Table des matières
L’essentiel
L’importance de l’immigration clandestine en France interroge aujourd’hui sur l’efficacité des procédures de contrôle et d’éloignement du territoire français des étrangers en situation irrégulière. Après avoir effectué un rappel des différentes procédures administratives d’éloignement du territoire français, cet article rappelle que l’importance de l’immigration clandestine et de la non-exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) indiquent que la gestion de l’immigration clandestine en France est très largement inefficace et peut contribuer à inciter certaines personnes à rejoindre la France illégalement.
Attention aux « infox »
« Les procédures d’éloignement du territoire français sont trop strictes » ? FAUX.
Tout d’abord, il convient de rappeler que la plupart des clandestins présents sur le territoire français ne font pas l’objet d’une mesure d’éloignement puisqu’ils ne sont souvent pas connus de l’administration. Une fois identifiés et lorsqu’ils font l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français, les clandestins ne repartent en réalité que très rarement. Comme le montrent les chiffres du Ministère de l’Intérieur, plus de 8 mesures d’OQTF sur 10 ne seraient en réalité pas exécutées…1
« Cela coûte plus cher de renvoyer un clandestin dans son pays d’origine que de le régulariser » ? FAUX
De nombreux médias relaient périodiquement cette idée selon laquelle le renvoi dans son propre pays d’un clandestin coûterait trop cher et qu’il vaudrait mieux ainsi procéder à des retours aidés ou à des régularisations2. Ainsi, en juin 2019, L’Obs titrait « Migrants : les expulsions des étrangers illégaux coûtent très cher à la France » et Le Parisien titrait quant à lui « Le vrai coût des expulsions ».
Il convient avant toute chose de rappeler qu’il s’agit d’un sujet de droit – avant d’être un sujet financier : un étranger en situation irrégulière sur le territoire français n’a aucun droit au maintien sur celui-ci et ce serait affaiblir notre République que de considérer que les règles communes n’ont pas à être appliquées.
Surtout, c’est un argument fallacieux dans la mesure où le coût du renvoi d’un clandestin dans son pays d’origine n’est pas comparé à ce qu’il coûterait, sur l’ensemble de sa vie et non simplement au moment de son expulsion, à la collectivité (voir notamment nos articles consacrés aux coûts de l’immigration).
1 – Il existe différentes procédures administratives, à ne pas confondre, visant à éloigner un individu du territoire français : l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’expulsion et l’extradition
Outre l’interdiction de séjour prononcée par le juge pénal3, il existe une décision administrative concernant exclusivement les étrangers, les obligeant à quitter le territoire, les expulsant ou les extradant
1.1. L’obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui a remplacé la reconduite à la frontière, relève du préfet
Fondée sur le droit européen et la directive « Retour » de 2008, l’OQTF concerne l’étranger en situation irrégulière qui n’a pas demandé de titre de séjour ou l’étranger s’étant vu refuser ou retirer un titre de séjour. De façon complémentaire peut être prise une mesure d’assignation à résidence si nécessaire. L’étranger dispose alors d’un droit au recours rapide et suspensif devant le tribunal administratif.
1.2. L’expulsion est une mesure de police administrative, prononcée par arrêté du préfet ou du ministre de l’Intérieur, lorsque la présence d’un étranger sur le territoire français constitue une menace grave pour l’ordre public
Sauf en cas d’urgence absolue, la mesure d’expulsion est précédée de l’avis d’une commission départementale de 3 magistrats. La procédure d’urgence absolue, conforme à la Constitution, permet quant à elle une expulsion immédiate « au nom d’exigences impérieuses d’ordre public ».4
1.3. L’extradition, régie par la loi du 10 mars 1927 et complétée par de nombreuses conventions internationales, permet de remettre un étranger à la disposition de la justice d’un Etat qui demande à le juger
L’extradition est prise par décret après avis conforme de la chambre de l’instruction de la cour d’appel. Les faits reprochés doivent constituer une infraction pénale aussi bien en France que dans le pays qui sollicite l’extradition.
Au sein de l’UE, le mandat d’arrêt européen se substitue à l’extradition et a été consacré par la Constitution à l’article 88-2 à l’issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
2 – L’importance de la non-exécution des mesures d’éloignement du territoire français ainsi que le nombre élevé de clandestins présents sur le territoire national sont le signe d’une défaillance de la gestion administrative des séjours irréguliers
2.1. S’il n’est pas possible de connaître le nombre exact de clandestins présents en France, les estimations qui peuvent être réalisées témoignent de l’ampleur du phénomène
A l’heure actuelle, il est difficile de connaître le nombre de clandestins présents sur le sol français dans la mesure où ceux-ci s’y trouvent sans en avoir le droit. Cela résulte également d’un manque de volonté politique de cartographier et répertorier le séjour irrégulier en France, ce qui serait possible : peuvent par exemple être identifiés celui qui ne se présente pas à l’aéroport pour son éloignement, celui dont le titre de séjour a expiré, celui qui s’est vu refuser l’asile, etc.
Il existe néanmoins des estimations du nombre de personnes présentes illégalement sur le territoire français et l’on peut également comprendre comment ceux-ci accèdent au territoire français.
Tout d’abord, les procédures de demandes d’asile engendrent massivement des séjours irréguliers pour les déboutés. Selon le préfet François Lucas, « le doublement des demandes ces cinq dernières années révèle un détournement de la procédure, pas seulement une faillite du système Dublin. Il s’agit en effet de migrations économiques »5. En d’autres termes, il existe un « stock » de demandeurs d’asile déboutés, qui restent et qui ne sont pas reconduits.
Pour estimer le nombre de clandestins sur le territoire français, le meilleur indicateur est celui des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) dont le nombre augmente de 6 % par an. On en comptait 139 000 en 2001 à sa création mais 311 000 en 20186. Celui-ci sous-estime cependant le nombre de clandestins présents sur le territoire français dans la mesure où tous n’utilisent pas ce droit qui leur est ouvert. La mesure des demandes de régularisation constitue aussi un indice, mais également insuffisant, car il peut se passer des mois ou des années avant qu’une personne présente clandestinement en France demande à régulariser sa situation.
Un récent rapport d’information parlementaire7 consacré à la Seine-Saint-Denis suggère l’ampleur du phénomène de l’immigration clandestine. Selon les estimations des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs de ce rapport, MM. François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, le nombre de clandestins en Seine-Saint-Denis serait compris entre 150 000 (l’équivalent de la population de la ville de Nîmes) et 400 000 (l’équivalent de la population des villes de Nice et Cergy réunies), en plus des centaines de milliers de personnes de nationalité étrangère en situation régulière dans le département (423 879 en 2014).
Le nombre élevé de clandestins en France suscite ainsi la surprise de certains Français qui auraient pensé que ces chiffres étaient une fake news !8
2.2. Lorsqu’elles sont prises, les mesures d’éloignement du territoire français ne sont en réalité que peu suivies d’effet…
En France, les clandestins ont plus de chance d’être régularisés que d’être éloignés du territoire Selon certains spécialistes, il s’agit d’un message dangereux envoyé à l’Asie et à l’Afrique : le risque de renvoi de l’Union européenne est faible et la politique migratoire des pays membres est laxiste.
Chaque année en France, un peu plus de 30 000 clandestins seraient ainsi régularisés.
Concernant les mesures d’éloignement exécutées, celles-ci sont beaucoup plus modestes.
20189 | |
Total éloignements non aidés | 17 887 |
Total éloignements aidés | 2 070 |
Total éloignements | 19 957 |
A ces mesures d’éloignements s’ajoutent également des départs volontaires aidés (4 775 en 2018) et des départs spontanés (un peu plus de 5 000 en 2018).
De plus, il est important de constater que les mesures d’éloignement prises ne sont que très rarement exécutées. En 2018, l’équivalent d’un quart seulement du total des déboutés de l’asile sont repartis. Sur plus longue période, les chiffres fournis par le Ministère de l’Intérieur, montrent que le taux d’exécution des OQTF est très faible : « On peut voir que depuis 2010 et jusqu’à 2013, ce taux varie entre 15 et 20% »10. Ce taux d’exécution est d’autant plus préoccupant que les OQTF ne concernent que ceux des clandestins qui sont identifiés, soit parce qu’un titre leur a été refusé soit parce qu’ils ont été contrôlé : la plupart des étrangers en situation irrégulière échappent en effet à ce type de décision administrative.
Si les raisons d’un tel échec sont multiples, pour le préfet François Lucas, elles sont d’abord dues à la « difficulté d’obtenir la coopération des États de retour11 » à laquelle « s’est ajoutée la dépénalisation du séjour irrégulier par la CJUE (El Dridi, 2012) ». En effet, lorsqu’une OQTF est prononcée et que la personne éloignée ne possède pas de passeport de son pays d’origine, un laisser-passer consulaire est obligatoire. Beaucoup de pays d’origine rechignent, ne répondent pas, ou le font en dehors des délais, ce qui empêche les renvois. Pour cette raison, l’allongement de la durée maximum de la rétention administrative peut contribuer à améliorer l’exécution des OQTF. D’autres raisons méritent d’être mentionnées, telles que l’annulation des OQTF par les tribunaux administratifs pour des raisons de fond mais aussi de forme. L’administration manque également de moyens humains pour lui permettre d’interpeller un étranger en situation irrégulière d’autant plus que le temps joue en la faveur de ce dernier, dont la situation personnelle peut évoluer (enfants, mariage) et nécessiter un réexamen.
Notes
- Libération, « Pourquoi les étrangers en situation irrégulière ne sont pas tous expulsés », 2017, consulté en juin 2020 (Lien) ↩︎
- Voir par exemple https://www.nouvelobs.com/societe/20190605.OBS13977/migrants-le-cout-d-une-expulsion-est-six-fois-plus-cheres-que-le-cout-de-l-aide-au-retour.html ou http://www.leparisien.fr/societe/immigration-le-vrai-cout-des-expulsions-05-06-2019-8086461.php ↩︎
- La peine d’interdiction du territoire français, selon le code pénal, peut être prononcée par les tribunaux, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit. L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite à la frontière du condamné, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion ↩︎
- Décision constitutionnelle QPC, 2016, M. Nabil ↩︎
- Intervention lors du colloque « Immigration et intégration » organisé par la Fondation Res Publica en juillet 2019 ↩︎
- Inspection générale des finances (IGF), L’AME : diagnostic et propositions, octobre 2019 ↩︎
- Rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’Etat dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2018 (rapport Cornut-Gentille-Kokouendo) ↩︎
- Le journal Libération, via sa plateforme CheckNews, s’est par exemple ainsi penché sur la question : https://www.liberation.fr/checknews/2018/02/13/y-a-t-il-entre-400-000-et-500-000-etrangers-en-situation-irreguliere-en-france-comme-le-dit-eric-cio_1653166 ↩︎
- Ministère de l’Intérieur, 2019, L’essentiel de l’immigration : l’éloignement des étrangers en situation irrégulière en 2018 ↩︎
- Libération, « Pourquoi les étrangers en situation irrégulière ne sont pas tous expulsés », 2017, consulté en juin 2020 (Lien) ↩︎
- Voir également sur ce sujet Maxime Tandonnet, Au coeur du volcan : Carnets de l’Elysée, 2007-2012 paru en 2014 ↩︎
Attention aux « infox »
« Les procédures d’éloignement du territoire français sont trop strictes » ? FAUX.
Tout d’abord, il convient de rappeler que la plupart des clandestins présents sur le territoire français ne font pas l’objet d’une mesure d’éloignement puisqu’ils ne sont souvent pas connus de l’administration. Une fois identifiés et lorsqu’ils font l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français, les clandestins ne repartent en réalité que très rarement. Comme le montrent les chiffres du Ministère de l’Intérieur, plus de 8 mesures d’OQTF sur 10 ne seraient en réalité pas exécutées…1
« Cela coûte plus cher de renvoyer un clandestin dans son pays d’origine que de le régulariser » ? FAUX
De nombreux médias relaient périodiquement cette idée selon laquelle le renvoi dans son propre pays d’un clandestin coûterait trop cher et qu’il vaudrait mieux ainsi procéder à des retours aidés ou à des régularisations2. Ainsi, en juin 2019, L’Obs titrait « Migrants : les expulsions des étrangers illégaux coûtent très cher à la France » et Le Parisien titrait quant à lui « Le vrai coût des expulsions ».
Il convient avant toute chose de rappeler qu’il s’agit d’un sujet de droit – avant d’être un sujet financier : un étranger en situation irrégulière sur le territoire français n’a aucun droit au maintien sur celui-ci et ce serait affaiblir notre République que de considérer que les règles communes n’ont pas à être appliquées.
Surtout, c’est un argument fallacieux dans la mesure où le coût du renvoi d’un clandestin dans son pays d’origine n’est pas comparé à ce qu’il coûterait, sur l’ensemble de sa vie et non simplement au moment de son expulsion, à la collectivité (voir notamment nos articles consacrés aux coûts de l’immigration).
1 – Il existe différentes procédures administratives, à ne pas confondre, visant à éloigner un individu du territoire français : l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’expulsion et l’extradition
Outre l’interdiction de séjour prononcée par le juge pénal3, il existe une décision administrative concernant exclusivement les étrangers, les obligeant à quitter le territoire, les expulsant ou les extradant
1.1. L’obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui a remplacé la reconduite à la frontière, relève du préfet
Fondée sur le droit européen et la directive « Retour » de 2008, l’OQTF concerne l’étranger en situation irrégulière qui n’a pas demandé de titre de séjour ou l’étranger s’étant vu refuser ou retirer un titre de séjour. De façon complémentaire peut être prise une mesure d’assignation à résidence si nécessaire. L’étranger dispose alors d’un droit au recours rapide et suspensif devant le tribunal administratif.
1.2. L’expulsion est une mesure de police administrative, prononcée par arrêté du préfet ou du ministre de l’Intérieur, lorsque la présence d’un étranger sur le territoire français constitue une menace grave pour l’ordre public
Sauf en cas d’urgence absolue, la mesure d’expulsion est précédée de l’avis d’une commission départementale de 3 magistrats. La procédure d’urgence absolue, conforme à la Constitution, permet quant à elle une expulsion immédiate « au nom d’exigences impérieuses d’ordre public ».4
1.3. L’extradition, régie par la loi du 10 mars 1927 et complétée par de nombreuses conventions internationales, permet de remettre un étranger à la disposition de la justice d’un Etat qui demande à le juger
L’extradition est prise par décret après avis conforme de la chambre de l’instruction de la cour d’appel. Les faits reprochés doivent constituer une infraction pénale aussi bien en France que dans le pays qui sollicite l’extradition.
Au sein de l’UE, le mandat d’arrêt européen se substitue à l’extradition et a été consacré par la Constitution à l’article 88-2 à l’issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
2 – L’importance de la non-exécution des mesures d’éloignement du territoire français ainsi que le nombre élevé de clandestins présents sur le territoire national sont le signe d’une défaillance de la gestion administrative des séjours irréguliers
2.1. S’il n’est pas possible de connaître le nombre exact de clandestins présents en France, les estimations qui peuvent être réalisées témoignent de l’ampleur du phénomène
A l’heure actuelle, il est difficile de connaître le nombre de clandestins présents sur le sol français dans la mesure où ceux-ci s’y trouvent sans en avoir le droit. Cela résulte également d’un manque de volonté politique de cartographier et répertorier le séjour irrégulier en France, ce qui serait possible : peuvent par exemple être identifiés celui qui ne se présente pas à l’aéroport pour son éloignement, celui dont le titre de séjour a expiré, celui qui s’est vu refuser l’asile, etc.
Il existe néanmoins des estimations du nombre de personnes présentes illégalement sur le territoire français et l’on peut également comprendre comment ceux-ci accèdent au territoire français.
Tout d’abord, les procédures de demandes d’asile engendrent massivement des séjours irréguliers pour les déboutés. Selon le préfet François Lucas, « le doublement des demandes ces cinq dernières années révèle un détournement de la procédure, pas seulement une faillite du système Dublin. Il s’agit en effet de migrations économiques »5. En d’autres termes, il existe un « stock » de demandeurs d’asile déboutés, qui restent et qui ne sont pas reconduits.
Pour estimer le nombre de clandestins sur le territoire français, le meilleur indicateur est celui des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) dont le nombre augmente de 6 % par an. On en comptait 139 000 en 2001 à sa création mais 311 000 en 20186. Celui-ci sous-estime cependant le nombre de clandestins présents sur le territoire français dans la mesure où tous n’utilisent pas ce droit qui leur est ouvert. La mesure des demandes de régularisation constitue aussi un indice, mais également insuffisant, car il peut se passer des mois ou des années avant qu’une personne présente clandestinement en France demande à régulariser sa situation.
Un récent rapport d’information parlementaire7 consacré à la Seine-Saint-Denis suggère l’ampleur du phénomène de l’immigration clandestine. Selon les estimations des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs de ce rapport, MM. François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, le nombre de clandestins en Seine-Saint-Denis serait compris entre 150 000 (l’équivalent de la population de la ville de Nîmes) et 400 000 (l’équivalent de la population des villes de Nice et Cergy réunies), en plus des centaines de milliers de personnes de nationalité étrangère en situation régulière dans le département (423 879 en 2014).
Le nombre élevé de clandestins en France suscite ainsi la surprise de certains Français qui auraient pensé que ces chiffres étaient une fake news !8
2.2. Lorsqu’elles sont prises, les mesures d’éloignement du territoire français ne sont en réalité que peu suivies d’effet…
En France, les clandestins ont plus de chance d’être régularisés que d’être éloignés du territoire Selon certains spécialistes, il s’agit d’un message dangereux envoyé à l’Asie et à l’Afrique : le risque de renvoi de l’Union européenne est faible et la politique migratoire des pays membres est laxiste.
Chaque année en France, un peu plus de 30 000 clandestins seraient ainsi régularisés.
Concernant les mesures d’éloignement exécutées, celles-ci sont beaucoup plus modestes.
20189 | |
Total éloignements non aidés | 17 887 |
Total éloignements aidés | 2 070 |
Total éloignements | 19 957 |
A ces mesures d’éloignements s’ajoutent également des départs volontaires aidés (4 775 en 2018) et des départs spontanés (un peu plus de 5 000 en 2018).
De plus, il est important de constater que les mesures d’éloignement prises ne sont que très rarement exécutées. En 2018, l’équivalent d’un quart seulement du total des déboutés de l’asile sont repartis. Sur plus longue période, les chiffres fournis par le Ministère de l’Intérieur, montrent que le taux d’exécution des OQTF est très faible : « On peut voir que depuis 2010 et jusqu’à 2013, ce taux varie entre 15 et 20% »10. Ce taux d’exécution est d’autant plus préoccupant que les OQTF ne concernent que ceux des clandestins qui sont identifiés, soit parce qu’un titre leur a été refusé soit parce qu’ils ont été contrôlé : la plupart des étrangers en situation irrégulière échappent en effet à ce type de décision administrative.
Si les raisons d’un tel échec sont multiples, pour le préfet François Lucas, elles sont d’abord dues à la « difficulté d’obtenir la coopération des États de retour11 » à laquelle « s’est ajoutée la dépénalisation du séjour irrégulier par la CJUE (El Dridi, 2012) ». En effet, lorsqu’une OQTF est prononcée et que la personne éloignée ne possède pas de passeport de son pays d’origine, un laisser-passer consulaire est obligatoire. Beaucoup de pays d’origine rechignent, ne répondent pas, ou le font en dehors des délais, ce qui empêche les renvois. Pour cette raison, l’allongement de la durée maximum de la rétention administrative peut contribuer à améliorer l’exécution des OQTF. D’autres raisons méritent d’être mentionnées, telles que l’annulation des OQTF par les tribunaux administratifs pour des raisons de fond mais aussi de forme. L’administration manque également de moyens humains pour lui permettre d’interpeller un étranger en situation irrégulière d’autant plus que le temps joue en la faveur de ce dernier, dont la situation personnelle peut évoluer (enfants, mariage) et nécessiter un réexamen.
Notes
- Libération, « Pourquoi les étrangers en situation irrégulière ne sont pas tous expulsés », 2017, consulté en juin 2020 (Lien) ↩︎
- Voir par exemple https://www.nouvelobs.com/societe/20190605.OBS13977/migrants-le-cout-d-une-expulsion-est-six-fois-plus-cheres-que-le-cout-de-l-aide-au-retour.html ou http://www.leparisien.fr/societe/immigration-le-vrai-cout-des-expulsions-05-06-2019-8086461.php ↩︎
- La peine d’interdiction du territoire français, selon le code pénal, peut être prononcée par les tribunaux, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit. L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite à la frontière du condamné, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion ↩︎
- Décision constitutionnelle QPC, 2016, M. Nabil ↩︎
- Intervention lors du colloque « Immigration et intégration » organisé par la Fondation Res Publica en juillet 2019 ↩︎
- Inspection générale des finances (IGF), L’AME : diagnostic et propositions, octobre 2019 ↩︎
- Rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’Etat dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2018 (rapport Cornut-Gentille-Kokouendo) ↩︎
- Le journal Libération, via sa plateforme CheckNews, s’est par exemple ainsi penché sur la question : https://www.liberation.fr/checknews/2018/02/13/y-a-t-il-entre-400-000-et-500-000-etrangers-en-situation-irreguliere-en-france-comme-le-dit-eric-cio_1653166 ↩︎
- Ministère de l’Intérieur, 2019, L’essentiel de l’immigration : l’éloignement des étrangers en situation irrégulière en 2018 ↩︎
- Libération, « Pourquoi les étrangers en situation irrégulière ne sont pas tous expulsés », 2017, consulté en juin 2020 (Lien) ↩︎
- Voir également sur ce sujet Maxime Tandonnet, Au coeur du volcan : Carnets de l’Elysée, 2007-2012 paru en 2014 ↩︎