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L’essentiel

  • La France abrite une diaspora marocaine1 de 1,5 millions de personnes au minimum, dont 670 000 binationaux. C’est la principale nationalité bénéficiaire de premiers titres de séjour depuis 2018 (plus de 30 000 octrois par an)
  • Avec le décret de 1976 instaurant un droit au regroupement familial, le premier motif d’immigration marocaine devient familial, loin devant celui initial du travail.
  • L’ampleur et l’accélération des flux d’immigration marocaine posent question au regard de sa difficulté d’intégration
  • Illustration : 42,7% des Marocains de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2016, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%)2
    70% des femmes descendantes d’immigrés marocains en France épousent un conjoint marocain ou d’origine marocaine, soit le taux d’endogamie le plus élevé après celui des Turques3
1-Par « diaspora marocaine », nous entendons les immigrés marocains, leurs enfants et petits-enfants nés sur le sol français (dont un certain nombre dispose de la nationalité française, avec ou sans binationalité).
2-Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) : lien
3-Lire notre analyse sur « l’isolat turc » : lien 

Le 16 juin dernier, l’AFP publiait un reportage intitulé « Les Marocains d’Europe reprennent la route du bled »1. Après deux étés successifs de fermeture des frontières, due conjointement aux restrictions sanitaires liées au Covid et aux tensions diplomatiques entre l’Espagne et le royaume chérifien sur la question du Sahara occidental, le journaliste dépêché près de Gibraltar y décrivait la reprise en conditions normales de l’opération « Passage du détroit », laquelle avait concerné 3,3 millions de personnes en 2019 et constitue à ce jour « l’un des flux de personnes les plus importants entre continents » sur une période aussi brève.

La dimension de ce mouvement saisonnier révèle toute l’ampleur prise par la population marocaine sur la rive Nord de la Méditerranée au cours des dernières décennies. Après l’immigration turque, l’immigration marocaine est la plus largement répartie sur le territoire européen. On la retrouve en grand nombre dans plusieurs pays : l’Espagne, la Belgique (où les Marocains constituent désormais la 1ère communauté étrangère2), les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne… et bien sûr la France, qui accueille la plus importante diaspora marocaine d’Europe.

Un rapport présenté à l’Assemblée nationale par la députée Elisabeth Guigou en avril 2015 évaluait à 1,5 million le nombre de ressortissants marocains résidant en France, dont 670 000 binationaux3. Il est très probable que cette estimation soit aujourd’hui fortement minorée par rapport à la réalité. En effet, ce stock a continué à croître de deux façons conjointes :

1.1 L’accélération des flux migratoires en provenance du Maroc

Les Marocains constituent depuis 2018 la principale nationalité bénéficiaire des titres de séjour nouvellement accordés4, dépassant ainsi les Algériens (lesquels restent néanmoins le principal « stock » immigré présent en France – lire la note de l’OID sur ce thème). Plus de 30 000 primo-titres supplémentaires leur sont octroyés chaque année, dont 35 192 en 2021 – année record. Ce nombre n’était que de 21 620 en 20115, soit une hausse de 63% en dix ans.

1.2 La forte fécondité des immigrées marocaines en France

Le démographe François Héran, professeur au Collège de France, estime que celles-ci ont en moyenne 3,4 enfants par femme, contre 1,9 enfants pour les femmes natives en France… et seulement 2,4 enfants pour les femmes marocaines au Maroc6. Or l’article 6 du Code de la nationalité marocaine dispose qu’« est Marocain l’enfant né d’un père marocain ou d’une mère marocaine »7.

En tenant compte de ces deux facteurs de croissance, ainsi que du volume des individus présents clandestinement sur le territoire national (difficile à évaluer par définition), il apparaît probable que le nombre de Marocains installés en France approche ou dépasse aujourd’hui les 2 millions de personnes.

Comme toutes les immigrations, extra-européennes en particulier, la venue et la sédentarisation des Marocains constituent pourtant un phénomène récent dans l’Histoire de France. Inexistant jusqu’alors, il ne concerne durant la première moitié du XXè siècle que des flux temporaires et fortement restreints en volume. En 1954, deux ans avant la fin du protectorat du Maroc (établi en 1912), on ne recense que 10 734 Marocains sur l’ensemble du territoire français8.

Cette capacité L’immigration marocaine en France connaît son vrai démarrage avec la convention signée entre les gouvernements des deux pays le 1er juin 1963, instituant officiellement le Maroc comme pays pourvoyeur de main d’œuvre pour une économie française alors au zénith des Trente Glorieuses. Marqués par l’analphabétisme de leur société d’origine, des travailleurs marocains sont recrutés comme ouvriers non-qualifiés dans l’industrie et l’agriculture.

Ces embauches se traduisent dans le recensement des Marocains présents en France : de 10 734 en 1954, ils sont désormais 84 236 en 1968, puis 260 025 en 19759 – essentiellement sous la forme d’une immigration circulaire de travail, à vocation temporaire.

L’arrêt officiel de l’immigration de travail en 1974 et le décret de 1976 instaurant un doit au regroupement familial transforment la nature et l’ampleur de la présence marocaine en France. Comme le résume le géographe Thomas Lacroix, directeur de recherche au CNRS : « Contrairement à ce qui était attendu par le législateur français, la population immigrée en général, et marocaine en particulier ne diminue pas. Bien au contraire, elle fait plus que doubler en quinze ans, passant de 260.000 personnes à 441.000 en 1982 puis 572.000 en 1990 »10. L’économiste Abderrahim Lamchichi décrit ainsi sa mutation qualitative : « Globalement, les motifs purement économiques de cette immigration semblent progressivement reculer au profit de motifs plus sociaux »11.

Cette dynamique d’immigration essentiellement familiale se poursuit aujourd’hui. L’enquête d’Eurostat sur les forces de travail dans l’UE révélait en 2016 que 75% des immigrés marocains interrogés en France invoquaient un motif familial à leur venue (taux le plus élevé parmi tous les Etats de l’UE), et que seuls 14% se prévalaient d’un motif de travail12.

L’ampleur et l’accélération de ces flux posent question au regard des difficultés d’intégration des populations marocaines en France, objectivables par les statistiques publiques – notamment du point de vue économique :

  • 42,7% des Marocains de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2017, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%)13 ;
  • Seuls 33,3% des Marocains de plus de 15 ans vivant en France étaient en emploi, contre 49,7% des ressortissants français14 ;
Tableau Insee - Répartition par statut d'activité et nationalité des personnes âgées de 15 ans ou plus
  • Le taux de chômage des hommes de 18-24 ans nés en France de parents immigrés du Maroc atteignait 40,7% entre 2007 et 2009, soit le deuxième plus haut pourcentage (après les Algériens) parmi toutes les origines nationales d’après le Ministère de l’Intérieur. Ce taux était de 36% chez les femmes de mêmes âge et origine, soit le plus élevé toutes origines confondues15 ;
  • 45% des ménages immigrés marocains vivaient en HLM en 2018, soit 3,5 fois plus que les ménages non-immigrés (13%)16.

Ces données dessinent une tendance structurelle des populations marocaines à dépendre plus fortement des mécanismes de solidarité collective en vigueur dans la société française. Or, les transferts financiers des Marocains résidant en France vers leur pays d’origine ont atteint 2,3 milliards d’euros en 2019, soit 35,2% du total des transferts reçus à ce titre par le Royaume17 – la France étant de loin le plus important pays-source.

Autre signe d’intégration heurtée : 70% des femmes descendantes d’immigrés marocains en France épousent un conjoint marocain ou d’origine marocaine, soit le taux d’endogamie le plus élevé après celui des Turques (lire l’analyse de l’OID sur « l’isolat turc »)18. Sur le plan pénal, les Marocains constituaient la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les prisons françaises au 1er janvier 2021, après les Algériens19. Ajoutons que la présence de mineurs non-accompagnés marocains pose un enjeu sécuritaire croissant dans certaines agglomérations20.

Malgré ces indicateurs, nous avons vu que les ressortissants marocains sont désormais les principaux récipiendaires des titres de séjour nouvellement émis. Au titre de l’accord bilatéral franco-marocain du 9 octobre 1987, ils bénéficient même de certaines conditions dérogatoires plus favorables que le droit commun de l’immigration. Les Marocains peuvent obtenir une carte de résident de 10 ans après seulement 3 années de séjour régulier sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », au lieu de 5 années sous le régime ordinaire. D’autre part, le conjoint et les enfants admis au titre du regroupement familial sont autorisés à séjourner en France dans les mêmes conditions que la personne rejointe21.

Les Marocains sont également la première communauté bénéficiaire des acquisitions de la nationalité française, devant les Algériens et les Tunisiens, avec une grande stabilité d’une année à l’autre comme le souligne la Cour des comptes22. L’accès à la citoyenneté française offre un poids électoral croissant à cette diaspora, en particulier dans les régions où elle est la plus implantée : l’Ile-de-France bien sûr, mais aussi la moitié sud du pays (les Marocains sont la première population immigrée en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine23), l’ancien Nord-Pas-de-Calais et la Bourgogne-Franche-Comté (première population immigrée également24).

Cette capacité à peser politiquement soulève des enjeux de souveraineté, compte tenu du maintien prédominant de la binationalité et des formes persistantes d’encadrement par les autorités de Rabat – notamment via l’Islam consulaire. Outre l’article 41 de la Constitution du Maroc faisant du roi le « Commandeur des croyants » (amīr al-mu’minīn), l’Etat marocain dirige et rémunère depuis plusieurs décennies des imams détachés sur le sol français. Du point de vue institutionnel, le Rassemblement des musulmans de France (RMF) constitue son relai d’influence majeur au sein du Conseil français du culte musulman – dont l’actuel président Mohammed Moussaoui est d’ailleurs issu du RMF.

L’ensemble des éléments que nous venons d’analyser convergent vers une interrogation évidente : du point de vue de l’intérêt national, à quelle logique l’actuelle intensification de l’immigration marocaine vers la France obéit-elle ?

Nous ne sommes hélas pas en mesure d’y répondre. L’Histoire ne peut servir de prétexte éternel : l’indépendance complète du Maroc a été actée il y a 66 ans désormais, alors que le protectorat français lui-même n’avait duré que 44 ans. Le cas de cette nationalité apparaît donc emblématique de la perte de contrôle politique sur les enjeux migratoires dans notre pays, et de l’impérieuse nécessité des profondes réformes à entreprendre sur ce terrain.

 A minima : exploiter les possibilités et limites de Schengen pour mieux maîtriser les frontières

  • Soumettre les ressortissants des pays tiers à un système d’enregistrement et de contrôle
  • Renforcer la portée du rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures
  • Suspendre au niveau européen la délivrance des visas Schengen aux ressortissants des pays tiers dont la coopération est insuffisante

De manière plus structurante : réserver le bénéfice de la libre circulation aux citoyens européens

  • Revenir au Principe de Schengen en réservant le bénéfice de la libre circulation aux citoyens européens
  • Mettre fin aux visas Schengen de court séjour
  • Mettre en place un système de contrôle des déplacements des ressortissants de pays tiers

Le 16 juin dernier, l’AFP publiait un reportage intitulé « Les Marocains d’Europe reprennent la route du bled »1. Après deux étés successifs de fermeture des frontières, due conjointement aux restrictions sanitaires liées au Covid et aux tensions diplomatiques entre l’Espagne et le royaume chérifien sur la question du Sahara occidental, le journaliste dépêché près de Gibraltar y décrivait la reprise en conditions normales de l’opération « Passage du détroit », laquelle avait concerné 3,3 millions de personnes en 2019 et constitue à ce jour « l’un des flux de personnes les plus importants entre continents » sur une période aussi brève.

La dimension de ce mouvement saisonnier révèle toute l’ampleur prise par la population marocaine sur la rive Nord de la Méditerranée au cours des dernières décennies. Après l’immigration turque, l’immigration marocaine est la plus largement répartie sur le territoire européen. On la retrouve en grand nombre dans plusieurs pays : l’Espagne, la Belgique (où les Marocains constituent désormais la 1ère communauté étrangère2), les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne… et bien sûr la France, qui accueille la plus importante diaspora marocaine d’Europe.

Un rapport présenté à l’Assemblée nationale par la députée Elisabeth Guigou en avril 2015 évaluait à 1,5 million le nombre de ressortissants marocains résidant en France, dont 670 000 binationaux3. Il est très probable que cette estimation soit aujourd’hui fortement minorée par rapport à la réalité. En effet, ce stock a continué à croître de deux façons conjointes :

1.1 L’accélération des flux migratoires en provenance du Maroc

Les Marocains constituent depuis 2018 la principale nationalité bénéficiaire des titres de séjour nouvellement accordés4, dépassant ainsi les Algériens (lesquels restent néanmoins le principal « stock » immigré présent en France – lire la note de l’OID sur ce thème). Plus de 30 000 primo-titres supplémentaires leur sont octroyés chaque année, dont 35 192 en 2021 – année record. Ce nombre n’était que de 21 620 en 20115, soit une hausse de 63% en dix ans.

1.2 La forte fécondité des immigrées marocaines en France

Le démographe François Héran, professeur au Collège de France, estime que celles-ci ont en moyenne 3,4 enfants par femme, contre 1,9 enfants pour les femmes natives en France… et seulement 2,4 enfants pour les femmes marocaines au Maroc6. Or l’article 6 du Code de la nationalité marocaine dispose qu’« est Marocain l’enfant né d’un père marocain ou d’une mère marocaine »7.

En tenant compte de ces deux facteurs de croissance, ainsi que du volume des individus présents clandestinement sur le territoire national (difficile à évaluer par définition), il apparaît probable que le nombre de Marocains installés en France approche ou dépasse aujourd’hui les 2 millions de personnes.

Comme toutes les immigrations, extra-européennes en particulier, la venue et la sédentarisation des Marocains constituent pourtant un phénomène récent dans l’Histoire de France. Inexistant jusqu’alors, il ne concerne durant la première moitié du XXè siècle que des flux temporaires et fortement restreints en volume. En 1954, deux ans avant la fin du protectorat du Maroc (établi en 1912), on ne recense que 10 734 Marocains sur l’ensemble du territoire français8.

Cette capacité L’immigration marocaine en France connaît son vrai démarrage avec la convention signée entre les gouvernements des deux pays le 1er juin 1963, instituant officiellement le Maroc comme pays pourvoyeur de main d’œuvre pour une économie française alors au zénith des Trente Glorieuses. Marqués par l’analphabétisme de leur société d’origine, des travailleurs marocains sont recrutés comme ouvriers non-qualifiés dans l’industrie et l’agriculture.

Ces embauches se traduisent dans le recensement des Marocains présents en France : de 10 734 en 1954, ils sont désormais 84 236 en 1968, puis 260 025 en 19759 – essentiellement sous la forme d’une immigration circulaire de travail, à vocation temporaire.

L’arrêt officiel de l’immigration de travail en 1974 et le décret de 1976 instaurant un doit au regroupement familial transforment la nature et l’ampleur de la présence marocaine en France. Comme le résume le géographe Thomas Lacroix, directeur de recherche au CNRS : « Contrairement à ce qui était attendu par le législateur français, la population immigrée en général, et marocaine en particulier ne diminue pas. Bien au contraire, elle fait plus que doubler en quinze ans, passant de 260.000 personnes à 441.000 en 1982 puis 572.000 en 1990 »10. L’économiste Abderrahim Lamchichi décrit ainsi sa mutation qualitative : « Globalement, les motifs purement économiques de cette immigration semblent progressivement reculer au profit de motifs plus sociaux »11.

Cette dynamique d’immigration essentiellement familiale se poursuit aujourd’hui. L’enquête d’Eurostat sur les forces de travail dans l’UE révélait en 2016 que 75% des immigrés marocains interrogés en France invoquaient un motif familial à leur venue (taux le plus élevé parmi tous les Etats de l’UE), et que seuls 14% se prévalaient d’un motif de travail12.

L’ampleur et l’accélération de ces flux posent question au regard des difficultés d’intégration des populations marocaines en France, objectivables par les statistiques publiques – notamment du point de vue économique :

  • 42,7% des Marocains de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2017, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%)13 ;
  • Seuls 33,3% des Marocains de plus de 15 ans vivant en France étaient en emploi, contre 49,7% des ressortissants français14 ;
Tableau Insee - Répartition par statut d'activité et nationalité des personnes âgées de 15 ans ou plus
  • Le taux de chômage des hommes de 18-24 ans nés en France de parents immigrés du Maroc atteignait 40,7% entre 2007 et 2009, soit le deuxième plus haut pourcentage (après les Algériens) parmi toutes les origines nationales d’après le Ministère de l’Intérieur. Ce taux était de 36% chez les femmes de mêmes âge et origine, soit le plus élevé toutes origines confondues15 ;
  • 45% des ménages immigrés marocains vivaient en HLM en 2018, soit 3,5 fois plus que les ménages non-immigrés (13%)16.

Ces données dessinent une tendance structurelle des populations marocaines à dépendre plus fortement des mécanismes de solidarité collective en vigueur dans la société française. Or, les transferts financiers des Marocains résidant en France vers leur pays d’origine ont atteint 2,3 milliards d’euros en 2019, soit 35,2% du total des transferts reçus à ce titre par le Royaume17 – la France étant de loin le plus important pays-source.

Autre signe d’intégration heurtée : 70% des femmes descendantes d’immigrés marocains en France épousent un conjoint marocain ou d’origine marocaine, soit le taux d’endogamie le plus élevé après celui des Turques (lire l’analyse de l’OID sur « l’isolat turc »)18. Sur le plan pénal, les Marocains constituaient la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les prisons françaises au 1er janvier 2021, après les Algériens19. Ajoutons que la présence de mineurs non-accompagnés marocains pose un enjeu sécuritaire croissant dans certaines agglomérations20.

Malgré ces indicateurs, nous avons vu que les ressortissants marocains sont désormais les principaux récipiendaires des titres de séjour nouvellement émis. Au titre de l’accord bilatéral franco-marocain du 9 octobre 1987, ils bénéficient même de certaines conditions dérogatoires plus favorables que le droit commun de l’immigration. Les Marocains peuvent obtenir une carte de résident de 10 ans après seulement 3 années de séjour régulier sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », au lieu de 5 années sous le régime ordinaire. D’autre part, le conjoint et les enfants admis au titre du regroupement familial sont autorisés à séjourner en France dans les mêmes conditions que la personne rejointe21.

Les Marocains sont également la première communauté bénéficiaire des acquisitions de la nationalité française, devant les Algériens et les Tunisiens, avec une grande stabilité d’une année à l’autre comme le souligne la Cour des comptes22. L’accès à la citoyenneté française offre un poids électoral croissant à cette diaspora, en particulier dans les régions où elle est la plus implantée : l’Ile-de-France bien sûr, mais aussi la moitié sud du pays (les Marocains sont la première population immigrée en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine23), l’ancien Nord-Pas-de-Calais et la Bourgogne-Franche-Comté (première population immigrée également24).

Cette capacité à peser politiquement soulève des enjeux de souveraineté, compte tenu du maintien prédominant de la binationalité et des formes persistantes d’encadrement par les autorités de Rabat – notamment via l’Islam consulaire. Outre l’article 41 de la Constitution du Maroc faisant du roi le « Commandeur des croyants » (amīr al-mu’minīn), l’Etat marocain dirige et rémunère depuis plusieurs décennies des imams détachés sur le sol français. Du point de vue institutionnel, le Rassemblement des musulmans de France (RMF) constitue son relai d’influence majeur au sein du Conseil français du culte musulman – dont l’actuel président Mohammed Moussaoui est d’ailleurs issu du RMF.

L’ensemble des éléments que nous venons d’analyser convergent vers une interrogation évidente : du point de vue de l’intérêt national, à quelle logique l’actuelle intensification de l’immigration marocaine vers la France obéit-elle ?

Nous ne sommes hélas pas en mesure d’y répondre. L’Histoire ne peut servir de prétexte éternel : l’indépendance complète du Maroc a été actée il y a 66 ans désormais, alors que le protectorat français lui-même n’avait duré que 44 ans. Le cas de cette nationalité apparaît donc emblématique de la perte de contrôle politique sur les enjeux migratoires dans notre pays, et de l’impérieuse nécessité des profondes réformes à entreprendre sur ce terrain.

 A minima : exploiter les possibilités et limites de Schengen pour mieux maîtriser les frontières

  • Soumettre les ressortissants des pays tiers à un système d’enregistrement et de contrôle
  • Renforcer la portée du rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures
  • Suspendre au niveau européen la délivrance des visas Schengen aux ressortissants des pays tiers dont la coopération est insuffisante

De manière plus structurante : réserver le bénéfice de la libre circulation aux citoyens européens

  • Revenir au Principe de Schengen en réservant le bénéfice de la libre circulation aux citoyens européens
  • Mettre fin aux visas Schengen de court séjour
  • Mettre en place un système de contrôle des déplacements des ressortissants de pays tiers