Les mineurs non accompagnés

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L'essentiel :
  • Le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) évalués comme tels et pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance des départements a considérablement progressé depuis 2015 avec un triplement des effectifs entre 2016 et 2018. Il s’agit à 95% de garçons ; beaucoup d’entre eux proviennent d’Afrique subsaharienne [1] ;
  • Alors que les départements doivent affronter une situation financière complexe, notamment en raison de l’évolution de leurs dépenses sociales, les MNA représentent aujourd’hui entre 15 et 20% des mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ;
  • Au total, l’accueil et la prise en charge de plus de 40 000 MNA à la fin de l’année 2018 représente un coût financier de 2 milliards d’euros à la charge des départements ;
  • La vérification de la minorité et de l’isolement réel des jeunes qui présentent une demande est toujours très complexe. Après évaluation, plus la moitié d’entre eux s’avèrent en réalité majeurs et ne relèvent donc pas de l’aide sociale à l’enfance.

1. Si la définition théorique du « mineur non accompagné » est simple, la détermination effective de la minorité ou non des individus est plus complexe et est susceptible d’être dévoyée au profit de demandeurs qui n’ont pas le droit de se maintenir en France

1.1. La définition théorique du « mineur non accompagné » est relativement claire

 Avant d’employer le terme de « mineur non accompagné” (MNA), on parlait plus traditionnellement de « mineur isolé étranger » (MIE).[2] Aujourd’hui, le terme de « mineur non accompagné » dispose d’une définition juridique. En effet, le droit dérivé de l'Union européenne définit le « mineur non accompagné » de la façon suivante : « un mineur qui entre sur le territoire des États membres sans être accompagné d'un adulte qui, de par le droit ou la pratique de l'État membre concerné, en a la responsabilité, en tant qu'il n'est pas effectivement pris en charge par un tel adulte ».

1.2. La détermination de la minorité effective des demandeurs est plus complexe et de nombreux demandeurs pris en charge au titre de l’Aide sociale à l’enfance ne devraient en réalité pas en bénéficier...

 Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de déterminer de façon effective la minorité ou non d’un individu. Dans un contexte de crise migratoire et d’augmentation continue du nombre de MNA entrant sur le territoire français, le risque est grand de voir ce statut dévoyé au profit d’une immigration clandestine.

 Différents moyens sont mis au service de l’administration pour tenter de déterminer la minorité des demandeurs : ils vont des empreintes digitales et photographies jusqu’aux tests osseux. Si le droit a évolué récemment, la jurisprudence constitutionnelle demeure très protectrice des libertés comme en témoigne par exemple une récente décision du Conseil constitutionnel, QPC, 2019, Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge. Ainsi, si les tests osseux aux fins de détermination de l’âge ont été considérés comme légaux, le juge a également consacré une exigence à valeur constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le droit-fil de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Concrètement, ces « tests de minorité » sont encadrés de façon très stricte : le recours au test osseux ne peut revêtir qu’un caractère subsidiaire ; il ne peut qu’être ordonné de manière limitative par le juge judiciaire ; il ne peut être effectué qu’après avoir recueilli l’accord de l’intéressé, dans une langue qu’il comprend, sans qu’un refus ne soit interprété comme une preuve de majorité. Le demandeur dispose d’ailleurs d’une présomption de minorité en cas de doute sur la validité des tests osseux. En conclusion, les moyens mis à disposition de l’administration sont insuffisants pour lui permettre de déterminer si un demandeur est effectivement mineur ou pas.

 Pourtant, de nombreux éléments montrent aujourd’hui que le statut de « mineurs non accompagnés » est dévoyé et devraient plaider pour un renforcement des moyens de contrôle. Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), qui est responsable des MNA dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), après évaluation, plus la moitié d’entre eux s’avèrent en réalité majeurs et ne relèvent donc pas de l’aide sociale à l’enfance[3]. A titre d’exemple, pour le département de Côte d’Or, en 2019, seuls 21% des demandeurs ont ensuite été déclarés mineurs[4].

2. La gestion des « mineurs non accompagnés » soulève aujourd’hui de nombreux enjeux non seulement en termes financiers mais également de sécurité et de délinquance

2.1. Chaque année, les départements dépensent plus de 2 milliards d’euros pour gérer les MNA alors que leurs moyens financiers sont contraints

 Le coût moyen de la prise en charge d’un MNA au titre de l’ASE est estimé en moyenne à 50 000€ par mineur et par an, couvrant le logement, la nourriture, les frais d’éducation et de formation. Au total, l’accueil et la prise en charge de plus de 40 000 mineurs, au titre de l’aide sociale à l’enfance, à la fin de l’année 2018 représente un coût financier de 2 milliards d’euros à la charge des départements.

 Si les départements ont longtemps soutenu l’idée selon laquelle l’Etat devrait mieux aider ceux-ci à supporter ce coût en raison de sa responsabilité en matière de politique migratoire, celui-ci ne compense que faiblement les dépenses induites pour les départements. En 2019, l’Etat budgétait ainsi seulement 141 millions d’euros pour les départements et leur gestion des MNA.[5]

 Une politique préférable consisterait à agir en amont en régulant plus efficacement les flux migratoires, en renforçant le démantèlement des filières ou encore en facilitant l’identification de la minorité ou non des demandeurs par le renforcement des moyens à disposition de l’administration.

2.2. Impliqués dans un nombre croissant d’affaires pénales, les MNA soulèvent aussi des défis en termes de délinquance et de sécurité

 Si la lecture de la presse quotidienne régionale laisse transparaître le rôle des MNA dans un nombre croissant d’affaires pénales (vols, agressions, etc.), le Ministère de la Justice a en 2018 produit une note afin d’objectiver la situation[6]. La note identifie ainsi l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés impliqués dans des affaires pénales, en particulier dans les grandes villes et métropoles comme Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Rennes ou Montpellier et rappelle que ces mineurs sont parfois utilisés par des « réseaux pour commettre des vols, impliqués dans le trafic de stupéfiants, mais sont également consommateurs de ces produits ».[7]

 Ainsi, la question des MNA ne saurait être réglée par des réponses budgétaires mais doit faire l’objet d’une approche globale, le plus en amont possible, afin d’identifier ceux des demandeurs qui doivent effectivement bénéficier d’une protection et d’écarter du territoire français ceux qui n’ont pas le droit d’y séjourner. Dans un contexte budgétaire contraint, cela permettrait ainsi par exemple aux départements de mieux s’occuper des enfants qu’ils gèrent au titre de l’Aide social à l’enfance (ASE).

Pour aller plus loin :
  • Assemblée des départements de France (ADF), Fiche info sur les mineurs non accompagnés (MNA), février 2019 (Lien)


  1. Assemblée des départements de France, 2020, Fiche info sur les Mineurs non accompagnés (MNA)

  2. La Gazette des communes, « La prise en charge des mineurs non accompagnés en cinq points », 2018, consulté en juin 2020 (Lien)

  3. Assemblée des départements de France, 2020, Fiche info relative aux Mineurs non accompagnés (MNA)

  4. France 3 Bourgogne, « Le casse-tête de l’âge des mineurs isolés », janvier 2020, consulté en juin 2020 (Lien)

  5. Projet de loi de finances pour 2019

  6. Ministère de la Justice, note n°JUSF1821612N du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l'objet de poursuites pénales (mise en ligne sur Legifrance le 1er octobre 2018).

  7. Idem