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L’asile, une voie d’immigration hors de contrôle – 580 millions de bénéficiaires potentiels en France

L’asile, une voie d’immigration hors de contrôle – 580 millions de bénéficiaires potentiels en France

Table des matières

L’essentiel

• L’actuel régime du droit d’asile est devenu l’une des voies majeures d’immigration vers la France et les autres États membres de l’Union européenne. Les bénéficiaires directs de l’asile représentent désormais 600 000 personnes dans notre pays, soit plus de 10 % de la population étrangère, tandis que le nombre de primo-demandes d’asile reçues en France a augmenté de 245% entre 2009 et 2023.

• Les gouvernements français et européens n’ont pas de maîtrise politique sur ce canal d’immigration, marqué par une absence de limite quantitative. En ratifiant la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et en inscrivant ses dispositions dans les traités européens, il a été créé un « droit à l’asile » au bénéfice des personnes persécutées ou menacées. Les flux de demandeurs d’asile n’ont pas pour objet de répondre aux besoins des pays d’accueil, mais de mettre en sécurité des étrangers fuyant leur pays en raison des persécutions ou menaces qu’ils y subissent.

La définition de l’asile s’est étendue sans cesse au fil des décennies : extension du champ d’application initial de la convention de Genève, interprétation toujours plus large de celle-ci à travers notamment le concept de « groupe social », permettant de rendre éligible à l’asile des populations complètes pour des motifs sociétaux (orientation sexuelle, mariage forcé, excision, réseaux de traite…), ajout d’une protection « subsidiaire » pour accorder l’asile dans des cas non prévus par la convention de Genève….

• En pratique, ce sont parfois des peuples entiers qui ont droit à l’asile en France. Les critères sont si larges qu’une proportion significative de la population mondiale y est aujourd’hui éligible : on peut estimer qu’au moins 580 millions de personnes pourraient bénéficier de l’asile dans notre pays si elles étaient en mesure de déposer une demande, sans qu’aucun-garde fou ne puisse leur être opposé dans l’état actuel de notre régime juridique.

• Cette non-politique de l’asile apparaît aujourd’hui, à certains égards, « autogérée » par ses protagonistes (OFPRA, CNDA, HCR), lesquels sont perméables à l’influence du monde associatif-militant.

• Il devrait être mis fin à ce système insoutenable au long cours, qui entretient la crise migratoire à laquelle l’Europe fait face. Des solutions structurelles seraient souhaitables mais supposeraient une véritable prise de conscience des décideurs politiques. À tout le moins, des mesures intermédiaires sont possibles pour reprendre un certain degré de contrôle politique sur l’asile.

Selon l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de la République française du 27 octobre 1946, « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Parmi les droits-créances qu’il a proclamés, le Constituant de 1946 a mis en bonne place le droit d’asile. Mais, selon les termes précités, ce droit était réservé à une catégorie bien particulière de personnes : les opposants politiques libéraux qui subissaient des persécutions de la part de régimes totalitaires ou autoritaires – on pense évidemment aux régimes fascistes défaits en 1945 mais aussi à l’URSS et aux démocraties dites populaires. Dans ce contexte, le droit d’asile apparaissait comme une pétition de principe issu de l’héritage révolutionnaire, dont seuls quelques opposants intrépides étaient susceptibles de bénéficier.

Las, à la fin de l’année 2023, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) estime (sic) à près de 600 000 le nombre de personnes placées sous sa protection, non compris les membres de la famille bénéficiant du principe de réunification familiale et encore moins les déboutés du droit d’asile qui n’ont pas quitté notre territoire. Ainsi, les bénéficiaires directs de l’asile représentent à eux-seuls plus de 10 % de la population étrangère en France1. L’asile est devenu une voie d’immigration majeure : le nombre annuel de premières demandes enregistrées dans notre pays a augmenté de 245% entre 2009 et 20232.

Encore ces chiffres ne donnent-ils qu’une vision très imparfaite du droit d’asile et de la vulnérabilité migratoire qu’il emporte pour la France, de même que pour les autres pays (notamment européens) qui l’octroient. En effet, le nombre de personnes de par le monde qui pourraient revendiquer à bon droit la protection de la France au titre de l’asile est près de 1 000 fois supérieur au nombre de bénéficiaires actuels de l’asile : selon notre estimation, ce sont environ 580 millions d’étrangers qui sont éligibles à l’asile dans notre pays, sans qu’aucun garde-fou ne puisse leur être opposé dans l’état actuel de notre régime juridique. 

Comment en sommes-nous arrivés là ? Et, surtout, comment sortir de cette mécanique implacable ? C’est à ces deux questions que nous nous attacherons à répondre.

1.1 La convention de Genève de 1951 au fondement du droit d’asile contemporain

Il faut d’abord revenir sur le fondement juridique des décisions par lesquelles la France accorde aujourd’hui ce qu’on appelle communément l’asile, c’est-à-dire très concrètement le droit de résider à long terme en France avec sa famille, jusqu’à ce que les craintes en cas de retour dans le pays d’origine aient éventuellement cessé.

Ces décisions sont fondées en quasi-totalité non pas sur la Constitution mais sur la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou, lorsque celle-ci n’est pas applicable, sur la loi qui a institué la protection « subsidiaire » (c’est-à-dire subsidiaire à la protection conférée par la convention de Genève). Cette convention a été conclue dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin essentiellement de garantir les droits de personnes qui étaient déjà réfugiés. En effet, la portée de la convention de Genève telle qu’adoptée en 1951 était limitée aux personnes devenues des réfugiés par suite « [d’]événements survenus avant le 1er janvier 1951 » (notamment du fait de la Seconde Guerre mondiale et des événements qui ont suivi), les États signataires étant libres de limiter ces événements à ceux survenus « en Europe »3. En ce sens, il s’agissait surtout d’une gestion de stock et non de flux.

Par la suite, face au volume de personnes en situation analogue qui ne cessait d’augmenter dans le monde, particulièrement en Afrique, sans que leur situation ne soit couverte par une quelconque convention internationale, le Haut-Commissariat aux Réfugiés a proposé de généraliser la protection offerte par la convention de Genève, indépendamment des circonstances de lieu et d’époque. A ce titre, une quinzaine d’experts se sont rendus dans un colloque organisé au mois d’avril 1965 à Bellagio en Italie, d’où il est ressorti une proposition de protocole supprimant les réserves géographiques et temporelles de l’article premier de la Convention de Genève. Ce projet a été communiqué à l’Assemblée générale des Nations Unies, qui a enjoint les Etats membres d’y adhérer. L’enjeu était donc majeur puisque, comme le souligne l’auteur Maxime Guimard « le public éligible à la protection passe d’un ensemble connu et fini à un groupe virtuel et temporellement illimité. En outre, toute la population mondiale est désormais concernée »4.

Or, le même auteur dénonce, documents d’archive à l’appui, le « malentendu de Bellagio ». Selon le ministère des Affaires étrangères de l’époque « le nouveau texte ne porte pas atteinte au principe général selon lequel tout État est libre de déterminer les conditions d’entrée et de séjour sur son territoire », et « si les décisions du directeur de l’OFPRA peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel, l’expérience prouve que ces recours sont peu nombreux et que la décision initiale est rarement annulée ». De même, pour éviter toute embolie, il est convenu l’OFPRA devra fixer des conditions très strictes de reconnaissance de la qualité de réfugié, « de manière à écarter notamment les simples opposants à un gouvernement étranger ». Par ailleurs, le risque que la commission des recours adopte des critères plus larges ne concernerait que des cas individuels. Le ministère des Affaires étrangères met également en avant la crainte d’un isolement de la France en l’absence d’adhésion, et souligne par ailleurs que certains pays ayant adhéré n’accueillent pas, ou peu, de réfugiés. Enfin, selon lui, dans les régions d’Afrique et d’Extrême-Orient où la question de l’asile est la plus prégnante, celle-ci se pose sous la forme de problèmes de groupes, et non d’individus, dont la réinstallation ne peut être envisagée que dans les pays proches. En définitive, « Seuls un nombre limité d’intellectuels peuvent éventuellement demander asile à la France »5

Alors que l’enjeu de ce texte semble avoir échappé aux parlementaires, le protocole de New-York sera ainsi adopté le 31 janvier 19676, ce qui a eu pour effet de changer radicalement la portée de la convention de Genève puisqu’elle s’applique depuis lors à l’ensemble des événements quelle que soit leur date et – sauf pour les États qui avaient expressément maintenu un champ géographique restreint, au monde entier.

Sur le fond, la définition du réfugié retenue par la convention de Genève est déjà plus large que celle qui ressort du préambule de la Constitution de 1946 cité en introduction. Aux termes de l’article 1er, A, 2 de la Convention, bénéficie de la qualité de réfugié toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Toutes sortes de persécutions sont ainsi visées et pas seulement celles obéissant à des motifs politiques.

L’annexe méthodologique à la présente note comporte de plus amples précisions sur la définition juridique du réfugié. Relevons ici que les termes de la convention de Genève de 1951 ont donné lieu à une interprétation très extensive.

Ainsi, en France comme dans les autres pays occidentaux, au moins depuis la fin des années 1990, trois critères de la définition précitée ont fait l’objet d’une interprétation dite « dynamique et évolutive »7. Premièrement, la notion de persécutions a été étendue aux violences liées au genre et au sexe, telle la pratique de l’excision (mutilations génitales féminines). Deuxièmement, la notion de groupe social a été prise dans son acceptation la plus large, en s’attachant aux perceptions dont un groupe de personnes fait l’objet et en reconnaissant notamment que les femmes et les homosexuels sont susceptibles d’être considérés comme un groupe social persécuté. Troisièmement, la notion d’agents de persécution a elle aussi évolué puisque les persécutions peuvent émaner de groupes non étatiques ou de personnes privées lorsque l’État ne peut (ou ne veut) pas protéger effectivement les personnes persécutées.

Mentionnons ici, pour ne plus y revenir, que le statut d’apatride repose sur un fondement conventionnel distinct de la convention de Genève, à savoir la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. L’éligibilité au statut d’apatride en France8 n’est pas prise en compte dans la présente étude, qui s’est limitée à l’asile, dont la portée est nettement plus étendue.

1.2 La protection subsidiaire et la protection temporaire

Lorsque les demandeurs d’asile ne sont pas éligibles à la protection conventionnelle, ils peuvent demander à bénéficier de la protection subsidiaire, qui s’adresse en substance à des personnes qui, sans être victimes des persécutions énumérées par l’article 1er de la convention de Genève sont néanmoins exposés à des risques graves. La protection subsidiaire est aujourd’hui prévue par le droit de l’Union européenne mais avait été instituée de manière autonome par la France sous la forme de « l’asile territorial » en 1998, afin d’accorder l’asile à des personnes qui ne répondaient pas aux critères de la convention de Genève mais dont l’éloignement pouvait être contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

La protection subsidiaire est ainsi accordée « à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes : / 1° La peine de mort ou une exécution ; / 2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; / 3° S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. » (art. L512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA).

Cet étage supplémentaire de l’asile n’est pas marginal puisque, en 2023, 26,5 % des décisions positives d’admission à l’asile ont consenti la protection subsidiaire. C’est la protection subsidiaire dite de type 3 (PS 3) car fondée sur le 3° de l’article précité, en faveur des civils des pays en guerre, qui est la plus largement octroyée.

L’asile comporte enfin un troisième étage qui a reçu une seule application à la suite du conflit entre la Russie et l’Ukraine : la protection dite temporaire, qui est mise en œuvre par une décision du Conseil de l’Union européenne en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Cette procédure exceptionnelle permet de réagir de manière harmonisée au niveau européen à une situation d’urgence sans emboliser le système d’asile de droit commun. En 2022 et 2023, les États européens ont pris près de 5,4 millions de décisions de protection temporaire, dont environ 102 000 pour la France9.

1.3 Le droit d’asile, un droit régi par le droit de l’Union européenne

Comme l’illustre la protection temporaire, l’asile fait partie des politiques communes de l’Union européenne (UE). Aux termes de l’article 78 §1 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) : « L’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu’aux autres traités pertinents. »

Ces dispositions ne confèrent pas seulement à l’UE une compétence en matière d’asile mais  préemptent aussi l’orientation de cette politique commune puisqu’il s’agit d’assurer le principe de non-refoulement10, d’accorder l’asile aux étrangers qui le « nécessitent » (y compris lorsqu’ils ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugié) et de se conformer à la convention de Genève. Dès lors, concrètement, l’Union ne peut qu’aller au-delà de ce que prescrit cette convention et ne peut pas, sans méconnaître les traités, décider d’une politique plus restrictive.

Seul le §3 de l’article 78 du TFUE laisse une porte de sortie entrouverte dans la mesure où il prévoit la possibilité pour le Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, d’adopter des « mesures provisoires » dans le « cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers ». Pour l’heure, il n’a jamais été fait usage de ce garde-fou11.

En revanche, plusieurs textes ont été adoptés pour mettre en place un système européen commun d’asile, dont notamment une directive dite « qualification »12 et un règlement « procédure »13 qui fixent les normes (très exhaustives) de fond et de forme de la politique de l’asile que les Etats membres doivent respecter, ainsi que le fameux règlement dit Dublin qui définit quel État membre est compétent pour l’examen d’une demande d’asile14. Ainsi, les États membres ont peu de marges de manœuvre pour définir les règles du droit d’asile, si ce n’est pour adopter des mesures plus favorables. La législation française détaillée en annexe s’inscrit pleinement dans ce cadre.

En outre, les textes européens doivent être appliqués par les États membres dans l’interprétation qu’en retient la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Selon les questions dont elle est saisie, la Cour de Luxembourg peut aussi bien se prononcer sur des points fondamentaux15 que sur des aspects très précis des demandes d’asile16.

Si des États comme la Hongrie s’efforcent de résister à ce système international et européen de l’asile, ce n’est pas le cas de la France, dont les autorités politiques ont perdu le contrôle sur la politique de l’asile.

Du fait de ses fondements juridiques spécifiques, portés par des organismes spécialisés, l’asile apparaît à certains égards comme un système hors-sol, qui suit son propre chemin – pour ne pas dire qu’il dérive.

2.1 Des institutions spécialisées cultivant aujourd’hui une certaine proximité idéologique avec le monde associatif

2.1.1 L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

Il faut d’abord relever que, alors qu’aucun texte ni principe juridique ne nous y contraint, la France a fait le choix de confier la gestion du système d’asile à une forme d’agence – l’OPFRA, à laquelle la loi assure une indépendance fonctionnelle17. Le ministère de l’intérieur ne transmet ainsi aucune instruction à l’OFPRA, qui décide lui-même de sa politique de l’asile, sous la direction de son directeur général (nommé par le Président de la République) et selon les orientations arrêtées par son conseil d’administration. En pratique, le rôle du directeur général est décisif : Pascal Brice, nommé par le président Hollande en 2012, reconduit en 2015 mais non reconduit par le président Macron en 2018, s’est vanté d’avoir fait passer durant son mandat le taux de protection de l’Ofpra de 10 % à 27 %, en promouvant une application extensive du droit d’asile (selon ses termes : « le droit d’asile, rien que le droit d’asile, mais tout le droit d’asile »)18.

Quant au CA, si les représentants de l’État sont majoritaires en son sein, il comprend néanmoins aussi des « personnalités qualifiées », généralement issues ou proches du milieu des associations favorables à l’immigration, et le représentant du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Or le CA de l’OFPRA est doté de réelles prérogatives, dont celle de définir la liste des pays d’origine sûrs, dont les ressortissants suivent une procédure accélérée de demande d’asile (il existe en substance une présomption de ce que cette demande est infondée).

Par ses missions (limitées à l’asile et à l’apatridie), son positionnement et sa gouvernance, l’OFPRA apparaît comme un organisme dont rien ne garantit que son action s’inscrive dans la politique d’immigration du gouvernement. D’autres États ont fait des choix différents, en termes d’organisation mais aussi de compétences : l’Allemagne est ainsi dotée d’un office agissant sous l’autorité du ministère de l’intérieur et dont les compétences s’étendent à d’autres pans de l’immigration (dont la politique de retour des immigrants)19, l’office autrichien est rattaché directement au ministère de l’intérieur20. La commission italienne compétente pour l’asile21 est intégrée aux services du ministère de l’intérieur mais avec un fonctionnement spécifique décentralisé ; c’est le gouvernement italien qui conserve la prérogative d’établir la liste des pays d’origine sûrs, par décret – à noter que la liste italienne actuelle comporte 22 pays22, contre seulement 13 pour la France23.

2.1.2 La Cour nationale du droit d’asile (CNDA)

Les mêmes constats peuvent globalement être faits s’agissant de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction spécialisée dans le contentieux de l’asile : elle est saisie (quasi-systématiquement24) par les demandeurs déboutés par l’OFPRA, procède à un nouvel examen de la demande d’asile (la CNDA est juge de plein contentieux et non pas de l’excès de pouvoir) et ses décisions sont uniquement susceptibles d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (il n’existe donc pas de juge d’appel).

L’existence d’une juridiction spécialisée conduit à une certaine porosité entre son personnel et le monde associatif. Ainsi que l’avait relaté une rapporteure devant la CNDA par un témoignage circonstancié et précieux publié dans Dalloz Actualité25, les rapporteurs sont trop souvent loin de la neutralité qui s’impose aux collaborateurs d’une juridiction : « J’ai pu découvrir que de nombreuses personnes étaient, comme moi, désireuses d’aider les demandeurs d’asile. Certaines se sont même donné comme mission de sauver le plus de personnes possibles, influençant les décisions des juges pour bénéficier aux demandeurs d’asile ».

On pourrait en dire autant d’un certain nombre de membres des formations de jugement. On notera que si l’on a connaissance de la révocation d’un président de formation de jugement en raison d’un « doute sur son impartialité » du fait de publications jugées hétérodoxes sur les réseaux sociaux26, jamais une telle rigueur n’a été constatée à l’égard des présidents ou assesseurs, pourtant nombreux, ayant pris position dans le débat public en faveur d’une politique plus généreuse de l’asile, parfois dans un contexte politique ou associatif (critiques envers la loi asile et immigration27 par exemple et envers la politique gouvernementale de manière générale) – il est vrai que ni l’OFPRA ni a fortiori les avocats des demandeurs d’asile ne demandent leur récusation. Ce déséquilibre conduit probablement à une bénévolence excessive dans la pratique de la Cour.

Le point le plus critique dans la composition des formations de jugement collégiales est la participation d’un membre (sur trois) nommé sur proposition du représentant en France du HCR. Censée être un gage d’expertise, la présence d’un « assesseur HCR », prompt à relayer les positions maximalistes du HCR, dans des formations de jugement qui ont pour devoir de rendre la justice au nom du peuple français, s’apparente à une forme d’ingérence dans la juridiction française28. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, a apporté une réponse partielle à cette anomalie : sans remettre en cause l’existence des assesseurs HCR, elle a fait du juge unique (qui est toujours un magistrat) la formation de jugement de droit commun. Il est trop tôt pour apprécier les effets de cette réforme, qui n’est entrée en vigueur qu’avec son décret d’application du 8 juillet 202429.

2.2 L’asile interne encore trop ignoré tant par l’OFPRA que par la CNDA

Un dysfonctionnement est à déplorer dans la mise en œuvre du droit d’asile, du fait certes de contraintes juridiques et pratiques mais aussi en raison d’un parti-pris délibéré : l’OFPRA et la CNDA ne font qu’une application aléatoire de la clause dite de « l’asile interne ».

Théoriquement, le bénéfice de la protection conventionnelle comme de la protection subsidiaire est refusé lorsque le demandeur pourrait s’établir en sécurité dans une autre partie du territoire de son pays d’origine (art. L. 513-5 du CESEDA). Ainsi, lorsque les menaces dont se prévaut un demandeur ne sont avérées que dans une partie de son pays d’origine alors qu’il peut échapper à ces menaces en s’installant dans une autre partie de ce pays, il jouit de fait d’une possibilité d’asile interne et il n’est donc pas fondé à solliciter l’asile dans un autre pays que le sien.

Sans entrer dans le détail des conditions d’application de cette disposition, nous relèverons que, selon les textes actuels (ou selon leur interprétation), les autorités chargées de l’asile ont la faculté d’opposer l’asile interne mais pas l’obligation30. Autrement dit, il ne tient qu’à l’OFPRA et à la CNDA de faire une application sérieuse et systématique de l’une des rares dispositions juridiques qui permet de restreindre – à juste titre – le droit d’asile. Or cette application est aujourd’hui bien trop rare31. L’OFPRA et la CNDA ont certes des circonstances atténuantes : examiner la clause d’asile interne induit une charge de travail supplémentaire, des contraintes procédurales et un risque juridique de plus32. Cependant, selon nos informations, cette pratique procède largement d’une décision en opportunité pour ne pas atténuer la portée du droit d’asile.

L’enjeu de l’asile interne n’est pas du tout anecdotique, notamment en ce qui concerne les demandes motivées par des craintes à l’égard d’acteurs non étatiques ou encore pour les demandeurs issus de pays multiethniques ou fédéraux. A dire d’expert, on peut par exemple estimer qu’au moins 90 % des décisions d’asile en faveur de Bangladais tomberaient si l’asile interne leur était opposé, dans la mesure où les persécutions ou violences invoquées sont dans la très grande majorité inscrites dans un contexte local33.

2.3 Les cessations de protection

Le bénéficiaire d’une protection internationale n’a le droit au maintien du bénéfice de cette protection que tant qu’il remplit encore les conditions de l’asile. Si, à la suite d’un changement de circonstance significatif et durable dans son pays d’origine, les craintes du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ne peuvent plus être considérées comme fondées, il revient à l’OFPRA de mettre fin au bénéfice de cette protection34. Des cessations de protection doivent également intervenir s’il apparaît que le bénéficiaire aurait dû être exclu de la protection ou l’a obtenu par fraude, ou encore pour des raisons d’ordre public.

Or, une fois attribuée, une protection internationale est rarement remise en cause par l’OFPRA, sauf cas particulier (bénéficiaires représentant une menace grave pour la sûreté de l’État ou la société française et signalés à ce titre par le ministère de l’intérieur). En 2023, l’OFPRA n’a pris que 826 décisions de fin de protection (soit 0,14 % des personnes placées sous la protection de l’OFPRA), essentiellement pour des raisons d’ordre public ou parce que les personnes intéressées se sont « volontairement à nouveau réclamées de la protection du pays dont elles ont la nationalité ». En pratique, les changements de circonstances dans les pays d’origine ne conduisent pas à reconsidérer le bénéfice de l’asile des personnes intéressées.

2.4 Illustrations par la jurisprudence

Pour illustrer notre pratique de l’asile, on peut se référer à quelques données générales : les demandeurs qui sollicitent l’asile en France ont, compte tenu de la possibilité de former un recours devant la CNDA en cas d’échec devant l’OFPRA, près d’une chance sur deux d’obtenir l’asile. En effet, en combinant le taux de protection de l’OFPRA (32,9 %), le taux de recours devant la CNDA (88 %) et le taux d’admission des recours par la CNDA (20,5 %), le taux synthétique de protection s’est élevé en 2023 à 45 %35. Ces données, bien qu’élevées, sont en-deçà de la moyenne européenne, le taux de protection moyen de l’UE étant de 41,6 % en première instance et de 19 % en seconde instance36. Ces éléments chiffrés tendent à démontrer que les critères de l’asile sont extrêmement larges.

Au-delà de ces données générales, nous souhaitons étayer notre propos par quelques résumés de décisions de la CNDA37, non exhaustives, qui permettront au lecteur d’avoir une vision plus circonstanciée de la réalité de notre politique de l’asile.

A ce titre, la notion de « groupe social » protégé sera plus particulièrement examinée. Le Conseil d’Etat en a donné une première définition en 1997 (CE, 23 juin 1997, O, no 171858) avant que l’Union européenne ne prenne le relai, dernièrement avec la « directive qualification »38. Ainsi, selon celle-ci, un groupe social se caractérise par deux conditions (article 10) :

  • Le partage par les membres du groupe « d’une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou d’une caractéristique si essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’y renoncer » ;
  • Une « identité propre » dudit groupe dans le pays en question « parce qu’il est perçu comme étant different par la société environnante ».

Cependant, le caractère cumulatif et non alternatif de ces deux conditions, qui restreint de fait le champ d’application de cette notion de « groupe social », est contesté à la fois par le Haut Commissariat aux Réfugiés et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme39.

2.4.1 Le groupe social des femmes afghanes

L’ensemble des femmes afghanes qui refusent de subir les mesures prises à leur encontre par les talibans peuvent obtenir le statut de réfugiée du fait de leur appartenance au groupe social des femmes et des jeunes filles afghanes (CNDA, GF, 11 juillet 2024, Mme O., n° 24014128 R). Par la suite, la Cour de Justice de l’Union européenne est allée plus loin en affirmant que « la situation des femmes sous le nouveau régime des Talibans justifiait, à elle seule, de leur reconnaître le statut de réfugié ». Ainsi, selon elle « il n’est actuellement pas nécessaire d’établir, lors de l’examen individuel de la situation d’une demanderesse de protection internationale, que celle-ci risque effectivement et spécifiquement de faire l’objet d’actes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, dès lors que les éléments relatifs à son statut individuel, tels que sa nationalité ou son sexe, sont établis » (CJUE, affaires jointes C-608/22 et C-609/22 du 4 octobre 2024).

2.4.2 Le groupe social des femmes irakiennes entendant se soustraire à un mariage imposé

La CNDA reconnaît l’existence du groupe social des femmes irakiennes qui refusent de se soumettre à un mariage imposé ou tentent de s’y soustraire, dans une population au sein de laquelle cette pratique du mariage imposé constitue une norme sociale, et leur octroie la protection conventionnelle (CNDA 21 juin 2022 Mme S. épouse N. n°20002635 C).

2.4.3 Le groupe social des femmes musulmanes sri-lankaises menacées d’excision

L’excision s’apparente, au sein de la communauté musulmane au Sri Lanka, à une norme sociale et les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens de la convention de Genève. Les enfants et femmes exposées à ces menaces d’excision peuvent se prévaloir de la qualité de réfugié (CNDA 5 avril 2024 Mme N. n° 23054482 C+).

2.4.4 Le groupe social des femmes originaires des États d’Edo et du Delta (Nigéria) victimes d’un réseau de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et parvenues à s’en extraire

Bénéficient de la protection conventionnelle les ex-prostituées nigérianes issues des États d’Edo ou du Delta menacées de persécutions pour s’être extraites du réseau de traite des êtres humains dans le cadre duquel elles avaient été soumises à la cérémonie du « juju » (CE 16 octobre 2019 Mme A. n° 418328 ; CNDA 24 février 2020 Mme O. n°19017840 C+).

2.4.5 Le groupe social des homosexuels birmans, kosovars, congolais, togolais …

Les personnes homosexuelles constituent en Birmanie un groupe social exposé à des persécutions de la part tant des autorités que de la société birmane et sont fondés à se prévaloir de la qualité de réfugié (CNDA 15 novembre 2023 M. A. n° 23022677 C+).

Il en est de même pour de nombreux autres ressortissants homosexuels dans le monde, notamment les homosexuels kosovars (CNDA, 6 avril 2009, 616907, K), congolais (CNDA 13 mai 2022 M. M. n°22000728 C) et plus récemment togolais (CNDA, 17 juillet 2024, M. N, n° 24008057 C).

2.4.6 Les personnes d’ethnie tigréenne exposées en Ethiopie à des persécutions en raison des opinions politiques qui leur sont imputées

Les personnes d’origine tigréenne sont exposées à des persécutions en raison des opinions politiques qui pourraient leur être imputées par les autorités éthiopiennes en faveur des rebelles tigréens et peuvent donc prétendre à la qualité de réfugié (CNDA 3 décembre 2021 Mme D. n° 17051846 C).

2.4.7 Un Somalien orphelin de naissance exposé à des persécutions du fait d’une absence d’appartenance clanique

Un Somalien orphelin de naissance et ignorant son appartenance clanique de naissance est exposé à des représailles du fait « de sa situation d’orphelin de naissance sans rattachement clanique établi » de la part des membres de sa belle-famille, qu’il a trompés pour se voir accorder une des leurs en mariage, sans pouvoir utilement se prévaloir de la protection des autorités somaliennes (CNDA 20 mars 2019 M. Y. n° 17044999 C)40

2.4.8 La situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle au Darfour (Soudan)

De même qu’au Darfour Sud, au Darfour Ouest et au Darfour Nord, le Darfour Central connaît une « violence aveugle d’intensité exceptionnelle » de sorte que les civils originaires de cet Etat doivent bénéficier de la protection subsidiaire (CNDA 20 mars 2024 M. I. n° 23057457 C+).

2.4.9 La situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle à Haïti en raison des conflits entre gangs

Les affrontements opposant en Haïti les groupes criminels armés rivaux entre eux et ces groupes à la Police nationale haïtienne, voire aux groupes d’autodéfense, doivent, eu égard au niveau d’organisation de ces groupes criminels, à la durée du conflit, à l’étendue géographique de la situation de violence et à l’agression intentionnelle des civils, être regardés comme caractérisant un conflit armé interne. Cette violence atteint à Port-au-Prince ainsi que dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite un niveau d’intensité exceptionnelle, justifiant l’octroi de la protection subsidiaire. En l’espèce, si le requérant ne justifie pas devoir rejoindre ces régions, ses troubles physiques et psychiatriques présentent des « éléments d’individualisation suffisants » pour qu’il prétende à la protection subsidiaire (CNDA Grande Formation 5 décembre 2023 M. A. n°23035187 R).

2.4.10 Octroi de la protection subsidiaire dans un contexte de violence aveugle de basse intensité au Mali

Le Centre et le Nord du Mali connaissent une situation de violence aveugle de « basse intensité ». En l’espèce, eu égard aux éléments propres à la situation personnelle du requérant (isolement familial, jeune âge, absence de ressources liée à la destruction de son commerce), ce dernier est regardé comme étant personnellement exposé, en cas de retour, à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne (CNDA 24 juillet 2018 M. K. n° 17043779 C).

2.4.11 Une ressortissante de République Démocratique du Congo menacée par un réseau de prostitution nigérian bénéficie de la protection subsidiaire

Une Congolaise s’étant soustraite à un réseau de prostitution d’origine nigériane, qui l’avait contrainte de se prostituer au Nigéria et à Chypre Nord, serait exposée en cas de retour dans son pays d’origine (la RDC) à des atteintes graves de la part de ce réseau, sans pouvoir bénéficier d’une protection effective des autorités, compte tenu de son isolement et de sa vulnérabilité dans son pays d’origine. Pour autant, elle n’appartient à aucun groupe social (CNDA 12 septembre 2023 Mme S. n°22059173 C).

2.4.12 Les esclaves et anciens esclaves au Niger et en Mauritanie

Selon la CNDA, les esclaves et anciens esclaves constituent aux yeux de la société nigérienne un groupe social au sens de l’article 1er A2 de la convention de Genève (CNDA 4 juillet 2017 M. I. n°16014605 C).

De même, les personnes s’étant extraites ou tentant de s’extraire de leur situation d’esclavage peuvent être regardées par une partie de la société mauritanienne comme ayant un comportement transgressif à l’égard des coutumes et constituent ainsi, en Mauritanie, un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève (CNDA 10 avril 2018 M.T. n°1703586).

2.4.13 Les personnes atteintes d’albinisme au Nigéria

Selon la CNDA, les personnes atteintes d’albinisme, qui présentent une caractéristique innée, doivent être regardées, au Nigeria, comme constituant un certain groupe social en raison du regard que porte sur elles la société environnante, sans que les institutions soient en mesure de leur assurer une protection effective (CNDA 13 février 2017 M. E. n° 16017097 C).

2.5 Un droit d’asile qui fait fi de notre capacité d’accueil

2.5.1 Une absence de limite quantitative

Le droit d’asile tel que nous venons de l’illustrer n’est soumis à aucune limite quantitative, ni globale ni par pays, ni en flux ni en stock. Dès lors qu’un individu entre dans les critères de l’asile et qu’il parvient à déposer une demande – ce qui suppose généralement de parvenir sur le territoire français, il bénéficiera de l’asile.

La loi ne prévoit aucun garde-fou permettant d’opposer à une demande dépassant nos capacités d’absorption un refus motivé par des considérations d’opportunité. Même pendant la période de confinement et de fermeture des frontières en raison du Covid-19, le Conseil d’État avait enjoint au gouvernement de rétablir l’enregistrement des demandes d’asile…41

Le droit de l’UE est un peu plus prévoyant puisque, ainsi que nous l’avons vu, l’article 78, §3, du TFUE autorise le Conseil de l’UE à adopter des mesures provisoires en situation d’urgence. Encore agirait-il sous le contrôle de la CJUE, qui ne manquerait pas de contrôler que les mesures prises sont justifiées et proportionnées. Sur le fondement de l’article 78, §2, du TFUE, le Conseil a récemment adopté, dans le cadre du pacte de l’UE pour la migration et l’asile, un règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure42 mais qui tend globalement plutôt à répartir entre États membres la charge liée à un afflux de demandeurs d’asile et à accorder des dérogations procédurales, sans pour autant déroger au principe de l’asile.

2.5.2 Conséquence : environ 580 millions de personnes éligibles à l’asile en France

Du fait de cette absence de limite quantitative, la France, comme d’autres pays, est exposée au risque d’être littéralement submergée par des demandes d’asile qu’elle serait contrainte d’accepter. Nous avons cherché à évaluer le nombre de personnes qui, compte tenu de leur situation, d’une part, et de nos critères de l’asile, d’autre part, sont éligibles à la protection conventionnelle, subsidiaire ou temporaire en France.

Le résultat donne la mesure du caractère incontrôlable du système d’asile français et européen : selon des hypothèses prudentes, nous estimons à environ 580 millions le nombre de personnes qui pourraient prétendre à l’asile en France si elles étaient en mesure d’y déposer une demande43. Soit quelque 7 % de la population mondiale. Une étude britannique récente a abouti à un ordre de grandeur similaire (730 millions de personnes éligibles à l’asile au Royaume-Uni)44.

En réalité, à l’heure actuelle, la seule manière de réguler l’asile est de faire obstacle aux flux migratoires de manière à éviter que les personnes éligibles à l’asile viennent déposer une demande auprès de l’administration française. Or, comme nous l’avons vu dans une précédente note, les contraintes juridiques actuelles tendent à nous désarmer dans la protection de nos frontières45.

En ce sens, les mesures du pacte sur la migration et l’asile adopté au printemps 2024 n’apportent aucun remède suffisant. Par exemple, le règlement sur le filtrage46 qui permet d’examiner les demandes d’asile à la frontière devrait permettre de réduire le nombre de déboutés du droit d’asile qui demeurent en Europe mais reste sans effet sur les demandeurs qui peuvent prétendre à l’asile.

Dans les faits, l’asile est déjà un phénomène de masse : les demandes d’asile s’installent à un niveau très élevé (plus de 124 000 premières demandes d’asile en France en 2023) ; la France protège près de 600 000 personnes au titre de l’asile (hors bénéficiaires de la réunification familiale et de la protection temporaire) – nombre qui augmente mécaniquement d’année en année. Certains pays ont une proportion de leur population bénéficiant de l’asile en France (sans compter les autres pays d’accueil) déjà significative : 0,59 % pour le Kosovo, 0,42 % pour l’Albanie, 0,35 % pour l’Érythrée, 0,25 % pour les Comores…47

Nous ne disposons pas du même degré de précision dans les données à l’échelle européenne mais les chiffres sont naturellement beaucoup plus importants : en 2023, le nombre total de premières demandes d’asile dans l’UE27 a ainsi à nouveau dépassé le million (1,050 M) – presque autant qu’en 2015 et 2016 pendant la « crise des migrants », ce qui tend à démontrer que nous sommes bien en situation de crise, et plus de 7 fois le chiffre français48.

Dans un premier temps, nous formulons ci-après quelques propositions afin que de mieux contrôler la politique de l’asile (3.1). Toutefois, le système actuel de l’asile n’étant pas viable, nous sommes convaincus qu’il faut en sortir (3.2).

3.1 A minima, améliorer le contrôle sur les orientations et la mise en œuvre de la politique de l’asile

Proposition 1 : Transformer l’OFPRA en service du ministère de l’intérieur

L’OFPRA doit être placé sous l’autorité du ministre chargé de l’immigration, c’est-à-dire du ministre de l’Intérieur, de manière à assurer la cohérence entre la politique de l’asile et la politique de l’immigration, la première étant une composante de la seconde. D’établissement public, l’OFPRA deviendrait une simple administration du ministère de l’intérieur et serait piloté par son administration centrale (direction générale des étrangers en France).

Proposition 2 : Rendre la compétence de la définition des pays tiers sûrs au gouvernement

La liste des pays tiers sûrs doit être définie non plus par le conseil d’administration de l’OFPRA mais par décret sur le rapport conjoint du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Intérieur (modification des articles L. 121-13 et L. 531-25 du CESEDA).

Proposition 3 : Supprimer la CNDA et confier le contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs

Le juge administratif de droit commun (tribunaux administratifs en première instance et cours administratives d’appel en seconde instance) est compétent pour connaître de l’ensemble des litiges relatifs aux droits des étrangers, qui représentent 40 % de l’activité des TA, à l’exception du contentieux de l’asile.  Lui confier ce contentieux (sans ouvrir la voie de l’appel, qui n’existe pas aujourd’hui pour les décisions de la CNDA) permettrait de supprimer la CNDA, dont nous avons souligné certains défauts, et d’ouvrir la voie à de nouvelles simplifications et synergies en contentieux des étrangers49. Symboliquement, combinée à la proposition 1 ci-dessus, la suppression de la juridiction spécialisée dans le droit d’asile marquerait l’intégration de l’asile comme composante à part entière de la politique migratoire.

Dans tous les cas, il faut retirer au HCR toute compétence dans la désignation des juges de l’asile et mettre fin au système des « assesseurs HCR ».

La création au 1er septembre 2024 de chambres territoriales de la CNDA et le principe du juge unique évoqué plus haut peuvent d’ailleurs être vus comme étant une première étape allant dans le sens d’une normalisation du juge de l’asile au sein de la juridiction administrative. Il est opportun d’aller plus loin, même s’il est possible d’envisager des solutions intermédiaires (attribution du contentieux de l’asile à certains TA ou CAA, sur un ressort géographique étendu).

Proposition 4 : Rendre obligatoire la vérification de la clause d’asile interne

Il doit être dans l’office de l’administration et du juge de l’asile de vérifier systématiquement et obligatoirement, sous peine de nullité de la décision octroyant l’asile, si le demandeur ne peut pas bénéficier de l’asile interne. Sur le plan procédural, il ne serait plus nécessaire au juge de l’asile d’informer préalablement le demandeur lorsqu’il envisage de faire application de l’asile interne.

Les conditions légales de l’asile interne devraient parallèlement être allégées : il devrait seulement revenir à l’administration ou au juge de vérifier que les persécutions ou craintes du demandeur, lorsqu’elles sont établies, sont valables sur l’ensemble du territoire de son pays d’origine ; à défaut de quoi il serait présumé que le demandeur est en mesure de s’établir en sécurité dans une partie du territoire de ce pays, sauf démonstration contraire de sa part.

Proposition 5 : Rejeter toute demande d’asile émanant d’un demandeur qui a déjà essuyé un refus dans un autre État membre

L’harmonisation européenne de la politique de l’asile vise entre autres à éviter les flux secondaires dont la France notamment est victime50 : les demandeurs déboutés dans un État retentent leur chance dans un autre État, où leur demande peut être traitée faute d’avoir identifié qu’une première demande a déjà été écartée précédemment, parce que le règlement Dublin n’est pas toujours mis en œuvre ou ne peut plus l’être ou bien encore par pure opportunité.

Or il semble matériellement et juridiquement possible de refuser d’enregistrer (et donc de prendre en charge) un demandeur d’asile dont un autre État membre a déjà récemment rejeté une demande d’asile : cette règle pourrait être prévue par la loi, sans que la Constitution ne s’y oppose51, pas plus que le droit de l’Union52.

Dans le cas où la France serait malgré tout tenue d’enregistrer une demande d’asile d’un demandeur déjà débouté53, la demande devrait systématiquement être placée en procédure accélérée et dans la mesure du possible être accompagnée d’un placement en rétention administrative.

Proposition 6 : Mettre en place une politique active de cessation de protection

Une fois l’asile accordée, une révision périodique des dossiers devrait être menée par l’OFPRA (ou l’administration qui lui succéderait) pour s’assurer que les bénéficiaires peuvent encore prétendre au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire. D’une part, cette révision devrait concerner en priorité les pays connaissant un changement politique ou autre susceptible de conduire à mettre fin à la protection de certains de leurs ressortissants. D’autre part, une surveillance plus active des déplacements internationaux des bénéficiaires de l’asile apparaît nécessaire pour détecter ceux qui séjournent dans leur pays d’origine et dont les craintes ne sont donc manifestement pas ou plus fondées.

Proposition 7 : Mieux protéger nos frontières, sans faciliter la demande d’asile aux frontières

En l’état du droit, la solution la plus efficace pour maîtriser le nombre de bénéficiaires de la protection internationale et d’agir à la racine en maîtrisant les flux migratoires. Sur ce point, nous renvoyons à notre note déjà citée sur la problématique du refoulement aux frontières : il est notamment nécessaire de rendre les frontières extérieures de l’Union plus étanches et de coopérer avec les pays de départ.

En revanche, l’idée régulièrement avancée de faire déposer les demandes d’asile dans le pays d’origine doit être absolument écartée puisqu’une telle mesure aurait pour effet d’accroître la demande effective de protection internationale adressée à la France et, mécaniquement, le nombre de bénéficiaires de cette protection. En effet, les personnes éligibles à l’asile seraient plus nombreuses à pouvoir former une demande.

Proposition 8 : Rendre le statut de demandeur d’asile moins attractif

Pour dissuader les demandeurs d’asile, il est également possible de jouer sur leurs conditions d’accueil, en les rendant moins attractives.

C’est notamment le sens du projet britannique (avorté) de délocaliser les demandeurs d’asile au Rwanda dans le cadre d’un accord bilatéral. Si l’Italie s’est engagée dans cette voie avec l’Albanie, cette stratégie de délocalisation est contestée sur le plan juridique, au regard notamment du droit de l’Union54. Cette difficulté juridique pourrait être résolue en adaptant le droit de l’Union ; l’UE elle-même pourrait conclure des accords de relocalisation avec des pays tiers.

Alternativement, compte tenu de cette contrainte juridique, il serait possible de créer des centres de demandeurs d’asile sur le territoire national mais dans des zones moins attractives, sans possibilité d’accéder au reste du territoire national. Une expérimentation en ce sens pourrait être envisagée en Guyane où la demande d’asile est déjà nombreuse, en y ajoutant éventuellement les demandes déposées dans les autres départements et territoires français d’Amérique.

De même, à l’instar de l’Allemagne, il pourrait être envisager de supprimer les aides pour les demandeurs d’asile qui sont préalablement entrés dans un autre pays européen.

Proposition 9 : Refuser toute extension de l’asile aux « réfugiés climatiques »

Il n’existe actuellement pas de fondement textuel, que ce soit dans la convention de Genève, les directives européennes ou en droit national, pour accorder l’asile à des populations qui invoqueraient un changement climatique. Pour autant, on perçoit une tentation dans le milieu de l’asile pour créer des « réfugiés climatiques »55. Eu égard à la créativité de la jurisprudence, il n’est d’ailleurs pas impossible qu’un fondement juridique soit découvert par une administration ou un juge dans la protection subsidiaire ou la protection temporaire.

Il est dès lors nécessaire que les autorités politiques nationales, européennes voire internationales affirment clairement que l’asile ne saurait être accordé pour un motif climatique. Une déclaration du Conseil européen par exemple aurait un certain poids.

3.2 Pour une refonte totale de la politique de l’asile

Les mesures énumérées ci-dessus ne permettraient pas de refonder totalement la politique française de l’asile, qui continuerait à s’inscrire dans la convention de Genève et dans les textes européens qui sont venues la prolonger et l’amplifier. Nous sommes convaincus que les risques considérables que font supporter ces textes à la France justifient des mesures plus radicales.

Proposition 10 : Dénoncer la convention de Genève, abroger la protection subsidiaire et refonder un nouveau régime de l’asile discrétionnaire

La dénonciation de la convention de Genève – ou, ce qui reviendrait au même, du protocole de New-York, mettrait fin à la protection conventionnelle, à tout le moins pour l’avenir56.

Dénoncer une convention internationale et en soi un acte politique insusceptible de recours, qui est en l’occurrence de la compétence du Président de la République57.

La convention de Genève et le protocole de New-York prévoient tous deux un préavis d’un an pour leur résiliation58. Toutefois, pour éviter tout effet d’appel d’air pendant cette période, il pourrait être opportun de suspendre immédiatement l’application de la convention de Genève.

Dans le même mouvement, la protection subsidiaire devrait être également être abrogée, ce qui suppose l’adoption d’une loi.

Parallèlement, un nouveau régime de l’asile pourrait être institué, qui se bornerait à mettre en œuvre l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946, accordant à cette fin au ministre de l’Intérieur une compétence discrétionnaire pour accorder l’asile.

Ces actions soulèvent toutefois une problématique sérieuse de compatibilité avec le droit de l’UE. Il faudrait donc aller plus loin.

Proposition 11 : Négocier un « opt-out » de la politique européenne de l’asile

Dès lors que la France aurait dénoncé la convention de Genève, on pourrait estimer que les dispositions du TFUE relatives à l’asile perdent leur objet en ce qui concerne la France et ne lui sont donc plus applicables, mais il n’est pas certain que les institutions européennes (notamment la Commission et la Cour de justice) suivraient cette argumentation.

Aussi le Conseil européen pourrait-il être sollicité en vue d’adopter une déclaration formalisant cette interprétation du traité. Néanmoins, d’un point de vue juridique, la solution la plus solide serait d’adopter un nouveau protocole au TFUE pour exclure expressément la France – et le cas échéant les autres pays qui dénonceraient la convention de Genève – du champ d’application du droit européen de l’asile.

Conclue en 1951 à la suite de la Seconde Guerre mondiale et des mouvements de population qui ont suivi, la convention de Genève a acquis une portée éminemment plus importante aujourd’hui dans un monde marqué par un déséquilibre démographique entre Nord et Sud et d’intenses mouvements de population. A bien des égards, au fur et à mesure de l’extension de la notion d’asile, la convention de Genève et les autres textes applicables en la matière sont venus créer une forme de droit opposable à la migration.

Au regard des risques que recèlent l’asile pour un pays comme la France, susceptible d’être juridiquement contraint d’accueillir sans limite des dizaines de millions de ressortissants de pays tiers pour peu qu’ils présentent une demande d’asile, il est urgent de reprendre le contrôle de ce qui apparaît aujourd’hui comme une voie d’immigration massive et incontrôlable.

  • Philippe FONTANA, La vérité sur le droit d’asile, éditions de l’Observatoire, 10 mai 2018
  • Maxime GUIMARD, Petit traité sur l’immigration irrégulière, éditions du Cerf, 11 janvier 2024
  • Pascal BRICE, Sur le fil de l’asile, éditions Fayard, 13 février 2019
  • OID (note), « Sauver Schengen. Face à l’urgence : la nécessaire réforme », juin 2024 : https://observatoire-immigration.fr/sauver-schengen/

1.1 Objet de l’étude

La présente étude livre une estimation du nombre de personnes éligibles à l’asile en France en l’état du droit applicable, tel qu’interprété par les organes administratifs et juridictionnels compétents, notamment l’OFPRA et la CNDA.

L’éligibilité s’entend du respect des critères de fond définis au titre I « Conditions d’octroi de l’asile » du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), en ce qui concerne soit le statut de réfugié (chapitre I), soit la protection subsidiaire (chapitre II). L’éligibilité à la protection temporaire (cf. infra) est également retenue. Il n’est pas tenu compte de la possibilité pour ces personnes de déposer effectivement une demande d’asile auprès des autorités françaises ni des aspects procéduraux (délais, conditions de forme, règles de compétence entre États membres de l’UE…).

L’objectif est ainsi d’évaluer le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants ayant droit à l’asile en France, dans l’hypothèse où ils seraient en mesure d’y déposer une demande, toutes conditions de forme étant remplies. Il n’est pas soutenu que l’ensemble de ces personnes viendront effectivement demander l’asile en France, des raisons variées pouvant y faire obstacle (difficultés pour déposer une telle demande auprès des autorités françaises, possibilité de demander l’asile auprès d’un autre pays, absence de volonté de s’exiler, méconnaissance du droit d’asile…).

Ces estimations ont été réalisée avant les évènements de décembre 2024 survenus en Syrie – sous réserve de leurs éventuelles implications en matière d’éligibilité à l’asile.

1.2 Critères de l’asile

Il convient préalablement de rappeler les critères permettant d’obtenir la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire. Le cas particulier de la protection temporaire actuellement applicable à l’Ukraine doit également être pris en compte.

1.2.1 Qualité de réfugié

Aux termes de l’article L. 511-1 CESEDA :

« La qualité de réfugié est reconnue :

1° A toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ;

2° A toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu’adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ;

3° A toute personne qui répond aux définitions de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. »

Le 1° renvoie à l’asile constitutionnel, fondé sur le Préambule de la Constitution du 27 octobre 194659. Cette voie d’accès à l’asile est statistiquement négligeable60, dès lors que ce type de persécutions est couvert par la Convention de Genève, qui est généralement invoquée et appliquée en premier lieu.

Le 2° ouvre droit à l’asile à toute personne déjà placée sous la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). En pratique, sont concernés les réfugiés palestiniens protégés par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) : fin 2023, l’UNRWA exerçait son mandat sur 5 973 022 réfugiés dans les Territoires palestiniens et les pays voisins (Jordanie, Syrie, Liban)61. Ce dernier nombre est retenu dans la présente étude comme le nombre de Palestiniens éligibles à l’asile.

Le 3° correspond à l’application de la convention de Genève, applicable pour différents motifs énoncés par l’article 1er, A, 2 : bénéficie de la qualité de réfugié toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

C’est en évaluant, pour un pays donné, le nombre de personnes exposées à des persécutions pour l’un ou l’autre de ces différents motifs que l’on peut estimer le nombre de personnes éligibles à l’asile.

Comme l’explicite la loi, ces motifs doivent être appréciés dans les conditions prévues par le droit de l’Union62 (art. L. 511-2), la notion de « groupe social » inclut « les aspects liés au sexe, à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle » (art. L. 511-3) et il est indifférent que le demandeur d’asile « possède effectivement les caractéristiques liées au motif de persécution ou que ces caractéristiques lui soient seulement attribuées par l’auteur des persécutions » (art. L. 511-5).

Enfin, indépendamment de la qualité de réfugié, sont exclus du statut de réfugié certaines personnes relevant de la clause d’exclusion de la convention de Genève, notamment les auteurs de crimes de guerre ou de crimes graves de droit commun et les personnes s’étant « rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies » (art. 1er, F), ou exclus par la loi, en cas de menace grave pour la sûreté de l’État ou, s’agissant des terroristes, pour la société française (art. L. 511-7). Ces situations d’exclusion sont en règle générale assez faibles numériquement. En outre, elles ne remettent pas en cause la qualité de réfugié mais seulement le statut de réfugié, de sorte que ces personnes exclues jouissent néanmoins de certains droits et ne sont généralement pas expulsables63.

1.2.2 Protection subsidiaire

Aux termes de l’article L. 512-1 CESEDA :

« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :

1° La peine de mort ou une exécution ;

2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

3° S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. »

La loi énumère ainsi trois sous-catégories pour la protection subsidiaire, qui sont dites respectivement de type 1, 2 et 3, par référence aux subdivisions de l’article de loi précité.

La protection subsidiaire de type 1 (risque de peine de mort ou d’exécution) ou 2 (risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants) est accordée lorsque le demandeur ne peut pas bénéficier de la protection conventionnelle, encourt les risques décrits et n’entre par ailleurs pas dans une des causes d’exclusion de la protection subsidiaire.

Les causes d’exclusion de la protection subsidiaire sont un peu plus étendues que pour la qualité de réfugié puisqu’elles incluent la commission par le demandeur de tout crime passible d’une peine de prison lorsque ce dernier n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper aux sanctions en résultant (art. L. 512-2). Encore la condamnation ou la poursuite pour un crime est-elle ignorée lorsqu’elle est considérée comme fallacieuse et qu’elle caractérise justement les persécutions ou craintes du demandeur. Il est ainsi rare que l’exclusion soit retenue.

Les craintes prises en compte sont assez larges puisqu’elles peuvent résulter de tout acteur non étatique, lorsque les autorités du pays ne sont pas en mesure de garantir leur protection (L. 513-2). En particulier, la protection subsidiaire de type 2 (PS 2) s’étend ainsi aux craintes liées à des conflits de nature privée (litiges familiaux, conflits de voisinage, violences diverses).

C’est cependant la protection subsidiaire de type 3 (PS 3) qui est la plus fréquemment appliquée, puisqu’elle vise la population civile des pays ou portions de pays en guerre (conflit armé international ou également interne), cette population étant alors en but à une violence dite aveugle. Dans cette configuration, l’OFPRA ou la CNDA apprécie le degré de violence aveugle à laquelle sont exposés les civils : lorsqu’elle est d’intensité exceptionnelle, tout civil a droit à la protection subsidiaire ; lorsqu’elle est moindre, il convient de se livrer à une appréciation individuelle de la vulnérabilité du demandeur, différentes circonstances pouvant être retenues pour accorder la PS 3 (isolement, jeunesse, vieillesse, sexe, statut social, appartenance à une minorité…)64.

Par ailleurs, le bénéfice de la protection conventionnelle comme de la protection subsidiaire est théoriquement refusé lorsque le demandeur pourrait s’établir en sécurité dans une autre partie du territoire de son pays d’origine : on parle d’asile interne (art. L. 513-5). Celui-ci est toutefois rarement retenu du fait des conditions de fond et de procédure et de la pratique tant de l’OFPRA que de la CNDA. L’asile interne sera ainsi négligé dans la présente étude.

1.2.3 La « protection temporaire » applicable à l’Ukraine

A la date de rédaction de cette étude, l’ensemble des ressortissants et résidents ukrainiens peuvent bénéficier de la protection temporaire en France et dans les autres États membres de l’Union européenne.

C’est une directive européenne du 20 juillet 200165 qui prévoit la possibilité de déclencher la protection temporaire définie comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ».

Faisant application de cette directive, le Conseil de l’Union, par une décision du 4 mars 202266, a octroyé la protection temporaire aux ressortissants ukrainiens déplacés d’Ukraine à compter du 24 février 2022, ainsi que sous certaines conditions aux ressortissants de pays tiers qui résidaient en Ukraine (bénéficiaires d’une protection internationale en Ukraine ou titulaires d’un titre de séjour permanent en Ukraine qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables). Cette protection temporaire n’était censée s’appliquer que pour une durée de 3 ans maximale. Elle a néanmoins été prorogée, à ce jour, jusqu’en mars 202667.

Ainsi, en pratique, l’ensemble des ressortissants ukrainiens ont droit à la protection temporaire, qui confère des droits au moins équivalents à ceux dont bénéficient les réfugiés. Dans ce contexte, peu de bénéficiaires de la protection temporaire font en outre la demande du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire (3 250 demandes en 2023), démarche qui peut se justifier pour bénéficier de davantage de visibilité dans le temps.

1.3 Application de ces critères

La détermination du nombre de ressortissants de chaque pays éligible à l’asile suppose d’évaluer la proportion de la population entrant dans les critères exposés ci-dessus. Il est ainsi nécessaire de s’extraire d’un examen individuel et de procéder à des extrapolations et des estimations en rapprochant, d’une part, les risques encourus dans chaque pays et, d’autre part, les caractéristiques de la population du pays considéré.

En pratique, une estimation a été faite pour les différents motifs de protection internationale :

1.3.1 En premier lieu, au titre de la protection conventionnelle

  • Persécutions pour motifs politiques

Ce type de motifs est retenu pour la plupart des pays mais à des degrés divers. Selon l’ampleur des mouvements d’opposition politique et des persécutions à l’égard des opposants réels ou supposés, le pourcentage de personnes éligibles à l’asile peut différer sensiblement : on peut ainsi estimer qu’il est très faible en Chine, où l’opposition politique est très limitée, mais nettement plus élevé au Venezuela, où l’opposition s’est révélée vivace et où nombre d’opposants ont subi la répression des autorités.

  • Persécutions pour motifs religieux

L’existence de persécutions de nature religieuse est très variable selon les pays, en fonction de l’existence de minorités religieuses et du niveau de tolérance religieuse. Ces persécutions sont ainsi fréquentes dans le monde islamique et à ses franges mais à peu près inexistantes en Amérique, ce qui contribue à augmenter le taux d’éligibilité à l’asile dans des pays comme l’Égypte (Coptes) ou la Somalie (milices Al-Shabaab). Le motif religieux est souvent combiné à d’autres motifs tirés de l’appartenance à une minorité nationale ou ethnique (cas de la minorité kurde sunnite en Iran ou de la minorité ouïghoure en Chine par exemple).

  • Persécutions en raison de l’appartenance raciale, ethnique ou nationale

Les persécutions du fait de la « race » ou de la « nationalité » s’entendent plus largement des persécutions fondées sur une certaine origine. Lorsque de telles persécutions existent, on peut généralement évaluer les populations ciblées. Dans certains rares cas, cette simple appartenance justifie des craintes de persécutions et suffit donc à fonder l’asile. Il en va ainsi des membres de l’ethnie Zaghawa au Soudan. En pareil cas, il convient d’évaluer le nombre des membres de ce groupe persécuté. Dans les autres cas, les craintes à raison de l’origine doivent être davantage personnalisées (Coptes en Égypte, musulmans en Inde, minorités peules en Afrique de l’Ouest etc.), ce qui suppose d’estimer la proportion des membres de ce groupe qui peuvent craindre à raison d’être persécutés.

  • Persécutions en raison de l’appartenance à un groupe social

Il s’agit en pratique de l’asile pour des motifs dits sociétaux, qui vise essentiellement deux types de populations, à savoir d’une part, les personnes visées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre (LGBT) et, d’autre part, des groupes sociaux de femmes en but à diverses persécutions (excision, mariage forcé, traite des êtres humains…). Les personnes atteintes de handicap ou de certaines maladies peuvent aussi être considérées comme un groupe social.

C’est la jurisprudence qui détermine si un groupe social, dont les membres sont en but à des persécutions du fait de leur appartenance à ce groupe, peut être reconnu. Lorsqu’un tel groupe faisant l’objet de persécutions existe, ses membres bénéficient alors de l’asile. Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes attachés à identifier si des groupes sociaux étaient reconnus dans un pays donné et à évaluer la proportion de la population qu’ils représentent.

Cette proportion peut être très faible mais parfois très élevée (jusqu’à la moitié de la population en Afghanistan s’agissant du « groupe social » des femmes68). Lorsque par exemple un groupe social des personnes homosexuelles est reconnu, on peut approximativement retenir que 2 % de la population partage cette orientation sexuelle et se trouve donc éligible à l’asile. L’existence d’un groupe social des femmes et filles exposées aux mutilations génitales féminines (excision) s’inscrit en principe dans une communauté ethnique, pour laquelle on dispose de données attestant de la prévalence de cette coutume, de sorte que la reconnaissance d’un tel groupe social dans un pays donné ne signifie pas que l’ensemble des jeunes femmes et filles non excisées de ce pays sont éligibles à l’asile. Le phénomène du mariage forcé, sur lequel on dispose notamment de données de l’UNICEF69, est également étroitement lié à l’environnement ethno-culturel et s’apprécie in concreto. 

1.3.2 En second lieu, au titre de la protection subsidiaire

  • PS de type 1 et 2

La PS de type 1 (crainte de la peine de mort ou d’une exécution) et celle de type 2 (torture ou traitements inhumains ou dégradants) ne visent normalement qu’une faible proportion de la population. Dans le cadre de la protection subsidiaire, les craintes procèdent en règle générale de groupes ou d’individus mais pas des autorités (si elles procédaient des autorités, le demandeur est le plus souvent éligible à la protection conventionnelle).

Dans certains pays, ces conflits privés sont néanmoins répandus et les autorités sont défaillantes, ne permettant pas de faire obstacle aux atteintes visées par la PS de type 1 ou 2 : on peut citer Djibouti (violences domestiques), le Congo (violences liées à la sorcellerie), le Bangladesh (conflits fonciers) … Pour apprécier la prévalence de ces phénomènes, on peut notamment se référer à la pratique de l’OFPRA et à la jurisprudence de la CNDA.

  • PS de type 3

C’est la PS de type 3 qui est la plus courante. Lorsqu’un pays ou une zone de ce pays est concerné par une violence aveugle d’une intensité dite exceptionnelle, l’ensemble des habitants sont éligibles à la protection subsidiaire, sous réserve qu’ils aient la qualité de civils et ne tombent pas dans une des causes d’exclusion. Le taux d’éligibilité à l’asile est alors proche de 100 %. Cependant, une telle situation ne concerne le plus souvent qu’une portion du territoire d’un État ; il faut alors rechercher le nombre d’habitants couverts par la PS 3. Lorsque l’intensité de la violence aveugle est moindre, il faut se livrer à une appréciation plus fine, en tenant compte du degré de violence et des facteurs de vulnérabilité évoqués plus haut. Le taux de protection des populations considérées et la proportion de la protection subsidiaire dans cette protection sont ici également des éléments d’information utiles pour apprécier la portée de la PS 3 dans les pays considérés.

1.3.3 En troisième lieu, au titre de la protection temporaire

A ce jour, seule l’Ukraine est concernée par la protection temporaire.

Comme exposé ci-dessus, l’ensemble de la population ukrainienne bénéficie de la protection temporaire, quand bien même seule une partie est susceptible de bénéficier du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire (celle de type 3 ne couvre qu’environ un quart de la population, située dans l’Est et le Sud du pays). Par suite et tant que la protection subsidiaire est maintenue, le taux d’éligibilité à l’asile est fixé à 100 % pour l’Ukraine.

1.4 Taux d’éligibilité à l’asile

On peut ainsi estimer la proportion de la population de chaque pays éligible respectivement à la protection conventionnelle et à la protection subsidiaire, pour en déduire la proportion de la population éligible à l’asile de manière générale : on parlera de taux d’éligibilité à l’asile.

Toutefois, la protection subsidiaire ne venant, comme son nom l’indique, qu’à titre subsidiaire, ceux qui sont éligibles à la protection conventionnelle ne doivent pas être comptabilisés une seconde fois au titre de la protection subsidiaire. Le taux d’éligibilité à l’asile doit être calculé en conséquence, en additionnant le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, d’une part, et le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire appliqué à une base dont la population éligible à la protection conventionnelle est déduite, d’autre part70.

Le taux d’éligibilité à l’asile résulte nécessairement d’une estimation. Plusieurs sources et indicateurs ont été utilisés pour asseoir cette estimation :

  • les analyses des organes français compétents, en particulier l’OFPRA et de la CNDA, relatives à la situation de chaque pays et de la demande d’asile correspondante : les rapports d’activité successifs , les actualités jurisprudentielles et autres publications ;
  • au niveau européen, les publications de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), dont une base d’informations sur les pays d’origine (Country of Origin Information) ; 
  • le site internet de la CNDA propose des dossiers pays, qui sont constitués d’une bibliothèque de liens vers diverses sources publiques mais aussi privées, surtout internationales (organisations internationales, ONG, organisations d’autres pays).

Dans le cadre de l’analyse de la situation de chaque pays, il est important mais non suffisant de se référer à la réalité de la demande d’asile émanant de ces pays. Si les demandeurs d’asile ne sont pas nécessairement représentatifs de la globalité de la population de leur pays en termes de persécutions et risques encourus, l’issue de leur demande devant l’OFPRA et la CNDA donne néanmoins une indication sur la situation du pays, ainsi que sur la nature et le niveau des menaces telles qu’appréciées par l’OFPRA et la CNDA.

Nous avons ainsi calculé pays par pays, sous réserve des données disponibles, le taux synthétique de protection (TSP). Ce dernier est un indicateur statistique qui apprécie en substance le taux d’acceptation des demandes d’asile71. L’INSEE ne diffusant le TSP que pour une sélection de pays (2021 pour la dernière année), nous avons procédé à un calcul pays par pays en rapprochant le taux de protection par l’OFPRA, le taux moyen de recours devant la CNDA et le taux de protection par la CNDA72. Les TSP en résultant sont repris dans le tableau détaillant le chiffrage. Ils ne constituent pas un paramètre proprement dit de ce chiffrage mais un élément de contexte pertinent pour l’estimation73.

Enfin, soulignons que lorsque les éléments d’information sur un pays sont apparus comme trop lacunaires – ce qui est notamment le cas pour des petits pays dont la demande d’asile en France est faible –, nous avons retenu un taux d’éligibilité nul (Seychelles par exemple) ou procédé à des hypothèses prudentes (pour la Namibie par exemple).

1.5 Prise en compte des familles

La prise en compte dans la présente étude des familles des bénéficiaires potentiels de l’asile pose une difficulté particulière. Au sens strict, le principe de l’unité de famille consiste, dans le cadre d’une procédure de demande d’asile, à étendre le bénéfice de la protection conventionnelle à la proche famille du réfugié (conjoint ou concubin et enfants mineurs) : les proches deviennent ainsi eux-mêmes réfugiés en vertu de la convention de Genève.

Cependant, l’asile ouvre aussi droit à un regroupement familial spécial sans qu’il ne soit nécessaire pour les proches de déposer une demande d’asile : on parle de droit à la « réunification familiale », qui permet à un réfugié comme à un bénéficiaire de la protection subsidiaire d’être rejoint par les membres de sa famille (conjoint, partenaire ou concubin, enfants non mariés jusqu’à 18 ans – ou, pour les mineurs non mariés, parents et leurs enfants mineurs non mariés) (art. L. 561-2 CESEDA). Les proches bénéficiant en pratique du même droit au séjour par la réunification familiale que par l’unité de famille, sans aucune condition de ressources ou de logement, peu d’entre eux forment une demande d’asile74.

Une personne éligible à l’asile du fait de persécutions ou craintes qui le concernent personnellement rend donc automatiquement éligible à l’asile sa proche famille75, ce qui conduit à majorer la proportion de personnes éligibles à l’asile d’un facteur difficile à déterminer car dépendant de plusieurs paramètres, dont la nature des craintes justifiant l’asile76. En outre, les titres de séjour au titre de la réunification familiale ne sont pas directement suivis par l’OFPRA puisqu’ils sont délivrés en dehors de la procédure d’asile, l’OFPRA se contentant de délivrer, sur demande du bureau des familles des réfugiés du ministère de l’intérieur, des fiches de composition familiale (8 754 fiches en 2023)77. En conséquence, le nombre de bénéficiaires effectifs de l’asile n’apparaît pas dans les statistiques de l’OFPRA. Nous n’avons pas davantage trouvé de détail sur cette catégorie de titres de séjour dans les statistiques du ministère de l’intérieur et les données disponibles sont parcellaires (fiches de composition familiale établies par l’OFPRA), ne permettant pas de dégager un chiffrage précis. La portée du droit d’asile s’en trouve en partie occultée. 

Pour rétablir cette portée, il conviendrait de tenir compte du principe d’unité de famille et du droit à la réunification familiale dans le chiffrage des personnes susceptibles d’être admises au séjour en France en vertu du droit d’asile, puisque ces droits familiaux conduisent mécaniquement à majorer le nombre de bénéficiaires potentiels. Toutefois, faute de données suffisantes pour quantifier cette majoration, nous avons renoncé à l’intégrer dans le taux d’éligibilité à l’asile. Ce dernier doit ainsi être pris comme une estimation basse.

De manière générale, nous avons retenu des hypothèses prudentes, de sorte que les chiffres résultant de nos estimations sont probablement des minorants.

1.6 Population éligible à l’asile

Une fois le taux d’éligibilité à l’asile déterminé pour un pays, il suffit de l’appliquer au nombre d’habitants de ce pays78 pour disposer d’une estimation du nombre de personnes éligibles à l’asile dans ce pays.

1.7 Résultats

Le tableau annexé indique pour chaque pays, outre le TSP, le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire (ou temporaire dans le cas de l’Ukraine), le taux d’éligibilité global qui en résulte, la population totale du pays et le résultat, à savoir la population de ce pays éligible à l’asile. Des données agrégées sont données pour chaque continent et au niveau mondial (France exceptée).79

A titre d’exemple, le taux d’éligibilité de la population éthiopienne est estimé à 28 %, soit plus de 35 millions de personnes. Le même taux pour la Chine est évalué à 3 %, soit 42 millions de personnes. Au niveau des continents, c’est l’Afrique qui présente le taux d’éligibilité estimé le plus élevé (15 %) mais l’Asie la devance en nombre de personnes éligibles (281 millions).

Au total, nous estimons à 580 millions le nombre de personnes dans le monde éligible à l’asile dans notre pays, soit 7,2 % de la population mondiale.

Annexe 2 : Évaluation de la population éligible à l’asile – chiffrage pays par pays

PaysTaux synthétique de protection (OFPRA + CNDA)Taux éligibilité PCTaux éligibilité PS (ou PT)Taux éligibilité globalPopulation totalePopulation éligible à l’asile
MONDE (hors France)45,00 %7,29 %7 945 696 131579 527 670
AFRIQUE15 %1 456 468 653217 984 238
Afrique du Sud37,50 %2 %5 %7 %60 414 4954 168 600
Algérie28,50 %2 %2 %4 %45 606 4801 806 017
Angola25,45 %2 %5 %7 %36 684 2022 531 210
Bénin30,21 %4 %5 %9 %13 712 8281 206 729
Burkina Faso56,67 %10%50 %55 %23 251 48512 788 317
Burundi48,89 %10 %5 %15%13 238 5591 919 591
Cameroun42,93 %6 %5 %11 %28 647 2933 065 260
Cap-Vertnd1 %1 %2 %598 68211 914
Centrafrique85,80 %10 %10 %19 %5 742 3151 091 040
Comores18,27 %3 %5 %8 %852 07566 888
Congo21,69 %4 %5 %9 %6 106 869537 404
Côte d’Ivoire46,04 %10 %5 %15 %28 873 0344 186 590
Djibouti53,44 %5 %5 %10 %1 136 455110 804
Égypte29,62 %5 %2 %7 %112 716 5987 777 445
Érythrée82,54 %20%50 %60 %3 748 9012 249 341
Eswatinind1 %1 %2 %1 210 82224 095
Éthiopie59,10 %10%20 %28 %126 527 06035 427 577
Gabon33,34 %5%5 %10 %2 436 566237 565
Gambie32,42 %5%5 %10 %2 773 168270 384
Ghana14,82 %3%5 %8 %34 121 9852 678 576
Guinée45,70 %10%10 %19 %14 190 6122 696 216
Guinée équatoriale56,78 %5%5 %10 %1 714 671167 180
Guinée-Bissau20,45 %5%5 %10 %2 150 842209 707
Kenya41,32 %4%2 %6 %55 100 5863 261 955
Lesothond1 %1 %2 %2 330 31846 373
Liberia21,54 %5%5 %10 %5 418 377528 292
Libye54,92 %10%20 %28 %6 888 3881 928 749
Madagascar12,73 %3%2 %5 %30 325 7321 498 091
Malawind4 %2 %6 %20 931 7511 239 160
Mali47,71 %10%10 %19 %23 293 6984 425 803
Maroc36,46 %5%5 %10 %37 840 0443 689 404
Maurice50,00 %1%1 %2 %1 261 04125 095
Mauritanie31,86 %10%10 %19 %4 862 989923 968
Mozambiquend3 %1 %4 %33 897 3541 345 725
Namibiend1 %1 %2 %2 604 17251 823
Niger51,38 %10%20 %28 %27 202 8437 616 796
Nigeria23,84 %6%5 %11 %223 804 63223 947 096
Ouganda38,60 %5%2 %7 %48 582 3343 352 181
Rép. dém. Congo40,52 %6%10 %15 %102 262 80815 748 472
Rwanda56,24 %5%5 %10 %14 094 6831 374 232
Sahara occ. (origine)12,05 %2%2 %4 %600 00023 760
Sao Tomé-et-Principend231 856 
Sénégal35,84 %6%5 %11 %17 763 1631 900 658
Seychellesnd119 773 
Sierra Leone36,85 %5%5 %10 %8 791 092857 131
Somalie69,49 %7%40 %44 %18 143 3788 019 373
Soudan79,37 %20%60 %68 %48 109 00632 714 124
Soudan du Sud87,34 %20%50 %60 %11 088 7966 653 278
Tanzanie30,90 %4%2 %6 %67 438 1063 992 336
Tchad29,04 %10%10 %19 %18 278 5683 472 928
Togo32,80 %5%2 %7 %9 053 799624 712
Tunisie20,89 %2%2 %4 %12 458 223493 346
Zambiend4 %2 %6 %20 569 7371 217 728
Zimbabwe68,88 %6%5 %11 %16 665 4091 783 199
AMÉRIQUES3 %1 039 032 55226 160 490
Antigua et Barbudand94 298 
Argentinend46 654 581 
Aruband106 277 
Bahamas (Les)nd412 623 
Barbadend281 995 
Belizend1 %1 %410 8254 108
Bermudesnd63 489 
Boliviend12 388 571 
Brésil16,62 %1 %2 %3 %216 422 4466 449 389
Caïmans (Îles)nd69 310 
Canadand40 097 761 
Chilind19 629 590 
Colombie25,60 %2 %2 %4 %52 085 1682 062 573
Costa Ricand5 212 173 
Cuba38,21 %4 %2 %6 %11 194 449662 711
Curaçaond147 862 
Dominicaine (Rép.)13,81 %1 %2 %3 %11 332 972337 723
Dominiquend73 040 
Équateurnd1 %1 %18 190 484181 905
États-Unisnd334 914 895 
Grenadend126 183 
Groënlandnd56 865 
Guatemaland1 %1 %17 602 431176 024
Guyanand813 834 
Haïti40,56 %5 %65 %67 %11 724 7637 826 279
Hondurasnd1 %1 %2 %10 593 798210 817
Jamaïquend1 %1 %2 %2 825 54456 228
Mexiquend1 %2 %3 %128 455 5673 827 976
Nicaragua62,21 %3 %2 %5 %7 046 310348 088
Panamand4 468 087 
Paraguaynd6 861 524 
Pérou24,58 %1 %2 %3 %34 352 7191 023 711
Porto Ricond3 205 691 
Saint-Christophe-et-Niévèsnd47 755 
Sainte-Luciend1 %1 %2 %180 2513 587
Saint-Vincent et les Grenadinesnd103 698 
Salvador42,83 %2 %5 %7 %6 364 943439 181
Surinamend1 %1 %2 %623 23612 402
Trinité et Tobagond1 534 937 
Venezuela52,26 %5 %4 %9 %28 838 4992 537 788
Uruguaynd3 423 108 
ASIE6 %4 629 892 518287 185 292
Afghanistan80,27 %60 %10 %64 %42 239 85427 033 507
Arabie Saouditend5 %1 %5 %36 947 0251 847 351
Bahreïnnd5 %1 %6 %1 485 50988 388
Bangladesh16,71 %3 %2 %5 %172 954 3198 543 943
Birmanie61,53 %8 %2 %10 %54 577 9975 370 475
Bhoutannd1 %1 %787 4247 874
Bruneind3 %3 %452 52413 576
Cambodge23,98 %1 %1 %2 %16 944 826337 202
Chine95,33 %3 %3 %1 410 710 00042 321 300
Corée du Nordnd3 %3 %6 %26 160 8211 546 105
Corée du Sudnd51 712 619 
Emirats arabes unisnd5 %1 %6 %9 516 871566 254
Inde9,38 %5 %2 %7 %1 428 627 66398 575 309
Indonésiend1 %1 %2 %277 534 1225 522 929
Irak66,01 %5 %3 %8 %45 504 5603 572 108
Iran86,04 %10 %2 %12 %89 172 76710 522 387
Israëlnd9 756 700 
Japonnd124 516 650 
Jordanie29,00 %1 %1 %2 %11 337 052225 607
Kazakhstan26,68 %3 %1 %4 %19 900 177790 037
Kirghizstan49,02 %3 %1 %4 %7 100 800281 902
Koweït68,00 %15 %1 %16 %4 310 108683 152
Laosnd1 %1 %7 633 77976 338
Liban41,75 %5 %10 %15 %5 353 930776 320
Malaisiend1 %1 %34 308 525343 085
Maldivesnd1 %1 %521 0215 210
Mongolie20,79 %3 %1 %4 %3 447 157136 852
Népal24,24 %3 %1 %4 %30 896 5901 226 595
Omannd4 644 384 
Ouzbékistan65,37 %3 %1 %4 %36 412 3501 445 570
Pakistan15,52 %4 %1 %5 %240 485 65811 928 089
Palestine77,15 %100 %100 %5 973 0225 973 022
Philippinesnd117 337 368 
Qatarnd5 %1 %6 %2 716 391161 625
Singaporend1 %1 %5 917 64859 176
Sri Lanka35,96 %3 %1 %4 %22 037 000874 869
Syrie97,09 %20 %95 %96 %23 227 01422 297 933
Tadjikistan50,30 %3 %2 %5 %10 143 543501 091
Taïwannd23 600 000 
Thaïlandend1 %1 %71 801 279718 013
Timor-Lestend1 360 596 
Turkménistannd1 %1 %2 %6 516 100129 670
Vietnamnd1 %1 %98 858 950988 590
Yémen87,21 %20 %90 %92 %34 449 82531 693 839
EUROPE (hors France)6 %776 102 81847 992 084
Albanie16,41 %1%3%4 %2 745 972109 015
Anglo-normandes (îles)nd175 346 
Arménie9,41 %1%2%3 %2 777 97082 784
Azerbaïdjan30,69 %4%2%6 %10 112 555598 663
Biélorussie58,79 %4%1%5 %9 178 298455 244
Bosnie-Herzégovine16,22 %1%1%2 %3 210 84763 896
Féroé (îles)nd53 270 
Géorgie9,39 %3%3%6 %3 760 365222 238
Gibraltarnd32 688 
Islandend393 600 
Kosovo17,17 %3%3%6 %1 756 374103 802
Liechtensteinnd39 584 
Macédoine du Nord (Rép.)9,91 %2%2%4 %1 811 98071 754
Man (île de)nd84 710 
Moldavie4,22 %1%1%2 %2 486 89149 489
Monacond36 297 
Monténégrond1%1 %616 1776 162
Norvègend5 519 594 
Royaume-Unind68 350 000 
Russie45,43 %3%1%4 %143 826 1305 709 897
Saint-Marinnd33 642 
Serbie10,67 %1%1%2 %6 618 026131 699
Suissend8 849 852 
Turquie30,83 %3%1%4 %85 326 0003 387 442
Ukraine92,96 %3 %100 %100 %37 000 00037 000 000
UE (hors France)nd381 306 650 
OCEANIE0 %44 199 590205 566
Australiend26 638 544 
Guamnd172 952 
Kiribatind133 515 
Marshall (îles)nd41 996 
Mariannes du Nord (îles)nd49 796 
Micronésiend115 224 
Naurund12 780 
Nouvelle-Zélandend5 223 100 
Palaund18 058 
Papouasie-Nouvelle Guinéend1 %1 %2 %10 329 931205 566
Salomon (îles)nd740 424 
Samoand225 681 
Samoa américainesnd43 914 
Tongand107 773 
Tuvalund11 396 
Vanuatund334 506 
Note : nd = non disponible
  1. Selon l’INSEE, la France compte 5,6 millions d’étrangers en 2023. ↩︎
  2. Eurostat, DG statistique de la Commission européenne, « Demandeurs et primo-demandeurs d’asile » ↩︎
  3. Cf. article 1er, A, 2 et article 1er, B de la convention de Genève de 1951. ↩︎
  4. Maxime Guimard, Petit traité sur l’immigration irrégulière, éditions du Cerf, 11 janvier 2024. ↩︎
  5. Idem ↩︎
  6. La France y a adhéré le 3 février 1971 (cf. décret n°71-289 du 9 avril 1971) ↩︎
  7. Cf. Tissier-Raffin (2019), p.154. ↩︎
  8. À la fin de l’année 2023, 1 879 personnes étaient placées sous protection de l’OFPRA au titre de l’apatridie (hors les personnes jouissant conjointement du statut de réfugié et du statut d’apatride). ↩︎
  9. Source : Eurostat (https://doi.org/10.2908/MIGR_ASYTPFA). ↩︎
  10. Sur ce point, voir notre note de février 2024 « Possibilités et limites du refoulement aux frontières intérieures et extérieures » (Lien) ↩︎
  11. La Commission a bien formulé, à la demande du Conseil européen d’octobre 2021, une proposition de décision du Conseil relative à des mesures provisoires d’urgence en faveur de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne (COM(2021) 752 final) mais elle n’a pas abouti. ↩︎
  12. Dont la version actuelle est la directive (UE) 2024/1346 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale (refonte de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection). ↩︎
  13. Règlement (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, qui remplace la directive « procédure » (directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale). ↩︎
  14. L’ancien règlement Dublin III (n° 604/2013) a été remplacé, dans le cadre du pacte asile et immigration, par le règlement (UE) 2024/1351 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et de la migration, modifiant les règlements (UE) 2021/1147 et (UE) 2021/1060 et abrogeant le règlement (UE) n° 604/2013. ↩︎
  15. Voir le manquement constaté à l’égard de la Hongrie en raison de la limitation de l’accès à la procédure d’asile (en dernier lieu : CJUE, 13 juin 2024, C-123/22, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II)). ↩︎
  16. Voir l’arrêt de la CJUE jugeant que les femmes afghanes peuvent, sur la seule base de leur nationalité et de leur sexe et sans qu’il ne soit besoin de se livrer à une évaluation de leur situation individuelle, prétendre au statut de réfugié (CJUE, 4 octobre 2024, affaires jointes C-608/22 et C-609/22, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Femmes afghanes)). ↩︎
  17. Voir articles L. 121-7 et suivants du CESEDA. ↩︎
  18. Cf. Pascal Brice, Sur le fil de l’asile, Paris, Fayard, 2019. ↩︎
  19. Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral pour les migrations et les réfugiés). ↩︎
  20. Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (Office fédéral pour les étrangers et l’asile). ↩︎
  21. Commissione Nazionale per il diritto di asilo (Commission nationale pour le droit d’asile). ↩︎
  22. Décret du 7 mai 2024 (Journal officiel de la République italienne du 7 mai 2024, série générale n° 105, p. 23. (Lien) ↩︎
  23. Liste publiée sur le site de l’OFPRA et tenant compte de l’annulation partielle de la décision du CA de l’OFPRA par le Conseil d’État (Lien) ↩︎
  24. Taux de recours de 88 % en 2023. ↩︎
  25. Lou Mazer, « Mon travail comme rapporteure à la Cour nationale du droit d’asile » Dalloz Actualité (Lien) ↩︎
  26. On trouvera sans peine sur Internet des informations sur cette affaire. ↩︎
  27. Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. ↩︎
  28. Sur ce point de l’influence du HCR comme sur d’autres aspects de la CNDA, on se reportera avec profit à l’ouvrage de Philippe Fontana cité en bibliographie. ↩︎
  29. Décret n° 2024-800 du 8 juillet 2024 pris pour l’application de l’article 70 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et relatif à l’organisation et à la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d’asile. ↩︎
  30. Cf. Aurélien Camus, Maxence Christelle, Dorian Guinard et Christophe Le Berre, « Chronique de la jurisprudence interne en droit de l’asile (Juin 2022 / mars 2023) » in La Revue des Droits de l’Homme, juillet 2023 (Lien), voir points 16 à 24, commentaire sous la décision CNDA, 25 nov. 2022 M. A., n° 21061849. ↩︎
  31. Il suffit de se référer aux chroniques de jurisprudence de l’asile pour le constater. Pour un exemple d’application concernant un Nigérian, voir la décision CNDA 25 novembre 2022 M. A. n° 21061849 C+. Pour un exemple d’affaire dans laquelle l’asile interne n’a pas été jugé applicable, voir la décision CNDA GF 15 juin 2021 M. S. n° 20029676 R. ↩︎
  32. Personne n’est en mesure de contester une décision d’octroi de l’asile (hormis l’OFPRA lorsque la décision émane de la CNDA), y compris lorsque le demandeur aurait pu se voir opposer l’asile interne. En revanche, toute décision de rejet peut être contestée, surtout lorsqu’elle se place sur le terrain de l’asile interne dans lequel la jurisprudence n’est pas bien établie. ↩︎
  33. Fin 2023, plus de 10 000 Bangladais étaient placées sous la protection de l’OFPRA. ↩︎
  34. Cf. article 1er, C, de la convention de Genève et articles L. 511-8 et L. 512-3 du CESEDA. ↩︎
  35. Sur ces éléments synthétiques, on peut se référer à l’annexe à la présente note. ↩︎
  36. Eurostat, données 2023. Le taux de recours n’est par ailleurs pas connu, ne permettant pas de calculer un indice synthétique de protection au niveau européen. ↩︎
  37. La CNDA ne publie pas l’ensemble de ses décisions mais choisit de rendre publiques sur son site (après anonymisation) celles qui lui paraissent intéressantes d’un point de vue jurisprudentiel. Cette sélection permet aussi à la CNDA de ne pas publier des décisions qui seraient moins solides juridiquement et prêteraient davantage le flan à la critique… ↩︎
  38. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (Lien) ↩︎
  39. Catherine Teitgen-Colly, Le droit d’asile, Que sais-je, 15 mai 2019 ↩︎
  40. A notre avis, cette décision, pourtant rendue par une formation de jugement présidée par une présidente de section de la CNDA (Florence Malvasio), est peu argumentée et contestable juridiquement : il n’est pas précisé à quel motif de persécutions mentionné par l’article 1er de la convention de Genève les craintes invoquées peuvent être rattachées. L’octroi de la protection subsidiaire aurait été mieux justifiable. Quoi qu’il en soit, elle illustre l’interprétation extensive de la convention de Genève par le juge de l’asile. ↩︎
  41. Juge des référés du Conseil d’État, 30 avril 2020, Ligue des droits de l’homme et autres, n° 440250. ↩︎
  42. Règlement (UE) 2024/1359 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile, et modifiant le règlement (UE) 2021/1147. ↩︎
  43. Voir l’annexe méthodologique pour davantage de précisions. ↩︎
  44. Timothy & Williams (2022). ↩︎
  45. « Possibilités et limites du refoulement aux frontières intérieures et extérieures » (2024). ↩︎
  46. Règlement (UE) 2024/1356 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant le filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) n° 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817. ↩︎
  47. Ces ratios sont ainsi calculés : nombre de ressortissants protégés par l’OFPRA fin 2023 / population du pays (données Banque mondiale). ↩︎
  48. Données Eurostat. ↩︎
  49. Voir le rapport de Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux du Conseil d’État,  « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous » (Lien), qui traite entre autres des « inutiles complexités » générées par la combinaison des interventions du juge administratif de droit commun et du juge de l’asile. ↩︎
  50. Phénomène évoqué dans notre note « Sauver Schengen. Face à l’urgence : la nécessaire réforme », OID, juin 2024. ↩︎
  51. L’article 53-1 de la Constitution dispose que « même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » (souligné par nos soins) mais non que lesdites autorités y sont tenues. ↩︎
  52. Voir le règlement 2024-1351 « Dublin » précité et notamment son article 18 (« Conséquences en cas de non respect »). ↩︎
  53. C’est-à-dire lorsque l’État ayant rejeté la demande n’est plus responsable du demandeur en vertu du règlement 2024-1351, le demandeur ayant fait l’objet d’une mesure de retour ou bien ayant quitté le territoire depuis une certaine durée (différents délais s’appliquent selon le cas de figure). ↩︎
  54. Les demandeurs d’asile ont en principe le droit de rester sur le territoire de l’État membre compétent pendant la durée de l’examen de leur demande (cf. article 10 du règlement « procédure » 2024-1348). ↩︎
  55. Ainsi, selon le résumé du rapport 2024 de l’agence de l’Union européenne pour l’asile : « Le changement climatique et son rôle dans les déplacements de population, ainsi que les répercussions du changement climatique sur les réfugiés et les communautés d’accueil, ont continué de figurer parmi les thèmes clés du discours relatifs à la protection internationale. » (Lien) p. 7 ↩︎
  56. La situation des réfugiés pourrait être réexaminée progressivement, à l’échéance de leur titre de séjour ou plus tôt si les conditions ayant justifié l’octroi de l’asile ne sont plus considérées comme réunies ↩︎
  57. Le décret de dénonciation est soumis au contreseing du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères. ↩︎
  58. Article 44 et article IX respectivement. ↩︎
  59. Alinéa 4 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » ↩︎
  60. 6 admissions par l’OFPRA sur ce fondement en 2023, soit 0,018 % des admissions. ↩︎
  61. UNRWA in action, juillet 2024 (Lien) ↩︎
  62. Directive dite qualifications (directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection). ↩︎
  63. Cf. CJUE, 14 mai 2019, affaires jointes C-391/16, C-77/17 et C-78/17. ↩︎
  64. Il y a naturellement une part de subjectivité dans cette appréciation. Ainsi que l’affirmait Lou Mazer (voir bibliographie de la note principale) : « Il s’agit d’une situation extrêmement floue sans réel critère, qui permet souvent de protéger les femmes et les jeunes sans que l’on comprenne bien les raisons pour lesquelles un homme de quarante ans n’aurait pas les mêmes craintes. » ↩︎
  65. Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. ↩︎
  66. Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire. ↩︎
  67. Conseil de l’Union européenne, communiqué de presse « Réfugiés ukrainiens: le Conseil proroge la protection temporaire jusqu’en mars 2026 », 25/06/2024 (Lien↩︎
  68. Cf. CNDA, 9 juillet 2024, Mme O., n° 24014128, R ; CJUE, 4 octobre 2024, affaires jointes C-608/22 et C-609/22, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Femmes afghanes). ↩︎
  69. UNICEF, communiqué de presse « 130 millions de femmes et de filles victimes de mariage précoce en Afrique » (Lien) ↩︎
  70. Soient x % le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, y % le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire et z % le taux d’éligibilité à l’asile. Ce dernier est ainsi calculé : z = x + (y*(1-x)). ↩︎
  71. Selon l’INSEE, « Le taux synthétique de protection rend compte du taux de protection internationale en première et seconde instance accordé par la France. Il est calculé selon la formule suivante : taux synthétique de protection = taux d’accord Ofpra + taux de refus Ofpra * taux de recours Cour nationale du droit d’asile (CNDA) * taux d’annulation CNDA. Ce calcul permet de s’affranchir de l’impact d’un décalage temporel entre l’examen par l’Ofpra d’une demande de protection et celui de son éventuel recours à la CNDA. » (Lien) ↩︎
  72. Chiffres 2023 issus respectivement du rapport d’activité de l’OFPRA et de celui de la CNDA. Le taux de recours devant la CNDA en 2023 s’est élevé à 88 % (tous pays confondus). Lorsque l’OFPRA ne donne pas d’indication sur le taux de protection (en l’absence de demande d’asile), le TSP ne peut être calculé. A noter que l’utilisation du taux de recours global ne permet pas d’obtenir un chiffre aussi exact que si l’on disposait du taux de recours pays par pays. ↩︎
  73. Le tableau de chiffrage aurait aussi pu être complété de données relatives à la part respective de la protection conventionnelle et de la protection subsidiaire dans la protection accordée par l’OFPRA et la CNDA. Ces éléments de référence ont également été pris en considération mais nous avons fait le choix de ne pas complexifier le tableau. ↩︎
  74. En 2023, seulement 1,5 % des admissions au statut de réfugié prononcées par l’OFPRA l’ont été au titre de l’unité de famille. ↩︎
  75. Sauf naturellement les membres de la famille qui seraient à l’origine des craintes de persécution ayant justifié l’octroi de l’asile (cf. CNDA 24 juillet 2023 M. S. n° 21000656 C+), par exemple le mari d’une réfugiée victime d’un mariage forcé. ↩︎
  76. Le principe de l’unité de famille est sans effet lorsque l’ensemble des membres d’une famille ont, au regard de la situation personnelle de chacun d’eux, droit à l’asile : un couple de Soudanais d’ethnie zaghawa sera ainsi éligible, de même que ses enfants, à la protection conventionnelle du fait des persécutions dirigées contre cette ethnie, sans qu’il ne soit nécessaire d’invoquer le principe d’unité de famille. A l’inverse, c’est le principe de l’unité de famille qui pourra justifier l’octroi du bénéfice de l’asile aux parents d’une jeune fille menacée d’excision et éligible pour cette raison à la protection conventionnelle. ↩︎
  77. Ces fiches sont demandées dans le cadre du traitement des demandes de visas au titre de la réunification familiale par les familles concernées auprès des autorités consulaires françaises dans leur pays de résidence ou dans un pays tiers. Nous n’avons pas connaissance du nombre moyen de personnes mentionnées sur une fiche de composition familiale. Par ailleurs, ces fiches ne semblent pas être demandées en dehors de cette procédure d’examen des demandes de visas. ↩︎
  78. Nous nous sommes référés aux données 2023 de la Banque mondiale, sauf cas particulier lorsqu’une telle donnée n’était pas disponible ou s’agissant des Palestiniens pour lesquels nous avons retenu le nombre de personnes protégées par l’UNRWA. Cette méthode induit une légère approximation dans la mesure où les ressortissants d’un pays peuvent résider à l’étranger (et donc ne pas figurer dans le nombre d’habitants de leurs pays) et néanmoins être éligibles à l’asile au titre des persécutions encourues dans le pays dont ils sont ressortissants, mais elle permet de s’appuyer sur des données robustes. ↩︎
  79. Nous publions le détail de ces résultats par souci de transparence et afin qu’ils puissent donner lieu le cas échéant à des contre-expertises de nature à faire progresser l’état des connaissances sur la portée du droit d’asile. ↩︎

Selon l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de la République française du 27 octobre 1946, « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Parmi les droits-créances qu’il a proclamés, le Constituant de 1946 a mis en bonne place le droit d’asile. Mais, selon les termes précités, ce droit était réservé à une catégorie bien particulière de personnes : les opposants politiques libéraux qui subissaient des persécutions de la part de régimes totalitaires ou autoritaires – on pense évidemment aux régimes fascistes défaits en 1945 mais aussi à l’URSS et aux démocraties dites populaires. Dans ce contexte, le droit d’asile apparaissait comme une pétition de principe issu de l’héritage révolutionnaire, dont seuls quelques opposants intrépides étaient susceptibles de bénéficier.

Las, à la fin de l’année 2023, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) estime (sic) à près de 600 000 le nombre de personnes placées sous sa protection, non compris les membres de la famille bénéficiant du principe de réunification familiale et encore moins les déboutés du droit d’asile qui n’ont pas quitté notre territoire. Ainsi, les bénéficiaires directs de l’asile représentent à eux-seuls plus de 10 % de la population étrangère en France1. L’asile est devenu une voie d’immigration majeure : le nombre annuel de premières demandes enregistrées dans notre pays a augmenté de 245% entre 2009 et 20232.

Encore ces chiffres ne donnent-ils qu’une vision très imparfaite du droit d’asile et de la vulnérabilité migratoire qu’il emporte pour la France, de même que pour les autres pays (notamment européens) qui l’octroient. En effet, le nombre de personnes de par le monde qui pourraient revendiquer à bon droit la protection de la France au titre de l’asile est près de 1 000 fois supérieur au nombre de bénéficiaires actuels de l’asile : selon notre estimation, ce sont environ 580 millions d’étrangers qui sont éligibles à l’asile dans notre pays, sans qu’aucun garde-fou ne puisse leur être opposé dans l’état actuel de notre régime juridique. 

Comment en sommes-nous arrivés là ? Et, surtout, comment sortir de cette mécanique implacable ? C’est à ces deux questions que nous nous attacherons à répondre.

1.1 La convention de Genève de 1951 au fondement du droit d’asile contemporain

Il faut d’abord revenir sur le fondement juridique des décisions par lesquelles la France accorde aujourd’hui ce qu’on appelle communément l’asile, c’est-à-dire très concrètement le droit de résider à long terme en France avec sa famille, jusqu’à ce que les craintes en cas de retour dans le pays d’origine aient éventuellement cessé.

Ces décisions sont fondées en quasi-totalité non pas sur la Constitution mais sur la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou, lorsque celle-ci n’est pas applicable, sur la loi qui a institué la protection « subsidiaire » (c’est-à-dire subsidiaire à la protection conférée par la convention de Genève). Cette convention a été conclue dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin essentiellement de garantir les droits de personnes qui étaient déjà réfugiés. En effet, la portée de la convention de Genève telle qu’adoptée en 1951 était limitée aux personnes devenues des réfugiés par suite « [d’]événements survenus avant le 1er janvier 1951 » (notamment du fait de la Seconde Guerre mondiale et des événements qui ont suivi), les États signataires étant libres de limiter ces événements à ceux survenus « en Europe »3. En ce sens, il s’agissait surtout d’une gestion de stock et non de flux.

Par la suite, face au volume de personnes en situation analogue qui ne cessait d’augmenter dans le monde, particulièrement en Afrique, sans que leur situation ne soit couverte par une quelconque convention internationale, le Haut-Commissariat aux Réfugiés a proposé de généraliser la protection offerte par la convention de Genève, indépendamment des circonstances de lieu et d’époque. A ce titre, une quinzaine d’experts se sont rendus dans un colloque organisé au mois d’avril 1965 à Bellagio en Italie, d’où il est ressorti une proposition de protocole supprimant les réserves géographiques et temporelles de l’article premier de la Convention de Genève. Ce projet a été communiqué à l’Assemblée générale des Nations Unies, qui a enjoint les Etats membres d’y adhérer. L’enjeu était donc majeur puisque, comme le souligne l’auteur Maxime Guimard « le public éligible à la protection passe d’un ensemble connu et fini à un groupe virtuel et temporellement illimité. En outre, toute la population mondiale est désormais concernée »4.

Or, le même auteur dénonce, documents d’archive à l’appui, le « malentendu de Bellagio ». Selon le ministère des Affaires étrangères de l’époque « le nouveau texte ne porte pas atteinte au principe général selon lequel tout État est libre de déterminer les conditions d’entrée et de séjour sur son territoire », et « si les décisions du directeur de l’OFPRA peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel, l’expérience prouve que ces recours sont peu nombreux et que la décision initiale est rarement annulée ». De même, pour éviter toute embolie, il est convenu l’OFPRA devra fixer des conditions très strictes de reconnaissance de la qualité de réfugié, « de manière à écarter notamment les simples opposants à un gouvernement étranger ». Par ailleurs, le risque que la commission des recours adopte des critères plus larges ne concernerait que des cas individuels. Le ministère des Affaires étrangères met également en avant la crainte d’un isolement de la France en l’absence d’adhésion, et souligne par ailleurs que certains pays ayant adhéré n’accueillent pas, ou peu, de réfugiés. Enfin, selon lui, dans les régions d’Afrique et d’Extrême-Orient où la question de l’asile est la plus prégnante, celle-ci se pose sous la forme de problèmes de groupes, et non d’individus, dont la réinstallation ne peut être envisagée que dans les pays proches. En définitive, « Seuls un nombre limité d’intellectuels peuvent éventuellement demander asile à la France »5

Alors que l’enjeu de ce texte semble avoir échappé aux parlementaires, le protocole de New-York sera ainsi adopté le 31 janvier 19676, ce qui a eu pour effet de changer radicalement la portée de la convention de Genève puisqu’elle s’applique depuis lors à l’ensemble des événements quelle que soit leur date et – sauf pour les États qui avaient expressément maintenu un champ géographique restreint, au monde entier.

Sur le fond, la définition du réfugié retenue par la convention de Genève est déjà plus large que celle qui ressort du préambule de la Constitution de 1946 cité en introduction. Aux termes de l’article 1er, A, 2 de la Convention, bénéficie de la qualité de réfugié toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Toutes sortes de persécutions sont ainsi visées et pas seulement celles obéissant à des motifs politiques.

L’annexe méthodologique à la présente note comporte de plus amples précisions sur la définition juridique du réfugié. Relevons ici que les termes de la convention de Genève de 1951 ont donné lieu à une interprétation très extensive.

Ainsi, en France comme dans les autres pays occidentaux, au moins depuis la fin des années 1990, trois critères de la définition précitée ont fait l’objet d’une interprétation dite « dynamique et évolutive »7. Premièrement, la notion de persécutions a été étendue aux violences liées au genre et au sexe, telle la pratique de l’excision (mutilations génitales féminines). Deuxièmement, la notion de groupe social a été prise dans son acceptation la plus large, en s’attachant aux perceptions dont un groupe de personnes fait l’objet et en reconnaissant notamment que les femmes et les homosexuels sont susceptibles d’être considérés comme un groupe social persécuté. Troisièmement, la notion d’agents de persécution a elle aussi évolué puisque les persécutions peuvent émaner de groupes non étatiques ou de personnes privées lorsque l’État ne peut (ou ne veut) pas protéger effectivement les personnes persécutées.

Mentionnons ici, pour ne plus y revenir, que le statut d’apatride repose sur un fondement conventionnel distinct de la convention de Genève, à savoir la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. L’éligibilité au statut d’apatride en France8 n’est pas prise en compte dans la présente étude, qui s’est limitée à l’asile, dont la portée est nettement plus étendue.

1.2 La protection subsidiaire et la protection temporaire

Lorsque les demandeurs d’asile ne sont pas éligibles à la protection conventionnelle, ils peuvent demander à bénéficier de la protection subsidiaire, qui s’adresse en substance à des personnes qui, sans être victimes des persécutions énumérées par l’article 1er de la convention de Genève sont néanmoins exposés à des risques graves. La protection subsidiaire est aujourd’hui prévue par le droit de l’Union européenne mais avait été instituée de manière autonome par la France sous la forme de « l’asile territorial » en 1998, afin d’accorder l’asile à des personnes qui ne répondaient pas aux critères de la convention de Genève mais dont l’éloignement pouvait être contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

La protection subsidiaire est ainsi accordée « à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes : / 1° La peine de mort ou une exécution ; / 2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; / 3° S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. » (art. L512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA).

Cet étage supplémentaire de l’asile n’est pas marginal puisque, en 2023, 26,5 % des décisions positives d’admission à l’asile ont consenti la protection subsidiaire. C’est la protection subsidiaire dite de type 3 (PS 3) car fondée sur le 3° de l’article précité, en faveur des civils des pays en guerre, qui est la plus largement octroyée.

L’asile comporte enfin un troisième étage qui a reçu une seule application à la suite du conflit entre la Russie et l’Ukraine : la protection dite temporaire, qui est mise en œuvre par une décision du Conseil de l’Union européenne en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Cette procédure exceptionnelle permet de réagir de manière harmonisée au niveau européen à une situation d’urgence sans emboliser le système d’asile de droit commun. En 2022 et 2023, les États européens ont pris près de 5,4 millions de décisions de protection temporaire, dont environ 102 000 pour la France9.

1.3 Le droit d’asile, un droit régi par le droit de l’Union européenne

Comme l’illustre la protection temporaire, l’asile fait partie des politiques communes de l’Union européenne (UE). Aux termes de l’article 78 §1 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) : « L’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu’aux autres traités pertinents. »

Ces dispositions ne confèrent pas seulement à l’UE une compétence en matière d’asile mais  préemptent aussi l’orientation de cette politique commune puisqu’il s’agit d’assurer le principe de non-refoulement10, d’accorder l’asile aux étrangers qui le « nécessitent » (y compris lorsqu’ils ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugié) et de se conformer à la convention de Genève. Dès lors, concrètement, l’Union ne peut qu’aller au-delà de ce que prescrit cette convention et ne peut pas, sans méconnaître les traités, décider d’une politique plus restrictive.

Seul le §3 de l’article 78 du TFUE laisse une porte de sortie entrouverte dans la mesure où il prévoit la possibilité pour le Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, d’adopter des « mesures provisoires » dans le « cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers ». Pour l’heure, il n’a jamais été fait usage de ce garde-fou11.

En revanche, plusieurs textes ont été adoptés pour mettre en place un système européen commun d’asile, dont notamment une directive dite « qualification »12 et un règlement « procédure »13 qui fixent les normes (très exhaustives) de fond et de forme de la politique de l’asile que les Etats membres doivent respecter, ainsi que le fameux règlement dit Dublin qui définit quel État membre est compétent pour l’examen d’une demande d’asile14. Ainsi, les États membres ont peu de marges de manœuvre pour définir les règles du droit d’asile, si ce n’est pour adopter des mesures plus favorables. La législation française détaillée en annexe s’inscrit pleinement dans ce cadre.

En outre, les textes européens doivent être appliqués par les États membres dans l’interprétation qu’en retient la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Selon les questions dont elle est saisie, la Cour de Luxembourg peut aussi bien se prononcer sur des points fondamentaux15 que sur des aspects très précis des demandes d’asile16.

Si des États comme la Hongrie s’efforcent de résister à ce système international et européen de l’asile, ce n’est pas le cas de la France, dont les autorités politiques ont perdu le contrôle sur la politique de l’asile.

Du fait de ses fondements juridiques spécifiques, portés par des organismes spécialisés, l’asile apparaît à certains égards comme un système hors-sol, qui suit son propre chemin – pour ne pas dire qu’il dérive.

2.1 Des institutions spécialisées cultivant aujourd’hui une certaine proximité idéologique avec le monde associatif

2.1.1 L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

Il faut d’abord relever que, alors qu’aucun texte ni principe juridique ne nous y contraint, la France a fait le choix de confier la gestion du système d’asile à une forme d’agence – l’OPFRA, à laquelle la loi assure une indépendance fonctionnelle17. Le ministère de l’intérieur ne transmet ainsi aucune instruction à l’OFPRA, qui décide lui-même de sa politique de l’asile, sous la direction de son directeur général (nommé par le Président de la République) et selon les orientations arrêtées par son conseil d’administration. En pratique, le rôle du directeur général est décisif : Pascal Brice, nommé par le président Hollande en 2012, reconduit en 2015 mais non reconduit par le président Macron en 2018, s’est vanté d’avoir fait passer durant son mandat le taux de protection de l’Ofpra de 10 % à 27 %, en promouvant une application extensive du droit d’asile (selon ses termes : « le droit d’asile, rien que le droit d’asile, mais tout le droit d’asile »)18.

Quant au CA, si les représentants de l’État sont majoritaires en son sein, il comprend néanmoins aussi des « personnalités qualifiées », généralement issues ou proches du milieu des associations favorables à l’immigration, et le représentant du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Or le CA de l’OFPRA est doté de réelles prérogatives, dont celle de définir la liste des pays d’origine sûrs, dont les ressortissants suivent une procédure accélérée de demande d’asile (il existe en substance une présomption de ce que cette demande est infondée).

Par ses missions (limitées à l’asile et à l’apatridie), son positionnement et sa gouvernance, l’OFPRA apparaît comme un organisme dont rien ne garantit que son action s’inscrive dans la politique d’immigration du gouvernement. D’autres États ont fait des choix différents, en termes d’organisation mais aussi de compétences : l’Allemagne est ainsi dotée d’un office agissant sous l’autorité du ministère de l’intérieur et dont les compétences s’étendent à d’autres pans de l’immigration (dont la politique de retour des immigrants)19, l’office autrichien est rattaché directement au ministère de l’intérieur20. La commission italienne compétente pour l’asile21 est intégrée aux services du ministère de l’intérieur mais avec un fonctionnement spécifique décentralisé ; c’est le gouvernement italien qui conserve la prérogative d’établir la liste des pays d’origine sûrs, par décret – à noter que la liste italienne actuelle comporte 22 pays22, contre seulement 13 pour la France23.

2.1.2 La Cour nationale du droit d’asile (CNDA)

Les mêmes constats peuvent globalement être faits s’agissant de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction spécialisée dans le contentieux de l’asile : elle est saisie (quasi-systématiquement24) par les demandeurs déboutés par l’OFPRA, procède à un nouvel examen de la demande d’asile (la CNDA est juge de plein contentieux et non pas de l’excès de pouvoir) et ses décisions sont uniquement susceptibles d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (il n’existe donc pas de juge d’appel).

L’existence d’une juridiction spécialisée conduit à une certaine porosité entre son personnel et le monde associatif. Ainsi que l’avait relaté une rapporteure devant la CNDA par un témoignage circonstancié et précieux publié dans Dalloz Actualité25, les rapporteurs sont trop souvent loin de la neutralité qui s’impose aux collaborateurs d’une juridiction : « J’ai pu découvrir que de nombreuses personnes étaient, comme moi, désireuses d’aider les demandeurs d’asile. Certaines se sont même donné comme mission de sauver le plus de personnes possibles, influençant les décisions des juges pour bénéficier aux demandeurs d’asile ».

On pourrait en dire autant d’un certain nombre de membres des formations de jugement. On notera que si l’on a connaissance de la révocation d’un président de formation de jugement en raison d’un « doute sur son impartialité » du fait de publications jugées hétérodoxes sur les réseaux sociaux26, jamais une telle rigueur n’a été constatée à l’égard des présidents ou assesseurs, pourtant nombreux, ayant pris position dans le débat public en faveur d’une politique plus généreuse de l’asile, parfois dans un contexte politique ou associatif (critiques envers la loi asile et immigration27 par exemple et envers la politique gouvernementale de manière générale) – il est vrai que ni l’OFPRA ni a fortiori les avocats des demandeurs d’asile ne demandent leur récusation. Ce déséquilibre conduit probablement à une bénévolence excessive dans la pratique de la Cour.

Le point le plus critique dans la composition des formations de jugement collégiales est la participation d’un membre (sur trois) nommé sur proposition du représentant en France du HCR. Censée être un gage d’expertise, la présence d’un « assesseur HCR », prompt à relayer les positions maximalistes du HCR, dans des formations de jugement qui ont pour devoir de rendre la justice au nom du peuple français, s’apparente à une forme d’ingérence dans la juridiction française28. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, a apporté une réponse partielle à cette anomalie : sans remettre en cause l’existence des assesseurs HCR, elle a fait du juge unique (qui est toujours un magistrat) la formation de jugement de droit commun. Il est trop tôt pour apprécier les effets de cette réforme, qui n’est entrée en vigueur qu’avec son décret d’application du 8 juillet 202429.

2.2 L’asile interne encore trop ignoré tant par l’OFPRA que par la CNDA

Un dysfonctionnement est à déplorer dans la mise en œuvre du droit d’asile, du fait certes de contraintes juridiques et pratiques mais aussi en raison d’un parti-pris délibéré : l’OFPRA et la CNDA ne font qu’une application aléatoire de la clause dite de « l’asile interne ».

Théoriquement, le bénéfice de la protection conventionnelle comme de la protection subsidiaire est refusé lorsque le demandeur pourrait s’établir en sécurité dans une autre partie du territoire de son pays d’origine (art. L. 513-5 du CESEDA). Ainsi, lorsque les menaces dont se prévaut un demandeur ne sont avérées que dans une partie de son pays d’origine alors qu’il peut échapper à ces menaces en s’installant dans une autre partie de ce pays, il jouit de fait d’une possibilité d’asile interne et il n’est donc pas fondé à solliciter l’asile dans un autre pays que le sien.

Sans entrer dans le détail des conditions d’application de cette disposition, nous relèverons que, selon les textes actuels (ou selon leur interprétation), les autorités chargées de l’asile ont la faculté d’opposer l’asile interne mais pas l’obligation30. Autrement dit, il ne tient qu’à l’OFPRA et à la CNDA de faire une application sérieuse et systématique de l’une des rares dispositions juridiques qui permet de restreindre – à juste titre – le droit d’asile. Or cette application est aujourd’hui bien trop rare31. L’OFPRA et la CNDA ont certes des circonstances atténuantes : examiner la clause d’asile interne induit une charge de travail supplémentaire, des contraintes procédurales et un risque juridique de plus32. Cependant, selon nos informations, cette pratique procède largement d’une décision en opportunité pour ne pas atténuer la portée du droit d’asile.

L’enjeu de l’asile interne n’est pas du tout anecdotique, notamment en ce qui concerne les demandes motivées par des craintes à l’égard d’acteurs non étatiques ou encore pour les demandeurs issus de pays multiethniques ou fédéraux. A dire d’expert, on peut par exemple estimer qu’au moins 90 % des décisions d’asile en faveur de Bangladais tomberaient si l’asile interne leur était opposé, dans la mesure où les persécutions ou violences invoquées sont dans la très grande majorité inscrites dans un contexte local33.

2.3 Les cessations de protection

Le bénéficiaire d’une protection internationale n’a le droit au maintien du bénéfice de cette protection que tant qu’il remplit encore les conditions de l’asile. Si, à la suite d’un changement de circonstance significatif et durable dans son pays d’origine, les craintes du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ne peuvent plus être considérées comme fondées, il revient à l’OFPRA de mettre fin au bénéfice de cette protection34. Des cessations de protection doivent également intervenir s’il apparaît que le bénéficiaire aurait dû être exclu de la protection ou l’a obtenu par fraude, ou encore pour des raisons d’ordre public.

Or, une fois attribuée, une protection internationale est rarement remise en cause par l’OFPRA, sauf cas particulier (bénéficiaires représentant une menace grave pour la sûreté de l’État ou la société française et signalés à ce titre par le ministère de l’intérieur). En 2023, l’OFPRA n’a pris que 826 décisions de fin de protection (soit 0,14 % des personnes placées sous la protection de l’OFPRA), essentiellement pour des raisons d’ordre public ou parce que les personnes intéressées se sont « volontairement à nouveau réclamées de la protection du pays dont elles ont la nationalité ». En pratique, les changements de circonstances dans les pays d’origine ne conduisent pas à reconsidérer le bénéfice de l’asile des personnes intéressées.

2.4 Illustrations par la jurisprudence

Pour illustrer notre pratique de l’asile, on peut se référer à quelques données générales : les demandeurs qui sollicitent l’asile en France ont, compte tenu de la possibilité de former un recours devant la CNDA en cas d’échec devant l’OFPRA, près d’une chance sur deux d’obtenir l’asile. En effet, en combinant le taux de protection de l’OFPRA (32,9 %), le taux de recours devant la CNDA (88 %) et le taux d’admission des recours par la CNDA (20,5 %), le taux synthétique de protection s’est élevé en 2023 à 45 %35. Ces données, bien qu’élevées, sont en-deçà de la moyenne européenne, le taux de protection moyen de l’UE étant de 41,6 % en première instance et de 19 % en seconde instance36. Ces éléments chiffrés tendent à démontrer que les critères de l’asile sont extrêmement larges.

Au-delà de ces données générales, nous souhaitons étayer notre propos par quelques résumés de décisions de la CNDA37, non exhaustives, qui permettront au lecteur d’avoir une vision plus circonstanciée de la réalité de notre politique de l’asile.

A ce titre, la notion de « groupe social » protégé sera plus particulièrement examinée. Le Conseil d’Etat en a donné une première définition en 1997 (CE, 23 juin 1997, O, no 171858) avant que l’Union européenne ne prenne le relai, dernièrement avec la « directive qualification »38. Ainsi, selon celle-ci, un groupe social se caractérise par deux conditions (article 10) :

  • Le partage par les membres du groupe « d’une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou d’une caractéristique si essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’y renoncer » ;
  • Une « identité propre » dudit groupe dans le pays en question « parce qu’il est perçu comme étant different par la société environnante ».

Cependant, le caractère cumulatif et non alternatif de ces deux conditions, qui restreint de fait le champ d’application de cette notion de « groupe social », est contesté à la fois par le Haut Commissariat aux Réfugiés et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme39.

2.4.1 Le groupe social des femmes afghanes

L’ensemble des femmes afghanes qui refusent de subir les mesures prises à leur encontre par les talibans peuvent obtenir le statut de réfugiée du fait de leur appartenance au groupe social des femmes et des jeunes filles afghanes (CNDA, GF, 11 juillet 2024, Mme O., n° 24014128 R). Par la suite, la Cour de Justice de l’Union européenne est allée plus loin en affirmant que « la situation des femmes sous le nouveau régime des Talibans justifiait, à elle seule, de leur reconnaître le statut de réfugié ». Ainsi, selon elle « il n’est actuellement pas nécessaire d’établir, lors de l’examen individuel de la situation d’une demanderesse de protection internationale, que celle-ci risque effectivement et spécifiquement de faire l’objet d’actes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, dès lors que les éléments relatifs à son statut individuel, tels que sa nationalité ou son sexe, sont établis » (CJUE, affaires jointes C-608/22 et C-609/22 du 4 octobre 2024).

2.4.2 Le groupe social des femmes irakiennes entendant se soustraire à un mariage imposé

La CNDA reconnaît l’existence du groupe social des femmes irakiennes qui refusent de se soumettre à un mariage imposé ou tentent de s’y soustraire, dans une population au sein de laquelle cette pratique du mariage imposé constitue une norme sociale, et leur octroie la protection conventionnelle (CNDA 21 juin 2022 Mme S. épouse N. n°20002635 C).

2.4.3 Le groupe social des femmes musulmanes sri-lankaises menacées d’excision

L’excision s’apparente, au sein de la communauté musulmane au Sri Lanka, à une norme sociale et les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens de la convention de Genève. Les enfants et femmes exposées à ces menaces d’excision peuvent se prévaloir de la qualité de réfugié (CNDA 5 avril 2024 Mme N. n° 23054482 C+).

2.4.4 Le groupe social des femmes originaires des États d’Edo et du Delta (Nigéria) victimes d’un réseau de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et parvenues à s’en extraire

Bénéficient de la protection conventionnelle les ex-prostituées nigérianes issues des États d’Edo ou du Delta menacées de persécutions pour s’être extraites du réseau de traite des êtres humains dans le cadre duquel elles avaient été soumises à la cérémonie du « juju » (CE 16 octobre 2019 Mme A. n° 418328 ; CNDA 24 février 2020 Mme O. n°19017840 C+).

2.4.5 Le groupe social des homosexuels birmans, kosovars, congolais, togolais …

Les personnes homosexuelles constituent en Birmanie un groupe social exposé à des persécutions de la part tant des autorités que de la société birmane et sont fondés à se prévaloir de la qualité de réfugié (CNDA 15 novembre 2023 M. A. n° 23022677 C+).

Il en est de même pour de nombreux autres ressortissants homosexuels dans le monde, notamment les homosexuels kosovars (CNDA, 6 avril 2009, 616907, K), congolais (CNDA 13 mai 2022 M. M. n°22000728 C) et plus récemment togolais (CNDA, 17 juillet 2024, M. N, n° 24008057 C).

2.4.6 Les personnes d’ethnie tigréenne exposées en Ethiopie à des persécutions en raison des opinions politiques qui leur sont imputées

Les personnes d’origine tigréenne sont exposées à des persécutions en raison des opinions politiques qui pourraient leur être imputées par les autorités éthiopiennes en faveur des rebelles tigréens et peuvent donc prétendre à la qualité de réfugié (CNDA 3 décembre 2021 Mme D. n° 17051846 C).

2.4.7 Un Somalien orphelin de naissance exposé à des persécutions du fait d’une absence d’appartenance clanique

Un Somalien orphelin de naissance et ignorant son appartenance clanique de naissance est exposé à des représailles du fait « de sa situation d’orphelin de naissance sans rattachement clanique établi » de la part des membres de sa belle-famille, qu’il a trompés pour se voir accorder une des leurs en mariage, sans pouvoir utilement se prévaloir de la protection des autorités somaliennes (CNDA 20 mars 2019 M. Y. n° 17044999 C)40

2.4.8 La situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle au Darfour (Soudan)

De même qu’au Darfour Sud, au Darfour Ouest et au Darfour Nord, le Darfour Central connaît une « violence aveugle d’intensité exceptionnelle » de sorte que les civils originaires de cet Etat doivent bénéficier de la protection subsidiaire (CNDA 20 mars 2024 M. I. n° 23057457 C+).

2.4.9 La situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle à Haïti en raison des conflits entre gangs

Les affrontements opposant en Haïti les groupes criminels armés rivaux entre eux et ces groupes à la Police nationale haïtienne, voire aux groupes d’autodéfense, doivent, eu égard au niveau d’organisation de ces groupes criminels, à la durée du conflit, à l’étendue géographique de la situation de violence et à l’agression intentionnelle des civils, être regardés comme caractérisant un conflit armé interne. Cette violence atteint à Port-au-Prince ainsi que dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite un niveau d’intensité exceptionnelle, justifiant l’octroi de la protection subsidiaire. En l’espèce, si le requérant ne justifie pas devoir rejoindre ces régions, ses troubles physiques et psychiatriques présentent des « éléments d’individualisation suffisants » pour qu’il prétende à la protection subsidiaire (CNDA Grande Formation 5 décembre 2023 M. A. n°23035187 R).

2.4.10 Octroi de la protection subsidiaire dans un contexte de violence aveugle de basse intensité au Mali

Le Centre et le Nord du Mali connaissent une situation de violence aveugle de « basse intensité ». En l’espèce, eu égard aux éléments propres à la situation personnelle du requérant (isolement familial, jeune âge, absence de ressources liée à la destruction de son commerce), ce dernier est regardé comme étant personnellement exposé, en cas de retour, à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne (CNDA 24 juillet 2018 M. K. n° 17043779 C).

2.4.11 Une ressortissante de République Démocratique du Congo menacée par un réseau de prostitution nigérian bénéficie de la protection subsidiaire

Une Congolaise s’étant soustraite à un réseau de prostitution d’origine nigériane, qui l’avait contrainte de se prostituer au Nigéria et à Chypre Nord, serait exposée en cas de retour dans son pays d’origine (la RDC) à des atteintes graves de la part de ce réseau, sans pouvoir bénéficier d’une protection effective des autorités, compte tenu de son isolement et de sa vulnérabilité dans son pays d’origine. Pour autant, elle n’appartient à aucun groupe social (CNDA 12 septembre 2023 Mme S. n°22059173 C).

2.4.12 Les esclaves et anciens esclaves au Niger et en Mauritanie

Selon la CNDA, les esclaves et anciens esclaves constituent aux yeux de la société nigérienne un groupe social au sens de l’article 1er A2 de la convention de Genève (CNDA 4 juillet 2017 M. I. n°16014605 C).

De même, les personnes s’étant extraites ou tentant de s’extraire de leur situation d’esclavage peuvent être regardées par une partie de la société mauritanienne comme ayant un comportement transgressif à l’égard des coutumes et constituent ainsi, en Mauritanie, un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève (CNDA 10 avril 2018 M.T. n°1703586).

2.4.13 Les personnes atteintes d’albinisme au Nigéria

Selon la CNDA, les personnes atteintes d’albinisme, qui présentent une caractéristique innée, doivent être regardées, au Nigeria, comme constituant un certain groupe social en raison du regard que porte sur elles la société environnante, sans que les institutions soient en mesure de leur assurer une protection effective (CNDA 13 février 2017 M. E. n° 16017097 C).

2.5 Un droit d’asile qui fait fi de notre capacité d’accueil

2.5.1 Une absence de limite quantitative

Le droit d’asile tel que nous venons de l’illustrer n’est soumis à aucune limite quantitative, ni globale ni par pays, ni en flux ni en stock. Dès lors qu’un individu entre dans les critères de l’asile et qu’il parvient à déposer une demande – ce qui suppose généralement de parvenir sur le territoire français, il bénéficiera de l’asile.

La loi ne prévoit aucun garde-fou permettant d’opposer à une demande dépassant nos capacités d’absorption un refus motivé par des considérations d’opportunité. Même pendant la période de confinement et de fermeture des frontières en raison du Covid-19, le Conseil d’État avait enjoint au gouvernement de rétablir l’enregistrement des demandes d’asile…41

Le droit de l’UE est un peu plus prévoyant puisque, ainsi que nous l’avons vu, l’article 78, §3, du TFUE autorise le Conseil de l’UE à adopter des mesures provisoires en situation d’urgence. Encore agirait-il sous le contrôle de la CJUE, qui ne manquerait pas de contrôler que les mesures prises sont justifiées et proportionnées. Sur le fondement de l’article 78, §2, du TFUE, le Conseil a récemment adopté, dans le cadre du pacte de l’UE pour la migration et l’asile, un règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure42 mais qui tend globalement plutôt à répartir entre États membres la charge liée à un afflux de demandeurs d’asile et à accorder des dérogations procédurales, sans pour autant déroger au principe de l’asile.

2.5.2 Conséquence : environ 580 millions de personnes éligibles à l’asile en France

Du fait de cette absence de limite quantitative, la France, comme d’autres pays, est exposée au risque d’être littéralement submergée par des demandes d’asile qu’elle serait contrainte d’accepter. Nous avons cherché à évaluer le nombre de personnes qui, compte tenu de leur situation, d’une part, et de nos critères de l’asile, d’autre part, sont éligibles à la protection conventionnelle, subsidiaire ou temporaire en France.

Le résultat donne la mesure du caractère incontrôlable du système d’asile français et européen : selon des hypothèses prudentes, nous estimons à environ 580 millions le nombre de personnes qui pourraient prétendre à l’asile en France si elles étaient en mesure d’y déposer une demande43. Soit quelque 7 % de la population mondiale. Une étude britannique récente a abouti à un ordre de grandeur similaire (730 millions de personnes éligibles à l’asile au Royaume-Uni)44.

En réalité, à l’heure actuelle, la seule manière de réguler l’asile est de faire obstacle aux flux migratoires de manière à éviter que les personnes éligibles à l’asile viennent déposer une demande auprès de l’administration française. Or, comme nous l’avons vu dans une précédente note, les contraintes juridiques actuelles tendent à nous désarmer dans la protection de nos frontières45.

En ce sens, les mesures du pacte sur la migration et l’asile adopté au printemps 2024 n’apportent aucun remède suffisant. Par exemple, le règlement sur le filtrage46 qui permet d’examiner les demandes d’asile à la frontière devrait permettre de réduire le nombre de déboutés du droit d’asile qui demeurent en Europe mais reste sans effet sur les demandeurs qui peuvent prétendre à l’asile.

Dans les faits, l’asile est déjà un phénomène de masse : les demandes d’asile s’installent à un niveau très élevé (plus de 124 000 premières demandes d’asile en France en 2023) ; la France protège près de 600 000 personnes au titre de l’asile (hors bénéficiaires de la réunification familiale et de la protection temporaire) – nombre qui augmente mécaniquement d’année en année. Certains pays ont une proportion de leur population bénéficiant de l’asile en France (sans compter les autres pays d’accueil) déjà significative : 0,59 % pour le Kosovo, 0,42 % pour l’Albanie, 0,35 % pour l’Érythrée, 0,25 % pour les Comores…47

Nous ne disposons pas du même degré de précision dans les données à l’échelle européenne mais les chiffres sont naturellement beaucoup plus importants : en 2023, le nombre total de premières demandes d’asile dans l’UE27 a ainsi à nouveau dépassé le million (1,050 M) – presque autant qu’en 2015 et 2016 pendant la « crise des migrants », ce qui tend à démontrer que nous sommes bien en situation de crise, et plus de 7 fois le chiffre français48.

Dans un premier temps, nous formulons ci-après quelques propositions afin que de mieux contrôler la politique de l’asile (3.1). Toutefois, le système actuel de l’asile n’étant pas viable, nous sommes convaincus qu’il faut en sortir (3.2).

3.1 A minima, améliorer le contrôle sur les orientations et la mise en œuvre de la politique de l’asile

Proposition 1 : Transformer l’OFPRA en service du ministère de l’intérieur

L’OFPRA doit être placé sous l’autorité du ministre chargé de l’immigration, c’est-à-dire du ministre de l’Intérieur, de manière à assurer la cohérence entre la politique de l’asile et la politique de l’immigration, la première étant une composante de la seconde. D’établissement public, l’OFPRA deviendrait une simple administration du ministère de l’intérieur et serait piloté par son administration centrale (direction générale des étrangers en France).

Proposition 2 : Rendre la compétence de la définition des pays tiers sûrs au gouvernement

La liste des pays tiers sûrs doit être définie non plus par le conseil d’administration de l’OFPRA mais par décret sur le rapport conjoint du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Intérieur (modification des articles L. 121-13 et L. 531-25 du CESEDA).

Proposition 3 : Supprimer la CNDA et confier le contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs

Le juge administratif de droit commun (tribunaux administratifs en première instance et cours administratives d’appel en seconde instance) est compétent pour connaître de l’ensemble des litiges relatifs aux droits des étrangers, qui représentent 40 % de l’activité des TA, à l’exception du contentieux de l’asile.  Lui confier ce contentieux (sans ouvrir la voie de l’appel, qui n’existe pas aujourd’hui pour les décisions de la CNDA) permettrait de supprimer la CNDA, dont nous avons souligné certains défauts, et d’ouvrir la voie à de nouvelles simplifications et synergies en contentieux des étrangers49. Symboliquement, combinée à la proposition 1 ci-dessus, la suppression de la juridiction spécialisée dans le droit d’asile marquerait l’intégration de l’asile comme composante à part entière de la politique migratoire.

Dans tous les cas, il faut retirer au HCR toute compétence dans la désignation des juges de l’asile et mettre fin au système des « assesseurs HCR ».

La création au 1er septembre 2024 de chambres territoriales de la CNDA et le principe du juge unique évoqué plus haut peuvent d’ailleurs être vus comme étant une première étape allant dans le sens d’une normalisation du juge de l’asile au sein de la juridiction administrative. Il est opportun d’aller plus loin, même s’il est possible d’envisager des solutions intermédiaires (attribution du contentieux de l’asile à certains TA ou CAA, sur un ressort géographique étendu).

Proposition 4 : Rendre obligatoire la vérification de la clause d’asile interne

Il doit être dans l’office de l’administration et du juge de l’asile de vérifier systématiquement et obligatoirement, sous peine de nullité de la décision octroyant l’asile, si le demandeur ne peut pas bénéficier de l’asile interne. Sur le plan procédural, il ne serait plus nécessaire au juge de l’asile d’informer préalablement le demandeur lorsqu’il envisage de faire application de l’asile interne.

Les conditions légales de l’asile interne devraient parallèlement être allégées : il devrait seulement revenir à l’administration ou au juge de vérifier que les persécutions ou craintes du demandeur, lorsqu’elles sont établies, sont valables sur l’ensemble du territoire de son pays d’origine ; à défaut de quoi il serait présumé que le demandeur est en mesure de s’établir en sécurité dans une partie du territoire de ce pays, sauf démonstration contraire de sa part.

Proposition 5 : Rejeter toute demande d’asile émanant d’un demandeur qui a déjà essuyé un refus dans un autre État membre

L’harmonisation européenne de la politique de l’asile vise entre autres à éviter les flux secondaires dont la France notamment est victime50 : les demandeurs déboutés dans un État retentent leur chance dans un autre État, où leur demande peut être traitée faute d’avoir identifié qu’une première demande a déjà été écartée précédemment, parce que le règlement Dublin n’est pas toujours mis en œuvre ou ne peut plus l’être ou bien encore par pure opportunité.

Or il semble matériellement et juridiquement possible de refuser d’enregistrer (et donc de prendre en charge) un demandeur d’asile dont un autre État membre a déjà récemment rejeté une demande d’asile : cette règle pourrait être prévue par la loi, sans que la Constitution ne s’y oppose51, pas plus que le droit de l’Union52.

Dans le cas où la France serait malgré tout tenue d’enregistrer une demande d’asile d’un demandeur déjà débouté53, la demande devrait systématiquement être placée en procédure accélérée et dans la mesure du possible être accompagnée d’un placement en rétention administrative.

Proposition 6 : Mettre en place une politique active de cessation de protection

Une fois l’asile accordée, une révision périodique des dossiers devrait être menée par l’OFPRA (ou l’administration qui lui succéderait) pour s’assurer que les bénéficiaires peuvent encore prétendre au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire. D’une part, cette révision devrait concerner en priorité les pays connaissant un changement politique ou autre susceptible de conduire à mettre fin à la protection de certains de leurs ressortissants. D’autre part, une surveillance plus active des déplacements internationaux des bénéficiaires de l’asile apparaît nécessaire pour détecter ceux qui séjournent dans leur pays d’origine et dont les craintes ne sont donc manifestement pas ou plus fondées.

Proposition 7 : Mieux protéger nos frontières, sans faciliter la demande d’asile aux frontières

En l’état du droit, la solution la plus efficace pour maîtriser le nombre de bénéficiaires de la protection internationale et d’agir à la racine en maîtrisant les flux migratoires. Sur ce point, nous renvoyons à notre note déjà citée sur la problématique du refoulement aux frontières : il est notamment nécessaire de rendre les frontières extérieures de l’Union plus étanches et de coopérer avec les pays de départ.

En revanche, l’idée régulièrement avancée de faire déposer les demandes d’asile dans le pays d’origine doit être absolument écartée puisqu’une telle mesure aurait pour effet d’accroître la demande effective de protection internationale adressée à la France et, mécaniquement, le nombre de bénéficiaires de cette protection. En effet, les personnes éligibles à l’asile seraient plus nombreuses à pouvoir former une demande.

Proposition 8 : Rendre le statut de demandeur d’asile moins attractif

Pour dissuader les demandeurs d’asile, il est également possible de jouer sur leurs conditions d’accueil, en les rendant moins attractives.

C’est notamment le sens du projet britannique (avorté) de délocaliser les demandeurs d’asile au Rwanda dans le cadre d’un accord bilatéral. Si l’Italie s’est engagée dans cette voie avec l’Albanie, cette stratégie de délocalisation est contestée sur le plan juridique, au regard notamment du droit de l’Union54. Cette difficulté juridique pourrait être résolue en adaptant le droit de l’Union ; l’UE elle-même pourrait conclure des accords de relocalisation avec des pays tiers.

Alternativement, compte tenu de cette contrainte juridique, il serait possible de créer des centres de demandeurs d’asile sur le territoire national mais dans des zones moins attractives, sans possibilité d’accéder au reste du territoire national. Une expérimentation en ce sens pourrait être envisagée en Guyane où la demande d’asile est déjà nombreuse, en y ajoutant éventuellement les demandes déposées dans les autres départements et territoires français d’Amérique.

De même, à l’instar de l’Allemagne, il pourrait être envisager de supprimer les aides pour les demandeurs d’asile qui sont préalablement entrés dans un autre pays européen.

Proposition 9 : Refuser toute extension de l’asile aux « réfugiés climatiques »

Il n’existe actuellement pas de fondement textuel, que ce soit dans la convention de Genève, les directives européennes ou en droit national, pour accorder l’asile à des populations qui invoqueraient un changement climatique. Pour autant, on perçoit une tentation dans le milieu de l’asile pour créer des « réfugiés climatiques »55. Eu égard à la créativité de la jurisprudence, il n’est d’ailleurs pas impossible qu’un fondement juridique soit découvert par une administration ou un juge dans la protection subsidiaire ou la protection temporaire.

Il est dès lors nécessaire que les autorités politiques nationales, européennes voire internationales affirment clairement que l’asile ne saurait être accordé pour un motif climatique. Une déclaration du Conseil européen par exemple aurait un certain poids.

3.2 Pour une refonte totale de la politique de l’asile

Les mesures énumérées ci-dessus ne permettraient pas de refonder totalement la politique française de l’asile, qui continuerait à s’inscrire dans la convention de Genève et dans les textes européens qui sont venues la prolonger et l’amplifier. Nous sommes convaincus que les risques considérables que font supporter ces textes à la France justifient des mesures plus radicales.

Proposition 10 : Dénoncer la convention de Genève, abroger la protection subsidiaire et refonder un nouveau régime de l’asile discrétionnaire

La dénonciation de la convention de Genève – ou, ce qui reviendrait au même, du protocole de New-York, mettrait fin à la protection conventionnelle, à tout le moins pour l’avenir56.

Dénoncer une convention internationale et en soi un acte politique insusceptible de recours, qui est en l’occurrence de la compétence du Président de la République57.

La convention de Genève et le protocole de New-York prévoient tous deux un préavis d’un an pour leur résiliation58. Toutefois, pour éviter tout effet d’appel d’air pendant cette période, il pourrait être opportun de suspendre immédiatement l’application de la convention de Genève.

Dans le même mouvement, la protection subsidiaire devrait être également être abrogée, ce qui suppose l’adoption d’une loi.

Parallèlement, un nouveau régime de l’asile pourrait être institué, qui se bornerait à mettre en œuvre l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946, accordant à cette fin au ministre de l’Intérieur une compétence discrétionnaire pour accorder l’asile.

Ces actions soulèvent toutefois une problématique sérieuse de compatibilité avec le droit de l’UE. Il faudrait donc aller plus loin.

Proposition 11 : Négocier un « opt-out » de la politique européenne de l’asile

Dès lors que la France aurait dénoncé la convention de Genève, on pourrait estimer que les dispositions du TFUE relatives à l’asile perdent leur objet en ce qui concerne la France et ne lui sont donc plus applicables, mais il n’est pas certain que les institutions européennes (notamment la Commission et la Cour de justice) suivraient cette argumentation.

Aussi le Conseil européen pourrait-il être sollicité en vue d’adopter une déclaration formalisant cette interprétation du traité. Néanmoins, d’un point de vue juridique, la solution la plus solide serait d’adopter un nouveau protocole au TFUE pour exclure expressément la France – et le cas échéant les autres pays qui dénonceraient la convention de Genève – du champ d’application du droit européen de l’asile.

Conclue en 1951 à la suite de la Seconde Guerre mondiale et des mouvements de population qui ont suivi, la convention de Genève a acquis une portée éminemment plus importante aujourd’hui dans un monde marqué par un déséquilibre démographique entre Nord et Sud et d’intenses mouvements de population. A bien des égards, au fur et à mesure de l’extension de la notion d’asile, la convention de Genève et les autres textes applicables en la matière sont venus créer une forme de droit opposable à la migration.

Au regard des risques que recèlent l’asile pour un pays comme la France, susceptible d’être juridiquement contraint d’accueillir sans limite des dizaines de millions de ressortissants de pays tiers pour peu qu’ils présentent une demande d’asile, il est urgent de reprendre le contrôle de ce qui apparaît aujourd’hui comme une voie d’immigration massive et incontrôlable.

  • Philippe FONTANA, La vérité sur le droit d’asile, éditions de l’Observatoire, 10 mai 2018
  • Maxime GUIMARD, Petit traité sur l’immigration irrégulière, éditions du Cerf, 11 janvier 2024
  • Pascal BRICE, Sur le fil de l’asile, éditions Fayard, 13 février 2019
  • OID (note), « Sauver Schengen. Face à l’urgence : la nécessaire réforme », juin 2024 : https://observatoire-immigration.fr/sauver-schengen/

1.1 Objet de l’étude

La présente étude livre une estimation du nombre de personnes éligibles à l’asile en France en l’état du droit applicable, tel qu’interprété par les organes administratifs et juridictionnels compétents, notamment l’OFPRA et la CNDA.

L’éligibilité s’entend du respect des critères de fond définis au titre I « Conditions d’octroi de l’asile » du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), en ce qui concerne soit le statut de réfugié (chapitre I), soit la protection subsidiaire (chapitre II). L’éligibilité à la protection temporaire (cf. infra) est également retenue. Il n’est pas tenu compte de la possibilité pour ces personnes de déposer effectivement une demande d’asile auprès des autorités françaises ni des aspects procéduraux (délais, conditions de forme, règles de compétence entre États membres de l’UE…).

L’objectif est ainsi d’évaluer le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants ayant droit à l’asile en France, dans l’hypothèse où ils seraient en mesure d’y déposer une demande, toutes conditions de forme étant remplies. Il n’est pas soutenu que l’ensemble de ces personnes viendront effectivement demander l’asile en France, des raisons variées pouvant y faire obstacle (difficultés pour déposer une telle demande auprès des autorités françaises, possibilité de demander l’asile auprès d’un autre pays, absence de volonté de s’exiler, méconnaissance du droit d’asile…).

Ces estimations ont été réalisée avant les évènements de décembre 2024 survenus en Syrie – sous réserve de leurs éventuelles implications en matière d’éligibilité à l’asile.

1.2 Critères de l’asile

Il convient préalablement de rappeler les critères permettant d’obtenir la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire. Le cas particulier de la protection temporaire actuellement applicable à l’Ukraine doit également être pris en compte.

1.2.1 Qualité de réfugié

Aux termes de l’article L. 511-1 CESEDA :

« La qualité de réfugié est reconnue :

1° A toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ;

2° A toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu’adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ;

3° A toute personne qui répond aux définitions de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. »

Le 1° renvoie à l’asile constitutionnel, fondé sur le Préambule de la Constitution du 27 octobre 194659. Cette voie d’accès à l’asile est statistiquement négligeable60, dès lors que ce type de persécutions est couvert par la Convention de Genève, qui est généralement invoquée et appliquée en premier lieu.

Le 2° ouvre droit à l’asile à toute personne déjà placée sous la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). En pratique, sont concernés les réfugiés palestiniens protégés par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) : fin 2023, l’UNRWA exerçait son mandat sur 5 973 022 réfugiés dans les Territoires palestiniens et les pays voisins (Jordanie, Syrie, Liban)61. Ce dernier nombre est retenu dans la présente étude comme le nombre de Palestiniens éligibles à l’asile.

Le 3° correspond à l’application de la convention de Genève, applicable pour différents motifs énoncés par l’article 1er, A, 2 : bénéficie de la qualité de réfugié toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

C’est en évaluant, pour un pays donné, le nombre de personnes exposées à des persécutions pour l’un ou l’autre de ces différents motifs que l’on peut estimer le nombre de personnes éligibles à l’asile.

Comme l’explicite la loi, ces motifs doivent être appréciés dans les conditions prévues par le droit de l’Union62 (art. L. 511-2), la notion de « groupe social » inclut « les aspects liés au sexe, à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle » (art. L. 511-3) et il est indifférent que le demandeur d’asile « possède effectivement les caractéristiques liées au motif de persécution ou que ces caractéristiques lui soient seulement attribuées par l’auteur des persécutions » (art. L. 511-5).

Enfin, indépendamment de la qualité de réfugié, sont exclus du statut de réfugié certaines personnes relevant de la clause d’exclusion de la convention de Genève, notamment les auteurs de crimes de guerre ou de crimes graves de droit commun et les personnes s’étant « rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies » (art. 1er, F), ou exclus par la loi, en cas de menace grave pour la sûreté de l’État ou, s’agissant des terroristes, pour la société française (art. L. 511-7). Ces situations d’exclusion sont en règle générale assez faibles numériquement. En outre, elles ne remettent pas en cause la qualité de réfugié mais seulement le statut de réfugié, de sorte que ces personnes exclues jouissent néanmoins de certains droits et ne sont généralement pas expulsables63.

1.2.2 Protection subsidiaire

Aux termes de l’article L. 512-1 CESEDA :

« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :

1° La peine de mort ou une exécution ;

2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

3° S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. »

La loi énumère ainsi trois sous-catégories pour la protection subsidiaire, qui sont dites respectivement de type 1, 2 et 3, par référence aux subdivisions de l’article de loi précité.

La protection subsidiaire de type 1 (risque de peine de mort ou d’exécution) ou 2 (risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants) est accordée lorsque le demandeur ne peut pas bénéficier de la protection conventionnelle, encourt les risques décrits et n’entre par ailleurs pas dans une des causes d’exclusion de la protection subsidiaire.

Les causes d’exclusion de la protection subsidiaire sont un peu plus étendues que pour la qualité de réfugié puisqu’elles incluent la commission par le demandeur de tout crime passible d’une peine de prison lorsque ce dernier n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper aux sanctions en résultant (art. L. 512-2). Encore la condamnation ou la poursuite pour un crime est-elle ignorée lorsqu’elle est considérée comme fallacieuse et qu’elle caractérise justement les persécutions ou craintes du demandeur. Il est ainsi rare que l’exclusion soit retenue.

Les craintes prises en compte sont assez larges puisqu’elles peuvent résulter de tout acteur non étatique, lorsque les autorités du pays ne sont pas en mesure de garantir leur protection (L. 513-2). En particulier, la protection subsidiaire de type 2 (PS 2) s’étend ainsi aux craintes liées à des conflits de nature privée (litiges familiaux, conflits de voisinage, violences diverses).

C’est cependant la protection subsidiaire de type 3 (PS 3) qui est la plus fréquemment appliquée, puisqu’elle vise la population civile des pays ou portions de pays en guerre (conflit armé international ou également interne), cette population étant alors en but à une violence dite aveugle. Dans cette configuration, l’OFPRA ou la CNDA apprécie le degré de violence aveugle à laquelle sont exposés les civils : lorsqu’elle est d’intensité exceptionnelle, tout civil a droit à la protection subsidiaire ; lorsqu’elle est moindre, il convient de se livrer à une appréciation individuelle de la vulnérabilité du demandeur, différentes circonstances pouvant être retenues pour accorder la PS 3 (isolement, jeunesse, vieillesse, sexe, statut social, appartenance à une minorité…)64.

Par ailleurs, le bénéfice de la protection conventionnelle comme de la protection subsidiaire est théoriquement refusé lorsque le demandeur pourrait s’établir en sécurité dans une autre partie du territoire de son pays d’origine : on parle d’asile interne (art. L. 513-5). Celui-ci est toutefois rarement retenu du fait des conditions de fond et de procédure et de la pratique tant de l’OFPRA que de la CNDA. L’asile interne sera ainsi négligé dans la présente étude.

1.2.3 La « protection temporaire » applicable à l’Ukraine

A la date de rédaction de cette étude, l’ensemble des ressortissants et résidents ukrainiens peuvent bénéficier de la protection temporaire en France et dans les autres États membres de l’Union européenne.

C’est une directive européenne du 20 juillet 200165 qui prévoit la possibilité de déclencher la protection temporaire définie comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ».

Faisant application de cette directive, le Conseil de l’Union, par une décision du 4 mars 202266, a octroyé la protection temporaire aux ressortissants ukrainiens déplacés d’Ukraine à compter du 24 février 2022, ainsi que sous certaines conditions aux ressortissants de pays tiers qui résidaient en Ukraine (bénéficiaires d’une protection internationale en Ukraine ou titulaires d’un titre de séjour permanent en Ukraine qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables). Cette protection temporaire n’était censée s’appliquer que pour une durée de 3 ans maximale. Elle a néanmoins été prorogée, à ce jour, jusqu’en mars 202667.

Ainsi, en pratique, l’ensemble des ressortissants ukrainiens ont droit à la protection temporaire, qui confère des droits au moins équivalents à ceux dont bénéficient les réfugiés. Dans ce contexte, peu de bénéficiaires de la protection temporaire font en outre la demande du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire (3 250 demandes en 2023), démarche qui peut se justifier pour bénéficier de davantage de visibilité dans le temps.

1.3 Application de ces critères

La détermination du nombre de ressortissants de chaque pays éligible à l’asile suppose d’évaluer la proportion de la population entrant dans les critères exposés ci-dessus. Il est ainsi nécessaire de s’extraire d’un examen individuel et de procéder à des extrapolations et des estimations en rapprochant, d’une part, les risques encourus dans chaque pays et, d’autre part, les caractéristiques de la population du pays considéré.

En pratique, une estimation a été faite pour les différents motifs de protection internationale :

1.3.1 En premier lieu, au titre de la protection conventionnelle

  • Persécutions pour motifs politiques

Ce type de motifs est retenu pour la plupart des pays mais à des degrés divers. Selon l’ampleur des mouvements d’opposition politique et des persécutions à l’égard des opposants réels ou supposés, le pourcentage de personnes éligibles à l’asile peut différer sensiblement : on peut ainsi estimer qu’il est très faible en Chine, où l’opposition politique est très limitée, mais nettement plus élevé au Venezuela, où l’opposition s’est révélée vivace et où nombre d’opposants ont subi la répression des autorités.

  • Persécutions pour motifs religieux

L’existence de persécutions de nature religieuse est très variable selon les pays, en fonction de l’existence de minorités religieuses et du niveau de tolérance religieuse. Ces persécutions sont ainsi fréquentes dans le monde islamique et à ses franges mais à peu près inexistantes en Amérique, ce qui contribue à augmenter le taux d’éligibilité à l’asile dans des pays comme l’Égypte (Coptes) ou la Somalie (milices Al-Shabaab). Le motif religieux est souvent combiné à d’autres motifs tirés de l’appartenance à une minorité nationale ou ethnique (cas de la minorité kurde sunnite en Iran ou de la minorité ouïghoure en Chine par exemple).

  • Persécutions en raison de l’appartenance raciale, ethnique ou nationale

Les persécutions du fait de la « race » ou de la « nationalité » s’entendent plus largement des persécutions fondées sur une certaine origine. Lorsque de telles persécutions existent, on peut généralement évaluer les populations ciblées. Dans certains rares cas, cette simple appartenance justifie des craintes de persécutions et suffit donc à fonder l’asile. Il en va ainsi des membres de l’ethnie Zaghawa au Soudan. En pareil cas, il convient d’évaluer le nombre des membres de ce groupe persécuté. Dans les autres cas, les craintes à raison de l’origine doivent être davantage personnalisées (Coptes en Égypte, musulmans en Inde, minorités peules en Afrique de l’Ouest etc.), ce qui suppose d’estimer la proportion des membres de ce groupe qui peuvent craindre à raison d’être persécutés.

  • Persécutions en raison de l’appartenance à un groupe social

Il s’agit en pratique de l’asile pour des motifs dits sociétaux, qui vise essentiellement deux types de populations, à savoir d’une part, les personnes visées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre (LGBT) et, d’autre part, des groupes sociaux de femmes en but à diverses persécutions (excision, mariage forcé, traite des êtres humains…). Les personnes atteintes de handicap ou de certaines maladies peuvent aussi être considérées comme un groupe social.

C’est la jurisprudence qui détermine si un groupe social, dont les membres sont en but à des persécutions du fait de leur appartenance à ce groupe, peut être reconnu. Lorsqu’un tel groupe faisant l’objet de persécutions existe, ses membres bénéficient alors de l’asile. Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes attachés à identifier si des groupes sociaux étaient reconnus dans un pays donné et à évaluer la proportion de la population qu’ils représentent.

Cette proportion peut être très faible mais parfois très élevée (jusqu’à la moitié de la population en Afghanistan s’agissant du « groupe social » des femmes68). Lorsque par exemple un groupe social des personnes homosexuelles est reconnu, on peut approximativement retenir que 2 % de la population partage cette orientation sexuelle et se trouve donc éligible à l’asile. L’existence d’un groupe social des femmes et filles exposées aux mutilations génitales féminines (excision) s’inscrit en principe dans une communauté ethnique, pour laquelle on dispose de données attestant de la prévalence de cette coutume, de sorte que la reconnaissance d’un tel groupe social dans un pays donné ne signifie pas que l’ensemble des jeunes femmes et filles non excisées de ce pays sont éligibles à l’asile. Le phénomène du mariage forcé, sur lequel on dispose notamment de données de l’UNICEF69, est également étroitement lié à l’environnement ethno-culturel et s’apprécie in concreto. 

1.3.2 En second lieu, au titre de la protection subsidiaire

  • PS de type 1 et 2

La PS de type 1 (crainte de la peine de mort ou d’une exécution) et celle de type 2 (torture ou traitements inhumains ou dégradants) ne visent normalement qu’une faible proportion de la population. Dans le cadre de la protection subsidiaire, les craintes procèdent en règle générale de groupes ou d’individus mais pas des autorités (si elles procédaient des autorités, le demandeur est le plus souvent éligible à la protection conventionnelle).

Dans certains pays, ces conflits privés sont néanmoins répandus et les autorités sont défaillantes, ne permettant pas de faire obstacle aux atteintes visées par la PS de type 1 ou 2 : on peut citer Djibouti (violences domestiques), le Congo (violences liées à la sorcellerie), le Bangladesh (conflits fonciers) … Pour apprécier la prévalence de ces phénomènes, on peut notamment se référer à la pratique de l’OFPRA et à la jurisprudence de la CNDA.

  • PS de type 3

C’est la PS de type 3 qui est la plus courante. Lorsqu’un pays ou une zone de ce pays est concerné par une violence aveugle d’une intensité dite exceptionnelle, l’ensemble des habitants sont éligibles à la protection subsidiaire, sous réserve qu’ils aient la qualité de civils et ne tombent pas dans une des causes d’exclusion. Le taux d’éligibilité à l’asile est alors proche de 100 %. Cependant, une telle situation ne concerne le plus souvent qu’une portion du territoire d’un État ; il faut alors rechercher le nombre d’habitants couverts par la PS 3. Lorsque l’intensité de la violence aveugle est moindre, il faut se livrer à une appréciation plus fine, en tenant compte du degré de violence et des facteurs de vulnérabilité évoqués plus haut. Le taux de protection des populations considérées et la proportion de la protection subsidiaire dans cette protection sont ici également des éléments d’information utiles pour apprécier la portée de la PS 3 dans les pays considérés.

1.3.3 En troisième lieu, au titre de la protection temporaire

A ce jour, seule l’Ukraine est concernée par la protection temporaire.

Comme exposé ci-dessus, l’ensemble de la population ukrainienne bénéficie de la protection temporaire, quand bien même seule une partie est susceptible de bénéficier du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire (celle de type 3 ne couvre qu’environ un quart de la population, située dans l’Est et le Sud du pays). Par suite et tant que la protection subsidiaire est maintenue, le taux d’éligibilité à l’asile est fixé à 100 % pour l’Ukraine.

1.4 Taux d’éligibilité à l’asile

On peut ainsi estimer la proportion de la population de chaque pays éligible respectivement à la protection conventionnelle et à la protection subsidiaire, pour en déduire la proportion de la population éligible à l’asile de manière générale : on parlera de taux d’éligibilité à l’asile.

Toutefois, la protection subsidiaire ne venant, comme son nom l’indique, qu’à titre subsidiaire, ceux qui sont éligibles à la protection conventionnelle ne doivent pas être comptabilisés une seconde fois au titre de la protection subsidiaire. Le taux d’éligibilité à l’asile doit être calculé en conséquence, en additionnant le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, d’une part, et le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire appliqué à une base dont la population éligible à la protection conventionnelle est déduite, d’autre part70.

Le taux d’éligibilité à l’asile résulte nécessairement d’une estimation. Plusieurs sources et indicateurs ont été utilisés pour asseoir cette estimation :

  • les analyses des organes français compétents, en particulier l’OFPRA et de la CNDA, relatives à la situation de chaque pays et de la demande d’asile correspondante : les rapports d’activité successifs , les actualités jurisprudentielles et autres publications ;
  • au niveau européen, les publications de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), dont une base d’informations sur les pays d’origine (Country of Origin Information) ; 
  • le site internet de la CNDA propose des dossiers pays, qui sont constitués d’une bibliothèque de liens vers diverses sources publiques mais aussi privées, surtout internationales (organisations internationales, ONG, organisations d’autres pays).

Dans le cadre de l’analyse de la situation de chaque pays, il est important mais non suffisant de se référer à la réalité de la demande d’asile émanant de ces pays. Si les demandeurs d’asile ne sont pas nécessairement représentatifs de la globalité de la population de leur pays en termes de persécutions et risques encourus, l’issue de leur demande devant l’OFPRA et la CNDA donne néanmoins une indication sur la situation du pays, ainsi que sur la nature et le niveau des menaces telles qu’appréciées par l’OFPRA et la CNDA.

Nous avons ainsi calculé pays par pays, sous réserve des données disponibles, le taux synthétique de protection (TSP). Ce dernier est un indicateur statistique qui apprécie en substance le taux d’acceptation des demandes d’asile71. L’INSEE ne diffusant le TSP que pour une sélection de pays (2021 pour la dernière année), nous avons procédé à un calcul pays par pays en rapprochant le taux de protection par l’OFPRA, le taux moyen de recours devant la CNDA et le taux de protection par la CNDA72. Les TSP en résultant sont repris dans le tableau détaillant le chiffrage. Ils ne constituent pas un paramètre proprement dit de ce chiffrage mais un élément de contexte pertinent pour l’estimation73.

Enfin, soulignons que lorsque les éléments d’information sur un pays sont apparus comme trop lacunaires – ce qui est notamment le cas pour des petits pays dont la demande d’asile en France est faible –, nous avons retenu un taux d’éligibilité nul (Seychelles par exemple) ou procédé à des hypothèses prudentes (pour la Namibie par exemple).

1.5 Prise en compte des familles

La prise en compte dans la présente étude des familles des bénéficiaires potentiels de l’asile pose une difficulté particulière. Au sens strict, le principe de l’unité de famille consiste, dans le cadre d’une procédure de demande d’asile, à étendre le bénéfice de la protection conventionnelle à la proche famille du réfugié (conjoint ou concubin et enfants mineurs) : les proches deviennent ainsi eux-mêmes réfugiés en vertu de la convention de Genève.

Cependant, l’asile ouvre aussi droit à un regroupement familial spécial sans qu’il ne soit nécessaire pour les proches de déposer une demande d’asile : on parle de droit à la « réunification familiale », qui permet à un réfugié comme à un bénéficiaire de la protection subsidiaire d’être rejoint par les membres de sa famille (conjoint, partenaire ou concubin, enfants non mariés jusqu’à 18 ans – ou, pour les mineurs non mariés, parents et leurs enfants mineurs non mariés) (art. L. 561-2 CESEDA). Les proches bénéficiant en pratique du même droit au séjour par la réunification familiale que par l’unité de famille, sans aucune condition de ressources ou de logement, peu d’entre eux forment une demande d’asile74.

Une personne éligible à l’asile du fait de persécutions ou craintes qui le concernent personnellement rend donc automatiquement éligible à l’asile sa proche famille75, ce qui conduit à majorer la proportion de personnes éligibles à l’asile d’un facteur difficile à déterminer car dépendant de plusieurs paramètres, dont la nature des craintes justifiant l’asile76. En outre, les titres de séjour au titre de la réunification familiale ne sont pas directement suivis par l’OFPRA puisqu’ils sont délivrés en dehors de la procédure d’asile, l’OFPRA se contentant de délivrer, sur demande du bureau des familles des réfugiés du ministère de l’intérieur, des fiches de composition familiale (8 754 fiches en 2023)77. En conséquence, le nombre de bénéficiaires effectifs de l’asile n’apparaît pas dans les statistiques de l’OFPRA. Nous n’avons pas davantage trouvé de détail sur cette catégorie de titres de séjour dans les statistiques du ministère de l’intérieur et les données disponibles sont parcellaires (fiches de composition familiale établies par l’OFPRA), ne permettant pas de dégager un chiffrage précis. La portée du droit d’asile s’en trouve en partie occultée. 

Pour rétablir cette portée, il conviendrait de tenir compte du principe d’unité de famille et du droit à la réunification familiale dans le chiffrage des personnes susceptibles d’être admises au séjour en France en vertu du droit d’asile, puisque ces droits familiaux conduisent mécaniquement à majorer le nombre de bénéficiaires potentiels. Toutefois, faute de données suffisantes pour quantifier cette majoration, nous avons renoncé à l’intégrer dans le taux d’éligibilité à l’asile. Ce dernier doit ainsi être pris comme une estimation basse.

De manière générale, nous avons retenu des hypothèses prudentes, de sorte que les chiffres résultant de nos estimations sont probablement des minorants.

1.6 Population éligible à l’asile

Une fois le taux d’éligibilité à l’asile déterminé pour un pays, il suffit de l’appliquer au nombre d’habitants de ce pays78 pour disposer d’une estimation du nombre de personnes éligibles à l’asile dans ce pays.

1.7 Résultats

Le tableau annexé indique pour chaque pays, outre le TSP, le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire (ou temporaire dans le cas de l’Ukraine), le taux d’éligibilité global qui en résulte, la population totale du pays et le résultat, à savoir la population de ce pays éligible à l’asile. Des données agrégées sont données pour chaque continent et au niveau mondial (France exceptée).79

A titre d’exemple, le taux d’éligibilité de la population éthiopienne est estimé à 28 %, soit plus de 35 millions de personnes. Le même taux pour la Chine est évalué à 3 %, soit 42 millions de personnes. Au niveau des continents, c’est l’Afrique qui présente le taux d’éligibilité estimé le plus élevé (15 %) mais l’Asie la devance en nombre de personnes éligibles (281 millions).

Au total, nous estimons à 580 millions le nombre de personnes dans le monde éligible à l’asile dans notre pays, soit 7,2 % de la population mondiale.

Annexe 2 : Évaluation de la population éligible à l’asile – chiffrage pays par pays

PaysTaux synthétique de protection (OFPRA + CNDA)Taux éligibilité PCTaux éligibilité PS (ou PT)Taux éligibilité globalPopulation totalePopulation éligible à l’asile
MONDE (hors France)45,00 %7,29 %7 945 696 131579 527 670
AFRIQUE15 %1 456 468 653217 984 238
Afrique du Sud37,50 %2 %5 %7 %60 414 4954 168 600
Algérie28,50 %2 %2 %4 %45 606 4801 806 017
Angola25,45 %2 %5 %7 %36 684 2022 531 210
Bénin30,21 %4 %5 %9 %13 712 8281 206 729
Burkina Faso56,67 %10%50 %55 %23 251 48512 788 317
Burundi48,89 %10 %5 %15%13 238 5591 919 591
Cameroun42,93 %6 %5 %11 %28 647 2933 065 260
Cap-Vertnd1 %1 %2 %598 68211 914
Centrafrique85,80 %10 %10 %19 %5 742 3151 091 040
Comores18,27 %3 %5 %8 %852 07566 888
Congo21,69 %4 %5 %9 %6 106 869537 404
Côte d’Ivoire46,04 %10 %5 %15 %28 873 0344 186 590
Djibouti53,44 %5 %5 %10 %1 136 455110 804
Égypte29,62 %5 %2 %7 %112 716 5987 777 445
Érythrée82,54 %20%50 %60 %3 748 9012 249 341
Eswatinind1 %1 %2 %1 210 82224 095
Éthiopie59,10 %10%20 %28 %126 527 06035 427 577
Gabon33,34 %5%5 %10 %2 436 566237 565
Gambie32,42 %5%5 %10 %2 773 168270 384
Ghana14,82 %3%5 %8 %34 121 9852 678 576
Guinée45,70 %10%10 %19 %14 190 6122 696 216
Guinée équatoriale56,78 %5%5 %10 %1 714 671167 180
Guinée-Bissau20,45 %5%5 %10 %2 150 842209 707
Kenya41,32 %4%2 %6 %55 100 5863 261 955
Lesothond1 %1 %2 %2 330 31846 373
Liberia21,54 %5%5 %10 %5 418 377528 292
Libye54,92 %10%20 %28 %6 888 3881 928 749
Madagascar12,73 %3%2 %5 %30 325 7321 498 091
Malawind4 %2 %6 %20 931 7511 239 160
Mali47,71 %10%10 %19 %23 293 6984 425 803
Maroc36,46 %5%5 %10 %37 840 0443 689 404
Maurice50,00 %1%1 %2 %1 261 04125 095
Mauritanie31,86 %10%10 %19 %4 862 989923 968
Mozambiquend3 %1 %4 %33 897 3541 345 725
Namibiend1 %1 %2 %2 604 17251 823
Niger51,38 %10%20 %28 %27 202 8437 616 796
Nigeria23,84 %6%5 %11 %223 804 63223 947 096
Ouganda38,60 %5%2 %7 %48 582 3343 352 181
Rép. dém. Congo40,52 %6%10 %15 %102 262 80815 748 472
Rwanda56,24 %5%5 %10 %14 094 6831 374 232
Sahara occ. (origine)12,05 %2%2 %4 %600 00023 760
Sao Tomé-et-Principend231 856 
Sénégal35,84 %6%5 %11 %17 763 1631 900 658
Seychellesnd119 773 
Sierra Leone36,85 %5%5 %10 %8 791 092857 131
Somalie69,49 %7%40 %44 %18 143 3788 019 373
Soudan79,37 %20%60 %68 %48 109 00632 714 124
Soudan du Sud87,34 %20%50 %60 %11 088 7966 653 278
Tanzanie30,90 %4%2 %6 %67 438 1063 992 336
Tchad29,04 %10%10 %19 %18 278 5683 472 928
Togo32,80 %5%2 %7 %9 053 799624 712
Tunisie20,89 %2%2 %4 %12 458 223493 346
Zambiend4 %2 %6 %20 569 7371 217 728
Zimbabwe68,88 %6%5 %11 %16 665 4091 783 199
AMÉRIQUES3 %1 039 032 55226 160 490
Antigua et Barbudand94 298 
Argentinend46 654 581 
Aruband106 277 
Bahamas (Les)nd412 623 
Barbadend281 995 
Belizend1 %1 %410 8254 108
Bermudesnd63 489 
Boliviend12 388 571 
Brésil16,62 %1 %2 %3 %216 422 4466 449 389
Caïmans (Îles)nd69 310 
Canadand40 097 761 
Chilind19 629 590 
Colombie25,60 %2 %2 %4 %52 085 1682 062 573
Costa Ricand5 212 173 
Cuba38,21 %4 %2 %6 %11 194 449662 711
Curaçaond147 862 
Dominicaine (Rép.)13,81 %1 %2 %3 %11 332 972337 723
Dominiquend73 040 
Équateurnd1 %1 %18 190 484181 905
États-Unisnd334 914 895 
Grenadend126 183 
Groënlandnd56 865 
Guatemaland1 %1 %17 602 431176 024
Guyanand813 834 
Haïti40,56 %5 %65 %67 %11 724 7637 826 279
Hondurasnd1 %1 %2 %10 593 798210 817
Jamaïquend1 %1 %2 %2 825 54456 228
Mexiquend1 %2 %3 %128 455 5673 827 976
Nicaragua62,21 %3 %2 %5 %7 046 310348 088
Panamand4 468 087 
Paraguaynd6 861 524 
Pérou24,58 %1 %2 %3 %34 352 7191 023 711
Porto Ricond3 205 691 
Saint-Christophe-et-Niévèsnd47 755 
Sainte-Luciend1 %1 %2 %180 2513 587
Saint-Vincent et les Grenadinesnd103 698 
Salvador42,83 %2 %5 %7 %6 364 943439 181
Surinamend1 %1 %2 %623 23612 402
Trinité et Tobagond1 534 937 
Venezuela52,26 %5 %4 %9 %28 838 4992 537 788
Uruguaynd3 423 108 
ASIE6 %4 629 892 518287 185 292
Afghanistan80,27 %60 %10 %64 %42 239 85427 033 507
Arabie Saouditend5 %1 %5 %36 947 0251 847 351
Bahreïnnd5 %1 %6 %1 485 50988 388
Bangladesh16,71 %3 %2 %5 %172 954 3198 543 943
Birmanie61,53 %8 %2 %10 %54 577 9975 370 475
Bhoutannd1 %1 %787 4247 874
Bruneind3 %3 %452 52413 576
Cambodge23,98 %1 %1 %2 %16 944 826337 202
Chine95,33 %3 %3 %1 410 710 00042 321 300
Corée du Nordnd3 %3 %6 %26 160 8211 546 105
Corée du Sudnd51 712 619 
Emirats arabes unisnd5 %1 %6 %9 516 871566 254
Inde9,38 %5 %2 %7 %1 428 627 66398 575 309
Indonésiend1 %1 %2 %277 534 1225 522 929
Irak66,01 %5 %3 %8 %45 504 5603 572 108
Iran86,04 %10 %2 %12 %89 172 76710 522 387
Israëlnd9 756 700 
Japonnd124 516 650 
Jordanie29,00 %1 %1 %2 %11 337 052225 607
Kazakhstan26,68 %3 %1 %4 %19 900 177790 037
Kirghizstan49,02 %3 %1 %4 %7 100 800281 902
Koweït68,00 %15 %1 %16 %4 310 108683 152
Laosnd1 %1 %7 633 77976 338
Liban41,75 %5 %10 %15 %5 353 930776 320
Malaisiend1 %1 %34 308 525343 085
Maldivesnd1 %1 %521 0215 210
Mongolie20,79 %3 %1 %4 %3 447 157136 852
Népal24,24 %3 %1 %4 %30 896 5901 226 595
Omannd4 644 384 
Ouzbékistan65,37 %3 %1 %4 %36 412 3501 445 570
Pakistan15,52 %4 %1 %5 %240 485 65811 928 089
Palestine77,15 %100 %100 %5 973 0225 973 022
Philippinesnd117 337 368 
Qatarnd5 %1 %6 %2 716 391161 625
Singaporend1 %1 %5 917 64859 176
Sri Lanka35,96 %3 %1 %4 %22 037 000874 869
Syrie97,09 %20 %95 %96 %23 227 01422 297 933
Tadjikistan50,30 %3 %2 %5 %10 143 543501 091
Taïwannd23 600 000 
Thaïlandend1 %1 %71 801 279718 013
Timor-Lestend1 360 596 
Turkménistannd1 %1 %2 %6 516 100129 670
Vietnamnd1 %1 %98 858 950988 590
Yémen87,21 %20 %90 %92 %34 449 82531 693 839
EUROPE (hors France)6 %776 102 81847 992 084
Albanie16,41 %1%3%4 %2 745 972109 015
Anglo-normandes (îles)nd175 346 
Arménie9,41 %1%2%3 %2 777 97082 784
Azerbaïdjan30,69 %4%2%6 %10 112 555598 663
Biélorussie58,79 %4%1%5 %9 178 298455 244
Bosnie-Herzégovine16,22 %1%1%2 %3 210 84763 896
Féroé (îles)nd53 270 
Géorgie9,39 %3%3%6 %3 760 365222 238
Gibraltarnd32 688 
Islandend393 600 
Kosovo17,17 %3%3%6 %1 756 374103 802
Liechtensteinnd39 584 
Macédoine du Nord (Rép.)9,91 %2%2%4 %1 811 98071 754
Man (île de)nd84 710 
Moldavie4,22 %1%1%2 %2 486 89149 489
Monacond36 297 
Monténégrond1%1 %616 1776 162
Norvègend5 519 594 
Royaume-Unind68 350 000 
Russie45,43 %3%1%4 %143 826 1305 709 897
Saint-Marinnd33 642 
Serbie10,67 %1%1%2 %6 618 026131 699
Suissend8 849 852 
Turquie30,83 %3%1%4 %85 326 0003 387 442
Ukraine92,96 %3 %100 %100 %37 000 00037 000 000
UE (hors France)nd381 306 650 
OCEANIE0 %44 199 590205 566
Australiend26 638 544 
Guamnd172 952 
Kiribatind133 515 
Marshall (îles)nd41 996 
Mariannes du Nord (îles)nd49 796 
Micronésiend115 224 
Naurund12 780 
Nouvelle-Zélandend5 223 100 
Palaund18 058 
Papouasie-Nouvelle Guinéend1 %1 %2 %10 329 931205 566
Salomon (îles)nd740 424 
Samoand225 681 
Samoa américainesnd43 914 
Tongand107 773 
Tuvalund11 396 
Vanuatund334 506 
Note : nd = non disponible
  1. Selon l’INSEE, la France compte 5,6 millions d’étrangers en 2023. ↩︎
  2. Eurostat, DG statistique de la Commission européenne, « Demandeurs et primo-demandeurs d’asile » ↩︎
  3. Cf. article 1er, A, 2 et article 1er, B de la convention de Genève de 1951. ↩︎
  4. Maxime Guimard, Petit traité sur l’immigration irrégulière, éditions du Cerf, 11 janvier 2024. ↩︎
  5. Idem ↩︎
  6. La France y a adhéré le 3 février 1971 (cf. décret n°71-289 du 9 avril 1971) ↩︎
  7. Cf. Tissier-Raffin (2019), p.154. ↩︎
  8. À la fin de l’année 2023, 1 879 personnes étaient placées sous protection de l’OFPRA au titre de l’apatridie (hors les personnes jouissant conjointement du statut de réfugié et du statut d’apatride). ↩︎
  9. Source : Eurostat (https://doi.org/10.2908/MIGR_ASYTPFA). ↩︎
  10. Sur ce point, voir notre note de février 2024 « Possibilités et limites du refoulement aux frontières intérieures et extérieures » (Lien) ↩︎
  11. La Commission a bien formulé, à la demande du Conseil européen d’octobre 2021, une proposition de décision du Conseil relative à des mesures provisoires d’urgence en faveur de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne (COM(2021) 752 final) mais elle n’a pas abouti. ↩︎
  12. Dont la version actuelle est la directive (UE) 2024/1346 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale (refonte de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection). ↩︎
  13. Règlement (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, qui remplace la directive « procédure » (directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale). ↩︎
  14. L’ancien règlement Dublin III (n° 604/2013) a été remplacé, dans le cadre du pacte asile et immigration, par le règlement (UE) 2024/1351 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et de la migration, modifiant les règlements (UE) 2021/1147 et (UE) 2021/1060 et abrogeant le règlement (UE) n° 604/2013. ↩︎
  15. Voir le manquement constaté à l’égard de la Hongrie en raison de la limitation de l’accès à la procédure d’asile (en dernier lieu : CJUE, 13 juin 2024, C-123/22, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II)). ↩︎
  16. Voir l’arrêt de la CJUE jugeant que les femmes afghanes peuvent, sur la seule base de leur nationalité et de leur sexe et sans qu’il ne soit besoin de se livrer à une évaluation de leur situation individuelle, prétendre au statut de réfugié (CJUE, 4 octobre 2024, affaires jointes C-608/22 et C-609/22, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Femmes afghanes)). ↩︎
  17. Voir articles L. 121-7 et suivants du CESEDA. ↩︎
  18. Cf. Pascal Brice, Sur le fil de l’asile, Paris, Fayard, 2019. ↩︎
  19. Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral pour les migrations et les réfugiés). ↩︎
  20. Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (Office fédéral pour les étrangers et l’asile). ↩︎
  21. Commissione Nazionale per il diritto di asilo (Commission nationale pour le droit d’asile). ↩︎
  22. Décret du 7 mai 2024 (Journal officiel de la République italienne du 7 mai 2024, série générale n° 105, p. 23. (Lien) ↩︎
  23. Liste publiée sur le site de l’OFPRA et tenant compte de l’annulation partielle de la décision du CA de l’OFPRA par le Conseil d’État (Lien) ↩︎
  24. Taux de recours de 88 % en 2023. ↩︎
  25. Lou Mazer, « Mon travail comme rapporteure à la Cour nationale du droit d’asile » Dalloz Actualité (Lien) ↩︎
  26. On trouvera sans peine sur Internet des informations sur cette affaire. ↩︎
  27. Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. ↩︎
  28. Sur ce point de l’influence du HCR comme sur d’autres aspects de la CNDA, on se reportera avec profit à l’ouvrage de Philippe Fontana cité en bibliographie. ↩︎
  29. Décret n° 2024-800 du 8 juillet 2024 pris pour l’application de l’article 70 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et relatif à l’organisation et à la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d’asile. ↩︎
  30. Cf. Aurélien Camus, Maxence Christelle, Dorian Guinard et Christophe Le Berre, « Chronique de la jurisprudence interne en droit de l’asile (Juin 2022 / mars 2023) » in La Revue des Droits de l’Homme, juillet 2023 (Lien), voir points 16 à 24, commentaire sous la décision CNDA, 25 nov. 2022 M. A., n° 21061849. ↩︎
  31. Il suffit de se référer aux chroniques de jurisprudence de l’asile pour le constater. Pour un exemple d’application concernant un Nigérian, voir la décision CNDA 25 novembre 2022 M. A. n° 21061849 C+. Pour un exemple d’affaire dans laquelle l’asile interne n’a pas été jugé applicable, voir la décision CNDA GF 15 juin 2021 M. S. n° 20029676 R. ↩︎
  32. Personne n’est en mesure de contester une décision d’octroi de l’asile (hormis l’OFPRA lorsque la décision émane de la CNDA), y compris lorsque le demandeur aurait pu se voir opposer l’asile interne. En revanche, toute décision de rejet peut être contestée, surtout lorsqu’elle se place sur le terrain de l’asile interne dans lequel la jurisprudence n’est pas bien établie. ↩︎
  33. Fin 2023, plus de 10 000 Bangladais étaient placées sous la protection de l’OFPRA. ↩︎
  34. Cf. article 1er, C, de la convention de Genève et articles L. 511-8 et L. 512-3 du CESEDA. ↩︎
  35. Sur ces éléments synthétiques, on peut se référer à l’annexe à la présente note. ↩︎
  36. Eurostat, données 2023. Le taux de recours n’est par ailleurs pas connu, ne permettant pas de calculer un indice synthétique de protection au niveau européen. ↩︎
  37. La CNDA ne publie pas l’ensemble de ses décisions mais choisit de rendre publiques sur son site (après anonymisation) celles qui lui paraissent intéressantes d’un point de vue jurisprudentiel. Cette sélection permet aussi à la CNDA de ne pas publier des décisions qui seraient moins solides juridiquement et prêteraient davantage le flan à la critique… ↩︎
  38. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (Lien) ↩︎
  39. Catherine Teitgen-Colly, Le droit d’asile, Que sais-je, 15 mai 2019 ↩︎
  40. A notre avis, cette décision, pourtant rendue par une formation de jugement présidée par une présidente de section de la CNDA (Florence Malvasio), est peu argumentée et contestable juridiquement : il n’est pas précisé à quel motif de persécutions mentionné par l’article 1er de la convention de Genève les craintes invoquées peuvent être rattachées. L’octroi de la protection subsidiaire aurait été mieux justifiable. Quoi qu’il en soit, elle illustre l’interprétation extensive de la convention de Genève par le juge de l’asile. ↩︎
  41. Juge des référés du Conseil d’État, 30 avril 2020, Ligue des droits de l’homme et autres, n° 440250. ↩︎
  42. Règlement (UE) 2024/1359 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile, et modifiant le règlement (UE) 2021/1147. ↩︎
  43. Voir l’annexe méthodologique pour davantage de précisions. ↩︎
  44. Timothy & Williams (2022). ↩︎
  45. « Possibilités et limites du refoulement aux frontières intérieures et extérieures » (2024). ↩︎
  46. Règlement (UE) 2024/1356 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant le filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) n° 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817. ↩︎
  47. Ces ratios sont ainsi calculés : nombre de ressortissants protégés par l’OFPRA fin 2023 / population du pays (données Banque mondiale). ↩︎
  48. Données Eurostat. ↩︎
  49. Voir le rapport de Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux du Conseil d’État,  « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous » (Lien), qui traite entre autres des « inutiles complexités » générées par la combinaison des interventions du juge administratif de droit commun et du juge de l’asile. ↩︎
  50. Phénomène évoqué dans notre note « Sauver Schengen. Face à l’urgence : la nécessaire réforme », OID, juin 2024. ↩︎
  51. L’article 53-1 de la Constitution dispose que « même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » (souligné par nos soins) mais non que lesdites autorités y sont tenues. ↩︎
  52. Voir le règlement 2024-1351 « Dublin » précité et notamment son article 18 (« Conséquences en cas de non respect »). ↩︎
  53. C’est-à-dire lorsque l’État ayant rejeté la demande n’est plus responsable du demandeur en vertu du règlement 2024-1351, le demandeur ayant fait l’objet d’une mesure de retour ou bien ayant quitté le territoire depuis une certaine durée (différents délais s’appliquent selon le cas de figure). ↩︎
  54. Les demandeurs d’asile ont en principe le droit de rester sur le territoire de l’État membre compétent pendant la durée de l’examen de leur demande (cf. article 10 du règlement « procédure » 2024-1348). ↩︎
  55. Ainsi, selon le résumé du rapport 2024 de l’agence de l’Union européenne pour l’asile : « Le changement climatique et son rôle dans les déplacements de population, ainsi que les répercussions du changement climatique sur les réfugiés et les communautés d’accueil, ont continué de figurer parmi les thèmes clés du discours relatifs à la protection internationale. » (Lien) p. 7 ↩︎
  56. La situation des réfugiés pourrait être réexaminée progressivement, à l’échéance de leur titre de séjour ou plus tôt si les conditions ayant justifié l’octroi de l’asile ne sont plus considérées comme réunies ↩︎
  57. Le décret de dénonciation est soumis au contreseing du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères. ↩︎
  58. Article 44 et article IX respectivement. ↩︎
  59. Alinéa 4 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » ↩︎
  60. 6 admissions par l’OFPRA sur ce fondement en 2023, soit 0,018 % des admissions. ↩︎
  61. UNRWA in action, juillet 2024 (Lien) ↩︎
  62. Directive dite qualifications (directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection). ↩︎
  63. Cf. CJUE, 14 mai 2019, affaires jointes C-391/16, C-77/17 et C-78/17. ↩︎
  64. Il y a naturellement une part de subjectivité dans cette appréciation. Ainsi que l’affirmait Lou Mazer (voir bibliographie de la note principale) : « Il s’agit d’une situation extrêmement floue sans réel critère, qui permet souvent de protéger les femmes et les jeunes sans que l’on comprenne bien les raisons pour lesquelles un homme de quarante ans n’aurait pas les mêmes craintes. » ↩︎
  65. Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. ↩︎
  66. Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire. ↩︎
  67. Conseil de l’Union européenne, communiqué de presse « Réfugiés ukrainiens: le Conseil proroge la protection temporaire jusqu’en mars 2026 », 25/06/2024 (Lien↩︎
  68. Cf. CNDA, 9 juillet 2024, Mme O., n° 24014128, R ; CJUE, 4 octobre 2024, affaires jointes C-608/22 et C-609/22, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Femmes afghanes). ↩︎
  69. UNICEF, communiqué de presse « 130 millions de femmes et de filles victimes de mariage précoce en Afrique » (Lien) ↩︎
  70. Soient x % le taux d’éligibilité à la protection conventionnelle, y % le taux d’éligibilité à la protection subsidiaire et z % le taux d’éligibilité à l’asile. Ce dernier est ainsi calculé : z = x + (y*(1-x)). ↩︎
  71. Selon l’INSEE, « Le taux synthétique de protection rend compte du taux de protection internationale en première et seconde instance accordé par la France. Il est calculé selon la formule suivante : taux synthétique de protection = taux d’accord Ofpra + taux de refus Ofpra * taux de recours Cour nationale du droit d’asile (CNDA) * taux d’annulation CNDA. Ce calcul permet de s’affranchir de l’impact d’un décalage temporel entre l’examen par l’Ofpra d’une demande de protection et celui de son éventuel recours à la CNDA. » (Lien) ↩︎
  72. Chiffres 2023 issus respectivement du rapport d’activité de l’OFPRA et de celui de la CNDA. Le taux de recours devant la CNDA en 2023 s’est élevé à 88 % (tous pays confondus). Lorsque l’OFPRA ne donne pas d’indication sur le taux de protection (en l’absence de demande d’asile), le TSP ne peut être calculé. A noter que l’utilisation du taux de recours global ne permet pas d’obtenir un chiffre aussi exact que si l’on disposait du taux de recours pays par pays. ↩︎
  73. Le tableau de chiffrage aurait aussi pu être complété de données relatives à la part respective de la protection conventionnelle et de la protection subsidiaire dans la protection accordée par l’OFPRA et la CNDA. Ces éléments de référence ont également été pris en considération mais nous avons fait le choix de ne pas complexifier le tableau. ↩︎
  74. En 2023, seulement 1,5 % des admissions au statut de réfugié prononcées par l’OFPRA l’ont été au titre de l’unité de famille. ↩︎
  75. Sauf naturellement les membres de la famille qui seraient à l’origine des craintes de persécution ayant justifié l’octroi de l’asile (cf. CNDA 24 juillet 2023 M. S. n° 21000656 C+), par exemple le mari d’une réfugiée victime d’un mariage forcé. ↩︎
  76. Le principe de l’unité de famille est sans effet lorsque l’ensemble des membres d’une famille ont, au regard de la situation personnelle de chacun d’eux, droit à l’asile : un couple de Soudanais d’ethnie zaghawa sera ainsi éligible, de même que ses enfants, à la protection conventionnelle du fait des persécutions dirigées contre cette ethnie, sans qu’il ne soit nécessaire d’invoquer le principe d’unité de famille. A l’inverse, c’est le principe de l’unité de famille qui pourra justifier l’octroi du bénéfice de l’asile aux parents d’une jeune fille menacée d’excision et éligible pour cette raison à la protection conventionnelle. ↩︎
  77. Ces fiches sont demandées dans le cadre du traitement des demandes de visas au titre de la réunification familiale par les familles concernées auprès des autorités consulaires françaises dans leur pays de résidence ou dans un pays tiers. Nous n’avons pas connaissance du nombre moyen de personnes mentionnées sur une fiche de composition familiale. Par ailleurs, ces fiches ne semblent pas être demandées en dehors de cette procédure d’examen des demandes de visas. ↩︎
  78. Nous nous sommes référés aux données 2023 de la Banque mondiale, sauf cas particulier lorsqu’une telle donnée n’était pas disponible ou s’agissant des Palestiniens pour lesquels nous avons retenu le nombre de personnes protégées par l’UNRWA. Cette méthode induit une légère approximation dans la mesure où les ressortissants d’un pays peuvent résider à l’étranger (et donc ne pas figurer dans le nombre d’habitants de leurs pays) et néanmoins être éligibles à l’asile au titre des persécutions encourues dans le pays dont ils sont ressortissants, mais elle permet de s’appuyer sur des données robustes. ↩︎
  79. Nous publions le détail de ces résultats par souci de transparence et afin qu’ils puissent donner lieu le cas échéant à des contre-expertises de nature à faire progresser l’état des connaissances sur la portée du droit d’asile. ↩︎