TRIBUNE : les propositions du Conseil d’État pour une réforme du contentieux des étrangers - Que tout change pour que rien ne change ?

Nicolas Messyasz/SIPA

 

Par Ariane, magistrat administratif[1].

En juillet 2019, le Conseil d’État a été chargé par le Premier ministre de lui faire des propositions de réforme sur le contentieux des étrangers en vue d’en simplifier les procédures et d’en améliorer l’efficacité. Il lui était demandé d’envisager des améliorations procédurales à droit constant, mais également celles, plus structurelles, qui nécessiteraient le cas échéant de faire évoluer le cadre législatif actuel afin de « statuer plus rapidement […] et de manière définitive » sur les décisions administratives en cause.

Ce rapport a été adopté par l’Assemblée générale du Conseil d’État le 5 mars 2020, mais n’a été rendu public qu’à l’automne 2020, après la première crise sanitaire. Après avoir consulté les administrations concernées et les magistrats, mais aussi les avocats et les associations de soutien aux étrangers, il fait vingt propositions « pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous ». Le Gouvernement ne s’est toujours pas saisi à l’heure actuelle de ces propositions.

Ces propositions sont-elles à la hauteur des enjeux ?

1. « Un contentieux représentant une part substantielle et croissante de l’activité de la juridiction administrative »

Dans ses considérations liminaires, le Conseil d’État rappelle que le contentieux des étrangers a représenté, en 2019, « plus de 40 %[2] des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs, soit 94 260 affaires », et plus de 50 % de celles enregistrées dans les Cours administratives d’appel. Il est ainsi de loin le premier contentieux administratif (celui de la fonction publique n’arrivant en second qu’avec 9,4 %). Cette situation est le produit d’une explosion observée ces dix dernières années : en 2009, il en représentait seulement le quart, avec 43 000 affaires, et a donc plus que doublé « quand l’ensemble du contentieux administratif augmentait de 33 % » sur la même période[3]. Le contentieux de la Cour nationale du droit d’asile a également plus que doublé, passant de 25 040 recours en 2009 à 59 091 en 2019.

Ce constat correspond à une réalité avérée et incontournable, même si l’on doit souligner que l’année 2019 a été assez exceptionnelle dans tous les domaines du contentieux administratif. Ainsi, en 2017, le contentieux des étrangers représentait 33,7 % du total, 37,5 % en 2018, et 37,3 % en 2020 avec 78 460 affaires.

Chacun comprend que l’évolution des effectifs des tribunaux administratifs n’a pas suivi le même rythme, même si le Conseil d’État, gestionnaire du corps des magistrats de tribunaux administratifs, n’évoque pas cette question[4]. Si la réponse est certes à rechercher, non dans l’affectation toujours plus grande de moyens à une politique reposant sur le fait accompli, mais dans une réforme des fondements mêmes de cette politique, cette question des moyens est en tout cas un symptôme d’une crise administrative du système trop souvent occultée.

L’annexe 5 du rapport met bien en lumière les sous-catégories responsables de cette explosion du nombre de recours :

- premièrement la catégorie « réfugiés », qui englobe notamment les décisions de transfert des demandeurs d’asile vers un autre pays européen en application du règlement de Dublin n° 604/2013 du 26 juin 2003, mais aussi d’autres types de décisions comme les refus des « conditions matérielles d’accueil » (allocation de demandeur d’asile, hébergement…) ;

- deuxièmement, les obligations de quitter le territoire français (OQTF) avec ou sans délai, qui correspondent aux OQTF qui ne font pas suite à un refus de titre de séjour, et concernent dans beaucoup de cas aussi des déboutés de l’asile. Elles font l’objet depuis la loi du 7 mars 2016 d’une procédure contentieuse particulière en ce qu’elles sont jugées en 6 semaines environ, selon une procédure « oralisée » (juge unique, pas de conclusions du rapporteur public, clôture des débats à l’issue de l’audience)[5].

La situation de tension observée dans les juridictions administratives est donc très probablement à rapprocher de l’explosion du nombre de demandes d’asile, car elles sont bien souvent suivies de demandes de régularisation[6]. C’est ce qui peut expliquer en grande partie que même les petits tribunaux, situés en dehors de ressorts où sont implantés des centres de rétention et des zones de peuplement issu de l’immigration, jusqu’ici épargnés, subissent désormais de plein fouet la hausse du contentieux des étrangers, suscitée par l’arrivée de demandeurs d’asile (et très souvent en famille), quasi-systématiquement déboutés, en provenance de Géorgie, d’Albanie, d’Arménie, du Kosovo… Le phénomène des vrais-faux mineurs isolés est également fortement perceptible.

La première sous-catégorie de recours en nombre continue toutefois de concerner les arrêtés de refus de titre assortis d’une OQTF (22 422 recours, soit 23,8 % de la catégorie « étrangers » en 2019), catégorie instituée en droit français depuis la loi du 24 juillet 2006, et généralisée par la loi du 16 juin 2011 en application de la Directive européenne « Retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008[7].

2. Se saisir de la question du contentieux des étrangers aujourd’hui revient à se saisir de la question de l’immigration illégale.

Ce contentieux porte moins qu’on ne le supposerait sur une protection contre un éloignement imminent du territoire, justifiant alors toutes les garanties mises au recours effectif, que sur des décisions affectant des étrangers en situation irrégulière revendiquant des droits sur le territoire français. Le contentieux des étrangers, depuis les années 2000, est devenu un contentieux de l’irrégularité de masse, auquel il convient d’agréger celui des déboutés de l’asile, qui renvoie au final à la même notion : un nombre important et grandissant d’étrangers entrent sur notre sol sans y avoir été préalablement autorisés (franchissement illégal de la frontière ou demande d’asile s’avérant totalement dénuée de fondement), ou s’y sont maintenus illégalement après l’expiration du délai de validité de leur visa de court séjour. La jurisprudence du Conseil d’État, puis la loi, ayant consacré un droit pour ces étrangers de voir examiner la possibilité de leur régularisation par les préfectures malgré cette situation d’illégalité, la conséquence se traduit administrativement par un afflux de demandes dans les préfectures, suivies d’un nombre considérable de décisions de refus assorties systématiquement d’OQTF, lesquelles n’ont pour la plupart aucune traduction pratique d’exécution, et au final, par un nombre tout aussi massif de recours devant les tribunaux administratifs (aidé en cela par le caractère suspensif du recours, composante du « droit au recours effectif »).

Le Conseil avertit : « à politique migratoire constante, ces variables ne sont guère susceptibles d’évoluer ». Il met aussi en garde le pouvoir politique au sujet des ambitions poursuivies en rappelant quelques « évidences » :

  • Les dysfonctionnements administratifs se répercutent nécessairement sur l’activité contentieuse (ainsi le très fort accroissement du contentieux des refus implicites de demandes de titres de séjour, décisions naissant automatiquement au bout de quatre mois lorsque les préfectures ne peuvent répondre dans les délais ; mais aussi l’explosion des référés visant parfois à obtenir un simple rendez-vous pour déposer son dossier, obtenir un récépissé, parfois même pour retirer sa carte de séjour, manifestant là aussi un phénomène d’engorgement des services).
  • Tout étranger qui n’est pas immédiatement éloigné du territoire verra sa situation personnelle se modifier au cours du temps sur ce territoire, « rendant nécessaire un nouvel examen ultérieur », et le juge ne pourra statuer complètement et « définitivement » sur la situation d’un étranger tant que l’administration n’a pas procédé à un tel examen.
  • Il ne sert à rien d’assigner au juge des délais de jugement brefs si l’administration elle-même n’a pas les moyens d’exécuter ses décisions d’éloignement – ce qui est source soit-dit en passant d’un sentiment de découragement très largement répandu dans les juridictions, comme dans les préfectures d’ailleurs. L’assignation de plus en plus fréquente de délais de jugement a en outre des effets d’éviction préjudiciables aux autres types de contentieux[8]. Enfin, le recours est un droit, rappelle le Conseil d’État, et la conduite du procès lui-même exige « une durée minimum incompréhensible ».

Les présupposés sur lesquels repose la doctrine du Conseil d’État – comme de toutes les autres « cours suprêmes » en Europe – reposent encore sur l’idée que l’étranger est par essence une « personne vulnérable » (p. 8 du rapport). Cette philosophie appliquée aux étrangers en situation d’irrégularité interroge. Elle ne tient aucunement compte de leur comportement ni de leur usage parfois de manœuvres ou de documents falsifiés[9] pour se revendiquer d’un droit au séjour en France, mais uniquement de leurs intérêts.

Beaucoup de ces vingt propositions sont des mesures à la marge ou des améliorations purement administratives (« 9- Améliorer l’information du juge administratif par le JLD[10] » ; « 20 – Revoir l’organisation de la défense contentieuse » ; « 18 : Améliorer le partage d’informations entre administrations »…), des vœux pieux (« 12 : Développer les modes d’organisation juridictionnels permettant une plus grande efficacité du traitement du contentieux des étrangers » ; « 19 : Parvenir à statuer dans les délais afin d’éviter la naissance de décisions implicites de rejet »), voire des mesures figurant déjà dans le droit (16 : « Prévoir la possibilité d’édicter une décision d’éloignement dès la date de l’ordonnance rejetant le recours contre la décision de l’OFPRA »[11]).

Nous nous concentrerons ici sur les deux axes qui sont à notre avis les plus importants : la simplification des procédures de jugement, et les mesures visant à lutter contre les demandes successives abusives de titre de séjour.

3. Simplifier des procédures devenues « excessivement complexes et partiellement inadaptées »

L’accumulation des réformes législatives dans le domaine a abouti à une multiplicité de types de décisions et de procédures « au point qu’il existe presque autant de procédures juridictionnelles que de types de décision ». Ainsi le régime des OQTF, pour ne prendre que les décisions les plus couramment prises, voit s’associer des délais de recours et des délais de jugement, mais aussi des procédures, différents, selon qu’elles sont assorties d’un délai de départ volontaire ou non, selon le motif, ou encore selon l’emploi ou non d’une mesure de coercition pour son exécution (rétention, assignation).

Le nombre formel de procédures ne doit cependant pas faire oublier que, quantitativement et en pratique, le contentieux des étrangers se divise essentiellement en quatre grandes catégories : OQTF, refus de séjour simples, procédures d’urgence (rétention –assignation) et transferts des demandeurs d’asile vers un autre pays de l’UE (règlement de Dublin). Le problème de la complexification vient de ce que chacune de ces catégories est divisée en sous-procédures différentes selon la situation.

Les propositions du Conseil d’État visent à « remplacer la douzaine de procédures actuelles par trois procédures, une ordinaire et deux d’urgence ».

Ainsi, il distingue trois types de procédures, auxquelles sont associés à chaque fois un délai de recours, un délai de jugement, et une procédure de jugement différents. Une présentation synthétique en donnerait le tableau suivant :

Degré d’urgence

Délai de recours

Délai de jugement

et procédure

Décisions concernées

Très urgent

(sans changement)

48 H

96 H - Magistrat désigné (« JU »)

Décisions (OQTF, réadmission, transferts Dublin, demande d’asile) en cas de rétention ;

Refus d’entrée au titre de l’asile

Accéléré

7 jours

Délais actuels :

- assignation : 48H ;

- détenus libérés : 48 H ;

- transferts Dublin : 15 j

- refus des conditions matérielles d’accueil : 2 mois

15 jours - Magistrat désigné (« JU »)

Délais actuels :

- assignation : 96H ou 144H

- détenus : 8 jours ;

- transferts Dublin : 15 jours ;

- refus des conditions matérielles d’accueil : pas de délai.

Assignations à résidence + OQTF, réadmission dans un pays d’UE, transferts Dublin…

OQTF en cas de libération d’un détenu ;

Transferts Dublin ;

Refus du bénéfice des conditions matérielles d’accueil (demandeurs d’asile)

Ordinaire (propre aux éloignements*)

1 mois

(actuel : 30 j ou 15 j)

6 mois

(actuel 6 semaines ou 3 mois)

Formation collégiale

OQTF (avec ou non refus de titre de séjour), interdiction de retour, désignation du pays de renvoi, réadmission en UE…

* Demeureraient régies par la procédure de droit commun applicable devant les TA toutes les autres décisions, comme les refus de séjour (sans OQTF), les refus visas, etc.

_________________________________

Au final, qu’est-ce qui changerait par rapport aux procédures actuelles ? Pas grand-chose…

En fait de réduction du nombre de procédures, nous parlerons plutôt d’un effort de rationalisation et de mise en cohérence entre les trois paramètres : délai de recours / délai de jugement / procédure, ce qui ne peut nuire, et surtout si l’on s’y tient à l’avenir, et si, comme le préconise également le Conseil d’État, ces procédures sont réécrites en ce sens de manière lisible. Mais ces propositions ne modifient rien de fondamental, puisque l’économie générale n’est pas modifiée. Il n’est donc pas tout à fait juste d’évoquer une réduction d’une « douzaine de procédures » à trois.

Les modifications proposées les plus importantes sont :

  • La création d’une procédure de « moyenne urgence » que nous appelons « accélérée », regroupant des procédures éparses méritant un jugement rapide sans nécessiter pour autant un traitement très urgent en l’absence de perspective rapprochée d’éloignement. Cette nouvelle catégorie aboutit dans certains cas à un allongement des délais (assignations à résidence), et dans d’autres à un raccourcissement (Dublins, refus des conditions matérielles d’accueil), sans rien modifier de fondamental.
  • La suppression des OQTF « 6 semaines », pourtant créées il y a cinq ans alors que toute la classe politique se donnait comme priorité un renvoi plus rapide et efficace des déboutés du droit d’asile. Il est vrai que deux ans après leur création par la loi du 7 mars 2016, un rapport parlementaire sur l’application de la loi envisageait déjà de les supprimer, suivant en cela les revendications des syndicats de magistrats administratifs mais aussi les propres conclusions du Gouvernement :

« Comme l’a souligné par exemple le Secrétariat général du Conseil d’État, ces procédures sont les plus insatisfaisantes dans la mesure où les étrangers souvent n’ont pas rencontré leur avocat et ne sont pas présents à l’audience et où le dossier peut se révéler extrêmement maigre si la préfecture n’assure pas non plus de défense. De nombreuses personnalités auditionnées se sont prononcées en faveur de la suppression de cette catégorie particulière d’OQTF. (…) La suppression de l’OQTF « six semaines » irait au demeurant dans le sens des axes de simplification du contentieux avancés par le Syndicat de la juridiction administrative (SJA). (…) » [12]

  • L’allongement du délai de jugement des OQTF à 6 mois, consécutive à la réunification de ce contentieux, et tenant compte d’un délai réellement constaté de 4 mois et demi au lieu de 3 (procédure collégiale).

L’évolution promise en matière procédurale ne se rapprocherait-elle alors pas plus sûrement d’un retour en arrière ? En tout cas, le rapport est critique sur les innovations introduites ces dernières années, que ce soit les OQTF 6 semaines, ou le recours en suspension de l’OQTF dans l’attente de la décision de la CNDA[13].

4. Une « simplification » hésitante et contre-productive ?

S’il est exact que les « OQTF 6 semaines » sont bien une incongruité juridique, consistant à déterminer la procédure contentieuse applicable à partir du motif de la décision (entraînant parfois quelques difficultés en cas de pluralité, d’erreurs ou de contradictions dans les motifs …), et si les magistrats ont ressenti durement l’afflux de ces requêtes tout en ne percevant pas l’intérêt réel d’un jugement accéléré alors que ces décisions ne sont pas davantage mises en exécution, l’abandon pur et simple d’une procédure accélérée en matière d’OQTF « sèches » (i.e. sans demande de titre de séjour initiale) peut néanmoins être regrettée.

La création d’une procédure orale jugée de manière simplifiée en matière d’OQTF était en effet bienvenue. Elle permet de réduire significativement les délais d’instruction et de jugement, en les confiant à un juge unique, qui est maître de son instruction et de son audiencement. Elle a permis également aux étrangers de s’exprimer à l’audience[14] et d’être assistés, non seulement d’un avocat commis d’office[15], mais aussi d’un interprète, ce qui n’est pas le cas dans la procédure ordinaire devant les juridictions administratives. Bien entendu, ces procédures ne doivent pas alourdir de manière irraisonnée la charge de travail des magistrats – et c’est la principale raison pour laquelle ceux-ci ont mal vécu cette réforme et s’y sont opposés par la voie de leurs syndicats.

Même si elles sont motivées par une louable volonté de rationalisation et de réalisme, les propositions du Conseil d’État au sujet de la simplification des procédures de jugement s’avèrent donc en fait inspirées par l’acceptation du fait accompli.

5. Vers une timide limitation des demandes de régularisation

Le Conseil d’État rappelle qu’« il n’est pas rare qu’un étranger demande d’abord l’asile, puis le réexamen de sa demande si elle est rejetée par l’OFPRA et la CNDA, avant de solliciter un titre de séjour en raison de son état de santé, puis de le faire à nouveau en se prévalant de sa vie privée et familiale, avant de demander son admission exceptionnelle au séjour », utilisant en cela toutes les possibilités du droit de la « régularisation ». Cette situation s’explique selon la Haute assemblée, par le fait que l’administration n’examine une demande que sur le seul fondement présenté par l’étranger[16], et « ce n’est ainsi qu’après plusieurs demandes de titre de séjour que, sous réserve de changements de circonstances, l’administration pourra estimer avoir examiné complètement la situation de l’étranger au regard du droit au séjour. »

Il y a bien les « décisions purement confirmatives », dont la contestation n’est traditionnellement pas recevable, mais il faut pour cela 1°) que la première décision de refus de séjour soit devenue définitive et que cette information figure au dossier, 2°) que cette décision ait été prise sur le même fondement de demande (même objet), 3°) que l’étranger ne se prévale pas de nouveaux éléments dans sa situation (mêmes faits). Ce cas de figure ne se présente donc que très rarement devant les tribunaux.

Pour mettre fin à ces demandes successives qui s’étalent dans le temps, et rendent au final vaine toute procédure d’éloignement, le Conseil d’État imagine une réforme consistant à supprimer la doctrine du « fondement de la demande »[17] : l’administration aurait alors l’obligation d’examiner la situation de l’étranger au regard de l’ensemble des motifs d’attribution d’un titre de séjour. La conséquence en serait « logiquement » que l’étranger ne puisse ensuite se prévaloir, après un refus de titre de séjour ainsi examiné « exhaustivement », que d’« éléments nouveaux » », c’est‐à‐dire « postérieurs à ceux sur lesquels il a déjà été statué ».

Mais l’application de cette réforme suppose plusieurs conditions pour sa mise en œuvre et contient en elle-même sa propre limite :

  • Pour que l’examen exhaustif soit effectif, l’étranger devra être informé de son obligation de fournir à l’appui de sa demande « l’ensemble des éléments permettant à l’administration d’apprécier sa situation au regard du droit au séjour », et des conséquences. De nouvelles obligations procédurales sont donc à prévoir, qui constitueront autant de « nids à annulation » ou en tout cas de voies de contournement de ce dispositif. Si le rapport cite en exemple la loi du 10 septembre 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » qui prévoit que le préfet peut désormais imposer un délai aux demandeurs d’asile pour présenter une demande d’admission au séjour sur un autre fondement[18], cette possibilité est subordonnée à la délivrance d’une information préalable à l’étranger, qui n’est jamais réalisée en pratique[19]. Cette disposition reste donc lettre morte, et en tous les cas n’a pas produit d’effets sur le nombre de demandes émanant de ces étrangers. En outre, qu’en serait-il des nouvelles demandes, très fréquentes, présentées par les déboutés de l’asile sur le fondement de leur état de santé ? Preuve en est donc qu’il y a souvent loin de l’intention législative à la réalité, surtout en matière de droit des étrangers.
  • Le Conseil d’État ne s’engage pas sur la voie d’un refus définitif pur et simple, mais continue de réserver le cas du « changement dans les circonstances ».

Il imagine ainsi un dispositif assez complexe, dans lequel en vérité tout est déjà prévu pour qu’il demeure sans effet :

« En somme, l’étranger qui présente une nouvelle demande de titre de séjour, consécutive à un premier rejet adopté au terme d’un examen exhaustif de sa situation, ne pourrait en principe se prévaloir, à l’appui de sa demande, que d’éléments et de faits nouveaux. Par exception, s’il se prévaut d’éléments qui ne sont pas nouveaux mais qui sont susceptibles de faire obstacle à son éloignement, l’administration pourrait tenir compte, s’il y a lieu, dans l’appréciation de ces éléments, de la circonstance que l’étranger ne les avait pas présentés à l’appui de sa précédente demande et des motifs de cette omission. »

Mais ces étrangers pourront, même après la réforme proposée par le Conseil d’État, continuer de prétendre à une régularisation, soit qu’un vice de procédure ait inactivé les freins prévus dans cette proposition, soit que les faits « non nouveaux » invoqués puissent quand même être pris en compte (au prix de ces raisonnements byzantins dont le Conseil a le secret !), soit que le simple écoulement du temps depuis sa dernière demande puisse leur fournir de nouveaux motifs pour présenter une nouvelle demande. Sa proposition ne vise donc qu’à supprimer, au titre des « décisions purement confirmatives » la condition de l’objet de la demande, mais pas les changements de circonstances, ni le caractère définitif de la précédente décision.

Par ailleurs, il faut se placer au niveau des acteurs de la procédure pour se rendre compte des implications concrètes. Un agent de préfecture (a fortiori une plateforme internet) recevant les demandes ne sera pas en mesure d’apprécier seul et immédiatement si la demande contient des éléments nouveaux ou non, ou s’ils sont nouveaux, s’ils ne pouvaient être présentés précédemment par l’étranger. Les nouvelles demandes seront donc enregistrées, et devront être traitées, comme actuellement. Cette réforme n’apportera donc aucune amélioration à la situation des préfectures, extrêmement sollicitées par ces demandes de régularisation, ni, par suite, à la situation des tribunaux administratifs, qui se trouveront à juger en outre de nouvelles questions de droit (et qui n’en demandaient pas tant…).

6. Pas de remise en cause des pouvoirs du juge

Cette position prudente rejoint celle que le rapport adopte en faveur du maintien de l’examen de ce contentieux en « excès de pouvoir » et refusant le passage en « plein contentieux ». On peut pourtant affirmer que l’excès de pouvoir n’est pas du tout adapté au contentieux des étrangers aujourd’hui.

Il n’est pas question ici d’entrer dans les détails des techniques contentieuses administratives, mais pour résumer, dans le premier, le juge examine la légalité d’une décision, alors que dans le second, il s’attache surtout à la situation, à la date à laquelle il statue, et ses pouvoirs lui permettent mieux de « vider le litige » sans s’arrêter à la question de la légalité de la décision prise par l’administration. Notamment les vices de forme sont souvent sans incidence. Dans cette seconde conception, il serait permis de régler définitivement les situations des requérants, dès lors que tous les motifs dont pourrait se prévaloir l’étranger devant le juge pourraient utilement être discutés devant lui, évitant les allers-retours avec l’administration produisant des décisions successives se télescopant, de même que pourrait être prise en compte la non-exécution d’une précédente OQTF, ou encore l’existence de décisions prises par d’autres préfets de département. Aujourd’hui, le droit administratif des étrangers est ainsi fait que chaque décision est jugée indépendamment de l’autre, dans un maelstrom sans fin.

En réponse aux critiques adressées au recours pour excès de pouvoir, le rapport envisage seulement d’inviter les juges de première instance à faire un usage moins « mesuré » de leurs pouvoirs d’injonction[20] pour ordonner la délivrance de titres de séjour, ou à « tenir compte de changements de circonstances intervenues postérieurement à la décision attaquée » pour faire obstacle à son exécution – pouvoirs envisagés donc uniquement au bénéfice de l’étranger qui obtient l’annulation de la décision.

À aucun moment n’est envisagée l’éventualité de donner aux obligations de quitter le territoire français leur véritable effet attendu.

Dans l’état actuel du droit, il est en effet impossible au juge de tirer les conséquences d’une OQTF antérieure sur une nouvelle demande de titre de séjour postérieure (ou parallèle). De plus, leur caractère exécutoire est limité à un an.

Les propositions du Conseil d’État ne modifieront pas l’état du droit en la matière. Il reste dès lors excessivement prudent dans ses propositions, sans avoir sérieusement évalué les conséquences potentiellement néfastes de celles-ci, et en continuant de sanctuariser le « droit à régularisation » des immigrés illégaux, qu’il a lui-même fondé.

Si la réforme de ce droit dépasse sans doute aujourd’hui le rôle conféré au Conseil d’État – alors même qu’il a lui-même fortement contribuer à le façonner en ce sens -, il eût été intéressant qu’il préconise à l’autorité politique de légiférer pour poser les garde-fous nécessaires (ce que l’on peut peut-être comprendre entre les lignes…).

7. Régularisations : un refus d’aborder des « questions qui fâchent » ?

Un quart des affaires enregistrées dans les tribunaux administratifs en 2019 sous la catégorie « étrangers » concernent des OQTF assorties d’un refus de titre de séjour. Ces décisions, auxquelles il conviendrait d’ajouter toutes les affaires correspondant à cette sorte de tourisme administratif dû aux « décisions itératives » prises au fil du temps pour le même étranger, concernent presque exclusivement des étrangers illégaux ayant sollicité leur « régularisation ». Avec le détournement du droit d’asile, la régularisation est le cœur du problème du traitement administratif de la question migratoire.

Au titre de « l’admission exceptionnelle au séjour », pour motifs économique ou privé/familial, le ministère de l’intérieur précise que 32 151 premiers titres ont été délivrés en 2019, ce qui représente 11 % du total des premiers titres délivrés. Mais il conviendrait d’y ajouter les cartes délivrées aux étrangers malades (4949) et aux parents de Français (8509) qui sont souvent irréguliers, ce qui élève le total à potentiellement 45 609 régularisations par an, soit 16 % du total des premiers titres délivrés, et 30 % des titres délivrés hors motifs économique ou d’études.

Après avoir intégré, au début des années 1990, l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le droit interne[21], le Conseil d’État a, par plusieurs décisions de principe, affirmé le droit pour l’étranger en situation irrégulière de voir sa situation régularisée, tout en neutralisant l’application des textes, traduisant alors un mouvement franc de transformation d’un État de droit à un État des droits[22]. Il est vrai que l’air du temps, qui était aux manifestions de sans-papiers, l’y invitait[23].

Ainsi, dès 1991, il a jugé qu’un préfet « n'est pas tenu de rejeter la demande de carte de séjour d'un étranger en situation irrégulière »[24] . Il l’a réaffirmé ensuite en indiquant, de manière générale, que les textes régissant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers « ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit sauf lorsque les textes l'interdisent expressément ; que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions non remplies, l'opportunité d'une mesure de régularisation »[25]. Ainsi notamment, l’absence de visa ne fait plus obstacle à la délivrance du titre de séjour, alors même qu’il s’agit d’une des pré-conditions essentielles qui était fixée par la loi.

Il est intéressant de relever que, sous l’angle de l’« erreur manifeste d'appréciation » promise à un grand avenir, le juge suprême administratif a de fait contourné lui-même le principe du « fondement de la demande », en affirmant que tout autre fondement peut être examiné par l’autorité préfectorale… s’il sert mieux les intérêts de l’étranger. Le refus d’examiner cette possibilité est d’ailleurs sanctionné de l’erreur de droit.

Ces décisions du Conseil ont en même temps affirmé la légalité des mesures de régularisation sous réserve de l’absence de dispositions expresses contraires (renversant curieusement le principe en cette matière de police administrative). Il range les régularisations dans la catégorie des « mesures de faveur au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit »[26]. Il a aussi jugé que « l'exercice des droits et libertés dont peuvent jouir les étrangers sur le territoire français est subordonné à la régularité de leur entrée et de leur séjour au regard des lois et règlements et des conventions internationales applicables », et qu’ainsi le rejet d’une demande de titre de séjour formée par un étranger en situation irrégulière ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale[27]. Affirmation qui contredit sévèrement les revendications des associations de soutien aux étrangers qui s’activent à les encourager sans cesse à de multiples démarches pour leur régularisation et leur maintien sur le territoire…

Alors, pourquoi le contentieux des étrangers est-il néanmoins devenu « l’empire de la régularisation »[28] ?

Certes les régularisations étaient pratiquées depuis longtemps par voie de circulaires notamment en 1981, en 1997, et en 2012, à chaque arrivée de la gauche au pouvoir[29]. Autre chose est d’asseoir juridiquement cette pratique en lui conférant un fondement. Malgré tout, le Conseil d’État a constamment refusé de reconnaître à celles-ci une valeur réglementaire[30]. On est donc dans un paradoxe où le pouvoir politique en place peut ouvrir largement le droit de régularisation par des instructions, sans que cela fasse l’objet d’un débat parlementaire, ni a fortiori avec les Français, mais où les étrangers concernés ne peuvent pas davantage contester ou se prévaloir de ces instructions devant le juge[31]

En même temps, et c’est là le paradoxe et la confusion, les régularisations ont été institutionnalisées par la loi, notamment avec la création des cartes de séjour pour « liens personnels et familiaux » et « étrangers malades » par la loi Chevènement du 11 mai 1998, puis celle pour motifs « exceptionnels » ou « humanitaires » instituée par la loi Sarkozy du 24 juillet 2006. Le législateur a été jusqu’à affirmer certaines de ces régularisations comme étant « de plein droit », ce qui ne veut rien dire, puisque l’examen auquel elles donnent lieu est nécessairement celui de l’exception et du pouvoir discrétionnaire de l’administration, et même lorsque le respect de l’article 8 est en jeu, l’absence de critères réellement objectifs rend ce pouvoir, et le contentieux qui le suit, éminemment subjectifs. Le droit de la régularisation est un droit sans contenu.

Or, si le Conseil d’État, comme le Conseil constitutionnel, ont rappelé qu’il appartient au législateur de fixer les règles d’entrées et de séjour des étrangers, les lois n’ont fait jusqu’à présent qu’institutionnaliser toujours plus de droits à régularisation, sans (presque) jamais chercher à les contrer ou à les restreindre au strict minimum dans un objectif de lutte contre l’immigration illégale.

8. Toute réforme sérieuse du droit des étrangers doit passer par une reprise en main par le pouvoir légiférant

Hormis la régularisation pour longue durée de présence (ayant existé de 1989 à 2006), tous les cas de régularisation institués au fil des lois n’ont jamais été remis en cause par les majorités successives, mais au mieux encadrés un peu plus[32]. Longue est désormais la liste des cas dérogatoires aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers[33], à tel point que l’on pourrait avoir l’impression que cette voie supplante l’immigration légale (regroupement familial et conjoints de Français, salariés autorisés, étudiants). Ce n’est toutefois statistiquement pas le cas, puisque c’est bien le regroupement familial autorisé et les étudiants qui constituent encore le plus gros de l’immigration aujourd’hui. Sur 270 494 admissions au séjour autorisées en 2019, 126 407 concernaient des visas de long séjour-titres de séjour (VLS-TS), qui concernent le plus souvent les étudiants et les membres de famille d’étrangers réguliers, tandis que les régularisations concernent environ 35 000 étrangers chaque année[34].

L’existence de voies de contournement légalisées des règles et le maintien en situation irrégulière sur le territoire d’un grand nombre d’étrangers constituent cependant bien un sujet de préoccupation pour la maîtrise des flux d’immigration. La cause n’est pas à rechercher dans le nombre d’annulations prononcées par le juge sur ce fondement, qui demeurent excessivement rares. Il est dans l’espoir nourri par les intéressés, dans le signal qui leur est donné qu’avec un peu de persévérance, ils obtiendront un droit de séjour en France, lequel deviendra automatiquement, un beau jour et par application des règles, un droit permanent.

Avant même d’envisager une remise en cause des régularisations, il conviendrait d’envisager que tout étranger ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français non exécutée ne puisse voir sa situation régularisée par la suite, ni même sa demande examinée quel que soit son fondement. Il faut opposer des fins de non-recevoir à de telles démarches dilatoires, sans égard pour la question de savoir si l’étranger concerné a eu, aurait pu, ou aura un jour un motif quelconque d’obtenir un droit au séjour en France. S’il est entré illégalement, s’est prévalu frauduleusement du droit d’asile pour ce faire, ou s’est maintenu illégalement après l’expiration de son visa, la France ne doit en aucun cas accepter le « fait accompli ». Les motifs dont l’étranger peut se prévaloir doivent être examinés une fois pour toutes lors du jugement de son OQTF. Les seuls changements dans la situation de l’étranger pouvant être admis par la voie de la régularisation résulteraient d’un mariage avec un Français ou de la naissance d’un enfant Français. Si le maintien d’un pouvoir discrétionnaire des préfets doit être envisagé, il devrait être limité au strict minimum dans la logique des quotas (selon, par exemple, un taux fixé par rapport au quota d’immigration légale et adapté à la situation locale). Cette mesure pourrait alors être associée à des mesures de désincitation économique au maintien illégal sur le territoire (sanctions administratives, taxations, suppression des droits sociaux…).

L’administration doit aussi rendre des comptes sur l’exécution des décisions prises. Exercice difficile, il est vrai, dans un contexte de harcèlement politique et militant en faveur des droits des immigrés[35].

Telles sont les orientations qui permettraient à notre avis une réelle amélioration de la situation des tribunaux administratifs et des préfectures. On dira que ce serait seulement cacher une réalité dont on ne voudra s’occuper. Nous soulignons qu’une position cohérente vaut toujours mieux que l’acceptation d’une situation où des dizaines de milliers de décisions d’éloignement ne sont pas exécutées chaque année.

Ces mesures nécessiteraient une véritable volonté politique de lutte contre l’immigration illégale. Pour cela, la voie du référendum est de plus en plus mise en avant par la classe politique dans le contexte de la campagne présidentielle. L’appel au peuple en tant que « juge de paix » paraît effectivement s’imposer. Encore faut-il savoir sur quel contenu lui demander de se prononcer.

  1. Le contenu de cette tribune n’engage que son auteur.

  2. 40,8 %

  3. Il conviendrait cependant d’isoler la hausse du contentieux des étrangers par rapport au reste au lieu de la comparer à la hausse générale (à laquelle contribue le contentieux des étrangers).

  4. Seuls sont évoqués les efforts consentis sur les effectifs des services préfectoraux en la matière, qui auraient augmenté de 56 % sur les dix dernières années (p. 12).

  5. Le contentieux administratif est traditionnellement écrit et les débats sont clos avant l’audience.

  6. Les demandes d’asile se sont élevées en 2018 à 123 332, ce qui représente une évolution de + 247 % depuis 2007.

  7. Sur 103852 OQTF prononcées en 2018, les statistiques du Conseil d’État indiquent un nombre de requêtes concernant cette même catégorie de 43445 soit un taux de recours de 42 %.

  8. Si les délais de jugement des OQTF sont de 4 mois et demi en moyenne, il n’est pas anodin de souligner que pour les autres justiciables, le délai de jugement constaté est de 20 mois (hors procédures d’urgence et à délais particuliers, et hors ordonnances). Source : Conseil d’État, rapport d’activité des juridictions administratives 2019. Il n’est en effet pas possible de traiter dans des délais raisonnables le reste des requêtes de contentieux général quand les affaires urgentes représentent 30 à 40 % de l’ensemble.

  9. Ainsi les préfectures et les juges sont-ils souvent confrontés à des fraudes à l’état civil de la part d’étrangers prétendant être entrés mineurs sur le territoire, à la question de la fraude au mariage ou à la reconnaissance de paternité d’enfants français, ou encore (contentieux devenu obsolète) aux pièces contrefaites des dossiers pour dix ans de présence.

  10. Juge des libertés et de la détention, qui autorise le maintien en rétention à la demande de l’administration au bout de 48H, puis de 30 jours, et jusqu’à 45 jours au total.

  11. Le CE se base sur sa jurisprudence du 1er juillet 2015 (Min. Intérieur c/ M. Sunbul, n° 386288), mais le ministère a modifié les textes ultérieurement par le décret n° 2015-1298 du 16 octobre 2015, pour faire face à la difficulté de communication au préfet de la notification des décisions de l’OFPRA ou de la CNDA grâce à la preuve informatique : « La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. » Ainsi ce problème n’existe plus aujourd’hui grâce à la communication dans l’instance des « fiches Télémofpra » (ex : CAA de Paris n° 21PA00947). Ces dispositions sont aujourd’hui reprises aux articles R. 531-19 et R. 532-57 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

  12. Rapport d’information n° 669 sur l’application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, J-M. Clément et G. Larrivé, Assemblée Nationale 15 février 2018, p. 46.

  13. Recours créé pour les déboutés de l’asile en procédure accélérée, du fait de la jurisprudence de la CJUE interdisant aux Etats de renvoyer dans leur pays ces étrangers avant qu’il n’ait été statué définitivement sur leur demande. Il induit un énième examen par le juge de droit commun sur la demande d’asile alors qu’un recours est pendant devant la CNDA et que le juge de droit commun n’a pas les moyens de cet examen… En pratique, ces recours (associés aux recours contre l’OQTF) sont très peu argumentés.

  14. Même si l’intérêt des observations des requérants est souvent pauvre pour le débat juridique (« je souhaite rester en France »). Ce débat peut porter plus utilement sur des éclaircissements factuels, ou permet de mieux apprécier la sincérité des déclarations.

  15. Les étrangers sont dans toutes les procédures déjà quasi-systématiquement assistés d’un avocat, très souvent payé par l’aide juridictionnelle d’Etat.

  16. Le requérant ne peut ainsi se prévaloir d’un autre motif d’admission au séjour devant le juge.

  17. C’est bien une création jurisprudentielle : CE, avis du 28 novembre 2007, Mme Zhu, n° 307036.

  18. Art. L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile  (ou L. 311-6 ancien) : « Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. »

  19. Ou les préfectures n’opposent que rarement un tel motif de refus.

  20. Cet usage « mesuré » ne se vérifiant pourtant pas en pratique… L’annulation de la décision pour un motif de fond conduit le plus souvent le juge à ordonner la délivrance du titre.

  21. Dans un sens beaucoup plus permissif que la jurisprudence de la CEDH n’y invitait elle-même.

  22. Guillaume Larrivé, La Révolution inachevée, Ed. de l’Observatoire, 2021.

  23. Maxime Tandonnet, Immigration Sortir du chaos, Flammarion, 2006.

  24. CE, Diop, 07/10/1991, n° 100639.

  25. CE, Melle Aïdara, 16/10/1998, n° 147141 ; v. aussi; CE, Min. Intérieur C/ M. Ndong, 06/12/2013, n° 362324.

  26. CE, Min Intérieur c. M. Cortes Ortiz, 4 février 2015, n° 383267.

  27. CE, Juge de référés, Préfet de l’Hérault c. M. Hajjaj, 5 mars 2001, n° 230873.

  28. Michel Bouleau, « La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 « relative au droit des étrangers en France » ou les illusions du législateur », Recueil Dalloz 2016 p. 1720.

  29. Notamment circulaires du 24 juin 1997, et circulaire « Valls » du 28 novembre 2012.

  30. Sur la circulaire Valls : CE, Min Intérieur c. M. Cortes Ortiz, préc.

  31. La dernière circulaire du 28 novembre 2012, toujours en vigueur, invite les préfets à régulariser notamment les étrangers vivant depuis 5 ans en France et ayant un enfant scolarisé depuis 3 ans, les conjoints d’étrangers en situation régulière, ou encore les étrangers présents depuis 3 ans et ayant travaillé au moins 8 mois sur les 24 derniers mois et rémunérés seulement à mi-temps. De tels critères sont bien en deçà des critères pris en compte au titre de l’article 8 CEDH, voire de la loi.

  32. Par exemple en imposant six mois de vie commune aux conjoints de Français, ou des « conditions d’existence » suffisantes et la « connaissance des valeurs de la République » pour l’attribution de la carte « liens personnels et familiaux ». Mais ces conditions sont au mieux formelles (signature « contrat d’accueil et d’intégration »), au pire désactivées par le fondement même de l’examen de ces demandes qui s’attache au droit au respect de la vie privée et familiale.

  33. Les régularisations correspondent à des titres de séjour délivrés sans visa préalable. Aujourd’hui ces catégories sont : les liens personnels et familiaux, parents d’enfants français, motifs exceptionnels ou humanitaires, étranger malade, ancien mineur pris en charge par l’ASE, étranger entré mineur avant l’âge de 13 ans, étranger né en France, bénévoles des associations caritatives, victimes de violences conjugales ou du proxénétisme.

  34. Source : Ministère de l’intérieur.

  35. Exemple : « Ce mardi 26 octobre, 33 maires de la métropole rennaise ont signé une tribune où ils demandent à l’État d’assumer ses responsabilités en matière d’hébergement et de régularisation des personnes exilées », Ouest France 26 octobre 2021. Mais aussi de nombreux exemples de « mobilisations locales » nous sont donnés par la presse quotidienne régionale, y compris après que le juge se soit prononcé.