigrés clandestins dans l’ensemble des patients pris en charge par les PASS.

Les dépenses de santé des clandestins détenus sont elles aussi difficiles à estimer. En 2020, le montant du financement par dotation alloué au fonctionnement des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) s’élevait à 187 M€, chiffre pouvant être doublé si l’on tient compte des dépenses d’activité facturées (consultations, hospitalisations…).

La prise en charge sanitaire des retenus au sein des centres de rétention administrative (CRA) complète ce tableau. Celle-ci est également assurée par les hôpitaux, qui perçoivent une dotation spécifique pour cette mission, dont le montant total représentait 20 M€ en 2024[70], soit plus de 10 000 € par place.

Au total, la députée Véronique Louwagie estimait, dans son rapport de 2023, à 1,7 Md € les dépenses de santé consacrées chaque année aux dispositifs qui dispensent des soins étrangers clandestins en France, estimation basse qui apparaît réaliste.

Le « tourisme médical » désigne tout séjour de courte durée à l’étranger ayant pour objectif, exclusif ou non, de recevoir des soins dans le pays de destination. Historiquement dominé par les pays de l’OCDE, le marché du tourisme médical se tourne de plus en plus vers les pays asiatiques, qui développent de véritables stratégies d’attractivité à destination de la patientèle étrangère (Inde, Thaïlande, Corée du Sud).

Le tourisme médical représente un marché estimé à 80 Md€ en 2024, avec un potentiel estimé à plus de 200 Md€ dans les 5 années à venir (croissance annuelle de 20 à 25%)[71]. La France est concernée par ce phénomène du tourisme médical à la fois comme pays de destination et comme pays d’origine. Pour les développements relatifs à la France comme destination de tourisme médical, on se référera à la partie relative aux étrangers séjournant en France légalement pour raison de santé. Il convient ici de s’intéresser à la France comme pays d’origine du tourisme médical, autrement dit à l’émigration pour raison de santé.

En 2022, les soins réalisés à l’étranger par des ayants-droits des caisses françaises d’assurance maladie ont représenté 522 M€ de remboursements[72], soit 0,27% de l’ensemble des prestations versées par la branche maladie[73]. Si ce montant a augmenté de 23% par rapport à 2021, il reste inférieur à ceux d’avant COVID (844 M€ en 2019, soit 0,49% de l’ensemble des prestations versées par la branche maladie). Le tourisme médical semble donc connaître une évolution similaire à celle du tourisme mondial, en reprise progressive depuis 2022. En attendant la publication du rapport statistique du CLEISS pour l’année 2023, il convient donc de considérer que les chiffres de 2022 restent marqués par l’impact de la crise COVID, c’est pourquoi l’analyse ci-après porte, d’une part, sur les dernières données disponibles (2022), et d’autre part sur les données de l’année 2019 (dernière année non impactée par la crise COVID)[74].

Les dépenses des régimes d’assurance maladie français pour des soins réalisés à l’étranger en 2022 se décomposent comme suit :

  • 486 M€ (93%) au titre du régime européen (UE, EEE, Suisse et RU) ;
  • 20 M€ (6%) au titre des conventions bilatérales ;
  • 11 M€ au titre des décrets coordination (concerne les soins réalisés en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon) ;
  • 5 M€ au profit d’États tiers sans convention. 

Le premier pays de destination, en montants, est la Belgique, avec 314 M€ de prestations versées, dont 85 M€ concernant des placements en établissements spécialisés d’adultes en situation de handicap[75]. Le premier pays extra-européen est le Maroc (8e place), avec 6,5 M€ de prestations versées.

Quand ils se font soigner à l’étranger, les assurés sociaux français ont donc tendance à privilégier d’autres pays européens. Le faible développement des conventions bilatérales avec d’autres pays de l’OCDE explique peut-être en partie cette orientation (voir ci-dessus l’encadré sur les accords bilatéraux). Au total, la part des remboursements de soins réalisés à l’étranger reste toutefois relativement faible, voire très marginale hors régime européen. La France n’est donc pas un grand pays d’émigration de santé, sauf exceptions sectorielles comme les prises en charge institutionnelles dans le secteur du handicap en Wallonie.

En 2007, au moment de l’entrée en vigueur d’une réforme de la « procédure d’autorisation à exercer », les nombre de médecins à diplôme hors UE était estimé à 5 000 en France. 12,3% des médecins exerçant en France avaient été formés à l’étranger en 2021 selon l’OCDE[76]. Le nombre de médecins formés à l’étranger est en forte augmentation en France : +64% entre 2010 et 2021. Ils n’étaient que 3,9% en 2000.

En 2023, 2500 médecins à diplôme hors UE ont réussi les EVC[77], ce qui représente 1/3 des places qui avaient été ouvertes au concours d’entrée en 2e année de médecine en France 10 ans plus tôt et 71% des places du concours de 1993, point bas du numerus clausus. 

Ces « régularisations » massives de médecins étrangers peuvent donc être vues comme autant de pertes de chances pour nombre de recalés des concours de médecine pendant les 40 ans du numerus clausus. Aujourd’hui, la plupart des hôpitaux publics dépendent des PADHUE (praticiens à diplôme hors Union Européenne) pour fonctionner, alors que ceux-ci ont bénéficié d’une formation initiale souvent de niveau inférieur à celle dispensée en France, pas toujours compensée par l’expérience. Il en découle une deuxième perte de chance : celle des patients, soignés par des médecins étrangers dont les compétences n’ont pas été vérifiées selon les standards académiques nationaux. 

En outre, cette immigration de médecins hors UE en France a des effets délétères sur les systèmes de santé des pays d’origine, en particulier dans le Maghreb. Environ 1/3 des nouveaux médecins diplômés quittent ainsi chaque année le Maroc, qui subit une forte pénurie médicale[78].

Les autres professionnels de santé sont moins concernés par l’immigration que les médecins. En France, toujours selon l’OCDE, seuls 3,1% des infirmiers en activité avaient été formés à l’étranger en 2021.[79]

En 2021, 5 000 médecins formés en France exerçaient dans un autre pays de l’OCDE, dont 1600 en Belgique, 1000 en Suisse et environ 700 aux États-Unis (dernière année disponible 2016)[80].

Toujours selon l’OCDE, environ 13 000 infirmiers formés en France seraient en activité dans un autre pays de l’OCDE (hors États-Unis, données non disponibles), dont 7 700 en Suisse, 2 500 en Belgique et 2 000 au Canada. L’émigration des professions de santé non médicales est donc un phénomène qui est loin d’être négligeable en France, alors même que les pénuries de soignants touchent sérieusement certains territoires, notamment au sein des établissements de santé, depuis la crise COVID.

Au total, l’émigration des professionnels de santé formés en France n’est pas massive, mais elle a tendance à augmenter, et il a été constaté lors des dernières négociations de la convention médicale conclue avec l’Assurance maladie en 2024 que de plus en plus de médecins et représentants syndicaux n’hésitaient plus à menacer d’émigrer s’ils estimaient que leurs conditions d’exercice étaient trop défavorables. Même si la France demeure plus attractive qu’elle n’est répulsive en termes de mobilités internationales de médecins, il convient de souligner la situation ubuesque que la politique du numerus clausus est en train de dessiner en France : alors que les médecins formés en nombre insuffisant menacent de quitter le pays, le secteur public devient de plus en plus dépendant de l’immigration de médecins étrangers.

La France arrive donc à exporter, au moins en partie, ses déserts médicaux dans les pays moins développés, au prix d’une qualité des soins dégradée.

La fraude sociale est revenue au centre du débat public en 2020, à la suite de la publication de plusieurs rapports et ouvrages s’intéressant à cette question.

Dans son rapport relatif à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales de 2020[81], la Cour des comptes recommandait ainsi que les organismes sociaux et de l’État partagent davantage leurs données afin de contrôler et mettre en œuvre les fins de droits, par exemple l’arrêt du bénéfice de la PUMa en cas d’interruption de résidence en France ou d’expiration de titre de séjour sans renouvellement. Ce rapport estimait à plus de 3 millions le nombre de personnes couvertes par l’Assurance maladie alors qu’elles n’y avaient plus droit.

Il convient également de mentionner le rapport du député Brindeau, publié en 2020 également, relatif à « la lutte contre les fraudes aux prestations sociales »[82], et qui donne un aperçu de l’importance des fraudes liées au trafic international de médicaments : « L’importance de ces trafics a été soulignée par Mme Cécile Moral, cheffe de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) au sein de la Préfecture de police de Paris : ‘’Nous ne rencontrons pas beaucoup de bandes organisées, si ce n’est, récemment, dans quelques dossiers – notamment deux en co-saisine avec l’OCLAESP [office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique]. Un individu interpellé se faisait délivrer beaucoup de médicaments très coûteux et les investigations ont permis de remonter à un commanditaire, chez qui on a découvert une caverne d’Ali Baba : ordonnanciers vierges, plus de 500 boîtes de médicaments, des comprimés, tout cela parfaitement conditionné pour alimenter un trafic vers l’Égypte’’ ».

Le rapport Brindeau précise ainsi que « les risques de fraudes des assurés se concentrent sur le dispositif de protection universelle maladie (PUMa), sur l’attribution de l’aide médicale d’État (AME) et sur certaines prestations en espèce comme les indemnités journalières ou les pensions d’invalidité ». Il mentionne également, de même que l’ONU dans un rapport de 2020[83], le lien entre ces fraudes aux prestations sociales et le financement du terrorisme.

La fragilité du système de santé français, qui s’accentue depuis la fin des années 2000, fait l’objet d’un consensus dans l’opinion publique. L’actualité rappelle très régulièrement des dysfonctionnements bien connus : démographie médicale en berne, engorgement des urgences, déficits des hôpitaux publics malgré une dette sociale qui s’alourdit, augmentation du taux de renoncement aux soins dans la population … Dans ce contexte, l’immigration produit l’effet d’un choc exogène particulièrement déstabilisateur sur ce système de santé chancelant.

Sur le plan de l’offre de soins, les immigrés et leurs descendants étant globalement en moins bonne santé que les natifs, il en découle une pression de demande accrue, dont la structure se concentre sur certains segments déjà très tendus : urgences, pédiatrie, psychiatrie. La structure des besoins de santé des immigrés engendre en outre une prévalence des traitements coûteux : prises en charge hospitalières lourdes, affections de longue durée.

Cette prévalence des traitements coûteux a pour effet d’accentuer le déséquilibre financier de la prise en charge des immigrés par le système de santé. Certaines filières d’immigration donnent lieu au bénéfice d’une couverture maladie non contributive par nature : le séjour pour soins et l’immigration irrégulière via le dispositif de l’AME. Mais même en dehors de ces cas particuliers, on constate un niveau de cotisations d’assurance maladie moyen inférieur chez les ménages immigrés par rapport aux ménages natifs, en raison de l’écart de revenus. Pour la même raison, les immigrés sont plus susceptibles que les natifs de bénéficier de la complémentaire santé solidaire (CSS), avec ou sans participation.

Dans ces circonstances, la pression exercée par l’immigration sur le système de santé apparaît insoutenable sur l’offre de soins à court terme, et sur le financement du système de santé à moyen terme. L’évolution prévisible de la pyramide des âges des immigrés installés en France, alliée au maintien de flux d’arrivées massifs, doit conduire à un rééquilibrage destiné à limiter la dégradation en cours des capacités sanitaires nationales. Sans action rapide, le décalage existant entre une réglementation favorisant une immigration de santé nombreuse et financée par la solidarité nationale d’une part, et un système de santé de moins en moins capable de répondre aux besoins, même urgents, de la population native d’autre part (plus de six Français sur dix auraient déjà renoncé à un acte médical au cours des cinq dernières années selon une récent étude de la Fédération hospitalière française[84]), ne pourra conduire qu’à l’émergence d’une situation de crise aux graves conséquences budgétaires, sanitaires et sociales.

Améliorer la connaissance des effets de l’immigration sur le système de santé :

  • Charger le HCAAM d’établir, à une fréquence au moins bisannuelle, un rapport sur la soutenabilité du système de santé selon le même modèle que le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites. 
  • Créer un chapitre relatif à la prise en charge des étrangers par le système de santé français au sein de la publication annuelle des comptes de la santé par la DREES. Ce chapitre reprendrait l’ensemble des dispositifs liés à l’immigration régulière et irrégulière et tiendrait compte des contributions afin d’établir un chiffrage des dépenses nettes de santé liées à la prise en charge des ressortissants étrangers. 
  • Compléter l’étude France, portrait social de l’INSEE, en intégrant dans le chapitre relatif à l’état de santé de la population des développements spécifiques liés à l’état de santé des immigrés. L’aboutissement de cette recommandation peut nécessiter de développer des indicateurs permettant de croiser les données administratives et médicales des patients, en lien avec l’ATIH et l’Assurance maladie. Elle peut aussi nécessiter la mise en place d’une enquête spécifique.
  • Ouvrir le champ et le contenu des enquêtes et statistiques publiques ayant un lien avec l’immigration et la santé. Rien ne justifie qu’une partie des variables de certaines enquêtes, comme l’enquête santé et protection sociale de l’IRDES, ou l’enquête Budget de famille de l’INSEE, soient verrouillées et rendues inaccessibles aux citoyens.
  • Demander à l’Assurance maladie d’objectiver le coût du dispositif des titres de séjour pour soins au sein des dépenses de l’Assurance maladie, afin de l’inclure dans le rapport annuel de l’OFII.

Rendre plus équitable le financement des dépenses de santé des immigrés :

Pour les étrangers disposant d’un titre de séjour valide : 

  • Conditionner les prises en charge non urgentes à l’accord préalable de financement par l’assurance du patient et au paiement d’avance du reste à charge prévisionnel ; pour les ressortissants affiliés à des caisses de sécurité sociale redevables de dettes importantes à l’égard de la France, paiement d’avance de l’ensemble des coûts prévisionnels de prise en charge.
  • Utiliser le RTC[85] pour mesurer le volume de la dette étrangère auprès des hôpitaux français et assurer son remboursement grâce à des actions diplomatiques. Mettre en place des commissions mixtes selon le modèle de la convention franco-algérienne pour faciliter l’apurement des dettes de sécurité sociale les plus importantes.

Pour les étrangers en situation irrégulière : 

  • Instaurer une contribution obligatoire de 30 € par mois à destination des personnes éligibles à l’AME, afin qu’elles participent symboliquement au financement de ce dispositif ;
  • Conditionner la délivrance de titres de séjour pour soins à un accord de financement préalable par la caisse de sécurité sociale du pays d’origine. 

A minima, modifier la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 comme suit : « le ressortissant étranger bénéficie d’une carte de séjour temporaire pour soins si une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; et si l’offre de soins n’existe pas dans le pays dont il est originaire ». 

Réduire la pression migratoire exercée sur le système de santé et la dépendance aux médecins étrangers :

  • Conditionner la délivrance de titres de séjours pour soins à une absence de tension des capacités de prise en charge des pathologies concernées, y compris dans le domaine des greffes. 
  • Transformer l’Aide médicale d’Etat (AME) en Aide médicale d’Urgence (AMU) ou faire basculer ses bénéficiaires dans le cadre du régime de l’article L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles, à savoir « les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ».
  • A minima, exclure du droit à l’AME les étrangers en situation irrégulière frappés d’une mesure d’éloignement du territoire pour un motif d’ordre public, hors soins urgents (comme préconisé par le rapport Stefanini / Evin sur l’Aide médicale d’Etat).
  • A minima, subordonner la poursuite de soins chroniques et lourds à la vérification que l’étranger en situation irrégulière ne peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine (comme préconisé par le rapport Stefanini / Evin sur l’Aide médicale d’Etat).
  • Faire basculer les demandeurs d’asile du régime général de l’Assurance maladie à celui de l’article L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles, ou a minima au régime de l’AME.
  • Prendre en compte le risque de prise en charge sanitaire du demandeur et de sa famille lors de la délivrance et du renouvellement de titres de séjours hors soins.
  • Augmenter massivement la formation de nouveaux médecins en France, qui reste insuffisante malgré la fin du numerus clausus. En parallèle, mettre fin au recours massif à des médecins à diplôme hors Union-Européenne.

La présente annexe dresse un état des lieux général des dépenses de santé en France et de la manière dont elles sont financées.

Méthodes de comptabilisation des dépenses de santé 

Le suivi de l’évolution des dépenses de santé en France est principalement réalisé par deux organismes de statistique publique : la DREES et l’INSEE. Elle se fonde principalement sur trois indicateurs : la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), la dépense courante de santé (DCS)[86] et la dépense totale de santé (DTS). 

La CSBM est un indicateur historique, encore utilisé de façon majoritaire par les organismes de statistique publique pour suivre et analyser les dépenses de santé en France depuis les années 1950, notamment dans la publication France, portrait social de l’INSEE. 

Il s’agit toutefois d’un indicateur incomplet par rapport à la DCS, puisqu’elle en exclut ¼ du périmètre en montant (77,8 Md€ en 2022)[87] : les soins de longue durée (49,5 Md€ en 2022), les dépenses de prévention (12,7 Md€) et les dépenses de gouvernance du système de santé (15,7 Md€). La CSBM correspond ainsi à une vision quelque peu obsolète des dépenses de santé, réduite aux « perturbations provisoires de l’état de santé »[88], alors même que les affections longues (personnes âgées, maladies chroniques) et les actions de prévention en constituent une part de plus en plus importante. L’utilisation renouvelée de cet indicateur est donc difficilement justifiable, en dehors de l’intérêt que peut représenter la continuité des séries déjà réalisées. Elle a pour effet de sous-estimer les dépenses de santé en France, en particulier lors de crises sanitaires comme la crise COVID, où les dépenses de prévention (vaccination) augmentent fortement. 

La DTS est l’indicateur le plus large des dépenses de santé. Il reprend la DCS et y ajoute des dépenses liées à la dépendance et au handicap, ainsi que les dépenses en capital (FBCF) du secteur de la santé. Cet indicateur n’est plus suivi de manière continue par la DREES et les organismes internationaux. Les investissements dans le secteur de la santé en France ayant tendance à s’organiser par vagues (plan hôpital 2007, Ségur de la santé…), leur prise en compte a pour effet de créer des variations importantes qui perturbent les tendances de long terme. L’indicateur qui privilégié dans les développements qui suivent est donc la DCS qui a l’avantage d’avoir été actualisé récemment, de retenir un périmètre suffisamment large et de permettre les comparaisons internationales. 

En 2022, la DCS s’élève à 313,6 Md€ en France, soit 4 650€ par habitant[89]. Ce montant a progressé de 29% en 10 ans (243 Md€ en 2012), soit une augmentation près de deux fois supérieure à l’inflation cumulée pendant la même période (environ 15,8%). La part de la DCS dans le PIB a quant à elle fluctuée entre 11 et 12% entre 2012 et 2022 (hors pics à 12,1 et 12,3% en 2020 et 2021 liées à la crise COVID).

Le financement de la DCS, par contributeur, se décompose ainsi :

  • 75,4% par la sécurité sociale (caisses d’assurance maladie) ;
  • 12,1% par les organismes complémentaires (mutuelles, complémentaires santé) ;
  • 8,9% par les patients (reste à charge) ;
  • 3% par l’État et les collectivités territoriales. Pour l’État, cela concerne les dépenses de prise en charge de l’immigration irrégulière (AME notamment) et les mesures de prévention contre certains types de pathologies (maladies infectieuses, addictions). Pour les collectivités, cela concerne la médecine scolaire, la protection maternelle et infantile et quelques dispositifs particuliers comme les accouchements sous X ;
  • 0,6% par les entreprises privées (médecine du travail principalement).

En tendance, on observe ces dernières années une progression de la part de la sécurité sociale dans le financement de la DCS (+1,1 point depuis 2012). Cette progression s’explique principalement par la hausse des dépenses prises en charge à 100% par l’assurance maladie, via des dispositifs existants (les affections de longue durée) et des dispositifs nouveaux. Le 100% santé baisse de 0,5 point le reste à charge pour les biens médicaux en 2022, premier poste de dépense courante en santé des ménages (30%) après les soins de longue durée (37%).

L’essentiel des dépenses de santé sont financées par des prélèvements obligatoires ou assimilés : cotisations d’assurance maladie prélevées sur les revenus du travail et frais de couverture des complémentaires santé, dont l’affiliation est obligatoire pour les salariés du secteur privé. Les taux de cotisations d’assurance maladie sont de 13% sur le salaire brut, réduits à 7% pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC (cette réduction de cotisations pour les bas salaires est appelée « bandeau maladie »). Il n’y a plus de plafond de salaire pris en compte pour le calcul des cotisations d’assurance maladie depuis 1984. Enfin, il convient de noter que depuis l’entrée en vigueur de la protection universelle maladie (PUMa) au 1er janvier 2016, le lien entre le paiement de cotisations sociales et l’ouverture des droits à l’assurance maladie est rompu, la qualité de résident régulier devenant le seul critère à l’ouverture de droits à l’assurance maladie, l’AME prenant le relais pour les personnes dont le séjour est irrégulier.

Lors de leur présence en France, les immigrés sont susceptibles de voir leurs soins pris en charge par l’un des principaux financeurs des dépenses de santé, dont la contribution a été décomposée dans la première partie : 75,4% pour l’Assurance maladie, 3% pour l’État et les collectivités territoriales, 12,1% par les organismes complémentaires, 8,9% de reste à charge et 0,6% pour entreprises privées.

Une note publiée par France Stratégie en 2017[90] permet d’appréhender les déterminants de long terme des dépenses de santé. Celles-ci dépendent de trois types de facteurs : « des facteurs économiques (niveau de vie), des facteurs démographiques et sanitaires (vieillissement et état de santé) et enfin des facteurs technologiques et institutionnels (progrès technique, prix des services de santé, organisation et financement du système de soins) »[91]. L’immigration ne concernant que les facteurs démographiques et sanitaires, seuls ceux-ci seront abordés dans les développements qui suivent.

Entre 1950 et 2015, la part des dépenses de santé dans le PIB, réduites à l’indicateur de la consommation de soins et biens médicaux (CSBM) – la dépense courante de santé (DCS) n’étant disponible, par reconstruction, qu’à partir de 1995[92] – passe de 2,6 % à 8,9 %. Cette hausse a toutefois fortement ralenti à partir des années 1990, sous l’effet conjugué de plusieurs phénomènes :

  • l’arrivée à maturité du système de santé pendant les Trente glorieuses (facteur économique), avec mise en place d’un maillage territorial suffisant, notamment en termes d’offre hospitalière et de plateaux techniques proposant un environnement et des équipements onéreux, qui aboutit à une stabilisation des charges d’amortissements ;
  • la mise en place de mesures de pilotage renforcé des dépenses, via la création de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), le resserrement du numerus clausus à l’entrée des études de médecine, la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) et le développement d’outils de contractualisation entre l’assurance maladie, les ARH / ARS[93] et les producteurs de soins ;
  • le tassement des gains d’espérance de vie. L’espérance de vie sans incapacité progresse de 3 ans, pour les femmes comme pour les hommes, entre 2011 et 2021, en raison principalement de l’augmentation des décès liés à la crise sanitaire du COVID. L’espérance de vie totale progresse de moins de 1 an pendant cette même période.

Source : P.-Y. Cusset, France Stratégie, Les déterminants de long terme des dépenses de santé, 2017

Depuis les années 1990, les facteurs démographiques et sanitaires expliquent donc en majeure partie la hausse constatée des dépenses de santé en pourcentage du PIB. Les principales causes de cette augmentation sont bien connues et peuvent être regroupées en deux catégories :

  • le vieillissement de la population, les 65 ans et plus représentant environ 21,3 % de la population française en 2023 (estimation de l’INSEE), contre 16,6% en 2010. Or les dépenses de santé tendent à augmenter avec l’âge, 52,8% des personnes de plus de 50 ans étant atteintes d’une maladie chronique, ce taux augmentant à 70,8% pour les personnes de plus de 80 ans. Chaque année, environ 40% des personnes âgées de plus de 80 ans effectuent un séjour hospitalier[94] ;
  • l’augmentation tendancielle du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques dans la population générale, en partie liée au vieillissement de la population. Le nombre de personnes prises en charge pour affection de longue durée (ALD) passe ainsi de 9,5 millions en 2012 à 12,3 millions en 2022 (+30,5%)[95].

Source : P.-Y. Cusset, France Stratégie, Les déterminants de long terme des dépenses de santé, 2017


[1] IRDES, La Santé des migrants Bibliographie thématique, novembre 2022

[2] Emmanuel Renard, Europe 1, janvier 2012

[3] Anne Jeanblanc, Le Point, janvier 2013

[4] Ouest France, février 2020

[5] Jean-François Martin, Ouest France, mars 2021

[6] Europe 1, janvier 2024

[7] Sénat, Rapport général n° 128 (2023-2024) du projet de loi de finances pour 2024

[8] Définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration et utilisée par l’INSEE | Cf « Définitions – Immigrés », 19 avril 2023

[9] Le règlement 2018/255 pour la réalisation de l’enquête 2019

[10] Les microdonnées sont les fichiers contenant les informations de base sur les personnes et ménages interrogés, à partir desquelles les résultats statistiques des enquêtes sont obtenus.

[11] C’est le phénomène dit de « l’immigrant en bonne santé ».

[12] Y. Moullan et F. Jusot, “Why is the ‘healthy immigrant effect’ different between European countries?”, European Journal of Public Health, 2014

[13] M. Belhadj, H. Lhassani, I. Khochtali, « Prise en charge du diabète de type 2 dans les pays du Maghreb : état des lieux », Médecine des Maladies Métaboliques, 2019

[14] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés, édition 2023

[15] OCDE, « Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 », 15 juin 2023

[16] INSEE, La localisation géographique des immigrés, 2016

[17] INSEE, « Sexe, âge et vieillissement » in Immigrés et descendants d’immigrés, 30 mars 2023

[18] A. Hourdet et al., « État de santé des patients se déclarant mineurs non accompagnés et non reconnus mineurs […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 13 octobre 2020

[19] Permanence d’accès aux soins de santé. Il s’agit d’unités de soins hospitalières destinées à accueillir des personnes précaires, quel que soit leur statut, et à leur proposer une prise en charge médicale et/ou sociale.

[20] Tuberculose (santepubliquefrance.fr)

[21] Source : Santé publique France

[22] Santé publique France, « Prévalence des hépatites chroniques […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 24 septembre 2019

[23] S. Fosse et A. Fagot-Campagna, Santé publique France, « Encadré. Prévalence du diabète […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 17 janvier 2012 

[24] Centre national de référence du paludisme, Rapport annuel d’activité, 2020

[25] C. prieur et al., IRDES, « Une personne sans titre de séjour sur six souffre de troubles de stress post-traumatique en France », Questions d’économie de la santé, mars 2022

[26] Santé publique France, « VIH-Sida », site mis à jour le 11 octobre 2024.

[27] Dette de santé que l’on peut qualifier de « hors bilan », à distinguer de la dette sociale constituée par l’accumulation des déficits des comptes sociaux et gérée par la CADES.

[28] Période pendant laquelle la génération du baby boom aura entre 75 et 85 ans.

[29] INSEE, ibid.

[30] Un travailleur détaché est un salarié qui est envoyé dans un autre État membre de l’Union européenne (UE) que celui dont il est ressortissant, en vue d’y fournir un service à titre temporaire.

[31] Données publiées par l’INSEE en 2019, à défaut de données récentes disponibles sur les revenus des immigrés et non-immigrés en France. Le niveau de vie correspond au revenu disponible d’un ménage divisé par le nombre de membres y appartenant.

[32]  Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2019

[33] OCDE, « Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 », op. cit.

[34] Impôt prélevé sur les contrats de santé des organismes complémentaires

[35] Hors régime européen.

[36] Voir l’ensemble des types de titres de séjour sur le site service-public.fr : Titres, carte de séjour et documents de circulation pour étranger en France | Service-Public.fr

[37] Les chiffres 2023 (publication annuelle parue le 27 juin 2024) 

[38] Rapport annuel 2022

[39] Didier Leschi, Migrations : la France singulière, Fondation pour l’innovation politique, octobre 2018.

[40] Conseil d’État, section du Contentieux, 7 avril 2010, n° 316625 www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000022134391

[41] OFII, Procédure d’admission au séjour pour soins – rapport au Parlement 2021

[42] Tribunal administratif de Lille, 9 juin 2020, n° 1909377

[43] OFII, rapport 2022

[44] CAA de Douai, 11 avril 2023, n° 22DA01323

https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURADMINISTRATIVEDAPPELDEDOUAI-20230411-22DA01323

[45] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2021, p. 35

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2023/04/OFII-RAPPORT-MEDICAL-2021.pdf

[46] Didier Leschi, Ce grand dérangement – L’immigration en face, septembre, 21 septembre 2023

[47] Source : simulateur de l’URSSAF Simulateur de cotisations employeur – Urssaf.fr

[48] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2022

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2024/06/OFII-RAPPORT-MEDICAL-2022-1.pdf

[49] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2020

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2021/12/Rapport%20Parlement%20proc%C3%A9dure%20admission%20s%C3%A9jour%20pour%20soins%202020.pdf

[50] V. Louwagie, Assemblée nationale, Rapport d’information sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, mai 2023

[51] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2022

[52] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2020

[53] Didier Leschi, Fondapol op. cit.

[54] Voir le projet ROC (remboursement des organismes complémentaires), dans le cadre du programme SIMPHONIE (Simplification du parcours hospitalier du patient et la numérisation des informations échangées) pour les dernières évolutions à ce sujet.

[55] Ce taux de 60% étant potentiellement surévalué en raison de l’admission en non-valeur des créances anciennes. En 2018, l’APHP a ainsi admis en non-valeur 30 M€ de créances sur patients non assurés sociaux.

[56] Protocole signé le 10 avril 2016, dont la ratification a été autorisée par le Parlement par la loi du 2 mars 2018 et qui a été publié par décret du 1er février 2019.

[57] L’APHP procède déjà à ces transferts d’information systématiques.

[58] Montants inscrits au compte 733 des établissements de santé

[59] Article L.254-1 du code de l’action sociale et des familles

[60] Fondapol, « Immigration : comment font les Etats européens », mars 2023

[61] Personnes qui ont pénétré illégalement sur le territoire français ou qui s’y maintiennent après l’expiration de leur titre de séjour principalement, notamment les déboutés de l’asile.

[62] Plafond égal à celui exigé pour bénéficier de la CSS sans participation

[63] C. Evin, P. Stefanini, « Rapport sur l’Aide médicale de l’État », décembre 2023

[64] Claude EVIN et Patrick STEFANINI, avec l’appui de l’IGA / IGAS, mission « Rapport sur l’Aide médicale d’Etat » p.9 : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_ame-decembre-2023.pdf

[65] Ministère de l’Economie et des Finances, PAP mission budgétaire Santé (PLF 2025), p. 12

https://www2.assemblee-nationale.fr/static/17/Annexes-DL/PLF-2025/Sante.pdf

[66] IGAS-IGF, « Analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’AME », Alain Cordier et Frédéric, novembre 2010 https://igas.gouv.fr/Analyse-de-l-evolution-des-depenses-au-titre-de-l-aide-medicale-d-Etat-2010

[67] IGAS-IGF, « L’Aide médicale d’Etat : diagnostic et propositions », F. Bartoli, J-L. Rey, Dr.F. Fellinger, J. Sauliere, C. Hemous et J-Y- Latournerie, 05/11/2019

https://igas.gouv.fr/L-aide-medicale-d-Etat-diagnostic-et-propositions

[68] Didier LESCHI, Ce grand dérangement. L’immigration en face, Tracts Gallimard n°22, novembre 2020, 56 p. – lire la recension sur le site de l’OID : https://observatoire-immigration.fr/didier-leschi-immigration

[69] Fondapol, « Immigration : comment font les Etats européens ? », mars 2023 https://www.fondapol.org/app/uploads/2023/03/fondapol-immigration-comment-font-les-etats-europeens.pdf

[70] IGAS-IGF, « L’Aide médicale d’Etat : diagnostic et propositions », F. Bartoli, J-L. Rey, Dr.F. Fellinger, J. Sauliere, C. Hemous et J-Y- Latournerie, 05/11/2019

https://igas.gouv.fr/L-aide-medicale-d-Etat-diagnostic-et-propositions

[71] Document annexe au projet de loi de finances 2024 – PAP programme 303 immigration et asile

[72] Voir l’analyse du cabinet Mordor Intelligence à ce sujet

[73] Rapport statistique 2022 du CLEISS, décembre 2023

[74] Comptes annuels de la branche maladie Publications : Comptes annuels | L’Assurance Maladie (ameli.fr)

[75] Le rapport statistique de 2019 du CLEISS a en outre le mérite d’être beaucoup plus détaillé concernant la branche maladie que l’édition de 2022 (40 pages contre 5).

[76] Voir à ce titre le rapport de la Cour des comptes du 17 septembre 2024 relatif à L’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie, qui évoque une dépense annuelle de 500 M€ pour la France

[77] OCDE, Panorama de la santé, 2023

[78] Épreuves de vérification des connaissances, il s’agit d’un concours organisé annuellement et dont la réussite est nécessaire pour qu’un médecin à diplôme hors UE puisse pleinement exercer en France

[79] Le Maroc confronté à une pénurie critique de médecins (lemonde.fr)

[80] OECD data explorer, « Health workforce migration » (consulté le 05/11/2024)

[81] OCDE, id.

[82] Cour des comptes, « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales », septembre 2020

[83] Rapport issu de la Commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

[84] ONU, S/2020/493, Rapport conjoint de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par les résolutions 1526 (2004) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida, les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées sur les mesures prises par les États Membres pour désorganiser le financement du terrorisme, établi conformément aux dispositions du paragraphe 37 de la résolution 2462 (2019)

[85] Fédération hospitalière française, « Évolution de l’activité hospitalière et accès aux soins depuis le Covid : mutation des prises en charge ou bombe à retardement de santé publique ? », mars 2024

https://www.fhf.fr/sites/default/files/2024-03/202403_FHF_Synth%C3%A8seBarom%C3%A8tre_VDEF_0.pdf

[86] Retraitement comptable. Étude annuelle obligatoire permettant d’analyser les comptes des établissements publics de santé.

[87] La DCS calculée en France est un indicateur légèrement plus large que la dépense courante de santé au sens international, qui exclut les indemnités journalières et les dépenses de recherche, de formation et de prévention environnementale et alimentaire. Cette différence correspond à environ 1 point de PIB. Par simplicité, on utilise l’acronyme DCS dans la présente note pour désigner la DCS « au sens international ».

[88] DREES, Les dépenses de santé en 2022, septembre 2023

[89] INSEE, définition de la CSBM, site internet de l’INSEE, consulté en août 2024

[90] DREES, id.

[91] P-Y. Cusset, France stratégie, Document de travail – Les Déterminants de long terme des dépenses de santé en France, juin 2017

[92] Ibid.

[93] DREES, Études & résultats, « Les dépenses de santé depuis 1950 », juillet 2017

[94] Agences régionales de l’hospitalisation, remplacées en 2010 par les Agences régionales de santé actuelles

[95] ATIH, Analyse de l’activité hospitalière 2018 focus patients âgés de 80 ans et plus

[96] Assurance maladie, Effectif, prévalence et caractéristiques des bénéficiaires d’une ALD – 2008 à 2022, novembre 2023

Introduction

« En termes de morbidité, les données épidémiologiques caractérisant les migrants sont rares. Pourtant, le recensement de « l’origine » des individus est autorisé dès lors que celle-ci est définie par des variables sociodémographiques classiques (lieu de naissance, nationalité, nationalité des parents, etc.). Ce sont surtout des réticences culturelles et politiques à voir ce champ de la santé investi par la recherche et les pouvoirs publics qui expliquent l’insuffisance des études représentatives ». Ce constat de l’existence d’un angle mort de l’évaluation des politiques de santé à l’égard des immigrés en France, dressé par l’IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) en 2022[1], est encore largement valable au moment de la rédaction de la présente note.

Si ce terrain d’étude a régulièrement retenu l’attention des décideurs, des médias et des chercheurs dans la période récente, l’analyse fut en effet, le plus souvent, réduite à un sujet bien délimité, en lien avec l’actualité du moment. Le débat public s’est ainsi intéressé, depuis les années 2010, à « l’énorme dette de la sécu algérienne »[2], à la tuberculose en tant que « filière mafieuse pour se faire soigner en France »[3], à l’existence de « 2,6 millions de cartes Vitale en trop »[4] et d’un « vaste trafic de médicaments détournés en drogue par des mineurs isolés »[5], ou plus récemment à la « réforme de l’Aide médicale d’État »[6], dont le coût a augmenté de 45% en 10 ans[7].

Cette mise en lumière de certains dysfonctionnements saillants de la prise en charge des immigrés par le système de santé français permet à l’opinion de mieux connaître, au gré des éditoriaux, ce champ d’action publique méconnu, situé à la frontière de trois grands domaines politiques : la santé, les Affaires étrangères et l’Intérieur. Elle a cependant le défaut d’en présenter une vision parcellaire et déformée, alors que la pression exercée par l’immigration sur le système de santé nécessite des correctifs systémiques, qui ne peuvent être élaborés qu’après avoir établi un état des lieux général.

La présente note entend contribuer à la construction de cet état des lieux, en commençant par préciser quelques définitions fondamentales ainsi que les données disponibles en la matière (I), avant de s’intéresser à l’état de santé des immigrés (II) et à l’impact financier de l’immigration sur le système de santé (III). Un focus sur plusieurs enjeux migratoires en rapport avec la santé permet de compléter l’analyse globale (IV), conclue par un ensemble de recommandations.

La présente note s’intéresse à l’incidence de l’immigration sur le système de santé français.

Par immigré, on entend de manière classique toute « personne née étrangère à l’étranger et résidant en France »[8] : le statut d’immigré est donc permanent et inclut des personnes ayant acquis la nationalité française. À l’inverse, les étrangers nés en France ne sont pas comptabilisés parmi les immigrés. Lorsque ces données sont disponibles, il est également tenu compte des consommations en santé et contributions des descendants d’immigrés, qui permettent de mieux appréhender les tendances de long terme.

Beaucoup de développements sont consacrés aux étrangers, c’est-à-dire aux personnes résidant en France sans avoir la nationalité française. Cette catégorie recoupe partiellement celle des immigrés et permet de compléter l’analyse, en particulier au regard des droits sociaux et du régime assurantiel applicable, qui se rattache principalement, mais pas exclusivement, à la nationalité. La recherche du régime assurantiel applicable à chaque personne nécessite en effet d’avoir recours à des catégories plus fines que la possession, ou non, de la nationalité française.

Pour les étrangers, la nature du séjour en France a son importance quant au circuit de prise en charge applicable. On peut citer le statut de travailleur détaché ou expatrié, le travailleur détaché restant affilié à l’assurance maladie de son pays d’origine tandis que le travailleur expatrié bénéficie de droits ouverts à l’assurance maladie française. Certains types de séjour comme le séjour pour soins ou le statut de demandeur d’asile correspondent à un encadrement juridique spécifique. Enfin, les personnes qui se maintiennent sur le territoire français sans titre de séjour valide – appelées également clandestins, sans-papiers ou étrangers au séjour irrégulier – bénéficient de dispositifs spécifiques comme l’Aide médicale de l’État (AME).

Le pays dont l’étranger est ressortissant a également son importance – un régime spécial s’appliquant aux habitants et ressortissants des 41 pays et territoires d’outre-mer avec lesquels la France a conclu des accords bilatéraux de sécurité sociale. Un régime européen harmonisé s’applique également aux citoyens de l’Union européenne (UE), de l’Espace économique européen (EEE), de la Suisse et du Royaume-Uni. Dans ce contexte, la notion de droit européen d’« État compétent » a son importance, car elle désigne l’organisme d’assurance maladie dont relève le bénéficiaire pour le financement de ses dépenses de santé. L’État compétent est en général l’État européen dans lequel le bénéficiaire a sa résidence habituelle.

Par système de santé on entend l’ensemble des biens et services qui constituent l’offre de santé en France (médecine de ville, établissements de santé, professions paramédicales, offre de médicaments et dispositifs médicaux…) ainsi que les organismes qui concourent à son financement (caisses d’assurance maladie, complémentaires santé, assurances privées).

Les données publiques relatives à l’état de santé, à la consommation de soins et à la contribution financière au système de santé des populations immigrées sont rares. Les organismes publics dont la production de telles études fait partie des attributions ne se sont jamais saisis de ce sujet de façon complète et cohérente : Cour des comptes, DREES, INSEE, IRDES, France stratégie et les organismes qui lui sont rattachés, corps d’inspection de l’État (IGF, IGAS) – pour ne citer que les principaux. Ces travaux épars ont été largement mobilisés pour la rédaction de la présente note (avec leurs références en bas de pages). 

Certaines séries statistiques permettraient au public de compléter ces travaux dans le but de former le tableau le plus complet possible de l’incidence de l’immigration sur le système de santé. Il s’agit principalement de :

  • l’enquête Budget de famille, réalisée tous les 5 ans par l’INSEE, qui permet notamment d’éclairer la contribution des ménages immigrés au financement du système de santé ;
  • l’enquête Santé européenne (EHIS), réalisée tous les 6 ans par la DREES et l’INSEE, avec l’appui de l’IRDES, en application d’un règlement européen[9], qui donne une indication, notamment, sur l’état de santé des populations immigrées, leur recours aux soins et leur couverture par une complémentaire santé.

Ces enquêtes reposent principalement sur la réponse à des questionnaires par des échantillons représentatifs de la société. Dans le cadre de l’enquête EHIS 2019, environ 20 000 personnes ont ainsi été interrogées en France. L’enquête EHIS est complétée par la collecte des consommations de soins des répondants auprès de l’Assurance maladie.

Les données de ces enquêtes ne sont toutefois pas librement accessibles, alors même qu’elles sont anonymisées. Elles ne sont rendues disponibles qu’à un nombre restreint de personnes habilitées qui en font la demande, en général des chercheurs et agents d’organismes statistiques. Pour l’enquête EHIS, la France fait partie, avec l’Albanie et la Turquie, des seuls pays pour lesquels les micro-données[10] ne sont pas disponibles, même sous format anonymisé, selon Eurostat. Or rien ne justifie la rétention de ces données d’intérêt général, qui sont nécessaires à la bonne information des citoyens et à l’évaluation des politiques publiques. 

Surtout, ces enquêtes paraissent insuffisantes pour bien connaître l’incidence de l’immigration sur le système de santé, à la fois en quantité (périmètre de l’échantillonnage) et en qualité (niveau de description de l’état de santé). En particulier, elles ne décrivent pas le détail des consommations de soins par catégories de pathologies et elles excluent les immigrés clandestins et les consommations de soins des personnes non couvertes par l’Assurance maladie.

Il est à ce titre regrettable que le CNIS ne propose, dans son programme de moyen terme 2024-2028, aucune amélioration de la connaissance des effets de l’immigration sur le système de santé. Dans son Avis du moyen terme 2024-2028 publié en février 2024, le CNIS ne mentionne d’ailleurs aucun axe de travail relatif à l’immigration, en dépit de la nécessité largement partagée de développer ce domaine. Cet avis est pourtant censé, selon les termes du CNIS, « exprime[r], sous la forme de recommandations adressées à la Statistique publique, les attentes de la société en informations statistiques sur des sujets qu’elle considère comme majeurs ». 

Les travaux réalisés sur l’état de santé des immigrés ont longtemps considéré que ceux-ci étaient généralement en meilleure santé que les natifs[11]. Plusieurs causes étaient avancées pour expliquer cette observation : l’existence de visites médicales systématiques avant ou après l’arrivée dans le pays d’accueil, l’effet auto-sélectif de l’immigration qui concerne généralement les ressortissants les plus aisés et dont la santé est meilleure, la volonté des personnes en mauvaise santé de rester auprès de leurs proches …

Toutefois, la réalité de ce phénomène se vérifie de moins en moins, et s’est même inversée en France, selon une étude publiée en 2014[12]. Selon cette étude, en France, les femmes immigrées ont 42% de chances de moins que les natives de se déclarer en bonne santé, ce ratio étant de 32% pour les hommes immigrés. Parmi les pays étudiés, les immigrés en Belgique et en Espagne se déclaraient également en moins bonne santé que les natifs. Seule l’Italie connaissait des résultats inversés, avec des immigrés se déclarant en meilleure santé que les natifs. Cette étude confirme donc que l’existence d’un phénomène de l’immigrant en bonne santé ne vaut pas pour les pays européens, contrairement aux États-Unis, au Canada et à l’Australie.

Les origines de ces différences entre pays latins et anglo-saxons donnent lieu à des interprétations diverses. Il est avancé que les immigrés présents depuis une certaine durée dans le pays d’accueil finissent par adopter les mêmes comportements que les natifs et se trouvent donc exposés aux mêmes risques de santé, notamment en ce qui concerne les affections de longue durée. Ce phénomène est sans doute accentué par l’existence de comportements à risque de certaines populations avant même qu’elles n’immigrent, telle la prévalence du diabète de type 2 dans les pays du Maghreb[13], origine majeure de l’immigration en France. Cette explication est confirmée par les résultats de l’EHIS 2019[14] pour la France :

Source : OID, à partir des données INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023

Les immigrés, hommes ou femmes, ont un état de santé moins bon que celui des natifs pour l’ensemble des indicateurs considérés : état de santé général perçu, surpoids, syndrome dépressif. Ce moins bon état de santé est corrélé à un recours accru au système de santé, en particulier à l’hôpital pour les femmes immigrées (+8% par rapport aux natives). Ce niveau de recours à l’hôpital des immigrées est concordant avec leur fécondité plus importante que celle des natives, en particulier lors des années qui suivent l’arrivée en France : le pic des naissances issues de femmes immigrées se situe dès la première année suivant leur première entrée en France. Il se maintient ensuite à des niveaux élevés dans les cinq années qui suivent.

Répartition des naissances chez les femmes immigrées selon le lieu de naissance et le nombre d’années écoulées depuis la première entrée en France

Source : INSEE, « Combien les femmes immigrées ont-elles d’enfants ? », 21 février 2023

À cette aune, une spécificité française mérite d’être soulignée sur la base des données consolidées par l’OCDE[15] : l’indice de fécondité des femmes nées hors-UE est, dans notre pays, le plus élevé d’Europe occidentale. Il était de 3,27 enfants par femme en 2019, soit le double de celui des femmes natives – et un écart record dans la zone.

Le plus grand recours des immigrés à l’hôpital par rapport aux natifs peut également s’expliquer par leur concentration plus forte dans les zones urbaines, où sont implantés la plupart des établissements de santé, 8 immigrés sur 10 résidant dans des grands pôles urbains (38% dans l’aire urbaine de Paris), contre 6 natifs sur 10[16]

On le voit, les populations immigrées en France présentent un état de santé globalement plus dégradé que celui des natifs, alors même que leur structure par âge n’est pas défavorable : 20% des immigrés ont plus de 65 ans en France, soit 2 points de moins même que la part de cette tranche d’âge parmi les personnes non-immigrée (22%).[17]

Source : OID, à partir des données INSEE, « Immigrés et descendants d’immigrés », édition 2023

À première vue, l’écart semble s’estomper avec la première génération de descendants d’immigrés, dont l’état de santé est proche de celui des natifs sur les indicateurs présentés précédemment (surpoids, syndrome dépressif, mauvais état de santé général). Mais cet effet est essentiellement lié à la structure par âge de cette population, dont seuls 13% ont plus de 65 ans (contre 21% pour la population ni immigrée, ni descendante d’immigrés) et 37% ont moins de 18 ans (21% pour la population sans ascendance migratoire). Corrigé de l’effet de structure d’âge, l’état de santé des descendants d’immigrés est donc moins bon que celui des natifs.

Le moins bon état de santé général des immigrés se maintient donc, au moins en partie, chez la première génération de descendants d’immigrés. Une étude comparative sur plusieurs générations de descendants d’immigrés, en distinguant les zones géographiques d’origine, permettrait d’affiner ces résultats et de mieux estimer l’effet de long terme de l’immigration sur l’état de santé général de la population.

L’état de santé des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés[18] 

Une étude réalisée sur un échantillon de 301 patients suivis en consultations réalisées à la PASS[19] de l’Hôtel-Dieu (Paris) permet de mieux cerner l’état de santé d’une population immigrée particulière : les mineurs non accompagnés n’ayant pas été reconnus mineurs par le Dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers (Demie). 

Cette étude relève que parmi ces patients, 27,2% étaient suspectés d’avoir subi un psychotraumatisme et 6% ont été hospitalisés pendant la période de recueil des données de l’étude, qui a duré de 9 mois. Les patients suivis ont réalisé un nombre médian de 3 consultations pendant la période, et se sont vu poser 2,4 diagnostics de pathologies en moyenne.

Au-delà des indicateurs de santé décrits ci-dessus (surpoids, dépression, état de santé perçu…), on observe que les populations immigrées ont un recours accru à certains soins coûteux, liés à la prévalence plus forte de maladies graves et d’affections de longue durée :

  • L’incidence de la tuberculose chez les personnes nées hors de France est environ 10 fois supérieure à celle des personnes nées en France, selon Santé publique France[20]. Bien que cette maladie soit en recul, notamment depuis la crise COVID, 4 217 cas ont été déclarés en France en 2022[21] ;
  • La prévalence de l’hépatite B chronique est de 5,81% chez les personnes nées en Afrique subsaharienne, contre 0,14% chez les personnes nées en France métropolitaine[22] ;
  • En 2002-2003, le diabète touchait 14% des personnes de plus de 45 ans originaires du Maghreb, contre 7,5% des natifs de plus de 45 ans. Les femmes originaires d’un pays du Maghreb sont particulièrement atteintes, avec un risque 2,5 fois plus élevé que les femmes natives de contracter une forme de diabète[23] ;
  • 84,4% des 5 540 cas de paludisme estimés en France métropolitaine en 2019 sont survenus sur des personnes d’origine africaine[24] ;
  • Un immigré irrégulier sur six souffre de troubles de stress post-traumatique selon l’IRDES[25] ;
  • Les populations immigrées restent particulièrement exposées à la contamination par le virus du SIDA, selon Santé Publique France (voir graphique ci-dessous)[26].

Nombre de découvertes de séropositivité VIH par année et par population 

Source : Santé publique France – LaboVIH 2023
HSH : « hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes »

La structure des consommations de santé des immigrés contribue donc à augmenter les dépenses de santé qui les concernent par rapport aux natifs. La plupart des prévalences de maladies décrites ci-dessus nécessitent en effet des prises en charge en phase aiguë ou de longue durée très onéreuses pour le système de santé : environ 5 000 € par an en moyenne pour le diabète, par exemple.

Au total, la combinaison des effets de structure d’âge et de structure des consommations de santé des immigrés et de leurs descendants met en lumière l’existence d’une « dette de santé »[27] importée en France. Il est à prévoir que ces populations issues de l’immigration vont avoir tendance à vieillir en moins bonne santé que les natifs, ce qui, combiné aux tendances épidémiologiques dans la population, obère les perspectives de décélération, voire de réduction des dépenses de santé au niveau agrégé à l’issue du « papy boom ».

En effet, le pic d’augmentation prévisible des dépenses de santé liée à l’arrivée à un âge avancé de la génération née entre 1945 et 1960 devrait s’étendre de 2025 à 2045 environ[28]. Or c’est aussi vers 2045 que la plupart des immigrés actuellement présents en France commenceront à atteindre un âge avancé (41% des immigrés ont entre 18 et 44 ans aujourd’hui)[29], juste après la génération précédente qui aura contribué à l’effet « papy boom » (33% d’immigrés ont aujourd’hui entre 45 et 64 ans).

Contrairement au « papy boom » dont les effets sont bien circonscrits dans le temps, il est difficile d’apprécier la durée et le dynamisme prévisibles de l’augmentation des dépenses de santé liée au vieillissement des populations immigrées. Cette évolution dépend en effet de l’orientation de la politique migratoire dans les prochaines décennies. Les tendances de ces dernières années permettent toutefois d’anticiper une augmentation continue des dépenses de santé liées à l’immigration, avec une accélération importante à partir de 2045, en miroir de l’augmentation des flux d’immigration de la période récente.

Après avoir analysé l’état de santé des immigrés par rapport à la population en général, il convient de s’intéresser à leur contribution au financement du système de santé.

L’objectif de la présente partie est de présenter le niveau de contribution des immigrés, en premier lieu de manière agrégée pour les principaux financeurs (Assurance maladie et organismes complémentaires), puis en s’intéressant à certains statuts particuliers, qui permettront de compléter l’analyse vis-à-vis de l’État et du reste à charge.

Depuis la mise en place de la Protection universelle maladie (PUMa), le périmètre des personnes non couvertes par l’Assurance maladie en France est devenu marginal : clandestins et travailleurs détachés[30] principalement, sauf soins urgents. En effet, les travailleurs expatriés en France sont affiliés à la sécurité sociale française, tandis que les travailleurs détachés restent affiliés à l’organisme de sécurité sociale de leur pays d’origine. Pour les personnes sans activité professionnelle, la seule condition de résider en France depuis au moins 3 mois permet de bénéficier de la PUMa.

L’essentiel des produits de l’Assurance maladie étant issus des cotisations sociales prélevées sur le revenu des travailleurs, nous nous concentrerons sur le niveau de vie[31] des immigrés, comparé à celui des natifs, pour en déduire l’écart de contribution de ces deux populations. 

Pour les salariés, le montant des cotisations d’assurance maladie correspond à 7% du salaire brut en-dessous de 2,5 SMIC, et à 13% du salaire brut au-dessus de ce seuil. Or selon l’INSEE[32], en 2019, le niveau de vie médian des immigrés s’élevait à 17 000 €, contre 22 880 € pour les non immigrés. Au 9e décile, ce niveau de vie était de 34 400 € pour les immigrés, soit en-dessous du seuil de 2,5 SMIC nets (environ 36 000 € en 2019). Ainsi, même le 9e décile de niveau de vie des immigrés ne permet pas d’atteindre le seuil de taux plein des cotisations d’assurance maladie. En revanche, le 9e décile de niveau de vie des natifs correspond à 40 820 €, soit au-dessus du seuil de taux plein des cotisations d’assurance maladie. 

Note méthodologique

Pour comparer correctement la proportion d’immigrés cotisant à taux plein à l’assurance maladie à celle des ménages natifs, il conviendrait de déterminer la proportion de personnes dont la rémunération est supérieure à 2,5 SMIC dans chacune de ces populations. Or ces données ne sont pas accessibles, l’INSEE publiant seulement les écarts de niveaux de vie entre ménages natifs et immigrés. C’est ce dernier indicateur qui est donc retenu ici, faute de mieux. Le niveau de vie étant égal au revenu du ménage divisé par le nombre de personnes y appartenant, il est nécessairement inférieur au revenu. 

On peut toutefois considérer que cette minoration est compensée par le fait que beaucoup de ménages sont alimentés par deux salaires, qui nécessiteraient de tenir compte de leur répartition pour calculer un taux de cotisation moyen. L’analyse présentée ici assimile donc le niveau de vie à un salaire unique pour le ménage.

Il est cohérent d’en conclure qu’en moyenne, les ménages immigrés contribuent bien moins au financement de l’assurance maladie que les ménages natifs, parce que leurs revenus sont plus faibles (rendement proportionnel inférieur), mais aussi parce qu’une très faible proportion se voit appliquer le taux plein de cotisation, par rapport aux natifs (quasi-absence de progressivité du rendement).

Si l’on retient le critère de la nationalité et non plus le statut migratoire (immigrés / non-immigrées), l’analyse des bases de données OCDE[33] permet d’attester que le taux de pauvreté relative – calculé par rapport au salaire médian – des étrangers extraeuropéens vivant en France est le plus élevé d’Europe à égalité avec l’Espagne : 47,6 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020, soit une part quatre fois supérieure à celle des Français (11,5 %) avec un intervalle de 36 points par rapport à eux, soit l’écart record dans la zone.

En France, environ 95% de la population bénéficie d’une complémentaire santé, qui permet de réduire le reste à charge lié aux dépenses de santé non remboursées par l’Assurance maladie, en contrepartie d’une contribution financière. La souscription à un contrat de couverture complémentaire santé, en général collectif, est obligatoire pour les salariés du secteur privé, et les chômeurs bénéficient du maintien de leur couverture. La plupart des agents du secteur public et travailleurs indépendants souscrivent également, volontairement, à des contrats de couverture complémentaire.

Toutefois, certaines personnes peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une couverture complémentaire sans frais ou à frais réduits : la complémentaire santé solidaire (CSS).

Aide sociale financée par un fonds créé au sein de la Caisse nationale de l’Assurance maladie et abondé par le produit de la taxe de solidarité additionnelle[34], la CSS n’entre pas dans le champ des organismes complémentaires stricto sensu. Elle est toutefois abordée ici dans la mesure où son objectif est bien d’offrir un service équivalent à celui d’une complémentaire santé à des personnes dont les ressources ne dépassent pas certains plafonds :

  • 10 166 € par an pour une personne seule pour la CSS sans participation financière de l’assuré ;
  • De 10 167 € à 13 724 € par an pour une personne seule pour la CSS avec participation.

Le bénéfice de la CSS a plusieurs effets pour l’assuré :

  • Il est exonéré de dépassements d’honoraires ;
  • Le forfait journalier d’hospitalisation et les franchises médicales lui sont remboursées ;
  • Les restes à charge de prothèses et dispositifs médicaux sont remboursés sur la base de forfaits.

Les immigrés et étrangers résidant en France légalement depuis plus de 3 mois sont éligibles à la CSS. En pratique, la CSS est un dispositif qui relève bien de la solidarité nationale. Elle met à contribution les organismes complémentaires et leurs clients en opérant un transfert vers les bénéficiaires disposant de ressources inférieures, dans le but de maximiser la couverture complémentaire de la population.

L’analyse de la contribution financière de l’immigration au segment de dépenses de santé couvert par les complémentaires santé revient donc essentiellement à s’intéresser à l’existence, ou non, d’une surreprésentation des immigrés chez les bénéficiaires de la CSS. En l’absence d’étude récente permettant d’établir précisément cette surreprésentation, on se contentera, comme pour la contribution aux cotisations d’Assurance maladie, de reprendre la dernière répartition des immigrés selon le décile de niveau de vie de l’INSEE. Le 1er décile de niveau de vie des immigrés se situe à 9 000 € (8 660 € pour les immigrés d’origine africaine), soit en-dessous du plafond de revenus pour bénéficier de la CSS sans contribution. La médiane de niveau de vie des immigrés d’origine africaine (14 390 €) est en outre légèrement au-dessus du plafond de revenus permettant de bénéficier de la CSS avec participation, tandis que la médiane des natifs le dépasse largement (21 740 €). Le 1er décile de niveau de vie des non immigrés se situe quant à lui à 11 690 €, soit au sein de la tranche permettant de bénéficier de la CSS avec participation financière.

Cette différence permet de conclure à une moindre contribution des immigrés au financement des complémentaires santé, accentuée par l’effet de transfert entre les bénéficiaires de la CSS et les adhérents de complémentaires santé décrit ci-dessus.

En règle générale, les étrangers[35] qui bénéficient de soins en France sont présents sur le territoire pour un autre motif que celui de se faire soigner : ce sont des travailleurs, étudiants, visiteurs, bénéficiaires du regroupement familial[36] … Leur prise en charge est la conséquence de la survenue d’un besoin de santé sans lien avec la raison de leur séjour. Il existe toutefois des procédures spécifiques destinées à permettre à un étranger de se faire soigner en France : le visa de court séjour motivé par des raisons médicales, le séjour pour soins et l’autorisation provisoire de séjour pour soins.

Le visa pour motif de santé permet à un étranger de venir se faire soigner en France de manière programmée. Il s’agit d’un visa de courte durée, valable 90 jours, régi par le droit européen. Le Code communautaire des visas prévoit ainsi, dans son annexe II, que « pour des voyages entrepris pour raisons médicales [le demandeur doit produire] un document officiel de l’établissement médical confirmant la nécessité d’y suivre un traitement, et la preuve de moyens financiers suffisants pour payer ce traitement médical ».

En pratique, le demandeur de visa pour motif de santé en France doit justifier de l’accord de l’établissement de santé au sein duquel il sera pris en charge, ainsi que de l’accord de son organisme d’assurance pour financer le coût prévisionnel de sa prise en charge, sur présentation d’un devis. Dans certains cas, le versement d’une provision peut être demandée par l’établissement de santé (voir supra « La dette étrangère auprès des hôpitaux français »).

En outre, le demandeur doit satisfaire aux conditions applicables à l’ensemble des visas de court séjour :

  • Avoir un lieu d’hébergement en France ;
  • Bénéficier d’une assurance voyage et rapatriement ;
  • Avoir la capacité de subvenir aux dépenses courantes en France.

Le nombre de visas délivrés par la France pour raison médicale n’est pas publié par le ministère de l’Intérieur. Cette donnée est en effet noyée dans les 134 000 visas de court séjour délivrés pour motifs « divers » dans la dernière publication du 27 juin 2024 de chiffres de l’immigration[37]. Il est donc difficile d’estimer la part du « tourisme médical » liée à ces visas de court séjour.

Les accords bilatéraux conclus par la France

Selon le dernier rapport du CLEISS (Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale), « En 2022, la France applique les règlements européens (CE) n°883/2004 et n°987/2009, 41 accords bilatéraux de sécurité sociale conclus avec des pays étrangers ou territoires français d’outre-mer et enfin les accords de retrait, de commerce et de coopération […] conclus entre l’Union européenne et le Royaume-Uni […]. Au total, plus de 70 États sont couverts par un dispositif de coordination ».

Ces accords peuvent grandement faciliter le remboursement des prises en charge médicales des ressortissants de pays parties qui séjournent en France, ainsi que, réciproquement, le remboursement des prises en charges de ressortissants français à l’étranger. Les droits couverts par les conventions bilatérales varient toutefois en termes de niveau de couverture (reste à charge, panier de soins) et en termes de bénéficiaires (travailleurs salariés ou non-salariés et leur famille, ressortissants des pays parties à la convention et résidents ou travailleurs ressortissants de pays tiers). La carte ci-dessous donne un aperçu des pays couverts, avec les grandes tendances de niveaux de couverture.

On observe que 17 pays ont conclu une convention bilatérale avec la France couvrant le risque maladie de manière significative (hors maternité). Il s’agit en outre principalement de pays d’Europe de l’Est et d’Afrique dont le système de santé est beaucoup moins développé qu’en France. Aucun pays avancé n’a conclu de convention bilatérale avec la France avec une couverture étendue du risque maladie. Enfin, certains des pays avec lesquels le risque maladie est couvert sont débiteurs d’une dette de sécurité sociale parfois colossale auprès de la France, comme nous le verrons ci-dessous au sein des hôpitaux.

Dans ce contexte, la question de l’intérêt pour la France de maintenir ces conventions bilatérales se pose sérieusement. Alors qu’une réduction du champ des conventions existantes avec les pays n’honorant pas leurs obligations se justifierait, le renforcement de la coopération avec les autres pays de l’OCDE représenterait un réel intérêt pour les assurés français qui peinent parfois à se soigner en France en raison d’une offre de soins saturée.

La deuxième filière de « tourisme médical » en France concerne le séjour pour soins et l’autorisation provisoire de séjour pour soins, qui sont bien mieux documentés grâce aux rapports annuels produits par l’OFII.

Le séjour pour soins est l’un des motifs possibles de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ». Dans son rapport au Parlement sur le sujet pour 2022, l’OFII fait savoir que 181 089 demandes ont été déposées entre 2017 et 2022, et que 167 655 avis ont été transmis au préfet. Sur la même période, le taux moyen d’avis favorables au maintien sur le territoire pour soins s’est élevé à 57,6%. Pour la seule année 2022, 24 183 demandes de titre de séjour pour soins ont été enregistrées[38]. En pratique, la demande de titre de séjour est formulée en préfecture. Le demandeur doit ensuite communiquer à l’OFII un certificat médical détaillant son état de santé. Après d’éventuels compléments d’information, le collège de médecins de l’OFII transmet son avis au préfet qui décide ensuite de faire droit, ou non, à la demande.

Le périmètre de ce dispositif n’a cessé de s’élargir au fil des évolutions législatives et jurisprudentielles, comme l’a notamment souligné M. Didier Leschi (directeur de l’OFII) dans sa note de 2018 pour la Fondapol[39] :

  • Depuis la loi du 24 juillet 2006, le demandeur est dispensé de l’obligation de justifier d’une condition d’entrée régulière sur le territoire national ; 
  • À la suite d’un revirement de jurisprudence intervenu en 2010, le Conseil d’État[40] a jugé qu’il appartenait au préfet d’apprécier si l’intéressé pouvait effectivement bénéficier d’un traitement approprié au regard, d’une part, de l’accessibilité du traitement à la population en général, eu égard notamment à ses coûts et aux modes de prise en charge, et, d’autre part, d’éventuelles circonstances exceptionnelles tirées des particularités de la situation personnelle de l’intéressé. Cette notion de bénéfice effectif d’un traitement approprié « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire » a été confortée par la loi de 2016.

Désormais, trois conditions sont formellement nécessaires pour bénéficier d’un tel titre de séjour, définies aux articles L. 425-9 à L. 425-10 du CESEDA, bien que celles-ci revêtent un caractère largement théorique – comme nous le verrons plus loin :

  1. Justifier d’une résidence habituelle en France depuis au moins un an ;
  2. Nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité ;
  3. Ne pouvoir bénéficier d’un traitement effectif et approprié, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d’origine.

Concernant la condition de résidence habituelle en France depuis au moins un an, celle-ci fait l’objet d’un contrôle limité qui connaît de larges exceptions. En effet, l’article R. 425-14 du CESEDA permet à tout étranger de demander à bénéficier d’une autorisation dite « provisoire » de séjour pour soins s’il ne remplit pas la condition de résidence habituelle du titre de séjour pour soins. Ici le décret a tout simplement pour effet de vider la loi de sa substance. Il convient de noter qu’en pratique, les demandeurs ont souvent déjà commencé à être traités en France avant même le dépôt de leur dossier de séjour pour soins en préfecture, après être arrivés en France de manière irrégulière, en tant que demandeurs d’asile ou via un simple visa de court séjour touristique. Le refus de faire droit à ces demandes devient alors beaucoup plus délicat puisqu’il revient à se prononcer sur l’interruption d’un traitement en cours, dont le juge tient compte lorsqu’il examine la condition de nécessité.

La condition relative à la nécessité du traitement n’est ainsi pas davantage respectée :

  • Dans son rapport annuel au Parlement relatif à la procédure d’admission au séjour pour soins de 2021, l’OFII souligne que « la prise en considération [du] critère [des conséquences d’une exceptionnelle gravité de l’absence de soins] est souvent omise par rapport au critère d’accès aux traitements dans le pays d’origine, quelle que soit la gravité de la maladie »[41]. Cas emblématique, le juge administratif a ainsi annulé le refus d’admission au séjour pour soins d’une ressortissante d’un pays africain, mère de 3 enfants, pour la réalisation d’une assistance médicale à la procréation en France, en se bornant à constater que la méthode utilisée n’était pas disponible dans son pays d’origine[42].
  • En 2022, 14,7% des demandes de titre de séjour pour soins concernaient des troubles mentaux et du comportement, alors que le traitement des pathologies concernées « ne nécessite pas de plateau technique et les molécules des grandes classes pharmacologiques en psychiatrie sont universellement disponibles, à faible coût »[43]
  • Dans son rapport annuel au Parlement pour 2022, l’OFII souligne à nouveau que les décisions judiciaires « semblent considérer qu’aucun traitement n’existe par définition dans un certain nombre de pays, ce qui fait fi de l’évolution considérable constatée ces vingt dernières années. Par exemple, s’agissant de l’hépatite B ou de l’hépatite C, la disponibilité des traitements dans certains pays, fait pourtant établi, ne convainc pas toujours le juge (par exemple, 1er décembre 2023, TA de Lyon, instance n° 2306000). Même le fait que le demandeur soit issu de pays notoirement pourvus d’un système de soins raisonnablement performant (Chili, par exemple) ne constitue, parfois, pas non plus un élément susceptible d’infléchir les juridictions (CAA de Marseille, 3 avril 2023, n° d’instance 22MA01769) » ;
  • De même, ce dernier rapport de l’OFII fait également savoir que les décisions judiciaires « écartent parfois tout argument fondé sur l’existence d’un traitement comparable, comme si la loi exigeait la prescription de la même molécule, exactement », certaines juridictions allant jusqu’à exiger une identité de posologie.[44]

Notons enfin que certaines décisions de refus sont censurées par le juge alors qu’elles concernent des pathologies dont aucun traitement efficace n’a été découvert au moment du jugement.

Même la condition relative à l’impossibilité de bénéficier d’un traitement effectif et approprié dans le pays d’origine n’est que très peu appliquée. En 2022, 687 demandes déposées étaient issues de ressortissants du G20 (hors UE), dont le système de santé est comparable, voire supérieur à celui de la France pour certains. Dans son rapport annuel au Parlement pour 2021[45], l’OFII relevait la candidature « de 28 demandeurs nord-américains » (le critère étant celui de « bénéficier effectivement » d’un traitement approprié dans son pays d’origine, et non pas de « l’existence » d’un tel traitement). Comme l’explique Didier Leschi dans son livre Ce grand dérangement : « Les malades viennent dʼabord du Maghreb et dʼAfrique. Mais peuvent aussi bénéficier [du dispositif] des Américains nʼayant pas de couverture sociale suffisante dans leur pays ou ne pouvant sʼendetter pour se faire soigner et qui trouvent les moyens de résider en France le temps de guérir. Ils peuvent être des Suisses qui, quand ils sont frontaliers, nʼont pas besoin de sʼexpatrier. Nous cotisons tous pour leur protection médicale »[46].

Le contentieux des refus de titre de séjour pour soins témoigne d’une large « mésinterprétation du critère », selon les termes de l’OFII. Le juge administratif considère ainsi que le traitement de certaines maladies n’est pas possible dans certains pays, alors celui-ci est établi depuis plusieurs années. L’existence d’un traitement comparable à celui prodigué en France, mais pas identique, justifie également de censurer des décisions de refus de titre de séjour pour soins.

À la différence du visa pour motif de santé, le séjour pour soins n’est conditionné à la satisfaction d’aucune condition financière, qu’il s’agisse du coût des soins prodigués ou de leur paiement par le bénéficiaire ou son organisme d’assurance. En pratique, les soins prodigués sont financés par l’Assurance maladie, notamment via le dispositif de la PUMa (protection universelle maladie). Comme le souligne l’OFII, lorsque le demandeur ne peut bénéficier immédiatement de la PUMa, qui nécessite de résider en France depuis au moins 3 mois, d’autres dispositifs spécifiques permettent de débuter le traitement, pendant ce « délai de carence » : l’AME et le dispositif de soins urgents et vitaux. Les étrangers en situation irrégulière sont en effet recevables à demander un titre de séjour pour soins, ce parcours n’étant pas rare, l’OFII soulignant dans son rapport de 2021 que « l’AME n’est souvent que la première étape avant la demande d’un titre de séjour pour soin ».

Or les pathologies justifiant le recours aux séjours pour soins nécessitent généralement des traitements lourds, parfois innovants et souvent pour toute la vie du patient alors que celui-ci ne contribue pas à leur financement. A titre d’exemple, en 2022, 503 demandes de séjour pour soins concernant des prises en charge en dialyse ont été enregistrées, les primo-demandes pour cette pathologie étant en augmentation de 45% par rapport à 2021. 

Ces traitements représentent des coûts très lourds de prise en charge, qui peuvent représenter jusqu’à 1 million d’euros par an et par personne pour le seul schéma médicamenteux (sans inclure les coûts hospitaliers associées), ainsi couvert par l’Assurance maladie. Pour donner la mesure de ce qu’implique une telle somme : 458 années de cotisations d’assurance maladie seraient nécessaires pour qu’une personne rémunérée au salaire médian du secteur privé en France (2 600€ bruts)[47] puisse financer une seule année de traitement à 1 M€.

Source : OFII, Procédure d’admission au séjour pour soins – rapport au Parlement 2021

Il n’appartient pas à l’OFII de mesurer le coût pour l’Assurance maladie des séjours pour soins, et le chiffrage de ce coût n’a pas été entrepris ou n’est pas publié. Les données mises en lumière par le rapport annuel au Parlement de l’OFII relatif à ce dispositif pour l’année 2022[48] indiquent néanmoins que les séjours pour soins représentent une charge forte pour l’Assurance maladie :

  • « Les soins fournis aux « Etrangers malades » dans le cadre de cette procédure sont sans limitation, avec un coût invisible. L’impact financier du recours à certaines thérapies médicales ou médicaments onéreux est conséquent. Preuve s’il en est que l’accès aux soins pour les « Etrangers malades » est loin d’être restreint, nous pouvons objectiver que le coût peut être très important et sans limitation. Il est simplement non visible puisque pris en charge de manière globale par l’Assurance maladie. Dans certains cas, les malades bénéficient de plus de l’accompagnement social et éducatif (MDPH, AAH, AEH, IME, AVE) » ;
  • « Pour illustration, un sondage aléatoire sur 10 jours identifie une vingtaine de patients bénéficiant d’une thérapie médicale ou d’un médicament dont le coût annuel varie de 50 000 euros à 650 000 euros. Les montants estimés, même approximatifs, sont clairement sous pondérés car n’incluant que le prix du schéma posologique et ne comprennent pas le séjour hospitalier ».
  • « Régulièrement, nous observons que des patients présentant une amyotrophie spinale sont mis sous Nusineresen (Spinraza), traitement pouvant atteindre 1 million d’euros la 1ère année de traitement selon les protocoles, dont l’efficacité reste modérée et sans amélioration motrice ni curative en tout état de cause. Un traitement par Ivacaftor (Kalydeco) coûte 11 500 € la boite de 56 comprimés. On relève FACTANE, XOSPATA, ECULIZUMAB, Lumasiran, Car T cell, parmi les traitements les plus chers, certains à environ 500 000€ l’injection […] Ce sont souvent des traitements à vie. »
  • Dans son rapport annuel pour l’année 2020, l’OFII soulignait déjà que « tel patient bénéficie d’un traitement à 70 000 euros le flacon, ou d’un traitement de 37 cures par un médicament à usage hospitalier (soit environ 422 000 euros uniquement le coût du médicament) et dont les doses vont encore être majorées » [49],

Au-delà des aspects financiers, les séjours pour soins ont tendance à exercer une pression supplémentaire sur des secteurs du système de santé qui se trouvent déjà sous forte tension : 

  • Ainsi, selon le rapport de l’OFII pour 2022, 20% des lits d’hémato-pédiatrie du CHU de Toulouse étaient occupés par des enfants étrangers. Cet état de saturation entraîne des pertes de chances parfois dramatiques, que l’on retrouve dans d’autres établissements comme les CHU de Bordeaux et de Nantes ;
  • Le cas des greffes d’organes mérite également d’être cité. Selon le rapport de l’Assemblée nationale sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, porté par la députée Véronique Louwagie[50], 3 377 greffes de rein ont été réalisées en 2022 en France, avec un temps d’attente médian de 2,5 ans. Or cette même année, 1 740 demandes dont le dossier médical fait état d’une insuffisance rénale chronique, dialyse ou greffe de rein ont été recensées selon le rapport annuel 2022 de l’OFII sur la procédure d’admission au séjour pour soins[51]. De même, ce rapport évoque le cas d’un service de greffe d’organe pédiatrique qui s’est vu « confronté à une demande de greffon pour un enfant étranger en urgence absolue donc théoriquement prioritaire alors que 2 enfants résidents en France sont en liste d’attente d’un même greffon d’organe d’enfant, excessivement rare ».

Ce dispositif français de l’admission au séjour pour soins est quasiment unique au monde : 

  • Dans son rapport annuel au Parlement pour 2020[51], l’OFII soulignait que « la France est le seul pays à offrir ce type de soins gratuitement et sans restriction de plafond » ;
  • De même, Didier Leschi relevait en 2018[52] que « la Belgique est le seul pays à s’être doté d’un dispositif ressemblant à celui existant en France » mais « sans faire de l’état de santé un motif de délivrance de plein droit d’un titre de séjour ». De même, « le dispositif belge se distingue de celui de la France en ce qu’il inclut, à partir de 2012, un ‘’filtre médical’’ au stade de la recevabilité des demandes. Ainsi, contrairement au système français, toutes les demandes n’accèdent pas automatiquement à l’instruction ».

Le régime des séjours pour soins paraît donc manifestement insoutenable à la fois financièrement et au regard des capacités d’accueil du système de santé, déjà largement saturées en France. A minima, celui-ci « participe à la pression exercée sur notre système de santé » comme le souligne l’OFII dans son rapport au Parlement pour 2021. 

Par contraste, le régime du visa pour motif de santé devrait être plus équilibré financièrement, en raison de garanties plus fortes requises pour en bénéficier – même si des travaux mériteraient d’être conduits sur ce sujet sur la base de données exhaustives. Le visa pour motif de santé représente toutefois, de même que le séjour pour soins, une pression supplémentaire sur un système de santé français qui ne parvient déjà plus à répondre à la demande locale.

La dispensation de soins en France à des ressortissants étrangers dont le séjour est régulier connaît un développement particulier au sein des hôpitaux. En effet, les établissements de santé doivent accueillir sans discrimination les patients qui se présentent à eux, quel que soit leur statut, et ce de manière immédiate et sans condition pour les soins urgents. Pour les nationaux, qui bénéficient de la couverture désormais universelle de l’assurance maladie, le paiement des soins réalisés est presque totalement automatisé et transparent[53], le patient se retrouvant dans la plupart des cas avec un reste à charge modique voire inexistant.

Pour les patients étrangers non bénéficiaires de l’AME, le processus est plus complexe et varie énormément d’un établissement à l’autre. Il nécessite, pour les soins programmés, d’établir des devis, puis de facturer les soins directement au patient qui se fera ensuite éventuellement rembourser par sa caisse de sécurité sociale ou une assurance privée. Une avance de paiement peut être exigée pour s’assurer du bon recouvrement des soins réalisés, procédure mise en place par certains hôpitaux comme l’APHP. Toutefois, il est impossible de mettre en place cette sécurisation du financement pour les soins non programmés, qui concernent notamment les prises en charge au décours et à la suite de passages en urgences. Le recouvrement des frais de prise en charge ne peut alors se faire qu’à la sortie du patient, ou par l’intermédiaire de poursuites du comptable public. Or ces poursuites aboutissent rarement lorsque le patient n’est plus en France, leur succès dépendant principalement de la coopération des autorités locales.

L’Assistance publique – hôpitaux de Paris (APHP), un exemple emblématique des créances étrangères non recouvrées auprès des hôpitaux français

L’APHP, premier hôpital de France, est l’établissement de santé qui prend en charge le plus grand nombre de patients étrangers. Cette activité importante a conduit l’APHP, comme d’autres hôpitaux ayant une activité liée à des patients étrangers significative, à conclure des conventions en direct avec des caisses de sécurité sociale étrangères, afin de mieux encadrer la délivrance et le financement des soins pour les ressortissants des pays les plus demandeurs.

La conclusion de ces conventions « ad hoc », qui s’ajoutent aux conventions de sécurité sociale conclues entre États (dites conventions bilatérales), a toutefois conduit à des situations de confusion, ainsi qu’à des difficultés de recouvrement des créances de l’APHP à l’égard des caisses concernées.

Le tableau ci-dessous dresse la liste des pays concernés par les créances les plus importantes auprès de l’APHP en 2014 :

Source : Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, rapport sur l’APHP, 2016

Au total, en 2014, les ressortissants et organismes étrangers étaient débiteurs de 119 M€ auprès de l’APHP, dont 32 M€ pour l’Algérie, premier pays débiteur. La dette algérienne a pu être au moins partiellement soldée au cours des années suivantes, après l’abrogation de la convention conclue entre l’APHP et la CNAS (caisse de sécurité sociale algérienne), la révision de l’accord franco-algérien sur la sécurité sociale et la mise en place d’instances de coordination spécifiques. Le programme de réunions de la commission mixte franco-algérienne est cependant perturbé par les tensions diplomatiques qui apparaissent régulièrement entre les deux pays. Il arrive ainsi qu’elle ne se réunisse pas pendant de longues périodes.

En outre, les mesures mises en œuvre spécifiquement vis-à-vis de l’Algérie n’ont pas permis de résoudre complètement le problème du recouvrement des créances de l’APHP vis-à-vis de débiteurs étrangers, comme le révèle le rapport de 2021 de la CRC IDF. En 2018, l’APHP comptabilisait ainsi encore 120 M€ de dettes restant à recouvrer, soit un stock qui a continué de progresser légèrement depuis 2014. Au sein de ces dettes, on observe que c’est le taux de recouvrement des créances liées à des soins programmés qui a progressé, grâce notamment à la mise en place de provisions payées d’avance, correspondant à environ 2/3 de la facturation de ces soins. En revanche, le taux de recouvrement des créances liées aux soins non programmés reste faible (43% un an après les soins, 60% trois ans après les soins[54]), alors même que ceux-ci représentent des montants légèrement inférieurs à ceux des soins programmés (37 M€ en 2018 contre 41 M€ pour les soins programmés).
L’APHP, comme tous les hôpitaux, est confrontée à l’impossibilité pratique de sécuriser le paiement des soins non programmés en amont de leur dispensation, en particulier lors de passages aux urgences.

Le problème du recouvrement des créances hospitalières à l’égard d’organismes et de ressortissants étrangers ne peut se résoudre efficacement que sur le terrain diplomatique. 

C’est ce qu’enseigne le cas algérien, avec la mise en place du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie[55]. Ce protocole prévoit notamment la création d’une commission mixte franco-algérienne dédiée à sa bonne exécution et à l’apurement des comptes de chaque partie. En pratique, les frais liés à ces soins programmés sont payés par l’Assurance maladie, dans les conditions tarifaires de droit commun, pour le compte de la Caisse nationale des assurances sociales algérienne (CNAS). Les créances croisées entre la CNAS et l’Assurance maladie sont apurées régulièrement.

La solution algérienne pourrait être répliquée avec les pays dont la dette sociale à l’égard des hôpitaux français est la plus élevée (une commission mixte existe déjà avec la Tunisie). L’ensemble des hôpitaux français prenant en charge un nombre significatif de patients étrangers devrait également transmettre chaque année une liste des créances non recouvrées, par pays, au ministère des affaires étrangères[56], afin que celui-ci puisse suivre leur évolution et mettre en œuvre les actions diplomatiques adaptées à leur recouvrement. En effet, si le plan comptable hospitalier permet de suivre le montant de ces créances au niveau agrégé, seule une répartition par pays en permettrait l’exploitation à des fins de paiement. Cette analyse pourrait être rendue obligatoire dans le cadre du retraitement comptable (RTC) pour les établissements dont le montant des créances non recouvrées[57] dépasseraient 100 000€.

Les demandeurs d’asile peuvent bénéficier, au bout de 3 mois de résidence ininterrompue en France, d’une affiliation à l’Assurance maladie non contributive : la PUMa, dont le panier de soins remboursés est le même que celui de l’Assurance maladie de droit commun ainsi que de la complémentaire santé solidaire (CSS), pour eux-mêmes, leur conjoint, ainsi que leurs enfants. Les mineurs bénéficient toutefois de la PUMa dès leur arrivée en France, sans délai.

Pendant le délai de 3 mois précédant leur éligibilité à la PUMa, les demandeurs d’asile bénéficient du dispositif des soins urgents et vitaux[58], qui permettent le financement intégral par l’Assurance maladie de certaines prises en charge :

  • Les soins dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à l’altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou de celui d’un enfant à naître ;
  • Les soins destinés à éviter la propagation d’une maladie à l’entourage ou à la collectivité ;
  • Tous les soins liés à la grossesse et l’accouchement ;
  • Les interruptions de grossesse (volontaire ou pour motif médical).

Comme le souligne pourtant la Fondapol dans son plus récent rapport de panorama européen : « par comparaison, on voit que, dans l’ensemble des pays européens (…) un étranger demandeur d’asile accède à un système de soins d’une qualité inférieure à celle des nationaux »[59]

Les étrangers présents en France sans titre de séjour[60] bénéficient d’un dispositif spécial leur permettant d’être soignés sans frais : l’aide médicale d’État (AME)

Les conditions pour bénéficier de l’AME sont les suivantes :

  • Résider en France sans titre de séjour depuis plus de 3 mois ;
  • Avoir des ressources ne dépassant pas un plafond[61] (10 166 € annuels pour une personne seule en métropole).

L’AME ouvre droit à la prise en charge à 100 % des soins avec dispense d’avance de frais, à quelques exceptions près :

  • Le remboursement des médicaments princeps et à service médical faible (remboursés à 15% par l’Assurance maladie) ;
  • Les cures thermales et l’assistance médicale à la procréation ;
  • Une liste de 16 actes non urgents ne peuvent être pris en charge qu’après un délai de 9 mois après admission à l’AME ;
  • Le dispositif 100% santé, destiné à offrir un panier d’équipements et soins audio, dentaires et optiques sans reste à charge, est exclu.

Ses bénéficiaires ne sont pas soumis aux dispositifs du médecin traitant (parcours de soins coordonnés). 

On dénombrait 456 000 bénéficiaires de l’AME en 2023, qui ont donné lieu à un versement par l’État à l’Assurance maladie de la somme de 1,1 Md €. Comme le précisait le rapport rédigé par MM. Evin et Stefanini en décembre 2023[62].

L’AME est un dispositif qui répond à une double vocation : humanitaire, en offrant à une population précaire un haut niveau de protection santé financé par la solidarité nationale, et préventive afin d’éviter la dégradation de l’état de santé des bénéficiaires qui pourrait engendrer des soins urgents plus coûteux et des risques de propagation de maladies. 

Mais la très forte augmentation du nombre de bénéficiaires doit conduire à réformer ce dispositif. En effet, le nombre de bénéficiaires de l’AME « de droit commun » a triplé en moins de vingt ans (2004-2023), passant de 154 971 à 456 000 bénéficiaires[63].

De même, le coût global pour les trois volets de l’AME étant principalement corrélé à la hausse du nombre de ses bénéficiaires, celui-ci a augmenté de 72% entre 2012 et 2024, avec un montant budgété à hauteur de 1,319 milliard d’euros dans le PLF 2025[64].  

On observe en outre une reprise de la dynamique haussière des dépenses de l’AME depuis la fin de la crise COVID (+5,4% de dépenses prévisionnelles totales entre 2023 et 2024 ; +13,5% de bénéficiaires estimés entre 2022 et 2023 dans le rapport précité sur l’AME).

Chaque bénéficiaire de l’AME représente, en moyenne, plus de 2 400 € de dépenses de santé en 2024. Il est donc illusoire de chercher à internaliser cette charge au sein de la population considérée, dont un quart des membres sont mineurs et la quasi-totalité sont en situation de dépendance financière. Dès 2010, un rapport conjoint de l’IGAS et l’IGF estimait qu’un bénéficiaire de l’AME consommait davantage de soins qu’un bénéficiaire du régime général (1 741 euros de soins par an en moyenne à cette époque, contre 1 580 euros)[65].

Le rapport IGF-IGAS publié le 5 novembre 2019[66] a relevé plusieurs situations atypiques notables dans le cadre de l’AME : 

  • Une surreprésentation des maladies du sang, des cancers, des insuffisances rénales chroniques, ou des accouchements ;
  • Un rythme de croissance des séances d’hémodialyse, de chimiothérapie et radiothérapie particulièrement élevé (plus de 10%) pour les bénéficiaires de ce dispositif ;
  • Une proportion d’individus souffrant d’affections rénales et urinaires de 30% plus élevée chez les bénéficiaires de l’AME par rapport à la population générale.

Ce même rapport affirme que la « migration pour soins […] n’est clairement pas un phénomène marginal (plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration) » et fait savoir qu’il « existe une suspicion de migration pour soins » pour 43% des patients AME en dialyse et 25% des patients AME en chimiothérapie oncologique.

Enfin, ce dispositif de gratuité des soins pour les étrangers en situation irrégulière apparaît unique en Europe – comme s’accordent à le diagnostiquer les plus récentes analyses :

  • Selon Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : « Dans l’ensemble des pays européens, au-delà de l’urgence où la vie de la personne serait en danger, un sans-papiers ne peut prétendre à la même gratuité des soins »[67] ;
  • Selon la Fondapol « Par comparaison, on voit que, dans l’ensemble des pays européens, en dehors de l’aide d’urgence, lorsque la vie de la personne est en danger, un sans-papiers ne peut prétendre à la gratuité des soins. En Allemagne et en Italie, les migrants irréguliers présents sur le sol ne peuvent pas avoir accès à la gratuité des soins, sauf urgence »[68] ;
  • Selon l’IGS-IGAS, ce dispositif est « l’un des plus généreux d’Europe »[69].

Comme le souligne le rapport précité de la députée Véronique Louwagie, la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière ne s’arrête pas à l’AME. Outre l’évocation d’un usage détourné du séjour pour soins, il convient de souligner que cette population bénéficie largement des permanences d’accès aux soins (PASS), ces services hospitaliers créés en 1998 pour orienter et prendre en charge toute personne « en situation de précarité ». En 2022, le financement des PASS en France représentait 97 M€. Il est toutefois difficile d’évaluer la part des immigrés clandestins dans l’ensemble des patients pris en charge par les PASS.

Les dépenses de santé des clandestins détenus sont elles aussi difficiles à estimer. En 2020, le montant du financement par dotation alloué au fonctionnement des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) s’élevait à 187 M€, chiffre pouvant être doublé si l’on tient compte des dépenses d’activité facturées (consultations, hospitalisations…).

La prise en charge sanitaire des retenus au sein des centres de rétention administrative (CRA) complète ce tableau. Celle-ci est également assurée par les hôpitaux, qui perçoivent une dotation spécifique pour cette mission, dont le montant total représentait 20 M€ en 2024[70], soit plus de 10 000 € par place.

Au total, la députée Véronique Louwagie estimait, dans son rapport de 2023, à 1,7 Md € les dépenses de santé consacrées chaque année aux dispositifs qui dispensent des soins étrangers clandestins en France, estimation basse qui apparaît réaliste.

Le « tourisme médical » désigne tout séjour de courte durée à l’étranger ayant pour objectif, exclusif ou non, de recevoir des soins dans le pays de destination. Historiquement dominé par les pays de l’OCDE, le marché du tourisme médical se tourne de plus en plus vers les pays asiatiques, qui développent de véritables stratégies d’attractivité à destination de la patientèle étrangère (Inde, Thaïlande, Corée du Sud).

Le tourisme médical représente un marché estimé à 80 Md€ en 2024, avec un potentiel estimé à plus de 200 Md€ dans les 5 années à venir (croissance annuelle de 20 à 25%)[71]. La France est concernée par ce phénomène du tourisme médical à la fois comme pays de destination et comme pays d’origine. Pour les développements relatifs à la France comme destination de tourisme médical, on se référera à la partie relative aux étrangers séjournant en France légalement pour raison de santé. Il convient ici de s’intéresser à la France comme pays d’origine du tourisme médical, autrement dit à l’émigration pour raison de santé.

En 2022, les soins réalisés à l’étranger par des ayants-droits des caisses françaises d’assurance maladie ont représenté 522 M€ de remboursements[72], soit 0,27% de l’ensemble des prestations versées par la branche maladie[73]. Si ce montant a augmenté de 23% par rapport à 2021, il reste inférieur à ceux d’avant COVID (844 M€ en 2019, soit 0,49% de l’ensemble des prestations versées par la branche maladie). Le tourisme médical semble donc connaître une évolution similaire à celle du tourisme mondial, en reprise progressive depuis 2022. En attendant la publication du rapport statistique du CLEISS pour l’année 2023, il convient donc de considérer que les chiffres de 2022 restent marqués par l’impact de la crise COVID, c’est pourquoi l’analyse ci-après porte, d’une part, sur les dernières données disponibles (2022), et d’autre part sur les données de l’année 2019 (dernière année non impactée par la crise COVID)[74].

Les dépenses des régimes d’assurance maladie français pour des soins réalisés à l’étranger en 2022 se décomposent comme suit :

  • 486 M€ (93%) au titre du régime européen (UE, EEE, Suisse et RU) ;
  • 20 M€ (6%) au titre des conventions bilatérales ;
  • 11 M€ au titre des décrets coordination (concerne les soins réalisés en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon) ;
  • 5 M€ au profit d’États tiers sans convention. 

Le premier pays de destination, en montants, est la Belgique, avec 314 M€ de prestations versées, dont 85 M€ concernant des placements en établissements spécialisés d’adultes en situation de handicap[75]. Le premier pays extra-européen est le Maroc (8e place), avec 6,5 M€ de prestations versées.

Quand ils se font soigner à l’étranger, les assurés sociaux français ont donc tendance à privilégier d’autres pays européens. Le faible développement des conventions bilatérales avec d’autres pays de l’OCDE explique peut-être en partie cette orientation (voir ci-dessus l’encadré sur les accords bilatéraux). Au total, la part des remboursements de soins réalisés à l’étranger reste toutefois relativement faible, voire très marginale hors régime européen. La France n’est donc pas un grand pays d’émigration de santé, sauf exceptions sectorielles comme les prises en charge institutionnelles dans le secteur du handicap en Wallonie.

En 2007, au moment de l’entrée en vigueur d’une réforme de la « procédure d’autorisation à exercer », les nombre de médecins à diplôme hors UE était estimé à 5 000 en France. 12,3% des médecins exerçant en France avaient été formés à l’étranger en 2021 selon l’OCDE[76]. Le nombre de médecins formés à l’étranger est en forte augmentation en France : +64% entre 2010 et 2021. Ils n’étaient que 3,9% en 2000.

En 2023, 2500 médecins à diplôme hors UE ont réussi les EVC[77], ce qui représente 1/3 des places qui avaient été ouvertes au concours d’entrée en 2e année de médecine en France 10 ans plus tôt et 71% des places du concours de 1993, point bas du numerus clausus. 

Ces « régularisations » massives de médecins étrangers peuvent donc être vues comme autant de pertes de chances pour nombre de recalés des concours de médecine pendant les 40 ans du numerus clausus. Aujourd’hui, la plupart des hôpitaux publics dépendent des PADHUE (praticiens à diplôme hors Union Européenne) pour fonctionner, alors que ceux-ci ont bénéficié d’une formation initiale souvent de niveau inférieur à celle dispensée en France, pas toujours compensée par l’expérience. Il en découle une deuxième perte de chance : celle des patients, soignés par des médecins étrangers dont les compétences n’ont pas été vérifiées selon les standards académiques nationaux. 

En outre, cette immigration de médecins hors UE en France a des effets délétères sur les systèmes de santé des pays d’origine, en particulier dans le Maghreb. Environ 1/3 des nouveaux médecins diplômés quittent ainsi chaque année le Maroc, qui subit une forte pénurie médicale[78].

Les autres professionnels de santé sont moins concernés par l’immigration que les médecins. En France, toujours selon l’OCDE, seuls 3,1% des infirmiers en activité avaient été formés à l’étranger en 2021.[79]

En 2021, 5 000 médecins formés en France exerçaient dans un autre pays de l’OCDE, dont 1600 en Belgique, 1000 en Suisse et environ 700 aux États-Unis (dernière année disponible 2016)[80].

Toujours selon l’OCDE, environ 13 000 infirmiers formés en France seraient en activité dans un autre pays de l’OCDE (hors États-Unis, données non disponibles), dont 7 700 en Suisse, 2 500 en Belgique et 2 000 au Canada. L’émigration des professions de santé non médicales est donc un phénomène qui est loin d’être négligeable en France, alors même que les pénuries de soignants touchent sérieusement certains territoires, notamment au sein des établissements de santé, depuis la crise COVID.

Au total, l’émigration des professionnels de santé formés en France n’est pas massive, mais elle a tendance à augmenter, et il a été constaté lors des dernières négociations de la convention médicale conclue avec l’Assurance maladie en 2024 que de plus en plus de médecins et représentants syndicaux n’hésitaient plus à menacer d’émigrer s’ils estimaient que leurs conditions d’exercice étaient trop défavorables. Même si la France demeure plus attractive qu’elle n’est répulsive en termes de mobilités internationales de médecins, il convient de souligner la situation ubuesque que la politique du numerus clausus est en train de dessiner en France : alors que les médecins formés en nombre insuffisant menacent de quitter le pays, le secteur public devient de plus en plus dépendant de l’immigration de médecins étrangers.

La France arrive donc à exporter, au moins en partie, ses déserts médicaux dans les pays moins développés, au prix d’une qualité des soins dégradée.

La fraude sociale est revenue au centre du débat public en 2020, à la suite de la publication de plusieurs rapports et ouvrages s’intéressant à cette question.

Dans son rapport relatif à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales de 2020[81], la Cour des comptes recommandait ainsi que les organismes sociaux et de l’État partagent davantage leurs données afin de contrôler et mettre en œuvre les fins de droits, par exemple l’arrêt du bénéfice de la PUMa en cas d’interruption de résidence en France ou d’expiration de titre de séjour sans renouvellement. Ce rapport estimait à plus de 3 millions le nombre de personnes couvertes par l’Assurance maladie alors qu’elles n’y avaient plus droit.

Il convient également de mentionner le rapport du député Brindeau, publié en 2020 également, relatif à « la lutte contre les fraudes aux prestations sociales »[82], et qui donne un aperçu de l’importance des fraudes liées au trafic international de médicaments : « L’importance de ces trafics a été soulignée par Mme Cécile Moral, cheffe de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) au sein de la Préfecture de police de Paris : ‘’Nous ne rencontrons pas beaucoup de bandes organisées, si ce n’est, récemment, dans quelques dossiers – notamment deux en co-saisine avec l’OCLAESP [office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique]. Un individu interpellé se faisait délivrer beaucoup de médicaments très coûteux et les investigations ont permis de remonter à un commanditaire, chez qui on a découvert une caverne d’Ali Baba : ordonnanciers vierges, plus de 500 boîtes de médicaments, des comprimés, tout cela parfaitement conditionné pour alimenter un trafic vers l’Égypte’’ ».

Le rapport Brindeau précise ainsi que « les risques de fraudes des assurés se concentrent sur le dispositif de protection universelle maladie (PUMa), sur l’attribution de l’aide médicale d’État (AME) et sur certaines prestations en espèce comme les indemnités journalières ou les pensions d’invalidité ». Il mentionne également, de même que l’ONU dans un rapport de 2020[83], le lien entre ces fraudes aux prestations sociales et le financement du terrorisme.

La fragilité du système de santé français, qui s’accentue depuis la fin des années 2000, fait l’objet d’un consensus dans l’opinion publique. L’actualité rappelle très régulièrement des dysfonctionnements bien connus : démographie médicale en berne, engorgement des urgences, déficits des hôpitaux publics malgré une dette sociale qui s’alourdit, augmentation du taux de renoncement aux soins dans la population … Dans ce contexte, l’immigration produit l’effet d’un choc exogène particulièrement déstabilisateur sur ce système de santé chancelant.

Sur le plan de l’offre de soins, les immigrés et leurs descendants étant globalement en moins bonne santé que les natifs, il en découle une pression de demande accrue, dont la structure se concentre sur certains segments déjà très tendus : urgences, pédiatrie, psychiatrie. La structure des besoins de santé des immigrés engendre en outre une prévalence des traitements coûteux : prises en charge hospitalières lourdes, affections de longue durée.

Cette prévalence des traitements coûteux a pour effet d’accentuer le déséquilibre financier de la prise en charge des immigrés par le système de santé. Certaines filières d’immigration donnent lieu au bénéfice d’une couverture maladie non contributive par nature : le séjour pour soins et l’immigration irrégulière via le dispositif de l’AME. Mais même en dehors de ces cas particuliers, on constate un niveau de cotisations d’assurance maladie moyen inférieur chez les ménages immigrés par rapport aux ménages natifs, en raison de l’écart de revenus. Pour la même raison, les immigrés sont plus susceptibles que les natifs de bénéficier de la complémentaire santé solidaire (CSS), avec ou sans participation.

Dans ces circonstances, la pression exercée par l’immigration sur le système de santé apparaît insoutenable sur l’offre de soins à court terme, et sur le financement du système de santé à moyen terme. L’évolution prévisible de la pyramide des âges des immigrés installés en France, alliée au maintien de flux d’arrivées massifs, doit conduire à un rééquilibrage destiné à limiter la dégradation en cours des capacités sanitaires nationales. Sans action rapide, le décalage existant entre une réglementation favorisant une immigration de santé nombreuse et financée par la solidarité nationale d’une part, et un système de santé de moins en moins capable de répondre aux besoins, même urgents, de la population native d’autre part (plus de six Français sur dix auraient déjà renoncé à un acte médical au cours des cinq dernières années selon une récent étude de la Fédération hospitalière française[84]), ne pourra conduire qu’à l’émergence d’une situation de crise aux graves conséquences budgétaires, sanitaires et sociales.

Améliorer la connaissance des effets de l’immigration sur le système de santé :

  • Charger le HCAAM d’établir, à une fréquence au moins bisannuelle, un rapport sur la soutenabilité du système de santé selon le même modèle que le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites. 
  • Créer un chapitre relatif à la prise en charge des étrangers par le système de santé français au sein de la publication annuelle des comptes de la santé par la DREES. Ce chapitre reprendrait l’ensemble des dispositifs liés à l’immigration régulière et irrégulière et tiendrait compte des contributions afin d’établir un chiffrage des dépenses nettes de santé liées à la prise en charge des ressortissants étrangers. 
  • Compléter l’étude France, portrait social de l’INSEE, en intégrant dans le chapitre relatif à l’état de santé de la population des développements spécifiques liés à l’état de santé des immigrés. L’aboutissement de cette recommandation peut nécessiter de développer des indicateurs permettant de croiser les données administratives et médicales des patients, en lien avec l’ATIH et l’Assurance maladie. Elle peut aussi nécessiter la mise en place d’une enquête spécifique.
  • Ouvrir le champ et le contenu des enquêtes et statistiques publiques ayant un lien avec l’immigration et la santé. Rien ne justifie qu’une partie des variables de certaines enquêtes, comme l’enquête santé et protection sociale de l’IRDES, ou l’enquête Budget de famille de l’INSEE, soient verrouillées et rendues inaccessibles aux citoyens.
  • Demander à l’Assurance maladie d’objectiver le coût du dispositif des titres de séjour pour soins au sein des dépenses de l’Assurance maladie, afin de l’inclure dans le rapport annuel de l’OFII.

Rendre plus équitable le financement des dépenses de santé des immigrés :

Pour les étrangers disposant d’un titre de séjour valide : 

  • Conditionner les prises en charge non urgentes à l’accord préalable de financement par l’assurance du patient et au paiement d’avance du reste à charge prévisionnel ; pour les ressortissants affiliés à des caisses de sécurité sociale redevables de dettes importantes à l’égard de la France, paiement d’avance de l’ensemble des coûts prévisionnels de prise en charge.
  • Utiliser le RTC[85] pour mesurer le volume de la dette étrangère auprès des hôpitaux français et assurer son remboursement grâce à des actions diplomatiques. Mettre en place des commissions mixtes selon le modèle de la convention franco-algérienne pour faciliter l’apurement des dettes de sécurité sociale les plus importantes.

Pour les étrangers en situation irrégulière : 

  • Instaurer une contribution obligatoire de 30 € par mois à destination des personnes éligibles à l’AME, afin qu’elles participent symboliquement au financement de ce dispositif ;
  • Conditionner la délivrance de titres de séjour pour soins à un accord de financement préalable par la caisse de sécurité sociale du pays d’origine. 

A minima, modifier la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 comme suit : « le ressortissant étranger bénéficie d’une carte de séjour temporaire pour soins si une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; et si l’offre de soins n’existe pas dans le pays dont il est originaire ». 

Réduire la pression migratoire exercée sur le système de santé et la dépendance aux médecins étrangers :

  • Conditionner la délivrance de titres de séjours pour soins à une absence de tension des capacités de prise en charge des pathologies concernées, y compris dans le domaine des greffes. 
  • Transformer l’Aide médicale d’Etat (AME) en Aide médicale d’Urgence (AMU) ou faire basculer ses bénéficiaires dans le cadre du régime de l’article L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles, à savoir « les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ».
  • A minima, exclure du droit à l’AME les étrangers en situation irrégulière frappés d’une mesure d’éloignement du territoire pour un motif d’ordre public, hors soins urgents (comme préconisé par le rapport Stefanini / Evin sur l’Aide médicale d’Etat).
  • A minima, subordonner la poursuite de soins chroniques et lourds à la vérification que l’étranger en situation irrégulière ne peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine (comme préconisé par le rapport Stefanini / Evin sur l’Aide médicale d’Etat).
  • Faire basculer les demandeurs d’asile du régime général de l’Assurance maladie à celui de l’article L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles, ou a minima au régime de l’AME.
  • Prendre en compte le risque de prise en charge sanitaire du demandeur et de sa famille lors de la délivrance et du renouvellement de titres de séjours hors soins.
  • Augmenter massivement la formation de nouveaux médecins en France, qui reste insuffisante malgré la fin du numerus clausus. En parallèle, mettre fin au recours massif à des médecins à diplôme hors Union-Européenne.

La présente annexe dresse un état des lieux général des dépenses de santé en France et de la manière dont elles sont financées.

Méthodes de comptabilisation des dépenses de santé 

Le suivi de l’évolution des dépenses de santé en France est principalement réalisé par deux organismes de statistique publique : la DREES et l’INSEE. Elle se fonde principalement sur trois indicateurs : la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), la dépense courante de santé (DCS)[86] et la dépense totale de santé (DTS). 

La CSBM est un indicateur historique, encore utilisé de façon majoritaire par les organismes de statistique publique pour suivre et analyser les dépenses de santé en France depuis les années 1950, notamment dans la publication France, portrait social de l’INSEE. 

Il s’agit toutefois d’un indicateur incomplet par rapport à la DCS, puisqu’elle en exclut ¼ du périmètre en montant (77,8 Md€ en 2022)[87] : les soins de longue durée (49,5 Md€ en 2022), les dépenses de prévention (12,7 Md€) et les dépenses de gouvernance du système de santé (15,7 Md€). La CSBM correspond ainsi à une vision quelque peu obsolète des dépenses de santé, réduite aux « perturbations provisoires de l’état de santé »[88], alors même que les affections longues (personnes âgées, maladies chroniques) et les actions de prévention en constituent une part de plus en plus importante. L’utilisation renouvelée de cet indicateur est donc difficilement justifiable, en dehors de l’intérêt que peut représenter la continuité des séries déjà réalisées. Elle a pour effet de sous-estimer les dépenses de santé en France, en particulier lors de crises sanitaires comme la crise COVID, où les dépenses de prévention (vaccination) augmentent fortement. 

La DTS est l’indicateur le plus large des dépenses de santé. Il reprend la DCS et y ajoute des dépenses liées à la dépendance et au handicap, ainsi que les dépenses en capital (FBCF) du secteur de la santé. Cet indicateur n’est plus suivi de manière continue par la DREES et les organismes internationaux. Les investissements dans le secteur de la santé en France ayant tendance à s’organiser par vagues (plan hôpital 2007, Ségur de la santé…), leur prise en compte a pour effet de créer des variations importantes qui perturbent les tendances de long terme. L’indicateur qui privilégié dans les développements qui suivent est donc la DCS qui a l’avantage d’avoir été actualisé récemment, de retenir un périmètre suffisamment large et de permettre les comparaisons internationales. 

En 2022, la DCS s’élève à 313,6 Md€ en France, soit 4 650€ par habitant[89]. Ce montant a progressé de 29% en 10 ans (243 Md€ en 2012), soit une augmentation près de deux fois supérieure à l’inflation cumulée pendant la même période (environ 15,8%). La part de la DCS dans le PIB a quant à elle fluctuée entre 11 et 12% entre 2012 et 2022 (hors pics à 12,1 et 12,3% en 2020 et 2021 liées à la crise COVID).

Le financement de la DCS, par contributeur, se décompose ainsi :

  • 75,4% par la sécurité sociale (caisses d’assurance maladie) ;
  • 12,1% par les organismes complémentaires (mutuelles, complémentaires santé) ;
  • 8,9% par les patients (reste à charge) ;
  • 3% par l’État et les collectivités territoriales. Pour l’État, cela concerne les dépenses de prise en charge de l’immigration irrégulière (AME notamment) et les mesures de prévention contre certains types de pathologies (maladies infectieuses, addictions). Pour les collectivités, cela concerne la médecine scolaire, la protection maternelle et infantile et quelques dispositifs particuliers comme les accouchements sous X ;
  • 0,6% par les entreprises privées (médecine du travail principalement).

En tendance, on observe ces dernières années une progression de la part de la sécurité sociale dans le financement de la DCS (+1,1 point depuis 2012). Cette progression s’explique principalement par la hausse des dépenses prises en charge à 100% par l’assurance maladie, via des dispositifs existants (les affections de longue durée) et des dispositifs nouveaux. Le 100% santé baisse de 0,5 point le reste à charge pour les biens médicaux en 2022, premier poste de dépense courante en santé des ménages (30%) après les soins de longue durée (37%).

L’essentiel des dépenses de santé sont financées par des prélèvements obligatoires ou assimilés : cotisations d’assurance maladie prélevées sur les revenus du travail et frais de couverture des complémentaires santé, dont l’affiliation est obligatoire pour les salariés du secteur privé. Les taux de cotisations d’assurance maladie sont de 13% sur le salaire brut, réduits à 7% pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC (cette réduction de cotisations pour les bas salaires est appelée « bandeau maladie »). Il n’y a plus de plafond de salaire pris en compte pour le calcul des cotisations d’assurance maladie depuis 1984. Enfin, il convient de noter que depuis l’entrée en vigueur de la protection universelle maladie (PUMa) au 1er janvier 2016, le lien entre le paiement de cotisations sociales et l’ouverture des droits à l’assurance maladie est rompu, la qualité de résident régulier devenant le seul critère à l’ouverture de droits à l’assurance maladie, l’AME prenant le relais pour les personnes dont le séjour est irrégulier.

Lors de leur présence en France, les immigrés sont susceptibles de voir leurs soins pris en charge par l’un des principaux financeurs des dépenses de santé, dont la contribution a été décomposée dans la première partie : 75,4% pour l’Assurance maladie, 3% pour l’État et les collectivités territoriales, 12,1% par les organismes complémentaires, 8,9% de reste à charge et 0,6% pour entreprises privées.

Une note publiée par France Stratégie en 2017[90] permet d’appréhender les déterminants de long terme des dépenses de santé. Celles-ci dépendent de trois types de facteurs : « des facteurs économiques (niveau de vie), des facteurs démographiques et sanitaires (vieillissement et état de santé) et enfin des facteurs technologiques et institutionnels (progrès technique, prix des services de santé, organisation et financement du système de soins) »[91]. L’immigration ne concernant que les facteurs démographiques et sanitaires, seuls ceux-ci seront abordés dans les développements qui suivent.

Entre 1950 et 2015, la part des dépenses de santé dans le PIB, réduites à l’indicateur de la consommation de soins et biens médicaux (CSBM) – la dépense courante de santé (DCS) n’étant disponible, par reconstruction, qu’à partir de 1995[92] – passe de 2,6 % à 8,9 %. Cette hausse a toutefois fortement ralenti à partir des années 1990, sous l’effet conjugué de plusieurs phénomènes :

  • l’arrivée à maturité du système de santé pendant les Trente glorieuses (facteur économique), avec mise en place d’un maillage territorial suffisant, notamment en termes d’offre hospitalière et de plateaux techniques proposant un environnement et des équipements onéreux, qui aboutit à une stabilisation des charges d’amortissements ;
  • la mise en place de mesures de pilotage renforcé des dépenses, via la création de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), le resserrement du numerus clausus à l’entrée des études de médecine, la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) et le développement d’outils de contractualisation entre l’assurance maladie, les ARH / ARS[93] et les producteurs de soins ;
  • le tassement des gains d’espérance de vie. L’espérance de vie sans incapacité progresse de 3 ans, pour les femmes comme pour les hommes, entre 2011 et 2021, en raison principalement de l’augmentation des décès liés à la crise sanitaire du COVID. L’espérance de vie totale progresse de moins de 1 an pendant cette même période.

Source : P.-Y. Cusset, France Stratégie, Les déterminants de long terme des dépenses de santé, 2017

Depuis les années 1990, les facteurs démographiques et sanitaires expliquent donc en majeure partie la hausse constatée des dépenses de santé en pourcentage du PIB. Les principales causes de cette augmentation sont bien connues et peuvent être regroupées en deux catégories :

  • le vieillissement de la population, les 65 ans et plus représentant environ 21,3 % de la population française en 2023 (estimation de l’INSEE), contre 16,6% en 2010. Or les dépenses de santé tendent à augmenter avec l’âge, 52,8% des personnes de plus de 50 ans étant atteintes d’une maladie chronique, ce taux augmentant à 70,8% pour les personnes de plus de 80 ans. Chaque année, environ 40% des personnes âgées de plus de 80 ans effectuent un séjour hospitalier[94] ;
  • l’augmentation tendancielle du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques dans la population générale, en partie liée au vieillissement de la population. Le nombre de personnes prises en charge pour affection de longue durée (ALD) passe ainsi de 9,5 millions en 2012 à 12,3 millions en 2022 (+30,5%)[95].

Source : P.-Y. Cusset, France Stratégie, Les déterminants de long terme des dépenses de santé, 2017


[1] IRDES, La Santé des migrants Bibliographie thématique, novembre 2022

[2] Emmanuel Renard, Europe 1, janvier 2012

[3] Anne Jeanblanc, Le Point, janvier 2013

[4] Ouest France, février 2020

[5] Jean-François Martin, Ouest France, mars 2021

[6] Europe 1, janvier 2024

[7] Sénat, Rapport général n° 128 (2023-2024) du projet de loi de finances pour 2024

[8] Définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration et utilisée par l’INSEE | Cf « Définitions – Immigrés », 19 avril 2023

[9] Le règlement 2018/255 pour la réalisation de l’enquête 2019

[10] Les microdonnées sont les fichiers contenant les informations de base sur les personnes et ménages interrogés, à partir desquelles les résultats statistiques des enquêtes sont obtenus.

[11] C’est le phénomène dit de « l’immigrant en bonne santé ».

[12] Y. Moullan et F. Jusot, “Why is the ‘healthy immigrant effect’ different between European countries?”, European Journal of Public Health, 2014

[13] M. Belhadj, H. Lhassani, I. Khochtali, « Prise en charge du diabète de type 2 dans les pays du Maghreb : état des lieux », Médecine des Maladies Métaboliques, 2019

[14] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés, édition 2023

[15] OCDE, « Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 », 15 juin 2023

[16] INSEE, La localisation géographique des immigrés, 2016

[17] INSEE, « Sexe, âge et vieillissement » in Immigrés et descendants d’immigrés, 30 mars 2023

[18] A. Hourdet et al., « État de santé des patients se déclarant mineurs non accompagnés et non reconnus mineurs […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 13 octobre 2020

[19] Permanence d’accès aux soins de santé. Il s’agit d’unités de soins hospitalières destinées à accueillir des personnes précaires, quel que soit leur statut, et à leur proposer une prise en charge médicale et/ou sociale.

[20] Tuberculose (santepubliquefrance.fr)

[21] Source : Santé publique France

[22] Santé publique France, « Prévalence des hépatites chroniques […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 24 septembre 2019

[23] S. Fosse et A. Fagot-Campagna, Santé publique France, « Encadré. Prévalence du diabète […] », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 17 janvier 2012 

[24] Centre national de référence du paludisme, Rapport annuel d’activité, 2020

[25] C. prieur et al., IRDES, « Une personne sans titre de séjour sur six souffre de troubles de stress post-traumatique en France », Questions d’économie de la santé, mars 2022

[26] Santé publique France, « VIH-Sida », site mis à jour le 11 octobre 2024.

[27] Dette de santé que l’on peut qualifier de « hors bilan », à distinguer de la dette sociale constituée par l’accumulation des déficits des comptes sociaux et gérée par la CADES.

[28] Période pendant laquelle la génération du baby boom aura entre 75 et 85 ans.

[29] INSEE, ibid.

[30] Un travailleur détaché est un salarié qui est envoyé dans un autre État membre de l’Union européenne (UE) que celui dont il est ressortissant, en vue d’y fournir un service à titre temporaire.

[31] Données publiées par l’INSEE en 2019, à défaut de données récentes disponibles sur les revenus des immigrés et non-immigrés en France. Le niveau de vie correspond au revenu disponible d’un ménage divisé par le nombre de membres y appartenant.

[32]  Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2019

[33] OCDE, « Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 », op. cit.

[34] Impôt prélevé sur les contrats de santé des organismes complémentaires

[35] Hors régime européen.

[36] Voir l’ensemble des types de titres de séjour sur le site service-public.fr : Titres, carte de séjour et documents de circulation pour étranger en France | Service-Public.fr

[37] Les chiffres 2023 (publication annuelle parue le 27 juin 2024) 

[38] Rapport annuel 2022

[39] Didier Leschi, Migrations : la France singulière, Fondation pour l’innovation politique, octobre 2018.

[40] Conseil d’État, section du Contentieux, 7 avril 2010, n° 316625 www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000022134391

[41] OFII, Procédure d’admission au séjour pour soins – rapport au Parlement 2021

[42] Tribunal administratif de Lille, 9 juin 2020, n° 1909377

[43] OFII, rapport 2022

[44] CAA de Douai, 11 avril 2023, n° 22DA01323

https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURADMINISTRATIVEDAPPELDEDOUAI-20230411-22DA01323

[45] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2021, p. 35

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2023/04/OFII-RAPPORT-MEDICAL-2021.pdf

[46] Didier Leschi, Ce grand dérangement – L’immigration en face, septembre, 21 septembre 2023

[47] Source : simulateur de l’URSSAF Simulateur de cotisations employeur – Urssaf.fr

[48] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2022

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2024/06/OFII-RAPPORT-MEDICAL-2022-1.pdf

[49] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2020

https://www.ofii.fr/wp-content/uploads/2021/12/Rapport%20Parlement%20proc%C3%A9dure%20admission%20s%C3%A9jour%20pour%20soins%202020.pdf

[50] V. Louwagie, Assemblée nationale, Rapport d’information sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, mai 2023

[51] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2022

[52] OFII, « Procédure d’admission au séjour pour soins – Rapport au Parlement », année 2020

[53] Didier Leschi, Fondapol op. cit.

[54] Voir le projet ROC (remboursement des organismes complémentaires), dans le cadre du programme SIMPHONIE (Simplification du parcours hospitalier du patient et la numérisation des informations échangées) pour les dernières évolutions à ce sujet.

[55] Ce taux de 60% étant potentiellement surévalué en raison de l’admission en non-valeur des créances anciennes. En 2018, l’APHP a ainsi admis en non-valeur 30 M€ de créances sur patients non assurés sociaux.

[56] Protocole signé le 10 avril 2016, dont la ratification a été autorisée par le Parlement par la loi du 2 mars 2018 et qui a été publié par décret du 1er février 2019.

[57] L’APHP procède déjà à ces transferts d’information systématiques.

[58] Montants inscrits au compte 733 des établissements de santé

[59] Article L.254-1 du code de l’action sociale et des familles

[60] Fondapol, « Immigration : comment font les Etats européens », mars 2023

[61] Personnes qui ont pénétré illégalement sur le territoire français ou qui s’y maintiennent après l’expiration de leur titre de séjour principalement, notamment les déboutés de l’asile.

[62] Plafond égal à celui exigé pour bénéficier de la CSS sans participation

[63] C. Evin, P. Stefanini, « Rapport sur l’Aide médicale de l’État », décembre 2023

[64] Claude EVIN et Patrick STEFANINI, avec l’appui de l’IGA / IGAS, mission « Rapport sur l’Aide médicale d’Etat » p.9 : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_ame-decembre-2023.pdf

[65] Ministère de l’Economie et des Finances, PAP mission budgétaire Santé (PLF 2025), p. 12

https://www2.assemblee-nationale.fr/static/17/Annexes-DL/PLF-2025/Sante.pdf

[66] IGAS-IGF, « Analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’AME », Alain Cordier et Frédéric, novembre 2010 https://igas.gouv.fr/Analyse-de-l-evolution-des-depenses-au-titre-de-l-aide-medicale-d-Etat-2010

[67] IGAS-IGF, « L’Aide médicale d’Etat : diagnostic et propositions », F. Bartoli, J-L. Rey, Dr.F. Fellinger, J. Sauliere, C. Hemous et J-Y- Latournerie, 05/11/2019

https://igas.gouv.fr/L-aide-medicale-d-Etat-diagnostic-et-propositions

[68] Didier LESCHI, Ce grand dérangement. L’immigration en face, Tracts Gallimard n°22, novembre 2020, 56 p. – lire la recension sur le site de l’OID : https://observatoire-immigration.fr/didier-leschi-immigration

[69] Fondapol, « Immigration : comment font les Etats européens ? », mars 2023 https://www.fondapol.org/app/uploads/2023/03/fondapol-immigration-comment-font-les-etats-europeens.pdf

[70] IGAS-IGF, « L’Aide médicale d’Etat : diagnostic et propositions », F. Bartoli, J-L. Rey, Dr.F. Fellinger, J. Sauliere, C. Hemous et J-Y- Latournerie, 05/11/2019

https://igas.gouv.fr/L-aide-medicale-d-Etat-diagnostic-et-propositions

[71] Document annexe au projet de loi de finances 2024 – PAP programme 303 immigration et asile

[72] Voir l’analyse du cabinet Mordor Intelligence à ce sujet

[73] Rapport statistique 2022 du CLEISS, décembre 2023

[74] Comptes annuels de la branche maladie Publications : Comptes annuels | L’Assurance Maladie (ameli.fr)

[75] Le rapport statistique de 2019 du CLEISS a en outre le mérite d’être beaucoup plus détaillé concernant la branche maladie que l’édition de 2022 (40 pages contre 5).

[76] Voir à ce titre le rapport de la Cour des comptes du 17 septembre 2024 relatif à L’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie, qui évoque une dépense annuelle de 500 M€ pour la France

[77] OCDE, Panorama de la santé, 2023

[78] Épreuves de vérification des connaissances, il s’agit d’un concours organisé annuellement et dont la réussite est nécessaire pour qu’un médecin à diplôme hors UE puisse pleinement exercer en France

[79] Le Maroc confronté à une pénurie critique de médecins (lemonde.fr)

[80] OECD data explorer, « Health workforce migration » (consulté le 05/11/2024)

[81] OCDE, id.

[82] Cour des comptes, « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales », septembre 2020

[83] Rapport issu de la Commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

[84] ONU, S/2020/493, Rapport conjoint de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par les résolutions 1526 (2004) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida, les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées sur les mesures prises par les États Membres pour désorganiser le financement du terrorisme, établi conformément aux dispositions du paragraphe 37 de la résolution 2462 (2019)

[85] Fédération hospitalière française, « Évolution de l’activité hospitalière et accès aux soins depuis le Covid : mutation des prises en charge ou bombe à retardement de santé publique ? », mars 2024

https://www.fhf.fr/sites/default/files/2024-03/202403_FHF_Synth%C3%A8seBarom%C3%A8tre_VDEF_0.pdf

[86] Retraitement comptable. Étude annuelle obligatoire permettant d’analyser les comptes des établissements publics de santé.

[87] La DCS calculée en France est un indicateur légèrement plus large que la dépense courante de santé au sens international, qui exclut les indemnités journalières et les dépenses de recherche, de formation et de prévention environnementale et alimentaire. Cette différence correspond à environ 1 point de PIB. Par simplicité, on utilise l’acronyme DCS dans la présente note pour désigner la DCS « au sens international ».

[88] DREES, Les dépenses de santé en 2022, septembre 2023

[89] INSEE, définition de la CSBM, site internet de l’INSEE, consulté en août 2024

[90] DREES, id.

[91] P-Y. Cusset, France stratégie, Document de travail – Les Déterminants de long terme des dépenses de santé en France, juin 2017

[92] Ibid.

[93] DREES, Études & résultats, « Les dépenses de santé depuis 1950 », juillet 2017

[94] Agences régionales de l’hospitalisation, remplacées en 2010 par les Agences régionales de santé actuelles

[95] ATIH, Analyse de l’activité hospitalière 2018 focus patients âgés de 80 ans et plus

[96] Assurance maladie, Effectif, prévalence et caractéristiques des bénéficiaires d’une ALD – 2008 à 2022, novembre 2023